La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/1999 | FRANCE | N°1999-00918

France | France, Cour d'appel de Paris, 07 décembre 1999, 1999-00918


COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section A ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 1999 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/00918 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 17/09/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY 1è Ch./cabinet 01 - RG n : 1996/17437 Date ordonnance de clôture : 14 Septembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :

RÉFORMATION PARTIELLE APPELANTE : S.C.I. MONTREUIL LETHUIN prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 29, rue du Progrès - 93100 MONTREUIL SOUS BOIS représentée

par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué assistée de Maître MARC MANCIET, Toque W02,...

COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section A ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 1999 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/00918 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 17/09/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY 1è Ch./cabinet 01 - RG n : 1996/17437 Date ordonnance de clôture : 14 Septembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :

RÉFORMATION PARTIELLE APPELANTE : S.C.I. MONTREUIL LETHUIN prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 29, rue du Progrès - 93100 MONTREUIL SOUS BOIS représentée par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué assistée de Maître MARC MANCIET, Toque W02, Avocat au Barreau de PARIS INTIMÉE : S.C.P. CLAUDE KRANTZ etamp; JEAN MICHEL X... prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 3, rue Parmentier - 93220 GAGNY représentée par la SCP FAURE-ARNAUDY, avoué assistée de Maître GÉRARD SALLABERRY, Toque E379, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Conseiller :

Madame Geneviève BREGEON , faisant fonction de Président Conseiller :

Monsieur Dominique GARBAN Conseiller : Monsieur Henri LE DAUPHIN DÉBATS : A l'audience publique du 2 novembre 1999 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame NGUYEN ARRÊT :

contradictoire Prononcé publiquement par Madame BREGEON , faisant fonction de Président, laquelle a signé la minute avec Madame NGUYEN , Greffier - * * *

Aux termes d'un acte reçu le 25 avril 1994 par Me KRANTZ, notaire associé, membre de la SCP Claude KRANTZ etamp; Jean-Michel X... (ci-après la SCP), la société civile immobilière MONTREUIL-LETHUIN (ci-après la SCI MONTREUIL) a vendu des biens immobiliers à la société CICAMUR moyennant le prix de 12.749.500 francs.

Autorisée par ordonnance du juge de l'exécution prés le tribunal de

grande instance de Paris en date du 21 avril 1994, la société BANQUE LA HENIN a, par exploit du 25 avril 1994, procédé entre les mains de la SCP à la saisie conservatoire du prix susvisé à hauteur de la somme de 4.403.787,22 francs et ce pour garantir le paiement d'une créance dont elle était titulaire à l'égard de la SCI LE NIL, associée de la SCI MONTREUIL.

Le 3 juillet 1996, la Banque LA HENIN, la SCI LE NIL et la SCI MONTREUIL ont conclu une transaction en vertu de laquelle la Banque a accepté de recevoir "la somme forfaitaire" de 3.455.000 francs, le reliquat de la somme détenue par la SCP étant remis à la SCI MONTREUIL.

Faisant valoir que la SCP avait manqué tant à son obligation de verser les fonds saisis à la Caisse des dépôts et consignations qu'à son obligation de conseil, en s'abstenant de lui conseiller de placer lesdits fonds, voire de négocier lui-même leur placement, en "Foncicav ou Jurimonétaire, qui sont des produits de placement mis au point par la Caisse des dépôts et consignations pour permettre aux clients des notaires un meilleur rendement des fonds consignés un certain temps", la SCI MONTREUIL a assigné la SCP en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 17 septembre 1998, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclaré recevable la SCI MONTREUIL en son action,

- rejeté toutes ses demandes,

- alloué à la SCP la somme de 6.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour ;

Vu l'appel formé par la SCI MONTREUIL à l'encontre de cette décision ;

Vu les conclusions en date du 9 avril 1999 par lesquelles la SCI

MONTREUIL, poursuivant la réformation du jugement, demande à la cour de condamner la SCP à lui payer la somme de 455.356,03 francs, avec intérêts au taux légal "à compter de la mise en demeure du 2 août 1996", ainsi que la somme de 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 29 juin 1999 par lesquelles la SCP demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une autre somme de même montant sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

SUR CE :

Considérant que l'article 75 de la loi du 9 juillet 1991 énonce que lorsque la saisie-conservatoire porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ; que le même article énonce que la saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l'article 2075-1 du Code civil ; que selon ce dernier texte, le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et privilège de l'article 2073 du Code précité ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les sommes sur lesquelles portait la saisie conservatoire pratiquée le 25 avril 1994 entre les mains de la SCP ne pouvaient donner lieu, à compter de cette date, à une quelconque opération juridique, et en particulier à la souscription d'actions ou de parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières, fûssent-ils "mis au point" par la Caisse des dépôts et consignations ;

Que l'appelante n'est donc pas fondée à faire grief à l'intimée de ne

pas lui avoir proposé le placement, sous forme d'actions de SICAV, des fonds rendus indisponibles par la saisie, étant observé qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que le créancier saisissant avait donné mandat au tiers saisi d'utiliser les sommes saisies en vue de la recherche d'un meilleur rendement de ces sommes ;

Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article 15, alinéa 3, du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945, toute somme détenue pour le compte de tiers qui, à l'expiration d'un délai de trois mois n'aura pas été remise aux ayants droit sera obligatoirement versée par les notaires à la Caisse des dépôts et consignations ;

Considérant que la SCP était tenue, relativement à la somme de 4.403.787,22 francs rendue indisponible entre ses mains par l'effet de la saisie conservatoire, de satisfaire à cette obligation ; qu'au demeurant, elle ne le conteste pas sérieusement puisqu'elle déclare avoir consigné les fonds litigieux à la Caisse des dépôts et consignations "conformément à l'article 75 (sic) du décret du 19 décembre 1945" ;

Considérant cependant que l'appelante indique, sans être démentie, que ce versement est intervenu "au mois d'octobre 1995" alors que le délai prévu par le texte susvisé était expiré depuis le 25 juillet 1994 ;

Considérant que le retard ainsi apporté au dépôt à la Caisse des dépôts et consignations du montant de la créance saisie caractérise un manquement de la SCP à ses obligations professionnelles ;

Qu'il en est résulté pour la SCI MONTREUIL un préjudice constitué par la perte de l'intérêt servi par la Caisse des dépôts et consignations, au taux de 1%, étant ici précisé :

- que le gain dont elle a été privée par la faute de la SCP doit être calculé sur la période comprise entre le 25 juillet 1994 et le 15 octobre 1995, date retenue par la cour, à défaut d'autre précision

fournie par les parties, comme étant celle du versement à la Caisse des dépôts et consignations,

- que ce calcul doit porter sur la totalité de la somme de 4.403.787,22 francs et non pas seulement, comme le soutient l'intimée, sur la fraction de la créance saisie finalement remise à la SCI MONTREUIL en application de la transaction du 3 juillet 1996 dès lors que la Banque LA HENIN ayant été, selon les stipulations de la transaction, intégralement remplie de ses droits par l'attribution de la somme de 3.455.000 francs, la SCI MONTREUIL avait seule vocation à percevoir les intérêts qui auraient dû augmenter, au titre de la période précitée, la somme objet de la saisie conservatoire ;

- que la SCI MONTREUIL a déjà perçu les intérêts effectivement produits par la somme de 4.403.787,22 francs au titre de l'année 1995 (7.482 francs) et à celui de l'année 1996 (21.905,63 francs) ;

Que sur ces bases, il y a lieu d'allouer à la SCI MONTREUIL une indemnité de 53.945,35 francs, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1153-1, alinéa 2, du Code civil ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de l'intimée en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut qu'être rejetée ;

Considérant, enfin, qu'il convient d'allouer à l'appelante la somme de 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Réforme le jugement rendu entre les parties, le 17 septembre 1998, par le tribunal de grande instance de Bobigny sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SCI MONTREUIL LETHUIN ;

Le confirme de ce chef ;

Et statuant à nouveau :

Condamne la société civile professionnelle Claude KRANTZ etamp; Jean-Michel X... à payer à la SCI MONTREUIL LETHUIN la somme de 53.945,35 francs à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et celle de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société civile professionnelle Claude KRANTZ etamp; Jean-Michel X... aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code précité. Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1999-00918
Date de la décision : 07/12/1999

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Obligations professionnelles - Manquement

Aux termes de l'article 15, alinéa 3, du décret du 19 décembre 1945, "toute somme détenue pour le compte de tiers qui à l'expiration d'un délai de trois mois n'aura pas été remise aux ayants droit sera obligatoirement versée par les notaires à la Caisse des dépôts et consignations". Le retard de plus de quatorze mois apporté au dépôt à la Caisse des dépôts et consignations d'une somme rendue indisponible entre les mains d'une société civile professionnelle de notaires par l'effet d'une saisie conservatoire caractérise un manquement de cette société à ses obligations professionnelles


Références :

Décret du 19 décembre 1945, article 15

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;1999-12-07;1999.00918 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award