N° 15
CG
---------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Wong Yen,
le 23.02.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Me [I],
le 23.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
[Adresse 4]
Audience du 23 février 2023
RG 21/00030 ;
Décision déférée à la cour : arrêt n° 343 F-D de la Cour de cassation de Paris ayant cassé l'arrêt n° 99, RG n° 17/00066 de la cour d'appel de Papeete du 19 décembre 2019 ensuite de l'appel du jugement n° 347, RG n° 11/00106 du tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, du 30 août 2017 ;
Sur requête en reprise d'instance après cassation déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 6 mai 2021 ;
Demandeurs :
Mme [S] [Z] [J] épouse [R], née le 13 septembre 1956 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;
Mme [B] [T], née le 2 mai 1961 à [Localité 10], de nationalité française, secrétaire de direction, demeurant à [Adresse 8] ;
Mme [V] [J], née le 13 juillet 1967 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Localité 7] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Temanava BAMBRIDGE-BABIN, avocat au barreau de Papeete ;
Défenderesse :
Mme [V], [XS] [U], née le 29 avril 1954 à Tubuai, de nationalité française, demeurant à [Adresse 2] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin-Wong Yen, représentée par Me Stéphanie WONG-YEN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 17 octobre 2022 ;
Composition de la cour :
Vu l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire ;
Dit que l'affaire, dont ni la nature ni la complexité ne justifient le renvoi en audience solennelle, sera jugée, en audience ordinaire publique du 26 janvier 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme BRENGARD, président de chambre, M. SEKKAKI, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS ET PROCEDURE :
Par requête en date du 22 juillet 2011 Mme [Z] [J], épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J], ayant droit de M. [KG] [J], décédé le 21 avril 2009 à Papeete ont saisi le tribunal de première instance de Papeete d'une demande en revendication de la propriété de la terre [JT] située à Tubuai en invoquant la prescription acquisitive.
Mme [XS] [V] [U], en qualité d'ayant droit de M. [XE] [U], a été appelée en cause par assignation en date du 13 septembre 2011.
Par jugement en date du 14 novembre 2012 le tribunal de première instance de Papeete a:
- déclaré la procédure régulière en la forme, fait injonction aux consorts [J] de produire :
- le tomite, les actes translatifs de propriété de la terre [JT] située à [Localité 10] jusqu'au testament du 8 février 1919 et le procès verbal de bornage n° 86,
- le volume 409 n° 44 mentionnant la transcription de l'acte de vente de tout ou partie de la terre [JT] au profit de [KG] [J],
- une traduction en langue française des attestations de [KU] [IS] et de [ZU] [Y].
Les dépens ont été réservés et l'affaire renvoyée à la mise en état.
Par jugement en date du 8 avril 2015 le tribunal de première instance de Papeete a :
- fait injonction à Mme [V] [U] de produire l'acte de notoriété ou les actes d'état civil établissant qu'elle est ayant droit de [XE] [U],
- Autorisé les consorts [J] à faire la preuve par voie d'enquête de ce qu'ils ont usucapé la terre [JT] située à [Localité 10],
- Réservé à Mme [V] [U] la faculté de rapporter la preuve contraire,
- Ordonné une enquête confiée au juge forain du tribunal de première instance de Papeete aux fins d'entendre les témoins dénoncés par les parties sur le point de savoir qui , depuis quand , dans quelles conditions et selon quelles modalités au regard notamment des dispositions de l'article 2261 (ancien article 2229) du code civil a occupé ou occupe encore la totalité ou partie qu'il conviendra de délimiter de la surface de la terre sus indiquée.
Le procès verbal de transport sur les lieux et d'audition de témoin a été réalisé le 20 octobre 2015 par le juge forain.
Par jugement en date du 30 août 2017 le tribunal de première instance de Papeete a :
Débouté Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et [V] [J], ayants droit de [KG] [J] décédé le 21 avril 2009 à [Localité 7] de leur demande en revendication de propriété par prescription acquisitive, de la terre [JT] située à [Localité 10],
Condamné Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J] aux dépens,
Condamné Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J] à payer à Mme [V] [U] la somme de 200 000 francs au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile.
La cour d'appel de Papeete, statuant sur l'appel interjeté le 11 octobre 2017 par Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J], a, par arrêt en date du 19 décembre 2019 :
déclaré l'appel recevable,
Infirmé le jugement du tribunal de première instance de Papeete, chambre des terres n° 11/00106, n° de minute 347 en date du 30 août 2017 en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
Dit que les consorts [J], pour venir aux droits de M. [KG] [J] décédé le 21 avril 2009 à [Localité 7], sont propriétaires par prescription trentenaire acquisitive du surplus de la terre [JT] sise à [Localité 10] (archhipel des Australes) cadastrée n° [Cadastre 3],
y ajoutant
Ordonné la transcription du présent arrêt au bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 7] aux frais des consorts [J],
Rejeté tout autre chef de demande des parties,
Condamné Mme [V] [U] aux dépens de première instance et d'appel.
Par arrêt en date du 8 avril 2021 la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions , l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 entre les parties par la cour d'appel de Papeete et condamné les consorts [J] aux dépens.
Par requête en date du 6 mai 2021 Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J] ont saisi la cour en reprise d'instance sollicitant de voir :
déclarer recevable et bien fondé leur appel,
y faisant droit :
Infirmer le jugement du 30 août 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Constater que M. [KG] [J] a occupé pendant plus de trente ans la terre [JT] sise à [Localité 10] en qualité de propriétaire, de façon paisible, publique et non équivoque,
en conséquence,
Déclarer les ayants droits de M. [KG] [J] propriétaires par prescription trentenaire de ladite terre,
Condamner Mme [V] [U] à payer la somme de 400 000 CFP en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile local,
Condamner Mme [V] [U] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SERAL Jurispol.
Par leurs dernières conclusions en date du 10 mai 2022 Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J] demandent à la cour de :
Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par les consorts [J],
Y faisant droit,
Infirmer le jugement du 30 aout 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Constater que M. [KG] [J] a occupé pendant plus de 30 ans la terre [JT] sise à [Localité 10], en qualité de propriétaire, de facon paisible, publique et non équivoque,
En conséquence,
Déclarer les ayants droit de M. [KG] [J] propriétaires par prescription trentenaire de la terre cadastrée NT [Cadastre 1] d'une superficie de 14 ha 41 a 43 ca sise à Mahu, et de [Localité 10], dénommée 'surplus de la propriete [U] ',
Débouter Mme [U] de sa demande tendant à obtenir la remise en êtat de la parcelle occupée par les ayants droit de M. [KG] [J],
Subsidiairement,
Dire que les ayants droits de M. [KG] [J] doivent étre indemnisés des constructions édifiées sur la terre [JT],
Ordonner à Mme [U] de préciser son choix quant à l'option qui lui est offerte par l'article 555 alinéa 4 du code civil,
Désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de préciser la valeur du fond suite aux constructions réalisées ainsi que le prix des matériaux et le coût de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement,
Dire que Mme [U] devra faire l'avance des frais d'expertise,
Condamner Mme [V] [U] à payer la somme de 400.000 CFP en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile local,
Condamner Mme [V] [U] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Jurispol.
Par ses dernières conclusions en date du 10 août 2022 Mme [V] [U] demande à la cour de :
- Constater que M. [KG] [J] n'a pas occupée la terre [JT], parcelle cadastrée section NT n°[Cadastre 1] sise à [Localité 10] d'une superficie de 14 ha 41a 43ca, dans les conditions exigées par l'article 2261 du code civil (ancien article 2229) ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement du 30 août 2017 qui a notamment débouté Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J], ayants droit de [KG] [J] décédé le 21 avril 2009 à [Localité 7], de leur demande en revendication de propriété par prescription acquisitive, de la terre [JT] située à [Localité 10] ;
Débouter Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J], ayants droit de [KG] [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et notamment de leur demande subsidiaire d'indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause ou de l'article 555 du code civil ;
Adjuger à Mme [U] l'entier bénéfice de ses écritures ;
A titre reconventionnel,
Ordonner l'expulsion des ayants droit de M. [KG] [J] et de toutes personnes de leur chef de la parcelle de la terre [JT] surplus de la propriété [U] cadastrée NT n°[Cadastre 1] sise à [Localité 10] et ce, sous astreinte de 50.000 XPF par jour de retard à compter de la décision à intervenir avec si nécessaire, le concours de la force publique ;
Ordonner la remise en êtat de la parcelle par les ayants droit de M. [KG] [J] et la destruction de la construction et ce, sous astreinte de 50.000 XPF par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
A défaut, autoriser Mme [V] [U] à procéder à la remise en êtat de la terre et à la destruction de la maison, aux frais avancés des ayants droit de [KG] [J] ;
A titre uniquement subsidiaire,
Cantonner la prescription acquisitive des consorts [J] pour le compte de M. [KG] [J] à l'assiette de la construction de sa maison dite 'château' ;
Ordonner la désignation d'un expert géomètre aux frais exclusifs des consorts [J] pour délimiter la parcelle suivant la vue aérienne verse en pièce P,créer la servitude de passage pour accéder au surplus de la parcelle à partir de la route principale, puis borner la parcelle ;
En tout état de cause,
- Condamner solidairement Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J], ayants droit de [KG] [J] à payer à Mme [V] [U] la somme de 450.000 XPF au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2022;
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'origine de propriété de la terre [JT] :
Le procès-verbal de bornage n°86, établi le 8 décembre 1943 concemant plusieurs terres, dont la terre [JT], précise que cette dernière a été attribuée à [F] [DG] par testament authentique de [MI] a [JF] (son épouse) en date du 8 février 1919 et enregistré le 11 mars 1919.
Par acte de vente sous seing privé du 22 décembre 1947 transcrit le 29 janvier 1948 au volume 339 n°132, M. [F] [DG] a ensuite vendu à M. [XE] [U] plusieurs terres dont la terre [JT].
Par acte de vente sous seing privé du 08 mars 1950, transcrit le 25 avril 1950 au volume 347 n°20, M. [XE] [U] a vendu à M. [O] [P] une parcelle détachée de la terre [JT] sise [Adresse 2] .
Par acte de vente sous seing privé enregistré le 27 juillet 1953 au Folio 20 n°224, les époux [P] ont vendu a M. [M] [HR] une parcelle de la terre [JT] d'une superficie de 5 ha.
Par acte de vente transcrit le 12 juillet 1960 au volume 409 n°44, M. [M] [HR] a vendu à M. [KG] [ZG] [J] une parcelle de la terre [JT] sise à [Localité 10] de 5 ha.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [KG] [J] est propriétaire d'une parcelle de 5 ha de la terre [JT] sise à [Localité 10] et que M. [XE] [U] est resté propriétaire, par titre, du surplus de la terre [JT] sise à Tubuai.
Lors du règlement de la succession de M. [KG] [J] la question s'est posée de la propriété sur laquelle il avait construit une maison dite 'le chatêau'.
M. [YF], géomètre, s'est rendu sur les lieux et a pu constater que cette maison avait été édifiée sur une parcelle différente de celle dont M. [KG] [J] avait fait l'acquisition. Ainsi M. [YF] précise que 'l'habitation de M.[J] et ses annexes 'se situent en dehors de la zone des 5 ha.'
Il ressort d'autre part du transport sur les lieux effectué le 20 octobre 2015 par le juge forain du tribunal de première instance qu'en sus de cette construction élevée en dehors de la parcelle de 5 ha acquise par M.[J] figure, sur la parcelle de 5 ha qu'il avait régulièrement acquise, une maison familiale dans un état d'entretien relatif à l'extrémité sud de la terre [JT]. Cette maison, est-il décrit dans ce procès verbal, se trouve sur une parcelle qui a été manifestement plantée et arborée de divers arbres fruitiers et de cocotiers existants depuis plusieurs décennies.
Les consorts [J] prétendent que la superficie acquise par leur auteur était supérieure, supposant une acquisition par acte sous seing privé dont les formalités d'enregistrement n'auraient pas été réalisée. Ils se prévalent pour cela d'un courrier de Mme [V] [U] en date du 5 janvier 2012.
Par ce courrier adressé le 5 janvier 2012 au président du tribunal civil de première instance de Papeete Mme [V] [U] déclare :
'Lors de l'audience du 19 octobre 2011, vous m'avez demandé de vous fournir un courrier attestant les faits fournis par les consorts [J] dans l'affaire sus-référencée.
Je n 'ai pas en ma possession aucun acte de vente officialisant la propriété de la terre [JT] à Monsieur [J].
Cependant, feu [XE] [U] , mon père, m'a indiqué avoir vendu 8 hectares à [KG] [J], pour une somme certes dérisoire. C'est la raison pour laquelle Monsieur [J] a bâti une maison sur cette parcelle et qu'il s'y est domicilié depuis plus de 30 ans.'
Si Mme [V] [U] a ainsi reconnu que son auteur lui avait fait l'aveu d'une vente intervenue entre lui même et M.[J], l'affirmation de la domiciliation de ce dernier depuis plus de trente ans dans la maison ressort d'une déduction personnelle et non de la constatation d'un fait.
Mme [V] [U] ne saurait prétendre avoir fait une erreur sur l'étendue de la vente qu'elle entend faire correspondre à la superficie de 5 ha acquise par M. [J] alors que celui-ci n'a nullement acquis cette parcelle de M. [U] mais de M. [M] [HR].
Pour autant le tribunal de première instance de Papeete n'a pas attaché de force probante à ce courrier puisque, postérieurement à celui-ci et par jugement en date du 8 avril 2015 n'ayant pas été contesté, il a autorisé les consorts [J] à faire la preuve par voie d'enquête de ce qu'ils ont usucapé la terre [JT] située à Tubuai, réservé à Mme [V] [U] la faculté de rapporter la preuve contraire et ordonné un transport sur les lieux du juge forain.
En tout état de cause les héritiers de M. [J] revendiquent la propriété par prescription de la terre cadastrée NT[Cadastre 1] d'une superficie de 14 ha 41 a 43 ca ce qui excède les terres acquises de M. [M] [HR] et celles de l'éventuelle vente occulte évoquée par Mme [V] [U]. Au demeurant rien ne permet d'établir que le lieu d'édification de la maison de M. [KG] [J] ne se trouvait pas sur des terres appartenant à M. [U] ainsi que cela a été établi après le récaptitulatif des actes de vente successifs.
Sur la prescription :
Aux termes des dispositions des articles 2262 et 2229 du code civil dans sa version applicable en Polynésie française toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. Pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, on équivoque, à titre de propriétaire.
L'article 2235 du code civil dans sa version applicable en Polynésie française ajoute que, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.
Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de cette prescription d'en rapporter la preuve.
M. [KG] [J] est décédé le 21 avril 2009. Si les consorts [J] versent désormais aux débats deux attestations, une de M. [E] [D] qui atteste entretenir le terrain lieu-dit 'Le château' depuis 2017 et une de Mme [OK], [GP] [C] qui déclare le 5 mai 2021 entretenir le terrain lieu-dit 'Le château' depuis maintenant dix ans, force est de constater que ces deux attestations ne permettent pas d'établir une période en continuité immédiate avec le décès de M. [KG] [J].
Dès lors à défaut d'établir la poursuite continue de cette possession au delà du décès de leur auteur, il leur appartient d'établir celle-ci pendant trente ans préalablement à son décès.
En l'espèce les parties versent de part et d'autre aux débats des attestations contradictoires concernant la date de l'édification de la maison dite 'Le château'.
Si Mme [U] verse aux débats des attestations faisant état d'une domiciliation de M. [KG] [J] à l'hôtel de Mataura, les consorts [J] rétorquent par des attestations permettant de savoir que, si en journée M. [J] se rendait fréquemment à l'hôtel à [Localité 6], il retournait le soir en sa demeure dite 'le château' de sorte que l'occupation de la maison qu'il avait construite sur la terrre [JT] est établie.
Le point de départ de cette occupation diverge selon les attestations fournies et les témoignages recueillis par le juge forain lors de son déplacement sur les lieux.
La seule attestation datant la constuction de cette maison dont se prévalent les consorts [J] est celle établie le 8 mai 2021 par Mme [YT] née [AR] qui déclare que 'vers les années 74-75 ils étaient montés au 'château' invités par Doudou (M. [KG] [J]) pour y déguster une chèvre à la broche. Pour le surplus, plusieurs attestations font état d'une domiciliation durant plus de trente ans sans préciser la date initiale d'installation, ni la date de son départ.
Les consorts [J] versent plusieurs attestations faisant état de date de construction différentes pour la maison du ' château' . M. [K] [W] déclare que cette maison a été construite en 1985 et que M. [G] [PZ] était l'entrepreneur pour construire cette maison.
M. [UO] [XE] atteste avoir travaillé avec M. [PZ] chez M.[J] durant l'année 1981 pour la construction de la maison que M.[J] n'avait pas encore habitée.
M. [BO] [IE] déclare avoir travaillé en 1982 pour la construction de cette maison sur la colline à [Localité 5].
Lors du transport sur les lieux du juge chargé des audiences foraines du tribunal de première instance de Papeete divers témoins ont été entendus :
M. [JF] [JF] a déclaré ne plus se souvenir de la date de la construction de la deuxième maison de M.[J] ajoutant qu'il croyait que cette maison avait été construite entre 1980 et 1990. Il précisait que cette maison avait été construite sur une partie de terrain qui ne lui appartenait pas car une rivière traversait cette terre et c'était l'autre côté qui lui avait été vendu. Il s'étonnait de ce que cette maison ait pu être construite sans autorisation et ne portait pas de numéro, car 'les maisons portent des numéros quand elles sont construites avec autorisation'.
M. [H] [N] décrit la construction de la première maison de M. [J] sur le terrain lui appartenant comme ayant été acquis à la suite de l'achat et la construction de la deuxième maison plus tard, en haut de la colline. Il indique 'quand j'ai commencé ma carrière en 1994, c'est là que j'ai vu monter les murs de la deuxième maison. Il avait commencé un peu avant, début des années 1990. Jusqu'à la contruction de la nouvelle maison, il habitait dans sa première maison. Même après la construction de sa nouvelle maison sur la colline, c'était rare que je le voie là haut dans sa nouvelle maison. Durant la construction de sa maison, il n'y avait pas de panneau affichant le permis de construire.'
M. [X] [A] [C] indique pour sa part que cette maison a été construite en 1979-1980 et son épouse explique qu'en 1980 son mari et son fils ont construit la deuxième maison à la demande de M.[J].
Mme [L] [OY] rapporte pour sa part que vers les années 1990 la maison était en construction.
Ces nombreuses et multiples attestations, ainsi que les auditions de témoins réalisées par le juge forain contredisent celle déposée par Mme [YT] née [AR] de sorte qu'il ne peut être retenu que la maison dite 'Le Château' était réalisée en 1974-1975.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que cette maison a été édifiée au plus tôt en 1980 et les témoignages évoquant l'absence d'autorisation pour cette construction ne permettent pas d'affirmer, ainsi que l'avait retenu le tribunal, que la possession en ait été non équivoque. La precription trentenaire à ce titre n'est pas acquise.
Concernant les terres :
L'attestation de M. [UO] [LV] ne permet pas, comme le prétendent les consorts [J] d'établir que leur auteur a occupé cette terre en qualité de propriétaire dès l'année 1968. M. [UO] atteste que lorsqu'il avait 18 ans, soit en 1963 ,il allait voir son père chez [KG] [J] dit 'Doudou' et ajoute 'ils ont construit la maison et au fond, après la rivière, il y avait le marécage, les vaches et les chevaux et c'était clôturé.' La construction ainsi évoquée est donc celle de la première maison de M. [KG] [J] sur le terrain qu'il avait acquis. M. [UO] [LV] ajoute qu'en 1976 il a planté des falcatas tout au long de la clôture. Sur cette attestation, qui est fournie en copie une partie a été effacée après la date de 1976.
M. [IS] [KU] déclare avoir vu, en 1970 , M. [J] nettoyer cette terre située sur la colline 'et ensuite il y a construit sa maison. Il n'y avait pas que la terre sur la colline qu'il nettoyait mais les terres également qui entourent cette colline. Au pied de cette colline. Il le faisait car il avait un projet agricole.'
A supposer la correspondance entre les terres ainsi travaillées et les terres litigieuses, rien ne permet de considérer que, si M. [KG] [J] en avait pris possession en les défrichant et plantant des falcatas, cette possession a été continue par la suite.
Lors du transport sur les lieux le juge forain avait noté qu'en dehors de la zone d'implantation de la maison, le surplus de la parcelle vers le nord et vers l'est n'est pas entretenu, il est recouvert de falcatas et d'arbustes. Aucun élément n'atteste d'une exploitation continue et non équivoque sur cette terre.
L'attestation de M. [Y] [ZU] ne décrivant pas sur quelle partie des terres il travaillait pour le compte de M.[J] ne peut permettre de considérer qu'il s'agit des terres litigieuses.
En conséquence aucune prescription trentenaire ne peut être acquise pour le surplus des terres [JT] et le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et [V] [J], ayants droit de [KG] [J] décédé le 21 avril 2009 à [Localité 7] de leur demande en revendication de propriété par prescription acquisitive, de la terre [JT] située à [Localité 10],
Sur la demande de remise en état :
Aux termes des dispositions de l'article 555 du code civil dans sa version applicable en Polynésie française :
Mme [U] demandant la destruction des constructions érigées sur cette parcelle conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 555 du code civil il sera fait droit à cette demande et ce sous astreinte de 50 000 XPF par jour de retard passé trois mois à compter de la signification du présent arrêt, dans la limite de trois mois sans qu'il y ait lieu, à défaut, de l'autoriser à procéder à la remise en êtat de la terre et à la destruction de la maison, aux frais avancés des ayants droit de [KG] [J].
Cette décision rend sans objet la demande d'explusion dont elle sera déboutée.
Sur la demande d'indemnisation :
Les consorts [J] ne sauraient prétendre à une indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article 555 du code civil dès lors que Mme [U] sollicite de voir enlever les constructions réalisées.
Ils ne sauraient d'autre part prétendre à une indemnisation sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause laquelle suppose, pour être accueillie, l'absence de toute action possible à titre principal et alors, en tout état de cause, que leur auteur avait érigé ces construction dans son propre intérêt.
Ils seront donc déboutés de ces demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant en leur appel Mme [Z] [J] épouse [R],Mme [B] [T] et Mme [V] [J], ayants droit de [KG] [J] seront condamnés aux dépens sans qu'il soit inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais et honoraires non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Confirme le jugement attaqué,
y ajoutant :
Ordonne la remise en êtat de la parcelle de la terre cadastrée NT [Cadastre 1] d'une superficie de 14 ha 41 a 43 ca sise à [Adresse 2], dénommée 'surplus de la propriete [U]' par les ayants droit de M. [KG] [J] et la destruction de la construction qui y est érigée et ce, sous astreinte de 50.000 XPF par jour de retard passé trois mois après la signification du présent arrêt et ce pendant trois mois,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne Mme [Z] [J] épouse [R], Mme [B] [T] et Mme [V] [J] aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 23 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C GUENGARD