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23/02/2023 | FRANCE | N°21/00271

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet c, 23 février 2023, 21/00271


N° 59





CG

-------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Revault,

le 23.02.2023.





Copie authentique délivrée à

- Me Bourion,

le 23.02.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Commerciale





Audience du 23 février 2023





RG 21/00271 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/98, Rg n° 20149 000327 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 18 juin 2021 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 20 juillet 2021 ;



Appelant :



M. [O] [U], né le 30 août 1966 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Localité 1] ;



Ayant po...

N° 59

CG

-------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Revault,

le 23.02.2023.

Copie authentique délivrée à

- Me Bourion,

le 23.02.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 23 février 2023

RG 21/00271 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/98, Rg n° 20149 000327 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 18 juin 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 20 juillet 2021 ;

Appelant :

M. [O] [U], né le 30 août 1966 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Localité 1] ;

Ayant pour avocat la Selarl ManaVocat, représentée par Me Dominique BOURION, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [R] [J] dit [L], né le 6 novembre 1979 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à à [Localité 1] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Esther REVAULT, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 19 septembre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 26 janvier 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ et M. RIPOLL, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Bora Bora Marina Yacht Club ayant pour objet social la restauration, la création et la gestion d'une marina composée de mouillages, de corps-mort , de boutiques notamment d'alimentation et d'habillement a été immatriculée le 5 juillet 2011 au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le numéro TPI 11 156-B. Son capital initial était de 8 000 000 FCFP divisé en 800 parts sociales de 10 000 FCFP de valeur nominale, attribuées à M. [R] [J] dit [L] à hauteur de 400 parts et à M. [S] [K] à hauteur de 400 parts.

Le 22 juin 2012 il était décidé, par une assemblée générale extraordinaire de la société, une augmentation de capital en numéraire de 4 000 000 FCFP portant le capital à 12 000 000 FCFP, l'intégralité des 400 nouvelles parts ainsi créés étant attribuée à M. [S] [V].

Par acte sous seing privé en date du 23 septembre 2013 M. [S] [V] a cédé 199 parts portant les numéros 801 à 999 à M. [S] [K] et 201 parts portant les numéros 1000 à 1200 à M. [R] [L].

A la suite de cette vente, M. [S] [K] détenait donc 599 parts sociales et M. [R] [J] 601 parts sociales.

Par acte sous seing privé en date du 7 juin 2018 M. [S] [K] a cédé l'ensemble de ses parts à M. [R] [J].

Par acte sous seing privé en date du même jour M. [R] [J] a vendu à M. [U] [O] 1080 parts de cette société portant les numéros 1 à 1080 pour la somme de 15 000 000 CFP.

Par requête en date du 2 avril 2019 M. [R] [J] a saisi le tribunal mixte de commerce de Papeete d'une requête tendant à voir condamner M. [O] [U] à lui payer la somme de 15 000 000 CFP outre les intérêts légaux à compter du 7 mars 2019, date de la mise en demeure, condamner M. [O] [U] à procéder à toutes formalités nécessaires pour que le demandeur n'apparaisse plus en qualité de caution personnelle des engagements de la société, sous astreinte de 100 000 FCFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sollicitant également que M. [O] [U] soit condamné à lui verser la somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.

Le 24 juin 2019 , le tribunal mixte de commerce de Papeete, saisi le 7 juin 2019 par La SARL Bora Bora Marina Yacht Club a prononcé la liquidation judicaire de cette société et fixé l'état de cessation des paiements au 7 juin 2019.

Par jugement contradictoire en date du 18 juin 2021 le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Condamné M. [O] [U] à payer à M. [R] [J] dit [L] la somme de 15 000 000 FCFP outre les intérêts légaux à compter du 7 mars 2019,

Ordonné l'exécution provisoire,

Condamné M. [O] [U] à payer à M. [R] [J] dit [L] la somme de 300 000 FCFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile et condamné M. [O] [U] aux dépens.

Par requête en date du 20 juillet 2021 M. [O] [U] a relevé appel de cette décision sollicitant de voir:

À titre principal :

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen soulevé par Monsieur [O] [U], visant à voir appliquer la règle « Nemo plus jurisprudence ad alium trasferre potest quam ipse habet ».

Statuant à nouveau,

Constater que M. [R] [L] n'apporte pas la preuve du paiement des parts sociales de M.[S] [K], qu'il aurait ensuite revendues à M.[O] [U],

Constater que ni la cession [K]- [L], ni la cession [L]- [U] n'a été enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés,

Dire et juger que M. [R] [L] ne pouvait pas vendre à M.[O] [U] des parts sociales dont il n'était pas lui-même propriétaire,

Dire et juger que le paiement du prix des parts sociales est une condition essentielle à la validité du contrat de cession de ces parts,

En conséquence,

Dire que la cession de parts signée entre Messieurs [K] et [L] est inopposable à M. [U] et que par conséquent M. [L] ne pouvait céder ses parts à M. [U] ,

Dire que la cession [L]-[K] dont se prévaut M. [R] [L] pour poursuivre le concluant en paiement n'a pas pu avoir lieu et doit être résolue ,

Prononcer la nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 7 juin 2018, passé entre M. [R] [L] et M. [O] [U] ,

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts,

Dire et juger que M. [O] [U] ne doit rien à M. [R] [L].

À titre subsidiaire :

Vu l'article L 223-14 du code de commerce,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 223-14 du Code de commerce,

Statuant à nouveau,

Constater qu'aucune des cessions de parts orchestrées par M. [L], n'a été autorisée dans les conditions obligatoires prévues par le code de commerce,

En conséquence,

Prononcer la nullité de la cession intervenue entre Messieurs [K] et [L], mais aussi de celle intervenue entre Messieurs [L] et [U],

Dire que si seule la cession [K]- [L] devait être annulée, celle intervenue entre Messieurs [L] et [U] le sera aussi, par voie de conséquence, car [R] [L] ne pouvait pas céder les parts qu'il a acquis via une opération nulle.

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts.

Dire et juger que M. [O] [U] ne doit rien à Monsieur [R] [L] .

À titre infiniment subsidiaire :

Vu les articles 1109 et 1110 du Code civil,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen tiré du vice du consentement de l'acheteur.

Statuant à nouveau,

Constater la surévaluation des parts sociales, les dissimulations dolosives, les fausses affirmations dont s'est rendu coupable M. [R] [L] au moment de vendre ses parts sociales de la SARL BBMYC à M. [O] [U], mais aussi le fait que ce dernier ne s'attendait pas à acheter un restaurant au bord de la faillite en concluant l'opération litigieuse ,

Dire que M. [R] [L] a provoqué une erreur de M. [O] [U] sur les qualités substantielles des parts sociales qu'il a achetées,

Dire que le consentement de M. [O] [U] à cette opération a été vicié car donné par erreur,

En conséquence,

Prononcer la nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 7 juin 2018, passé entre M.[R] [L] et M.[O] [U], pour erreur dans le consentement du cessionnaire,

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts,

Dire que M. [O] [U] ne doit rien à M. [R] [L] ,

En tout état de cause

Vu l'article 1382 du Code civil,

Confirmer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir débouté M. [R] [L] de sa demande au titre de son engagement de caution,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir fait droit à la demande principale de M. [R] [L] et condamné M. [O] [U] à lui payer la somme de 15 000 000 XPF,

Statuant à nouveau,

Débouter M. [R] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dire que la demande de M. [R] [L] portant sur le cautionnement solidaire de la SARL BBMYC est sans objet puisqu'il redevient gérant de ladite SARL, et l'en débouter,

Condamner M. [R] [L] à réparer les préjudices qu'il a causé à M. [O] [U],

En conséquence,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 21 414 725 XPF en remboursement des sommes avancées à la société BBMYC pour qu'elle poursuive son activité,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 643 947 XPF correspondant aux frais de justice engagés par M. [O] [U] par la faute de M.[R] [L],

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 1 000 000 XPF au titre de son préjudice d'image,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 500 000 XPF au titre de son préjudice moral,

Condamner M. [R] [L] à payer 1 186 500 XPF au titre de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Bourion.

Par ses dernières conclusions en date du 18 août 2022 M. [O] [U] demande à la cour de :

À titre principal :

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen soulevé par Monsieur [O] [U], visant à voir appliquer la règle « Nemo plus jurisprudence ad alium trasferre potest quam ipse habet »,

Statuant à nouveau,

Dire que M. [R] [L] n'apporte pas la preuve du paiement des parts sociales de M.[S] [K], qu'il aurait ensuite revendues à M.[O] [U],

Dire que ni la cession [K]-[L], ni la cession [L]-[U] n'a été enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés,

Dire que M. [R] [L] ne pouvait pas vendre à M. [O] [U] des parts sociales dont il n'était pas lui-même propriétaire,

Dire que le paiement du prix des parts sociales est une condition essentielle à la validité du contrat de cession de ces parts,

En conséquence,

Dire que la cession de parts signée entre Messieurs [K] et [L] est inopposable à M. [U], et que par conséquent M. [L] ne pouvait céder ses parts à M. [U],

Dire que la cession [L]-[K] dont se prévaut M. [R] [L] pour poursuivre le concluant en paiement n'a pas pu avoir lieu et doit être résolue,

Prononcer la nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 7 juin 2018, passé entre M. [R] [L] et M. [O] [U],

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts,

Dire et juger que M. [O] [U] ne doit rien à M. [R] [L],

À titre subsidiaire :

Vu l'article L 223-14 du code de commerce,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 223-14 du Code de commerce,

Statuant à nouveau,

Constater qu'aucune des cessions de parts orchestrées par M. [L], n'a été autorisée dans les conditions obligatoires prévues par le code de commerce,

En conséquence,

Prononcer la nullité de la cession intervenue entre Messieurs [K] et [L], mais aussi de celle intervenue entre Messieurs [L] et [U],

Dire que si seule la cession [K]- [L] devait être annulée, celle intervenue entre Messieurs [L] et [U] le sera aussi, par voie de conséquence, car [R] [L] ne pouvait pas céder les parts qu'il a acquis via une opération nulle,

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts,

Dire et juger que M. [O] [U] ne doit rien à Monsieur [R] [L],

À titre infiniment subsidiaire :

Vu les articles 1109 et 1110 du Code civil,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir rejeté le moyen tiré du vice du consentement de l'acheteur,

Statuant à nouveau,

Constater la surévaluation des parts sociales, les dissimulations dolosives, les fausses affirmations dont s'est rendu coupable M. [R] [L] au moment de vendre ses parts sociales de la SARL BBMYC à M. [O] [U], mais aussi le fait que ce dernier ne s'attendait pas à acheter un restaurant au bord de la faillite en concluant l'opération litigieuse,

Dire et juger que M. [R] [L] a provoqué une erreur de M. [O] [U] sur les qualités substantielles des parts sociales qu'il a achetées,

Dire et juger que le consentement de M. [O] [U] à cette opération a été vicié car donné par erreur,

En conséquence,

Prononcer la nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 7 juin 2018, passé entre M. [R] [L] et M. [O] [U], pour erreur dans le consentement du cessionnaire,

Dire que les parties se retrouveront dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, et que M. [O] [U] est donc fondé à demander le remboursement de tous les frais qu'il a engagés afin d'essayer de sauver le restaurant MAI KAI, ainsi que des dommages intérêts,

Dire et juger que M. [O] [U] ne doit rien à M. [R] [L],

En tout état de cause,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Confirmer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir débouté M. [R] [L] de sa demande au titre de son engagement de caution,

Réformer le jugement du 18 juin 2021 pour avoir fait droit à la demande principale de M. [R] [L] et condamné M. [O] [U] à lui payer la somme de 15 000 000 XPF,

Statuant à nouveau,

Débouter M. [R] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dire et juger que la demande de M. [R] [L] portant sur le cautionnement solidaire de la SARL BBMYC est sans objet puisqu'il redevient gérant de ladite SARL, et l'en débouter,

Condamner M. [R] [L] à réparer les préjudices qu'il a causé à M. [O] [U],

En conséquence,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 21 414 725 XPF en remboursement des sommes avancées à la société BBMYC pour qu'elle poursuive son activité,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 643 947 XPF correspondant aux frais de justice engagés par M. [O] [U] par la faute de M.[R] [L],

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 1 000 000 XPF au titre de son préjudice d'image,

Condamner M. [R] [L] à M. [O] [U] la somme de 500 000 XPF au titre de son préjudice moral,

Condamner M. [R] [L] à payer 1 186 500 XPF au titre de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Bourion.

Par ses dernières conclusions en date du 16 mai 2022 M. [R] [J] demande à la cour de :

Rejeter toute demande fins et conclusions de M. [O] [U],

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Papeete le 18 juin 2021,

y ajoutant,

Condamner M. [O] [U] au paiement de la somme de 500 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner M. [O] [U] au paiement de la somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Jurispol.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes des parties :

Les parties récapitulent au dispositif de leurs conclusions leurs demandes et développent les moyens au soutien de leurs demandes dans le corps de leurs conclusions ; ne constituent pas des demandes les rappels des moyens soulevés par les parties au soutien de leur argumentation. Tel est le cas des mentions suivantes portées au dispositif des conclusions de M. [O] [U] :

Dire que M. [R] [L] n'apporte pas la preuve du paiement des parts sociales de M.[S] [K], qu'il aurait ensuite revendues à M. [O] [U],

Dire que ni la cession [K]-[L], ni la cession [L]-[U] n'a été enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés,

Dire que M. [R] [L] ne pouvait pas vendre à M. [O] [U] des parts sociales dont il n'était pas lui-même propriétaire,

Dire que le paiement du prix des parts sociales est une condition essentielle à la validité du contrat de cession de ces parts,

Constater la surévaluation des parts sociales, les dissimulations dolosives, les fausses affirmations dont s'est rendu coupable M. [R] [L] au moment de vendre ses parts sociales de la SARL BBMYC à M. [O] [U], mais aussi le fait que ce dernier ne s'attendait pas à acheter un restaurant au bord de la faillite en concluant l'opération litigieuse,

Dire et juger que M. [R] [L] a provoqué une erreur de M. [O] [U] sur les qualités substantielles des parts sociales qu'il a achetées.

Dire et juger que le consentement de M. [O] [U] à cette opération a été vicié car donné par erreur.

Sur la demande de résolution de la cession [L]-[K] :

M. [O] [U] n'a pas été partie à cette vente et n'a pas qualité pour en poursuivre la résolution, seul le co-contractant pouvant initier une telle action. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'opposabilité à M. [O] [U] de la cession de parts signée entre Messieurs [K] et [L] :

Si la cession de parts sociales n'est opposable aux tiers qu'après réalisation des formalités de publicité requises par la loi, dès lors que le tiers a eu connaissance personnelle de la cession, le défaut de réalisation des formalités de publicité ne lui permet pas d'invoquer l'inoposabilité de la cession à son égard.

En l'espèce l'acte de cession de parts entre M. [O] [U] et M. [R] [L] reprenait précisemment la chronologie des différentes cessions de parts sociales intervenues incluant la cession de parts opérée entre M. [K] et M. [L].

M. [O] [U], qui en avait alors ainsi connaissance, ne peut donc poursuivre la demande d'inopposabilité de cet acte à son égard et sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de nullité de l'acte de cession de parts sociales daté du 7 juin 2018, passé entre M. [R] [L] et M. [O] [U] :

M. [O] [U] poursuit cette demande au principal en arguant du défaut de paiement par M. [R] à M. [K]. S'il est suffisamment établi par les pièces versées aux débats que le prix de cette vente n'a pas été réglé par M. [R], force est cependant de constater qu'aucune action en résolution de vente n'a été intentée par M. [K] qui peut au demeurant faire le choix de poursuivre le paiement.

Si M. [K] avait adressé un courriel à M. [U] le 15 août 2018 en lui indiquant qu'à défaut de paiement il considérait la vente automatiquement résolue, ce qui n'était pas le cas , il n'a jamais intenté d'action en ce sens.

L'article 2 de l'acte de cession en date du 7 juin 2018 conclu entre M. [R] et M. [K] prévoyait qu''à défaut de paiement à l'échéance convenue du prix, la présente cession pourra également être résolue, si bon semble au cédant, un mois après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée infuctueuse.'

Nonobstant l'absence de paiement, la vente, à défaut d'avoir été résolue, a produit ses effets translatifs de propriété et M. [R] était donc bien propriétaire des parts sociales qu'il a vendues à M. [U].

Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.

Sur les nullités demandées au titre des dispositions de l'article L 223-14 du code de commerce :

Aux termes des dispositions de l'article L 223-14 du code de commerce les parts sociales ne peuvent étre cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

M. [U] sollicite sur le fondement de cet article la nullité tant de l'acte de vente qui est intervenu entre lui-même et M. [R] que celui intervenu entre M. [R] et M. [K].

Outre le fait qu'il n'établit pas l'absence de formalités préalables à la vente survenue entre M. [R] et M. [K], il n'était à ce moment là qu'un tiers à la société et ne peut donc poursuivre la nullité de cet acte.

Concernant l'acte de vente intervenu entre lui-même et M. [R] c'est à juste titre que le tribunal, après avoir rappelé que cet article concerne des cessions de parts sociales à un tiers lorsqu'il y a plusieurs associés, ce qui n'était pas le cas en l'espèce où M. [R] [J] était titulaire de toutes les parts sociales lorsqu'il a cédé 90 % d'entre elles à M. [U], a rejeté sa demande.

Le jugement attaqué sera confirmé à ce titre.

Sur le vice du consentement :

Aux termes des dispositions des articles 1109 et 1110 du code civil de la Polynésie française, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance méme de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne porte que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

M. [U] expose que le prix de cession était trop élevé au vu de l'état de l'entreprise . Il fait valoir qu'il y a eu une dissimulation dolosive de l'état des locaux du fonds de commerce ainsi que du fait que la société était en état de cessation des paiements. Il considère que cette situation économique obérée est suffisamment établie par les investissements qu'il a effetués et l'état de cessation des paiements qui a été fixé au 7 juin 2019. Il considère que la société n'était pas viable lorsqu'il en a acquis 90 % des parts sociales.

La requête en résiliation de bail commercial déposée par la SARL Tophotel, bailleur de la société BBMYC postérieurement à l'achat de M. [U] vise deux motifs de résiliation :

un défaut d'entretien signalé depuis plusieurs années et la transformation d'une partie des locaux en habitation.

Le défaut d'entretien est objectivé par un constat d'huissier mentionnant que les boiseries souffrent d'un manque d'entretien, que la peinture est craquelée et certaines pierres formant le muret sont manquantes, que la porte menant à la réserve ainsi que le deck en bois sont marqués par un manque d'entretien et un certain délabrement en partie basse, que le réceptacle chargé de collecter les huiles usagées n'est pas étanche et que le liquide se répand au sol. Il décrit le mauvais état de certaines marches du deck à la sortie du restaurant, côté piscine. L'huissier décrit également que les boiseries sont tâchées et vermoulues, certaines lattes et autres support en bois sont en mauvais état, notamment à la jonction des lattes ou des percements doublés sont visibles, des cavités sont visibles à la jonction des lattes ou en périphérie où le bois est fissuré et pourri, la pourriture qui affecte les lames est avancée, au niveau de la terrasse située dans le prolongement du restaurant les lattes en bois sont fortement dégradées et pourries, le WC handicapé sert de zone de stockage, le revêtement d'une partie des murs est déchiré et un début d'incendie est visible dans la réserve.

Il ressort à l'évidence de ces descriptions que l'état du bâtiment était visible et M. [U] ne peut prétendre ne pas en avoir eu connaissance au moment de l'acquisition des parts. C'est en connaissance de cause qu'il a acquis malgré tout ces parts sociales.

Le constat d'huissier relève encore, tel que décrit dans la requête de la SARL Tophotel, que la La SARL Bora Bora Marina Yacht Club a réalisé, sans aucune autorisation préalable du bailleur un aménagement de cloisons visant à l'installation d'un studio pour loger le directeur du restaurant ce qui est directement imputable à M. [U].

D'autre part plus de cinq mois après cette vente M. [U] adressait un courriel à M. [R] en lui proposant d'acquérir le reste des parts à savoir les 10% toujours détenues par M. [R]. Le courriel était rédigé en ces termes ' Salut [R], J'espère que ton voyage se passe bien. As-tu reçu mon mail ' Si je t'envoie 4Mf la semaine prochaine, est-ce que tu peux me céder les 10% afin que je négocie avec [V] ' As-tu donné les instructions ou pouvoir à l'avocat pour le changement de part ''

Il poursuivait donc à cette période l'objectif d'acquérir la totalité des parts sociales en ayant une exacte connaissance de la situation et sans nulle réserve formulée.

D'autre part il ne conteste pas avoir publié une annonce pour vendre cette marina pour le prix de 58 729 000 XPF le 7 février 2019 tel qu'établi en pièce n° 18 de l'intimé ce qui contredit qu'il ait pu estimer avoir payé trop cher l'achat de ses parts.

L'état de cessation des paiements a été fixé au 7 juin 2019 soit un an après l'acquisition par M. [U] des parts sociales. M. [U] ne verse aux débats aucun élément comptable permettant d'étayer son affirmation selon laquelle, à la date de l'acquisition, l'entreprise n'était pas viable, l'absence de résultat d'activité bénéficiaire pouvant avoir des causes multiples indépendemment des investissements qu'il a réalisés.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.

Sur la condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 15 000 000 FCFP :

En conséquence des éléments ci-dessus analysés le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [U] à payer à M. [R] [J] dit [L] la somme de 15 000 000 FCFP outre les intérêts légaux à compter du 7 mars 2019.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Rien ne permet d'établir que l'usage, par M. [U], de son droit d'appel soit abusif sans autre considération que celle de l'action ainsi diligentée de sorte que la demande à ce titre sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [O] [U] sera condamné aux dépens d'appel et il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais et honoraires non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement attaqué,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne M. [O] [U] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Jurispol.

Prononcé à Papeete, le 23 février 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet c
Numéro d'arrêt : 21/00271
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.00271 ?
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