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04/02/2000 | FRANCE | N°1998/15711

France | France, Cour d'appel de Paris, 04 février 2000, 1998/15711


COUR D'APPEL DE PARIS 16ème chambre, section B ARRET DU 4 FEVRIER 2000

(N , 15 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1998/15711 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 03/04/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Chambre des Loyers Commerciaux) RG n : 1994/28888 Date ordonnance de clôture : 18 Novembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :

INFIRMATION PARTIELLE APPELANTE : S.A. AXA GLOBAL RISKS aux droits d'AXA ASSURANCES IARD prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... - 92800

LA DEFENSE représentée par Maître BAUFUME, avoué assistée de Maître PHILIPPE ...

COUR D'APPEL DE PARIS 16ème chambre, section B ARRET DU 4 FEVRIER 2000

(N , 15 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1998/15711 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 03/04/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Chambre des Loyers Commerciaux) RG n : 1994/28888 Date ordonnance de clôture : 18 Novembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :

INFIRMATION PARTIELLE APPELANTE : S.A. AXA GLOBAL RISKS aux droits d'AXA ASSURANCES IARD prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... - 92800 LA DEFENSE représentée par Maître BAUFUME, avoué assistée de Maître PHILIPPE Y..., Toque R054, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A. GALERIE MAISON ET JARDIN prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... représentée par la SCP TEYTAUD, avoué assistée de Maître MARIE-LAURENCE A..., Toque R203, Avocat au Barreau de PARIS, du Cabinet Bruno BOCCARA etamp; Associés COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré PRESIDENT :

A.F. PASCAL CONSEILLER :

C. LE BAIL CONSEILLER :

M. PROVOST-LOPIN X... : A l'audience publique du 16 décembre 1999 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt M.F. MEGNIEN ARRET : Contradictoire Prononcé publiquement, par C. LE BAIL, Conseiller le plus ancien en l'empêchement du Président, laquelle a signé la minute avec M.F. MEGNIEN, Greffier.

*****************

Et après avoir entendu Madame le Conseiller PROVOST-LOPIN en son rapport oral.

Le 20 juin 1983, la société AGF aux droits de laquelle se trouve la

société AXA GLOBAL RISKS a loué en renouvellement à la société SINGER des locaux commerciaux à usage de commerce de vente de machines à coudre et accessoires, articles ménagers et matériels radio-électriques dépendant d'un immeuble situé ... pour 9 ans à compter du 1er janvier 1983 et moyennant un loyer annuel de 60.682,35 francs.

Le 15 mai 1984, la société SINGER a consenti à la société MAISON ET JARDIN une promesse de cession du droit au bail sous conditions suspensives suivantes : * obtention dans le délai de deux semaines pour la société SINGER de l'accord des A G F de la cession de droit au bail au profit de la société MAISON ET JARDIN avec le droit d'exercer dans les locaux un nouveau commerce d'articles de luxe pour la maison * signature avec le propriétaire des biens et droits immobiliers ci-dessus désignés d'un nouveau bail moyennant un loyer annuel de 121.000 francs au plus tard le 30 juin 1994 * autorisation par les A G F de créer une ouverture entre les boutiques situées ... et suppression d'un des poteaux de la devanture et du milieu de la boutique ..., réfection totale de la devanture.

Le 30 mai 1994, les A G F ont autorisé par écrit les travaux sollicités par la société MAISON ET JARDIN ;

Le 14 juin 1984, la cession a été régularisée devant notaire.

Par acte du même jour, la société A G F a consenti à la société MAISON ET JARDIN un bail de 9 ans à compter du 1er juillet 1984 moyennant un loyer annuel de 120.000 francs.

Le 28 décembre 1992, la société A G F a délivré congé à la société locataire lui offrant le renouvellement du bail au 1er juillet 1993 moyennant un loyer annuel en principal de 305.000 francs.

Les parties n'étant pas parvenues à s'accorder sur le prix du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 24 mars 1995, a désigné Mme MORIZET Z... en qualité d'expert et fixé le loyer provisionnel à la somme de 155.505 francs par an.

Au vu du rapport d'expertise et des écritures des parties, la chambre des baux commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 3 avril 1998, pris aux motifs essentiels d'une part que les travaux entrepris dans les lieux loués par la société locataire au cours du bail expiré ont constitué des modifications des caractéristiques des locaux et des améliorations mais que la preuve n'était pas rapportée que ces travaux avaient été financés directement ou indirectement par la bailleresse et d'autre part qu'aucune modification des facteurs locaux de commercialité n'était intervenue au cours du bail échu, a fait application des règles du plafonnement et : * fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 155.505 francs par an en principal à compter du 1er juillet 1993, * fait masse des dépens en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront supportés par moitié entre les parties.

La société AXA GLOBAL RISKS conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de : + dire que le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 1993 doit être fixé à la valeur locative compte tenu des modifications notables des éléments mentionnés aux articles 23-1, 23-3 alinéas 1, 2, 3 et 23-4 du décret du 30 septembre 1953, + fixer

le loyer annuel à la somme de 371.750 francs en principal, + dire que les intérêts au taux légal seront dus sur les arriérés de loyers à compter du 1er juillet 1993 et que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, + condamner la société MAISON ET JARDIN, outre aux dépens, au paiement d'une indemnité de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle conclut au déplafonnement du loyer à raison des modifications des caractéristiques propres des lieux loués, des améliorations et de l'évolution des facteurs locaux de commercialité.

Rappelant la genèse des conventions, elle fait observer que l'autorisation de travaux constituait l'une des conditions suspensives de la promesse de cession de bail et qu'elle a été donnée avant la signature de l'acte de vente.

Elle ajoute que cette autorisation est antérieure au bail conclu le 14 juin 1984 et souligne que la clause 6 de la convention locative fait interdiction au preneur de modifier la distribution des lieux ou de procéder à aucun changement ou percement de mur, cloison, planche ni pose de store ni construction nouvelle sans le consentement exprès et par écrit du bailleur.

Elle déclare que l'autorisation de travaux est étrangère au bail de 1984 et que le fait que le loyer ait été porté à 121.000 francs, à un prix bien inférieur à la valeur locative de l'époque, a été la contrepartie financière de l'acceptation par le bailleur de la cession et du changement de destination.

Se référant aux conclusions de l'expert, elle indique que la société locataire a réalisé dans les lieux des travaux constituant d'une part des améliorations au sens de l'article 23-3 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953 et d'autre part des modifications des caractéristiques des lieux au sens de l'article 23-1 notamment ceux relatifs à la création d'une baie permettant la communication entre les locaux en cause et ceux contigus appartenant à un tiers et exploités conjointement par la société locataire.

A ce stade de l'argumentation, elle envisage les deux hypothèses suivantes :

Suggérant l'application combinée des articles 23-1 et 23-3 alinéa 2, elle prétend que le fait générateur du déplafonnement est l'autorisation de travaux dans la mesure où, sans cette autorisation, ces travaux n'auraient pas été entrepris. Elle invoque à l'appui de ces allégations la clause 6 du bail du 14 juin 1984 qui interdit au preneur toute modification de la distribution des lieux sans autorisation. Elle conclut que l'autorisation ayant été donnée au cours du bail précédant le bail expiré, le déplafonnement immédiat est justifié.

Elle ajoute que si la cour devait retenir la réalisation matérielle des travaux comme fait générateur du déplafonnement, elle est fondée à solliciter l'application de l'article 23-3 alinéa 2 dès lors qu'elle a accepté de financer les travaux en acceptant de percevoir un loyer réduit de moitié.

À cet égard, elle s'oppose à l'argumentation de la société locataire fondée sur la décapitalisation du prix de cession. Elle précise que

ce prix a été perçu par le cédant et s'analyse non comme un complément virtuel de loyer mais comme un droit à la propriété commerciale à un emplacement particulièrement favorable où la société locataire disposait déjà de deux boutiques contiguùs ; elle ajoute que le droit au bail acquis par la société MAISON ET JARDIN répond plus à un objectif d'implantation de cette société rue du Faubourg Saint Honoré qu'à l'acquisition d'un loyer bon marché.

Invoquant ensuite l'application dissociée des articles 23-1 et 23-3 alinéa 2, elle indique que la date de réalisation des travaux est seule à prendre en considération dans la mesure où pour ceux relevant de l'article 23-3, le bailleur a accepté d'en supporter indirectement la charge en supportant un loyer réduit et pour ceux relevant de l'article 23-1, la réunion des deux boutiques constituent une modification des caractéristiques des locaux loués. Elle conclut au déplafonnement immédiat.

Se prévalant par ailleurs de l'application de l'article 23-3 alinéas 1 et 3, elle déclare que l'autorisation de percement constitue soit une modification des obligations respectives des parties soit un alourdissement des obligations pesant sur le bailleur.

Elle relève qu'en autorisant la réunion des deux boutiques ..., elle s'est engagée le cas échéant à supporter une indemnité d'éviction dont l'assiette sera beaucoup plus large et le coût plus élevé.

Elle indique par ailleurs que les conditions de l'article 23-3 alinéa

3 sont réunies dès lors que les travaux, conséquence de l'autorisation, ont été exécutés depuis la dernière fixation du loyer intervenue lors de la conclusion du bail du 14 juin 1984.

Elle fait observer que le paiement de l'indemnité d'éviction est une obligation qui découle de la loi.

De ces développements, elle tire la conclusion que quelles que soient les hypothèses envisagées, le plafonnement doit être écarté.

Elle conclut dans le même sens s'agissant de la modification des facteurs locaux de commercialité.

Reprochant à l'expert d'avoir limité le périmètre à un secteur défini de la rue du Faubourg Saint Honoré entre la place Beauveau et la place Saint Philippe du Roule soit à 250 mètres des lieux loués, elle considère que l'article 23-4 ne limite pas l'appréciation des facteurs locaux de commercialité au changement constaté dans le seul quartier de la société locataire.

Elle se fonde sur l'évolution notable de la commercialité de la rue du Faubourg Saint Honoré au cours du bail expiré.

Enfin, évoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, elle rappelle que si chacune des modifications alléguées ne peut constituer à elle seule une modification notable, l'ensemble de ces modifications intervenues au cours du bail expiré caractérise une modification notable justifiant le déplafonnement.

Se rapportant aux conclusions de l'expert, elle sollicite la fixation

de la valeur locative à 5.000 francs le m annuel soit 74,35 m B x 5.000 francs = 371.750 francs par an.

La société MAISON ET JARDIN conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour à titre subsidiaire, au cas où le déplafonnement serait retenu de : + lui donner acte de ce qu'elle renonce au bénéfice de l'article 23-3 alinéa 2 du décret dans des conditions permettant de prendre en compte tous les travaux qu'elle a réalisés au cours du bail expiré dès le présent renouvellement, + dire qu'en toute hypothèse, la valeur locative ne peut excéder 4.000 francs le m soit la somme de 282.000 francs par an, + condamner la société AXA GLOBAL RISKS, outre aux dépens, au paiement d'une indemnité de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle invoque à titre principal l'irrecevabilité du moyen tiré du déplafonnement dès lors que lors de la conclusion du bail du 14 juin 1984, le loyer a été fixé en fonction de la nouvelle configuration des locaux d'ores et déjà contractuellement identifiés.

Elle précise à cet égard que le prix du bail, qui représentait le double du dernier loyer renouvelé, a été négocié en considération de l'agrément de la cession, de la conclusion d'un nouveau bail avec changement d'activité et de l'autorisation de travaux et qu'il a intégré la modification physique des locaux connue des parties et convenue contractuellement entre elles.

Elle conclut à titre subsidiaire au plafonnement dans la mesure où les travaux s'ils pouvaient être invoqués, ne pourraient permettre le

déplafonnement lors du présent renouvellement.

Elle indique que l'autorisation de travaux, à supposer qu'elle constitue un motif de déplafonnement, ce qu'elle conteste, ne pourrait être invoquée par la bailleresse dès lors qu'elle a été donnée au cours du bail précédant le bail expiré.

Ajoutant que l'article 23-3 alinéa 2 suppose que les travaux aient été matériellement exécutés pour qu'il y ait accession, elle en conclut que l'autorisation de travaux ne peut constituer le fait générateur du déplafonnement.

Elle conteste le fait que la bailleresse ait financé même indirectement les travaux.

Procédant à un calcul tendant à la décapitalisation du prix de cession, elle affirme qu'en 1984, le loyer, dont le montant a été doublé, a été fixé au prix du marché.

Elle conclut que les travaux qu'elle a réalisés dans les lieux au cours du bail expiré et financés ne peuvent être pris en compte avant le prochain renouvellement en application de l'article 23-3 alinéa 2. Elle s'oppose à la distinction opérée par la bailleresse entre les travaux relevant de l'article 23-1 et les travaux d'amélioration relevant de 23-3 alinéa 2 qu'elle estime artificielle dans la mesure

où selon elle, tous travaux d'amélioration réalisés par le locataire à ses frais constituent des modifications des caractéristiques des locaux. Elle conclut à l'application combinée des articles 23-1 et 23-3 alinéa 2.

Tout en relevant la division jurisprudentielle sur cette question, elle pose comme principe que les améliorations de l'article 23-3 alinéa 2 ne sont qu'une variété des modifications des caractéristiques physiques des locaux.

Elle définit les améliorations comme étant toutes modifications susceptibles d'entraîner une majoration de la valeur locative sans distinction de la nature des travaux réalisés à l'exception des travaux d'agencement et de décoration qui n'entrent ni dans le cadre de 23-1 ni dans 23-3.

Elle estime que les travaux de communication entre deux locaux constituent une amélioration entraînant une modification des caractéristiques physiques des locaux. Elle en déduit que cette amélioration, si elle est réalisée par le preneur à ses frais, ne peut entraîner le déplafonnement qu'à l'occasion du second renouvellement par application de 23-3 alinéa 2.

Elle soutient en tout état de cause que la communication entre les deux locaux ne constitue pas en l'espèce une modification suffisamment notable pour entraîner le déplafonnement dès lors que la

surface pondérée du rez-de-chaussée après travaux est inférieure à celle des locaux avant travaux.

Elle suggère, si la Cour devait retenir le déplafonnement, d'envisager les travaux dans leur globalité.

Elle demande dans ce cas à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle renonce au bénéfice de l'article 23-3 alinéa 2 impliquant le report des effets de l'accession au second renouvellement.

Sur l'application de l'article 23-3 alinéa 3, elle fait valoir que l'autorisation de percement ne peut être assimilée à une obligation découlant de la loi et en conclut que l'hypothèse de cet article est étrangère à la présente espèce.

Elle soutient que le déplafonnement n'est pas davantage acquis sur le fondement de l'article 23-3 alinéa 1. Elle précise à cet égard que l'autorisation de percement a été donnée au cours du bail précédent le bail expiré et n'a pas modifié de façon permanente le régime des travaux.

Elle conteste tout cumul des modifications intervenues au cours du bail expiré, la jurisprudence de la Cour de cassation n'ayant selon elle vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse de modifications des obligations respectives des parties.

Se référant aux conclusions expertales, elle affirme qu'aucune modification des facteurs locaux de commercialité n'est intervenue au

cours du bail expiré dans la zone de chalandise considérée.

Enfin, elle propose une valeur locative de 4.000 francs le m B. Sur ce : sur l'irrecevabilité du moyen tiré du déplafonnement :

Considérant que la société locataire soutient que l'utilisation conjointe des locaux, objets du présent bail et ceux contigus situés au ... qu'elle loue à un tiers, résultant de l'autorisation de travaux donnée par la société bailleresse de pratiquer une ouverture sur le mur mitoyen a déjà été prise en considération lors de la fixation du loyer du bail en 1984 et ne peut plus être invoquée comme motif de déplafonnement ;

Considérant que le bail conclu le 14 juin 1984 a fait "suite et remplacé celui consenti le 1er janvier 1983 à la société SINGER et dont la société MAISON ET JARDIN s'est rendue cessionnaire le 14 juin 1984" ;

Considérant que les clauses et conditions du bail antérieur n'ont pas été modifiées à l'exception de celles relatives à la destination contractuelle et au montant du loyer ;

Que contrairement à ce que soutient la société locataire, le fait que l'autorisation de travaux ait été donnée avant la conclusion du bail est indifférente dès lors que la désignation contractuelle des lieux est restée inchangée ; que par ailleurs, il ne ressort d'aucune clause contractuelle que le loyer dont le montant est passé de 60.682, 35 francs à 121.000 francs aurait été déterminé en fonction de la configuration future des lieux et aurait ainsi tenu compte de

l'incidence des travaux envisagés ; que si les travaux avaient été comme le soutient dans le champ contractuel des parties, celles ci n'auraient pas manqué de le mentionner expressément ;

Que dès lors, le moyen tiré du déplafonnement est parfaitement recevable ; sur les travaux réalisés par la société locataire dans les lieux loués :

Considérant qu'aux termes de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux articles 23-1 à 23-4, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publié par l'INSEE, intervenue depuis la fixation du bail expiré ;

Considérant qu'alors qu'en application de cet article, la modification des caractéristiques du local n'entraîne le déplafonnement du loyer qu'à l'occasion du premier renouvellement suivant l'accomplissement des transformations, les travaux d'amélioration financés par le preneur ne peuvent (en vertu d'une clause d'accession) être invoqués aux mêmes fins que lors du second renouvellement ;

Considérant d'une part que contrairement à ce que soutient la société bailleresse l'autorisation de travaux donnée le 30 mai 1984 avant la conclusion du bail au profit de la société MAGASIN ET JARDIN n'est pas le fait générateur du déplafonnement ; que seule la réalisation matérielle des travaux doit être prise en compte ;

Considérant d'autre part que les parties s'opposent sur la qualification des travaux réalisés dans les lieux loués par la société locataire au cours du bail expiré et leur financement ;

Considérant que la société AXA GLOBAL RISKS, se référant aux conclusions de l'expert, distingue les travaux ayant consisté à réunir la boutique en cause à celle contiguù située au ... que la société locataire loue à un tiers qui selon elle relèverait du régime de l'article 23 -1 justifiant un déplafonnement immédiat et ceux qu'elle qualifie d'améliorations qui justifieraient la fixation du loyer à la valeur locative lors du présent renouvellement dès lors qu'elle les aurait indirectement financés en acceptant en 1984 un loyer inférieur de moitié à la valeur locative de l'époque ;

Considérant qu'en revanche, la société locataire soutient que les travaux en cause qu'elle considère avoir intégralement financés constituent des améliorations justifiant un déplafonnement lors du prochain renouvellement sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la nature des travaux ; qu'elle ajoute, à supposer justifiée la distinction alléguée par la société bailleresse, que les travaux de communication entre les locaux du bail à renouveler et ceux contigus qu'elle loue à un tiers n'ont pas modifié notablement la valeur locative ;

Considérant sur la date des travaux, qu'il est avéré qu'au vu du bail

du 14 juin 1984, la société MAISON ET JARDIN est entrée dans les lieux le 29 juin 1984 ;

Et considérant qu'il est établi par les devis et factures produits aux débats que les travaux en cause ont été réalisés postérieurement à cette date soit au cours du bail expiré ;

Considérant sur la nature des travaux, qu'aux termes de l'autorisation écrite du 30 mai 1984, la bailleresse a autorisé les travaux suivants: 1°) suppression de deux poteaux de façade et remplacement par un pilier central avec réfection de la vitrine 2°) suppression d'un poteau au centre du magasin 3°) ouverture sur mur mitoyen 4°) percement d'une trémie pour accès à la cave par un escalier à créer 5°) bouchement de la porte située entre la cave et le couloir donnant accès à ce local 6°) nouveau cloisonnement 7°) modification de l'implantation des radiateurs ;

Qu'après réalisation des travaux, la désignation contractuelle n'a pas été modifiée ;

Qu'il ressort des constatations de l'expert qu'avant travaux il existait une boutique de bonne configuration disposant d'une large façade vitrée sur le faubourg et une vaste arrière boutique prenant jour sur une cour dégagée et plantée, le tout d'une surface réelle utile de 122,20 m ; qu'après travaux, les locaux ne forment plus qu'une seule surface de vente d'une surface réelle utile de 114,20 m communiquant avec la boutique contiguù située au 122 appartenant à un tiers et où la société locataire exploite depuis le 1er février 1984

une activité de décoration et d'ameublement ; que la réserve située au sous-sol antérieurement indépendante est présentement reliée aux locaux commerciaux du rez-de-chaussée ;

Considérant qu'il ressort de la description des travaux et de la nouvelle configuration des lieux que si les surfaces aménagées sont comprises dans les lieux loués, il n'en demeure pas moins que les travaux de percement intervenus au cours du bail expiré ont rendu les locaux plus accessibles à la clientèle tout en favorisant et en rationalisant l'exploitation des locaux contigus pour ne former qu'une seule entité commerciale ; que cette communication entre les deux fonds a modifié la chose louée de façon substantielle ;

Et considérant que toutes les autres transformations visées dans l'autorisation et constatées par l'expert dans les lieux loués ont été convenues et entreprises dans la seule perspective de permettre et d'optimiser l'exploitation homogène de la vaste surface de vente résultant de la réunion de deux boutiques ; qu'ainsi, l'accès aux lieux loués, dont la façade a été complètement modifiée, se fait depuis la réalisation des travaux uniquement par la boutique contiguù au n°120 rue du Faubourg Saint Honoré ; que loin de constituer de simples améliorations, elles ont également modifié notablement les caractéristiques propres des locaux ;

Qu'au vu de ce qui précède, l'ensemble des travaux réalisés par la société locataire au cours du bail expiré justifie le déplafonnement du loyer en application du seul article 23-1 du décret du 30 septembre 1953, nonobstant l'absence de participation de la société bailleresse au financement de ces travaux;

Considérant que le principe du déplafonnement du loyer du bail renouvelé est amplement acquis sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soutenus par la bailleresse à cette même fin ; qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé ;

sur la valeur locative :

Considérant que les pondérations des surfaces de 70,50 m B avant travaux et de 74,35 m B après travaux ne font l'objet d'aucune contestation des parties ; que contrairement à ce que soutient la société locataire sans argumenter, seule la surface pondérée après travaux doit être prise en compte ;

Considérant que la discussion porte essentiellement sur la valeur locative ; que la société bailleresse réclame une fixation à 5.000 francs le m B comme l'a suggéré l'expert et la société locataire une estimation à 4.000 francs le m B ;

Considérant que l'expert a cité huit loyers judiciairement fixés entre 3.300 francs le m B pour des locaux situés ... 8.200 francs le m B pour des locaux situés au 92 de la même rue, trois fixations amiables oscillant entre 3.600 francs le m B pour une galerie de tableaux au ... et 6.000 francs le m B pour un commerce d'antiquités au ... sept nouvelles locations sans pas de porte pour des boutiques situées ... se situant

5.700 et 17.650 francs le m B ;

Qu'en fonction de ces éléments et compte tenu de la situation des lieux loués fût-elle en retrait de la partie la plus recherchée de la rue du Faubourg Saint Honoré, artère prestigieuse de la capitale, de l'emplacement de bonne commercialité pour le commerce considéré, du bon état général de l'immeuble, des caractéristiques des locaux et des clauses et conditions du bail échu, il y a lieu de fixer la valeur locative à 5.000 francs le m B x 74, 35 m B = 371.750 francs arrondis àdéré, du bon état général de l'immeuble, des caractéristiques des locaux et des clauses et conditions du bail échu, il y a lieu de fixer la valeur locative à 5.000 francs le m B x 74, 35 m B = 371.750 francs arrondis à 370.000 francs au 1er juillet 1993 ;

Considérant que les intérêts au taux légal doivent courir sur les compléments de loyers impayés, conformément à la demande, depuis le 1er juillet 1993 et à compter de chaque échéance ;

Considérant que la capitalisation est de droit quand les conditions de l'article 1154 du Code civil sont réunies ;

Considérant que le loyer est fixé dans l'intérêt commun des parties; qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que pour les mêmes motifs, confirmant le jugement sur ce seul point, les entiers dépens doivent être partagés par moitié ; Par ces motifs, La Cour, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, - Déclare recevable le moyen tiré du déplafonnement,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives aux dépens, Statuant à nouveau et y ajoutant, - Dit que l'ensemble des travaux réalisés par la société MAISON ET JARDIN au cours du bail expiré constitue des modifications notables des caractéristiques propres des locaux au sens de l'article 23-1 du décret du 30 septembre 1953, - Fixe le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 1993 à la somme de 371.000 francs par an et en principal, - Dit que les compléments de loyers impayés produiront intérêts au taux légal à compter de chaque échéance et à compter du 1er juillet 1993, - Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dus pour une année entière, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Rejette toute autre demande des parties, - Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les deux parties, - Admet dans cette limite les avoués de la cause au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/15711
Date de la décision : 04/02/2000

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Prix - Fixation du loyer du bail renouvelé - Plafonnement - Exceptions - Modification notable des caractéristiques du local considéré

Le déplafonnement du loyer du bail renouvelé se justifie amplement, en application du seul article 23-1 du Décret du 30 septembre 1953, lorsque les travaux réalisés par le locataire au cours du bail expiré, même sans la participation financière du bailleur mais avec son autorisation, ont modifié notablement les caractéristiques propres des locaux loués. En effet, après travaux, notamment des travaux de percement et d'ouverture sur un mur mitoyen, les locaux loués dont la façade a été complètement modifiée et dont l'accès se fait désormais par une boutique contiguù, communiquent avec cette boutique pour ne former qu'une seule entité commerciale dans la seule perspective de permettre et d'optimiser l'exploitation homogène d'une vaste surface résultant de la réunion de locaux contigus


Références :

Décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, articles 23-6 et 23-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-02-04;1998.15711 ?
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