N° 104
CG
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Maisonnier,
Le 28.03.2024.
Copie authentique délivrée à :
- Me [F],
le 28.03.2024.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 28 mars 2024
RG 23/00083 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 23/51, rg n° 22/00199 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 février 2023 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 17 mars 2023 ;
Appelante :
Mme [W] [C] épouse [J], née le 19 décembre 1952 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Localité 6], Lotissement Le Lotus parcelle C13 ;
Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimées :
La Sci Pink, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 09 142 C, n° Tahiti 915 975 dont le siège social est sis à [Adresse 7], prise en la personne de son gérant : M. [K] [X] ;
La Sci Lotus 12, société civile immobilière inscrite au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 19 17 C (D 12162) dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de ses gérants : M. [K] [X] et Mme [T] [E] ;
Représentées par Me Michèle MAISONNIER, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 11 janvier 2024 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 25 janvier 2024, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Par exploit signifié à personne le 14 août 2022 et requête déposée au greffe le 9 août de la même année Mme [W] [C] épouse [J], propriétaire du lot C13 du lotissement Lotus à Punaauia (Tahiti), a saisi le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete d'une demande de démolition d'une construction dirigée contre la SCI Pink gérée par M. [K] [X], propriétaire du lot C4 voisin, au motif que cette construction aurait notamment été réalisée au mépris des règles du cahier des charges du lotissement.
La SCI Lotus 12, gérée par M. [K] [X] et Mme [T] [E], est intervenue volontairement à la procédure en qualité de propriétaire du lot C12 voisin de celui de Mme [W] [C] épouse [J].
Lors de l'audience du 6 février 2023, l'affaire a été mise en délibéré au 27 février suivant.
Par ordonnance contradictoire en date du 27 février 2023 le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :
Rejeté la demande d'incompétence du juge des référés ;
Débouté Mme [W] [C] épouse [J] de sa demande de démolition dirigée contre la SCI Pink ;
Débouté la SCI Pink et la SCI Lotus 12 de leur demande de changement de toiture dirigée contre Mme [W] [C] épouse [J] ;
Rejeté les demandes de condamnation au titre des frais irrépétibles ;
Laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés.
Par requête en date du 17 mars 2023 Mme [W] [C] a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :
Par ces motifs,
Vu l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française,
Vu le cahier des charges du lotissement Le lotus,
Recevoir Mme [W] [C] en sa demande parte in qua à l'encontre de l'ordonnance de référé RG 22/00199 du 27 février 2023,
Statuant à nouveau,
Reformer parte in qua ladite ordonnance,
Constater que la SCI Pink a procédé sur le lot C4 du lotissement Le lotus cadastré AP72 à des travaux de transformation d'un garage en une unité autonome constitutive d'un corps de bâtiment à part entière,
Constater que l'association syndicale n'a pas été saisie d'une demande d'autorisation préalable pour ces travaux,
Constater que ces travaux n'ont fait l'objet d'aucune autorisation administrative du service de l'urbanisme puisque la demande de travaux a été rejetée,
Constater que ce corps de bâtiment est à moins de 10 mètres de la voie du lotissement Le lotus,
Constater que la toiture à une pente excéde le seuil de 25 % prescrit par le cahier des charges,
Dire que ces travaux ainsi réalisés sont constitutifs de violations répétées au cahier des charges du lotissement Le lotus et sont constitutifs de troubles manifestement illicites,
Dire qu'il y a lieu de faire cesser ces troubles manifestement illicites,
S'agissant des demandes reconventionnelles formulées par les SCI Pink et SCI Lotus 12, débouter celles-ci de leurs demandes comme mal fondées,
Condamner la SCI Pink et SCI Lotus 12 au paiement à la requérante d'une somme de 456 000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Condamner la SCI Pink et SCI Lotus 12 aux entiers dépens dont distraction d'usage au profit de Me Lamourette, avocat au barreau de Papeete, sur ses offres de droit.
Par ses dernières conclusions en date du 21 août 2023 les SCI Pink et SCI Lotus 12 demandent à la cour de :
Vu les éléments de la cause,
Vu les pièces produites aux débats,
A titre principal,
Considérant qu'il ressort des éléments produits aux débats la SCI Pink a transformé un ancien garage en une unité d'habitation,
Considérant que les modifications apportées ont concerné uniquement l'intérieur à savoir:
- le remplacement de la couverture d'origine en tuiles asphaltées par de la tôle nervurée prélaquée,
- l'aménagement dans le volume intérieur d'un bureau et d'une chambre avec salle de bain,
Considérant qu'il n'est pas contesté que la construction du garage n'enfreint pas l'article 16 du cahier des charges du lotissement Lotus,
Considérant par ailleurs, comme l'a très justement relevé le premier juge, Mme [W] [C] épouse [J], ne subit aucune gêne, ni aucun préjudice, de la transformation par la SCI Pink du garage en unité d'habitation au regard de la localisation respective des propriétés et de la configuration des lieux,
Vu l'assouplissement de la jurisprudence en la matière par le double arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 13 juillet 2022, pourvoi n° 21-16407 et n° 21-16408,
Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Débouter Mme [W] [C] épouse [J] de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
Condamner Mme [W] [C] épouse [J], par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, à payer à la SCI Pink et la SCI Lotus 12 la somme de 400 000 F CFP,
La condamner aux entiers dépens dont distraction d'usage,
A titre infiniment subsidiaire,
Considérant qu'il n'apparaît pas des documents produits par Mme [W] [C] épouse [J] qu'une dérogation ait été accordée aux époux [J] pour apposer une toiture en tôles ondulées prohibées par l'article 17 du cahier des charges du lotissement Le lotus,
Dès lors,
Recevoir l'appel incident formé à titre subsidiaire par les SCI Pink et la SCI Lotus 12 de ce chef,
Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a déboutées de leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à Mme [W] [C] épouse [J], propriétaire du lot C13 cadastrée AP[Cadastre 1] au [Adresse 3], de changer la toiture couvrant sa construction pour apposer une toiture conforme aux dispositions de l'article 17 du cahier des charges, et ce sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
Statuant à nouveau,
Enjoindre à Mme [W] [C] épouse [J] de mettre sa toiture de sa construction en conformité avec l'article 17 du cahier des charges,
Assortir ladite injonction d'une astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard prenant effet un mois après la signification de la décision à intervenir,
Débouter Mme [W] [C] épouse [J] de toutes ses prétentions, fins et conclusions contraires et de ses demandes au visa de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Mme [C] a déclaré relever appel partiel de l'ordonnance du juge des référés.
Dans le dispositif de sa requête, valant conclusions, Mme [C] ne sollicite que de voir constater ce qui ne constitue pas une demande juridictionnelle et de voir dire ce qui, en l'espèce de la formulation employée ne constitue pas plus de demande juridictionnelle en ce que 'voir dire que ces travaux ainsi réalisés sont constitutifs de violations répétées au cahier des charges du lotissement Le lotus et sont constitutifs de troubles manifestement illicites et dire qu'il y a lieu de faire cesser ces troubles manifestement illicites' sont en réalité des moyens au soutient de la demande qu'elle forme au sein de sa requête de voir enlever la construction érigée en lieu de place de l'acien garage sous astreinte de 100 000 FCFP par jour.
Cette demande étant clairement exprimée il appartient à la cour d'y répondre.
Aux termes des dispositions de l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent,
soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il importe donc à la partie qui agit sur ce fondement d'établir sans contestation sérieuse l'existence du trouble et son caractère illicite.
Ainsi que l'a rappelé le premier juge en matière de lotissement les clauses du cahier des charges ont valeur contractuelle et engagent les colotis entre eux, si bien que la réalisation d'une construction ou d'une extension qui contravient au cahier des charges constitue, par essence, un trouble manifestement illicite que n'importe quel colotis est en droit de faire cesser.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé dès lors qu'est objectivé la violation du cahier des charges dénoncées peu important les autorisations obtenues de l'administration, de l'association syndicale ou des voisins directes étant justement rappelé que de pareilles autorisations et dérogations ne sauraient valoir modification du cahier des charges et ce d'autant plus lorsqu'elles ne sont délivrées que sous réserve du droit des tiers, soit en l'espèce celui des colotis.
En l'espèce la SCI Pink reconnait avoir transformé le garage de la parcelle du lot C4 cadastré AP-[Cadastre 2] en unité d'habitation compoosée d'un bureau, d'une chambrre et d'une salle de bains contrevenant en cela au cahier des charges du lotissement Lotus dont l'article13 exige un seul bâtiment principal d'habitation. L'article 16 qui dispose qu'il est interdit de construire à moins de dix mètres des voies du lotissement et qu'à l'intérieur de cette zone de non-aedificandi il pourra seulement être édifié des garages dont la hauteur de faitage ne dépassera pas trois mètres à compter du sol extérieur au milieu de la façade la plus prochede la voie. La distance horizontale de tout piont hors mur d'un bâtiment , pris au niveau d'un quelconque plancher, à une limite de lot, ne pourra être inférieure à six mètres.
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que ces violations du cahier des charges étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite.
Aux termes des dispositions de l'article 1142 du code civil tel qu'applicable en Polynésie française toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur. Aux termes des dispositions de l'article 1143 du code civil tel qu'applicable en Polynésie française le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit.
La sanction doit être proportionnée à la gravité de la situation et équilibrée au regard des intérêts en cause.
Il n'est pas contestable qu'en l'espèce, comme le déclare Mme [J] dans sa requête d'appel, le garage était correctement implanté au regard des dispositions du cahier des charges. La construction en elle--même n'est donc pas en contravention avec cette règle contractuelle. C'est la transformation de cette construction en unité d'habitation qui contrevient au cahier des charges.
Mme [J] fait valoir que ce logement est occupé depuis 2021 et prétend que cet aménagement en habittaion présente un risque de propagation d'incendie entre les propriétés.
La démolition sollicitée est cependant injustifiée en ce qui concerne la structure même du bâtiment et disproportionnée en ce qu'elle pourrait concerner toute la démolition intérieure alors que ce bâtiment est occupé, qu'aucun élément ne permet de justifier qu'une habitation présenterait un risque de propagation d'incendie accrue par rapport à un garage et que Mme [J], qui est la seule des colotis à s'en plaindre, ne justifie d'aucun préjudice inhérent à cette modification.
Mme [J] ne reprend pas, en cause d'appel de demande indemnitaire.
En conséquence l'ordonnance attaquée sera confirmée en ce qu'elle a Débouté Mme [W] [C] épouse [J] de sa demande de démolition dirigée contre la SCI Pink.
Les demandes formées par la société Pink et la SCI Lotus 12 à l'encontre de Mme [J] n'étant formées qu'à titre subsidiaire l'ordonnance attaquée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [J] sera condamnées aux dépens d'appel et il est équitable d'allouer à la SCI Pink et la SCI Lotus 12 la somme de 200 000 FCFP au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [W] [C] épouse [J] à payer à la SCI Pink et la SCI Lotus 12 ensembles la somme de 200 000 FCFP au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Condamne Mme [W] [C] épouse [J] aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 28 mars 2024.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD