N° 145
SE
-------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Feuillet,
le 17.04.2023.
Copies authentiques délivrées à :
- Me Marchand,
- M. [R],
- Greffier TMC,
le 17.04.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 13 avril 2023
RG 21/00296 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état n°C685, rg n° 2020 001153 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 4 juin ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 aôut 2021 ;
Appelante :
Mme [P] [M], née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 4] ;
Représentée par Me Johan MARCHAND, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Saem Banque Socrédo, société au capital de 22 milliards, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 59 1 B dont le siège social est sis [Adresse 1] ;
Représentée par Me Guillaume FEUILLET, avocat au barreau de Papeete ;
Et de la cause :
La Sarl Le Flamboyant représentée par son liquidateur M. [N] [R], [Adresse 3] ;
Non comparant, assigné à personne le 24 août 2021 ;
Ordonnance de clôture du 22 aôut 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller et Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Faits :
Par requête enregistrée au greffe le 29 octobre 2020, la SAEM BANQUE SOCREDO a saisi le tribunal mixte de commerce de Papeete d'une demande en condamnation à payer des sommes d'argent au titre d'un prêt et du solde d'un compte courant à l'encontre de Mme [P] [M], caution de la SARL LE FLAMBOYANT.
Procédure :
Mme [P] [M] a déposé des conclusions d'incident devant le juge de la mise en état pour solliciter la production de pièces et une expertise judiciaire.
Par ordonnance en date du 4 juin 2021, le juge de la mise en état du tribunal mixte de commerce de Papeete a :
- Constaté que la demande de Mme [P] [M] tendant à obtenir certaines pièces était satisfaite,
- Rejeté la demande de Mme [P] [M] tendant à organiser une expertise,
- Ordonné à la BANQUE SOCREDO de conclure au fond.
Mme [P] [M] a relevé appel de cette ordonnance par requête enregistrée au greffe le 4 août 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 27 octobre 2022.
A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 8 décembre 2022 par mise à disposition au greffe, délibéré prorogé au 13 avril 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Mme [M], appelante, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 10 février 2022, de :
- annuler l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2021,
- Rejeter les demandes et moyens de la Banque SOCREDO,
Statuant à nouveau,
- Ordonner à la SAEM BANQUE SOCREDO de justifier sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard de :
o schéma de financement tel que stipulé dans les conditions particulières du prêt,
o l'historique du compte bancaire de la SARL LE FLAMBOYANT dès juillet 2016,
o éléments de vérifications des ressources de la caution de Madame [M] tant lors de la souscription du prêt au profit de la SARL que pour la convention de découvert de 10 000 000 F CFP,
- Ordonner une expertise judiciaire contradictoire et désigner tel expert compétent avec mission de :
o se faire remettre tout document des parties,
o dire si la SARL LE FLAMBOYANT avait ou non les capacités financières de faire face aux échéances du crédit accordé par la Banque SOCREDO,
o dire si le crédit accordé par la Banque SOCREDO à la SARL LE FLAMBOYANT suivi d'un découvert de 10 000 000 F CFP emportaient ou non un risque d'endettement auquel elle ne pouvait faire face,
o dire si les cautionnements imposés à Mme [M] étaient disproportionnés à ses ressources,
o dire que l'expert pourra recueillir l'avis d'autres techniciens,
o impartir le délai dans lequel l'expert devra donner son avis,
o fixer la date d'audience à laquelle la procédure sera rappelée après le dépôt du rapport,
o fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
o désigner la partie qui devra la consignation,
o lui imparti un délai pour le faire eu greffe de la juridiction,
- Condamner la Banque SOCREDO aux entiers dépens de l'instance.
Il fait valoir en premier lieu, au visa de l'article 6 de la CEDH, que le juge de la mise en état n'a pas respecté le principe du contradictoire alors qu'il avait renvoyé pour les conclusions de la Banque, mais a immédiatement clôturé et mis en délibéré l'incident à l'audience du 4 juin 2021 sans permettre à Mme [M] d'en prendre connaissance ou de répliquer. Il considère que l'ordonnance est affectée de nullité de ce fait.
Il précise ensuite que son appel n'est pas irrecevable, s'agissant d'un appel nullité qui est recevable en tout état de cause contre toute décision affectée par des irrégularités procédurales, ce qui est le cas d'un non-respect du principe contradictoire.
Il développe ensuite les arguments au soutien de ses demandes de production de pièces et d'expertise.
La SAEM BANQUE SOCREDO, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 13 mai 2022 demande à la Cour de :
- déclarer Mme [M] irrecevable en son appel,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger Mme [M] mal fondée en son appel,
En toute hypothèse,
- Condamner Mme [M] à régler à la SAEM BANQUE SOCREDO la somme de 100 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel,
- La condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Elle juge l'appel irrecevable dès lors que le juge de la mise en état n'a pas rendu une des décisions visées à l'article 62 du code de procédure civile de la Polynésie française permettant un appel immédiat.
Elle considère que le principe contradictoire a été respecté et qu'il n'y a aucune nullité affectant la décision frappée d'appel.
Elle soutient subsidiairement au fond le rejet des demandes.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou à «dire et juger» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
1. Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel-nullité, construction jurisprudentielle, n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir du juge et contre une décision pour laquelle le droit d'appel a été expressément fermé.
Or, si l'appel contre les décisions du juge de la mise en état n'est pas possible immédiatement, il reste prévu par l'article 62 du code de procédure civile de la Polynésie française avec le jugement au fond.
Par conséquent la voie de l'appel-nullité n'était pas ouverte à Mme [M].
De même ces dispositions prévoient que les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise.
Or, l'article 89 du même code dispose que la décision qui ordonne ou qui modifie une mesure d'instruction n'est pas susceptible d'opposition ; elle ne peut être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il en est de même de la décision qui refuse d'ordonner ou de modifier une mesure.
Par ailleurs les dispositions des articles 140 et suivants relatifs à l'expertise ne prévoient un recours que pour les ordonnances de taxation des honoraires de l'expert.
Il en résulte que la décision du juge de la mise en état relatif à des demandes de production de pièces et qui a rejeté la demande d'expertise n'est pas susceptible d'appel, de sorte que l'appel doit être déclaré irrecevable.
2. Sur les frais et dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAEM BANQUE SOCREDO les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de condamner Mme [M] à lui payer 100 000 F CFP au titre des frais d'appel non compris dans les dépens et au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Les dépens de la présente instance seront supportés par Mme [M] qui succombe conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
DECLARE irrecevable l'appel contre l'ordonnance en date du 4 juin 2021 du juge de la mise en état du tribunal mixte de commerce de Papeete,
CONDAMNE Mme [P] [O] épouse [M] à payer à la SAEM BANQUE SOCREDO la somme de 100 000 F CFP (cent mille francs pacifique) au titre de ses frais d'appel non compris dans les dépens par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
CONDAMNE Mme [P] [O] épouse [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 13 avril 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI