N° 56
CG
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Lau,
le 23.02.2023.
Copies authentiques
délivrées à :
- Me [N],
- Me [W],
- M. [Z],
- Polynésie française,
- L'Etat,
- Cps,
- Ministère Public,
le 23.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 23 février 2023
RG 18/00244 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 15-00208/add, rg n° 15/00208 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 17 mai 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 17 juillet 2018 ;
Appelantes :
Mme [H] [V], épouse [I], née le 31 octobre 1983 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant [Adresse 10] ;
Ayant pour avocat la Selarl MLDC, représentée par Me Thibaud MILLET, avocat au barreau de Papeete ;
La Sa Allianz, [Adresse 12] ;
L'Eglise Protestante [5], [Adresse 11] ;
Ayant pour avocat la Selarl M & H, représentée par Me Muriel MERCERON, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [E] [X], né le 6 mars 1998 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 8] ;
Ayant pour avocat la Selarl Cabinet Lau et Nougaro, représentée par Me James LAU, avocat au barreau de Papeete ;
La Société Pacific Promotion [Localité 15], représentée par M. [M] [Z], [Adresse 4], représentant des créanciers de Pacific Promotion [Localité 15] ;
Ayant conclu ;
L'Etat français, [Adresse 2], représenté par M. le Haut Commissaire de la République ;
Ayant conclu ;
La Polynésie française, [Adresse 3], représentée par le Président ;
Ayant conclu ;
La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par son Directeur ;
Ayant conclu ;
Le Ministère Public ;
Mme Céline CHARLOUX, substitut général, comparante ;
Ordonnance de clôture du 17 octobre 2022 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 26 janvier 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ et M. RIPOLL, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Le 10 mai 2014, au cours d'une sortie scolaire à bord d'une pirogue double sur le banc de sable de [Localité 14] (Polynésie française), [E] [X], né le 6 mars 1998, scolarisé en classe de seconde au lycée-collège [9], a été victime d'un accident. Après un plongeon, son corps a violemment heurté le sable, en raison du peu de profondeur d'eau. La pirogue appartenait à la société Pacific Promotion [Localité 15].
Transporté aux urgences, il a subi plusieurs opérations chirurgicales avant d'être évasané le 8 novembre 2014 dans l'hexagone et admis au centre de rééducation spécialisé de [Localité 6].
Il reste tétraplégique.
Par requête enregistrée au greffe le 25 mars 2015, précédée d'assignations délivrées les 4 et 10 mars 2015, [E] [X] représenté par sa mère Mme [A] [O] a fait citer le collège [9], pris en la personne de son chef d'établissement, l'Eglise protestante [5] et la société Pacific Promotion [Localité 15], aux fins de :
avant-dire droit :
- enjoindre aux défendeurs d'appeler en cause leurs assureurs respectifs,
- ordonner une expertise médicale (...),
- dire que les frais d'expertise seront à la charge de l'État dès lors que M. [E] [X] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale,
- condamner solidairement le Collège [9], l'Eglise protestante [5], la société Pacific Promotion [Localité 15] à lui payer une provision de 10.000.000 FCP à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et dire que cette condamnation est opposable aux assureurs respectifs,
au fond :
- renvoyer l'affaire au fond,
- réserver les demandes d'indemnisation qui seront formulées par la victime après l'établissement du rapport d'expertise médicale.
La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 27 mai 2015.
Par actes d'huissiers en date des 1er et 2 octobre 2015, [E] [X] représenté par sa mère Mme [A] [O] a appelé en cause l'Etat, représenté par le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, la compagnie d'assurances Allianz, assureur de l'Eglise protestante [5] et de [E] [X] et Mme [H] [V], enseignante ayant organisé la sortie scolaire.
Par acte d'huissier du 27 novembre 2015, M. [E] [X] a appelé dans la cause M. [M] [Z] es qualité de représentant des créanciers de la société Pacific Promotion [Localité 15].
Par jugement n° 1500208 en date du 17 mai 2018, le tribunal civil de première instance de Papeete, a, en ses dispositions principales :
Sur le fond :
- reconnu sa compétence,
- mis hors de cause la société Pacific Promotion [Localité 15],
- déclaré Mme [H] [V] entièrement responsable de l'accident survenu le 10 mai 2014 au préjudice de M. [E] [X],
- donné acte à la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française de son intervention volontaire,
- réservé les droits de la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française,
- déclaré le jugement opposable à M. [M] [Z], en qualité de représentant des créanciers de la société Pacific Promotion [Localité 15],
- déclaré le jugement opposable à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X],
- condamné Mme [H] [V] à verser à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X], la somme de 4.000.000 FCP en remboursement de la provision versée,
- alloué à M. [E] [X] une indemnité provisionnelle de 5.000.000 FCP, à valoir sur la réparation de ses préjudices, à la charge de Mme [V],
- débouté pour le surplus,
Avant-dire droit :
- ordonné une expertise de M. [E] [X] et désigné pour y procéder le docteur [T] [G], médecin près la cour d'appel de Papeete (...),
- réservé les autres demandes des parties,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- réservé les dépens de la présente instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Mme [H] [V], la compagnie d'assurance Allianz et l'Eglise protestante [5] ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe de la cour le 17 juillet 2018 et assignations délivrées les 23 et 25 octobre 2018.
Mme [H] [V] a appelé dans la cause la Polynésie française par assignation délivrée le 16 janvier 2020.
Par conclusions déposées le 30 octobre 2018, M. [M] [Z] es qualité de représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Pacific Promotion [Localité 15], intimé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la société Pacific Promotion [Localité 15],
En conséquence,
- dire que la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française et la compagnie d'assurance Allianz ne sont pas créancières de la société Pacific Promotion [Localité 15],
- statuer ce que de droit sur les autres demandes.
Par conclusions déposées le 24 avril 2020, la Polynésie française, intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- dire et juger les conclusions de Mme [V] concernant la Polynésie française irrecevables et les rejeter comme telles,
A titre subsidiaire,
- dire et juger les conclusions de Mme [V] comme infondées tant en droit qu'en fait et les rejeter comme telles,
- dire et juger que la Polynésie française n'est pas responsable du dommage subi par M. [X],
En conséquence,
- La mettre hors de cause,
Par conclusions récapitulatives reçues par RPVA le 15 mai 2020, M. [E] [X], intimé, forme appel incident demandant à la cour de:
- le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées contre l'Eglise protestante [5], le collège [9] et la compagnie d'assurances Allianz,
Statuant à nouveau,
- dire et juger l'Eglise protestante [5] et le collège [9] responsables des conséquences dommageables de l'accident,
- dire et juger la compagnie d'assurances Allianz tenue de garantir les dommages subis,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise médicale,
- l'infirmer en ce qu'il a alloué une indemnité provisionnelle de 5.000.000 FCP,
- lui allouer une provision de 10.000.000 FCP,
Subsidiairement,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause l'Etat et l'a débouté de ses demandes,
- dire et juger que Mme [H] [V] a commis une faute de surveillance,
- dire et juger l'Etat, dont la responsabilité se substitue à celle de l'enseignant, responsable du dommage qu'il a subi,
Très subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme [H] [V] responsable personnellement des dommages qu'il a subis,
- condamner solidairement la compagnie d'assurances Allianz, l'Eglise protestante [5], le collège [9] et l'Etat à lui payer la somme de 500.000 FCP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la compagnie d'assurances Allianz, l'Eglise protestante [5], le collège [9] et l'Etat aux entiers dépens.
Par courrier reçu au greffe le 12 mai 2021, le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, intimé, demande à la cour de :
A titre principal,
- dire et juger que les dispositions des articles L 911-4 et L 973-1 du code de l'éducation ne s'appliquent pas en l'espèce,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les conclusions de Mme [H] [V] sont inopérantes,
A titre très subsidiaire,
- dire que Mme [H] [V] est condamnée à titre personnel sur le fondement de l'article 1384 du code civil et que l'établissement [9] et sa gestionnaire l'Eglise protestante [5] sont condamnés sur le fondement des articles 1135 à 1147 du code civil ainsi qu'aux frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Par avis du 10 juin 2021, le dossier lui ayant été communiqué conformément à l'article 252 du code de procédure civile de la Polynésie française, le procureur général a indiqué s'associer aux conclusions du Haut - Commissariat.
Par arrêt en date du 28 octobre 2021 la cour d'appel de Papeete a :
- Dit que la solution du présent litige dépend de la question préjudicielle soulevée par la compagnie d'assurance Allianz et l'Eglise protestante [5] relative à la légalité du décret n°2008-263 du 14 mars 2008, en particulier en ce qu'il porte abrogation, en Polynésie française, de l'article 10 décret n°60-389 du 22 avril 1960,
- Dit que la question posée par la compagnie d'assurance Allianz et l'Eglise protestante [5] est recevable et sérieuse,
- Ordonné la transmission de la question préjudicielle au Conseil d'Etat,
- Sursis à statuer, dans l'attente de la position du Conseil d'Etat,
- Renvoyé à la mise en état (virtuelle) du 17 janvier 2022.
- Réservé les frais irrépétibles et les dépens.
Par arrêt en date du 27 juillet 2022 le Conseil d'état a décidé :
Article 1er : il est déclaré que l'exception d'illégalité du décret du 14 mars 2008 relatif aux dispositions règlementaires du livre IV du code de l'éducation, en tant qu'il aurait abrogé, en Polynésie française, la règle substituant la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants des établissements privés du second degré sous contrat d'association avec l'Etat, en matière d'accident scolaire n'est pas fondée.
Article 2 : les conclusions de la société Allianz et de l'église protestante [5] tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Par conclusions en date du 19 septembre 2022 compagnie d'assurances Allianz et l'Eglise protestante [5] demandent à la cour :
Vu l'article 1er du décret du 2 juillet 1975 rendant applicable en Polynésie française le décret du 22 avril 1960, ensemble l'article R.442-40 du code de l'éducation,
Vu I 'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 2022 ;
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances ;
Dire l'appel bien fonde et recevable ;
Confirmer le jugement du 17 mai 2018 en ce qu'il a débouté M.[X] de ses demandes formées contre l'Eglise Protestante [5] et la compagnie Allianz;
Confirmer le jugement du 17 mai 2018 en ce qu'il a ordonné une expertise médicale de M. [X] ;
Infirmer pour le surplus ;
En conséquence,
Mettre hors de cause Mme [P] [V] en application des articles L 911- 4 et L 973 -1 du code de l'éducation ;
Dire et juger que la compagnie d'assurances Allianz est subrogée dans les droits de la victime à hauteur du montant des sommes versées a titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, soit la somme de 5.000.000 XPF ;
Condamner les entités responsables de l'accident survenue le 10 mai 2014 à verser à la compagnie d'assurances Allianz la somme de 5.000.000 XPF;
Fixer le cas échéant la créance de la compagnie d'assurances Allianz à l'égard de la société Pacific Promotion [Localité 15] a la somme de 5.000.000 XPF;
En tout état de cause,
Condamner les entités responsables de l'accident survenu le 10 mai 2014 à verser à la compagnie d'assurances Allianz la somme de 700.000 XPF au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction d'usage au profit de la SELARL M&H.
Par ses conclusions en date du 14 octobre 2022 Mme [H] [V] épouse [I] demande à la cour :
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant de nouveau :
A titre principal,
Dire et juger qu'en sa qualité d'enseignante, Mme [V] bénéficie d'une immunité pour les dommages causés à l'occasion de ses fonctions ;
Dire et juger que la responsabilité de l'Etat, et à défaut celle de la Polynésie française, se substituera le cas échéant à la responsabilité éventuelle de Mme [V] ;
Mettre en conséquence Mme [V] hors de cause ;
A titre subsidiaire,
Dire et juger qu'en sa qualité de préposé du collège [9], Mme [V] bénéficie d'une immunité pour les dommages causés à l'occasion de ses fonctions ;
Dire et juger que la responsabilité du collège [9] se substituera le cas échéant à la responsabilité éventuelle de Mme [V] ;
Mettre en conséquence Mme [V] hors de cause ;
A titre très subsidiaire,
Dire et juger que l'appréciation d'une faute de service éventuellement commise par un agent non titulaire de l'Etat relève de la compétence de l'ordre administratif ;
Se déclarer incompétent pour connaître du présent contentieux au profit du tribunal administratif de Polynésie française ;
A titre infiniment subsidiaire,
Constater que Mme [V] n'a pas commis de faute de surveillance en lien avec les dommages subis par M. [X] ;
Dire et juger que la responsabilité de Mme [V] ne peut pas être engagée ;
Mettre en conséquence Mme [V] hors de cause ;
En tout êtat de cause,
Constater que la société Pacific Promotion [Localité 15] a commis une faute contractuelle en lien avec les dommages subis par M.[X] ;
Dire et Juger que la responsabilité de la société Pacific Promotion [Localité 15] est engagée ;
Dire et juger en conséquence que la société Pacific Promotion [Localité 15] devra garantir et relever indemne Mme [V] de toutes condamnations éventuelles ;
Condamner l' Etat d'avoir à verser à l'exposante une juste somme de 500 000 FCFP au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager pour se défendre personnellement en raison du refus injustifié de l'Etat de faire jouer le mécanisme de substitution de responsabilité ;
Condamner l' Etat aux entiers dépens de l'instance d'appel, dont distraction d'usage.
Par conclusions déposées le 14 octobre 2022, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a donné acte à la Caisse de
Prévoyance Sociale de son intervention volontaire et en ce qu'il a réservé ses droits,
- prendre acte de ce que l'organisme social s'en remet à droit quant à la détermination du débiteur en réparation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la portée de l'appel :
Aux termes de la requête d'appel, des assignations et des conclusions des parties ne se trouvent pas contestées les dispositions suivantes du jugement attaqué en ce qu'il a :
- reconnu sa compétence,
- donné acte à la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française de son intervention volontaire,
- réservé les droits de la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française,
- déclaré le jugement opposable à M. [M] [Z], en qualité de représentant des créanciers de la société Pacific Promotion [Localité 15],
- déclaré le jugement opposable à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X],
et avant-dire droit :
- ordonné une expertise de M. [E] [X] et désigné pour y procéder le docteur [T] [G], médecin près la Cour d'appel de Papeete.
De sorte qu'il n'est pas nécessaire de confirmer ces dispositions non contestées.
Sur la responsabilite de l'enseignant :
Aux termes des dispositions de l'article 1384 du code civil on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde, l'alinéa 6 prévoyant que les instituteurs et les artisans sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance et l'alinéa 7 prévoyant qu'en ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées conformément au droit commun, par le demandeur à l'instance.
Le jugement attaqué a retenu qu'une information judiciaire, ouverte par le parquet de Papeete contre le propriétaire de la pirogue, la SA Pacific Promotion [Localité 15], a abouti à une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, en date du 11 mai 2016.
Il est rappelé, sans être contesté, que les pièces de la procédure pénale permettent d'établir qu'à l'endroit où la pirogue était stationnée, le fonds était sablonneux et que le plongeon effectué par [E] [X] a eu lieu dans 80 cm d'eau. Mme [V] expose dans ses conclusions que lors de cette sortie elle avait enjoint à [E] [X] qui jouait avec une tablette, d'aller se baigner lui disant expressement qu'il faisait beau et qu'il n'était pas venu pour jouer à la tablette.
Elle ajoute qu'alors, un groupe de quatre garçons sur le bord de la pirogue lui ont demandé s'ils pouvaient plonger ce à quoi elle a répondu par la négative 'parce qu'il n'y avait pas assez d'eau'. Elle ajoute lors de son audition ' je leur raconte l'histoire d'un copain que j'ai et qui est revenu tétraplégique en sautant dans très peu d'eau en métropole'. Elle reconnait qu'elle avait pris connaissance des dispositions du contrat de location de la pirogue qui rappelait l'interdiction de sauter à l'eau depuis le pont supérieur de celle-ci mais non depuis l'avant de la pirogue.
En ayant pris l'initiative de l'organisation de cette sortie Mme [V] ne peut se retrancher derrière le manquement allégué d'information de la société auprès de laquelle a été louée cette pirogue dès lors que cette société n'avait aucun rôle d'encadrement d'activité lors de cette sortie.
Le jugement attaqué a retenu que Mme [V] indiquait avoir organisé, deux ans auparavant, la même sortie scolaire, elle ne peut donc se retrancher derrière sa méconnaissance des lieux pour justifier l'absence de toute consigne de sécurité donnée à ses élèves. En conséquence c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il Iui appartenait de se substituer à cette carence en sa qualité d'organisatrice. Au vu de ces éléments c'est à juste titre que le jugement attaqué a ainsi considéré qu'elle avait manqué a son devoir de prévoyance et commis une faute à ce titre.
De même, au surplus, à bord de la pirogue parmi les participants se trouvaient d'autres enfants qui n'avaient pas fait l'objet d'une demande d'autorisation auprès du collège [9], parmi lesquels les enfants de Mme [V]. Cet élément, de nature à réduire la vigilance des accompagnateurs constitue également une faute directement imputable à Mme [V].
Sur la responsabilité de la société Pacific Promotion [Localité 15] :
Mme [V] invoque une faute contractuelle commise par la société Pacific Promotion [Localité 15].
C'est à juste titre que le tribunal a rappelé que la société Pacific Promotion [Localité 15] entretient des liens contractuels avec l'église protestante [5] et le collège [9] de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée envers M. [E] [X] à raison du contrat de location souscrit.
Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la SA Pacific Promotion [Localité 15].
Sur la responsabilite de l'église protestante [5] et de l'établissement scolaire collège [9] :
La preuve d'une faute de l'établissement incombe au demandeur à ce titre de sorte que le Haut Commissaire de la République ne peut prétendre qu'il appartient au Collège [9] et à l'Eglise protestante [5] de démontrer qu'ils ont effectué toutes les démarches préalables préconisées par une circulaire qui est versée aux débats et dont il convient de remarquer qu'elle est en date du 27 août 2018 soit postérieurement aux faits litigieux.
Pour le surplus, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le jugement attaqué a retenu qu'il n'était pas démontré que l'accident soit la cause d'une faute commise par l'établissement dans l'exécution de ses obligations contractuelles de sorte que le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre de l'église protestante [5] et de l'établissement scolaire collège [9].
Sur la responsabilite de l'Etat :
Aux termes des dispositions de l'article L. 911-4 du code de l'éducation dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.
Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.
L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l'autorité académique compétente, l'article L 973-1 du code de l'éducation rendant ces dispositions applicables en Polynésie française.
L'article L. 911-4 du code de l'éducation, institue ainsi une responsabilité générale de l'État, mise en jeu devant les tribunaux de l'ordre judiciaire pour tous les cas où un dommage causé à un élève trouve son origine dans la faute d'un membre de l'enseignement.
Aux termes des dispositions de l'article R 442-40 du code de l'éducation en matière d'accidents scolaires, la responsabilité de l'Etat est appréciée dans le cadre des dispositions de l'article 1384 du code civil et de l'article L. 911-4 du code de l'éducation.
Ces dispositions, insérées au Titre IV «Les établissements d'enseignement privés»/Chapitre II «Les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés»/Section 3 «Le contrat d'association» étendent la substitution de la responsabilité de l'Etat à celle des enseignants des établissements privés sous contrat d'association. Ces dispositions sont restées applicables en Polynésie française malgré l'abrogation de l'article 10 du décret du 22 avril 1960 par le 18° de l'article 15 et l'article 17 du décret du 14 mars 2008 relatif aux dispositions règlementaires du livre IV du code de l'éducation et ce en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 14 mars 2008 qui prévoit que 'les références contenues dans les dispositions de nature règlementaire à des dispositions abrogées par l'article 15 du présent décret sont remplacées par les références correspondantes dans le code de l'éducation.'
Dès lors il en résulte qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, l'article 1er du décret du 2 juillet 1975 rendant applicable, en Polynésie française le décret du 22 avril 1960 doit être lu, en tant qu'il était relatif à l'article 10 de ce décret , comme se référant à l'article R 442-40.
En l'espèce l'Eglise protestante [5] a signé le 29 décembre 1975 un contrat d'association avec l'Etat et divers avenants postérieurs sans qu'il soit contesté qu'elle gérait plusieurs structure d'enseignement parmi lesquelles le collège [9] où était scolarisé, en classe de seconde O le jeune [E] [X] de sorte que les dispositions des articles R 442-40 et L 911-4 du code de l'éducation sont applicables aux fautes commises par les membres de l'enseignement du collège [9].
Lors de la survenance de l'accident, Mme [V] était enseignante en contrat à durée déterminée auprès du collège [9] sans que la nature de ce contrat l'exclut des dispositions de l'article L 911-4 du code de l'éducation.
D'autre part, il n'est pas contesté que la sortie au cours de laquelle l'accident est survenu avait été organisée après accord de son autorité hiérarchique. Cette demande, déposée le 30 avril 2014 avec pour objectif la cohésion de la classe avait fait l'objet d'un avis favorable donné le 7 mai 2014 par le principal du lycée-collège [9]; dès lors, peu important la participation en sus à cette sortie de trois personnes non scolarisées dans l'établissement [9], celle-ci s'inscrivait dans le cadre de la scolarité de sorte que les dispositions de l'article L 911-4 du code de l'éducation doivent s'appliquer en l'espèce.
En conséquence le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [V] responsable des blessures occasionnées à [E] [X] et l'a condamné à verser à la compagnie, Allianz assureur de M. [E] [X], la somme de 4.000.000 FCP en remboursement de la provision versée, ainsi qu'en ce qu'il a alloué à M. [E] [X] une indemnité provisionnelle de 5.000.000 FCP, à valoir sur la réparation de ses préjudices, à la charge de Mme [V].
Statuant sur le chef infirmé il sera fait droit à la demande de M.[X] de voir dire que l'Etat, dont la responsabilité se substitue à celle de l'enseignant, responsable du dommage qu'il a subi.
Le Haut -Commissariat de la République a été appelé en la cause en qualité de représentant de l'Etat par M. [E] [X] dès le début de la procédure.
Par assignation en date du 16 janvier 2020 Mme [V] a, pour sa part, appelé en la cause la Polynésie française dans le cadre de la présente procédure or, en application des dispositions de l'article 14-13° du statut de la Polynésie française, l'Etat est seul compétent pour régir le régime de responsabilité des personnels des établissements privés sous contrat de sorte que les demandes dirigées à son encontre seront rejetées.
Sur la provision :
Le jugement attaqué a accordé, au titre de l'indemnité provisionnelle allouée à M. [E] [X], la somme de 5.000.000 XPF à valoir sur la réparation de ses préjudices. Cette même décision, après avoir constaté que la compagnie d'assurances Allianz avait versé à M. [E] [X], sur le fondement du contrat d'assurance qui les lie, une provision de 4.000.000 XPF a condamné Mme [H] [V] à verser à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X], la somme de 4.000.000 FCP en remboursement de la provision versée.
S'agissant d'une somme provionnelle, ce montant sera confirmé en l'absence de tout élément probatoire de nature contraire.
La compagnie d'assurances Allianz a abondé la somme initialement versée à M. [E] [X], sur le fondement du contrat d'assurance qui les lie et lui a, à ce jour, versé une provision de 5.000.000 XPF, c'est à juste titre que le jugement attaqué a retenu qu'elle était subrogée dans les droits de la victime à hauteur du montant des sommes versées a titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, soit la somme de 5.000.000 XPF.
Au regard de la responsabilité retenue de l'Etat, celui-ci sera condamné à verser à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X], la somme de 5.000.000 FCP en remboursement de la provision versée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dépens seront laissé à la charge de l'état et il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais et honoraires par elle exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :
- déclaré Mme [H] [V] entièrement responsable de l'accident survenu le 10 mai 2014 au préjudice de M. [E] [X],
- condamné Mme [H] [V] à verser à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X], la somme de 4.000.000 FCP en remboursement de la provision versée,
- alloué à M. [E] [X] une indemnité provisionnelle de 5.000.000 FCP, à valoir sur la réparation de ses préjudices, à la charge de Mme [V],
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- Déclare l'Etat responsable de l'accident survenu le 10 mai 2014 au préjudice de M. [E] [X],
- Alloue à M. [E] [X] une indemnité provisionnelle de 5.000.000 FCP, à valoir sur la réparation de ses préjudices, à la charge de l'Etat, représenté par le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française,
- Condamne l'Etat, représenté par le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, à verser à la compagnie Allianz, assureur de M. [E] [X], la somme de 5.000.000 FCP en remboursement de la provision versée,
- Confirme pour le surplus le jugement attaqué,
- Rejette toute demande plus ample ou contraire,
- Condamne l'Etat,représenté par le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, aux dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 23 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD