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08/12/2022 | FRANCE | N°21/00094

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet c, 08 décembre 2022, 21/00094


N° 499





SE

-------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Grattirola,

le 14.12.2022.





Copie authentique délivrée à :

- Me Abgrall,

le 14.12.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Commerciale



Audience du 8 décembre 2022





RG 21/00094 ;



Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour de Cassation de Paris n° 89 F-MP+B+1 du 27 juin 2019 ayant cassé l'arrêt n° 382, rg n° 1

4/ 00593 de la Cour d'Appel de Papeete du 27 octobre 2016 ;



Sur reprise d'instance après cassation suivant requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 29 mars 2021 ;



Demanderesse :



La Sci Heimata...

N° 499

SE

-------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Grattirola,

le 14.12.2022.

Copie authentique délivrée à :

- Me Abgrall,

le 14.12.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 8 décembre 2022

RG 21/00094 ;

Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour de Cassation de Paris n° 89 F-MP+B+1 du 27 juin 2019 ayant cassé l'arrêt n° 382, rg n° 14/ 00593 de la Cour d'Appel de Papeete du 27 octobre 2016 ;

Sur reprise d'instance après cassation suivant requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 29 mars 2021 ;

Demanderesse :

La Sci Heimata Nui, au capital de 100 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 8190 C, n° Tahiti 578 849 dont le siège social est sis à [Adresse 2] ;

Représentée par Me Patrick ABGRALL, avocat au barreau de Papeete ;

Défendeur :

M. [L] [X], [Adresse 1], liquidateur judiciaire de M. [H] [S] 'Entreprise Tous Travaux' n° 96258 A, désigné par le jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 12 février 2007 ;

Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 17 octobre 2022 ;

Composition de la Cour :

Vu l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire ;

Dit que l'affaire, dont ni la nature ni la complexité ne justifient le renvoi en audience solennelle, sera jugée, en audience ordinaire publique du

27 octobre 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller désigné par l'ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Faits :

Selon marché signé en octobre 2004, la SCI HEIMATA NUI a confié à [H] [S], entrepreneur à l'enseigne Entreprise Tous Travaux, la réalisation des lots gros 'uvre, charpente, menuiserie, peinture et électricité dans un immeuble sis à Taunoa commune de Papeete, moyennant versement d'un prix total de 52 893 192 XPF hors taxes.

[H] [S] a été placé sous le régime de la liquidation judiciaire le 12 février 2007.

Procédure :

Le 30 janvier 2008, le liquidateur judiciaire de [H] [S] a obtenu du président du tribunal mixte de commerce de Papeete une ordonnance faisant injonction à la SCI HEIMATA NUI de lui régler la somme de 4 578 880 XPF correspondant, à hauteur de 1 801 449 XPF au solde impayé du prix des travaux, et à hauteur de 2 777 431 XPF au montant de la retenue de garantie.

Cette ordonnance a été signifiée le 25 février 2008.

Par courrier reçu au greffe le 3 mars 2008, la SCI HEIMATA NUI a formé opposition devant le tribunal mixte de commerce de Papeete.

Par jugement n° RG 08/00072 en date du 18 juin 2010, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

- condamné la SCI HEIMATA NUI à verser au liquidateur judiciaire de [H] [S] les sommes suivantes :

. 4 578 880 XPF avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2007 ;

. 300 000 XPF par application de l'article 407 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné la SCI HEIMATA NUI aux dépens.

La SCI HEIMATA NUI a interjeté appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 16 novembre 2010.

Par arrêt n° RG 557/COM/10 en date du 12 avril 2012, la Cour d'appel de PAPEETE a déclaré la SCI HEIMATA NUI recevable mais mal fondée en son appel, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamné la SCI HEIMATA NUI à payer au liquidateur judiciaire de [H] [S] la somme de 300 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.

La SCI HEIMATA NUI a formé un pourvoi contre cet arrêt.

La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, par arrêt du 4 mars 2014, a :

- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

- condamné M. [X], ès qualités, aux dépens.

Elle a jugé, au visa des articles 1793 et 1134 du code civil, que, pour accueillir la demande, l'arrêt de la cour d'appel avait retenu que la créance était justifiée par un récapitulatif établi par le maître d''uvre et que le maitre d'ouvrage ne démontrait pas qu'en contrariété avec les énonciations de ce récapitulatif aucune retenue de garantie n'avait été effectué lors du démarrage des travaux ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le marché n'était pas un marché à forfait, si la somme demandée n'intégrait pas des travaux supplémentaires nécessitant une autorisation écrite préalable de la SCI ou une acceptation expresse et non équivoque après leur réalisation et si une retenue de garantie avait été stipulée par les parties, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.

La SCI HEIMATA NUI a saisi la cour d'appel de Papeete sur renvoi après cassation par requête enregistrée au greffe le 17 novembre 2014.

Par arrêt n° RG 14/00593 en date du 27 octobre 2016, la cour d'appel de Papeete a :

- Déclaré irrecevable la requête d'appel sur renvoi de cassation enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Papeete le 17 novembre 2014 ;

- Conféré force de la chose jugée au jugement rendu par le Tribunal Mixte de commerce de 18 juin 2010 ;

- Condamné la SCI HEIMATA NUI à payer à [L] [X], es qualité de liquidateur judiciaire de [H] [S], la somme de 200 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes,

- Condamné la SCI HEIMATA NUI aux entiers dépens avec faculté de distraction.

La cour a statué en ces termes :

"Aux termes de l'article 361 du code de procédure civil de la Polynésie française : Les règles du pourvoi en cassation sont déterminées par la législation métropolitaine.

Le code précité ne contenant aucune disposition sur le renvoi après cassation, il convient d'appliquer les règles de procédure du nouveau code de procédure civile métropolitain.

Il résulte de l'article 1034 dudit code que la déclaration [saisissant la juridiction de renvoi] doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie. Ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie.

L'absence de déclaration dans le délai ou l'irrecevabilité de celle-ci confère force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort lorsque la décision cassée avait été rendue sur appel de ce jugement.

Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la régularité de ladite requête au regard de l'article 1032 du même code, il convient de constater que l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2014 a été signifié à la SCI HEIMATA NUI le 15 juillet 2014. La requête d'appel sur renvoi de cassation a été enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Papeete le 17 novembre 2014, soit au-delà du délai de quatre mois fixé par le texte précité.

La requête enregistrée au greffe le 17 novembre 2014 est irrecevable et il doit dès lors être conféré force de la chose jugée au jugement rendu par le Tribunal Mixte de commerce de 18 juin 2010."

Par arrêt de la 2ème chambre civile en date du 27 juin 2019, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.

La haute juridiction, au visa des article 28 et 361 du code de procédure civile de la Polynésie française, ensemble l'article 1034 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, a jugé que, pour déclarer irrecevable la "requête d'appel sur renvoi de cassation" déposée par la SCI et conférer force de chose jugée au jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Papeete le 18 juin 2010, l'arrêt de la cour d'appel, après avoir relevé que l'article 1014 du code de procédure civile était applicable à l'espèce, avait retenu que l'arrêt de la cour de cassation signifié à la SCI le 15 juillet 2014 et que la requête avait été enregistrée au greffe de la cour d'appel de Papeete le 17 novembre 2014, soit au-delà du délai de quatre mois fixé par ce texte ; qu'en statuant ainsi, alors que le délai de quatre mois de saisine de la cour de renvoi expirait le samedi 15 novembre 2014, de sorte que le délai était prorogé au premier jour ouvrable suivant, la cour d'appel avait violé les textes susvisé.

Cet arrêt a été signifié à [L] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [H] [S] le 28 janvier 2021.

La SCI HEIMATA NUI a déposé une déclaration et requête d'appel sur renvoi de cassation enregistrée au greffe de la cour d'appel le 29 mars 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 23 juin 2022.

A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 25 août 2022 par mise à disposition au greffe.

Par arrêt avant dire droit en date du 25 août 2022, la cour a :

- Révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats,

- Soulevé d'office le moyen de pur droit tiré de l'application des dispositions du code de procédure civile métropolitain, en particulier les articles 1032 et 1034 dudit code, à la procédure de saisine de la cour d'appel de Papeete après renvoi de cassation,

- Fait injonction aux parties de conclure sur ce point :

o La SCI HEIMATA NUI avant le 20 septembre 2022,

o M. [L] [X] ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [H] [S] avant le 14 octobre 2022,

- Ordonné la clôture de la procédure le 17 octobre 2022 et renvoyé l'affaire pour y être plaidée à l'audience tenue par la cour d'appel de Papeete le 27 octobre 2022,

- Réservé la décision sur les dépens.

La cour a statué en ces termes : "Il résulte de l'article 5 du code de procédure civile de la Polynésie française que le juge peut relever d'office les moyens de pur droit, quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties.

L'article 361 du même code dispose que les règles du pourvoi en cassation sont déterminées par la législation métropolitaine.

La question de recevabilité débattue par les parties se fonde sur les dispositions du code de procédure civile métropolitain, sans discussion sur leur applicabilité, mais uniquement sur les modalités d'application de plusieurs de ces articles combinés et de jurisprudence associées de la cour de cassation (631, 930-1, 1032 et 1304 du code civil métropolitain).

La cour entend soulever d'office le moyen de pur droit tiré de l'applicabilité à la saisine de la cour d'appel de Papeete sur renvoi après cassation des dispositions du code de procédure civile métropolitain eu égard aux dispositions de l'article 14-2° de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 modifié portant statut d'autonomie de la Polynésie française, et en particulier les dispositions du titre 8 du livre II du code de procédure civile métropolitain, distinctes de la procédure suivie devant la cour de cassation, laquelle faite la matière du titre 7, en particulier en ce qui concerne la saisine de la juridiction de renvoi par déclaration au secrétariat de celle-ci (art. 1032), ou en ce qui concerne le délai de forclusion de quatre mois (art. 1034)."

A l'issue de l'audience du 27 octobre 2022, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 8 décembre 2022 par mise à disposition au greffe.

Prétentions et moyens des parties :

La SCI HEIMATA NUI, appelante, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 12 octobre 2022, de :

- Constater la non-application en Polynésie française des articles 1032 et 1034 du Code de procédure civile métropolitain relatif au mode de saisine de la cour d'appel de Papeete sur renvoi après cassation,

- Déclarer recevable le présent appel, en tout cas régulière la procédure de saisine de la cour d'appel de Papeete après renvoi de cassation,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 juin 2010 par le tribunal mixte de commerce de Papeete,

Et, statuant à nouveau,

- Débouter Monsieur [L] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [H] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Monsieur [L] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [H] [S] à payer à la SCI HEIMATA NUI la somme de 500 000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction d'usage.

Monsieur [L] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [H] [S], à l'enseigne ENTREPRISE TOUS TRAVAUX, intimé, par dernières conclusions régulièrement transmises le 8 septembre 2022 demande à la Cour de :

- Déclarer la SCI HEIMATA NUI irrecevable en son appel,

- Et la débouter de toutes ses demandes, prétentions et fins,

Sur le fond et en l'état des moyens d'irrecevabilité :

- Accueillir les conclusions en défense en leurs pièces et moyens, les déclarer bien fondées en fait comme en droit,

- Débouter la SCI HEIMATA NUI de ses moyens comme infondés en fait comme en droit, et de la débouter de toutes ses demandes, prétentions et fins,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- Condamner la SCI HEIMATA NUI à verser au liquidateur judiciaire de [H] [S] la somme de 500 000 F CFP en remboursement des frais irrépétibles par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- Condamner la SCI HEIMATA NUI aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou à " dire et juger " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.

1. Sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel après cassation :

L'intimé fait valoir que l'article 361 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose que les règles du pourvoi en cassation sont déterminées par la législation métropolitaine, que selon l'article 1034 du code de procédure civile métropolitain la saisine se fait par déclaration au greffe de la juridiction de renvoi et doit intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la signification à partie de l'arrêt de la cour de cassation. Il affirme par conséquent que cette saisine doit prendre la forme d'une déclaration d'appel et non d'une requête d'appel, ce qui exclut un acte comprenant la totalité des moyens et fins, cette dernière forme ayant été employée par la SCI HEIMATA NUI de sorte que l'appel est irrecevable. A la suite de l'arrêt du 25 août 2022, il fait valoir que le code de procédure civile local ne prévoyant aucune disposition précise sur le renvoi après cassation ce sont les règles du code de procédure civile métropolitain qui ont vocation à s'appliquer.

L'appelante combat en premier lieu le moyen tendant à considérer que parce qu'elle a fait état de ses moyens, sa saisine serait une requête d'appel et non une déclaration, alors même qu'aucun texte n'interdit que cette dernière forme de saisine puisse contenir la motivation. Elle se réfère par ailleurs à une jurisprudence locale excluant l'applicabilité des textes métropolitains sur le renvoi après cassation.

Sur ce :

L'article 14. 2° de la Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (modifiée par la Loi n°2019-706 du 5 juillet 2019), dispose que les autorités de l'État ne sont compétentes en matière de droit judiciaire privé, qu'en ce qui concerne l'organisation judiciaire. Par ailleurs, le décret n° 2017-891 qui réforme la procédure civile (notamment exceptions d'incompétence et procédure d'appel) ne contient pas de clause d'applicabilité à la Polynésie française.

Les dispositions de procédure applicables localement ne sont pas celles du code de procédure civile métropolitain, mais celles qui résultent des textes pris par les autorités polynésiennes dans l'exercice de leurs compétences, et notamment de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de la Polynésie française et ses modifications ultérieures.

Si l'article 361 du code de procédure civile de Polynésie française précise que les règles du pourvoi en cassation sont déterminées par la législation métropolitaine, , le livre II du code de procédure civile métropolitain distingue les dispositions relatives à la Cour de cassation (titre VII), des dispositions particulières aux juridictions de renvoi traitées au titre VIII. Et le code de procédure civile de la Polynésie française ne contient pas de dispositions régissant la procédure de renvoi après cassation.

Enfin, en Polynésie française, la cour d'appel est saisie, quel que soit l'objet de la demande, conformément à l'article 440-1 du code de procédure civile local, par une requête par une requête déposée, enregistrée et communiquée, selon les dispositions des articles 17 à 31, et non par une déclaration comme prévue dans le code de procédure civil métropolitain.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'intimé qui ne peut donc opposer à la partie appelante la violation d'un texte légal fixant un mode de saisine de la cour d'appel de renvoi, alors qu'il n'est pas applicable en Polynésie française.

La cour constate que la requête enregistrée le 29 mars 2021 a été déposée selon les formes prescrites par le code de procédure civile de Polynésie française.

Par conséquent ce moyen sera rejeté et la saisine de la cour déclarée régulière.

2. Sur l'irrecevabilité de l'appel tenant à l'acquiescement au jugement par son exécution :

L'intimée considère que l'appelante à exécuté spontanément le jugement du tribunal mixte du commerce du 18 juin 2010, qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, en effectuant un virement CARPA le 24 avril 2013, sans aucune réserve et sans qu'il y ait lieu dès lors de rechercher si la partie avait ou non l'intention d'y acquiescer.

La SCI HEIMATA NUI fait valoir que la consignation sur le compte CARPA l'a été en exécution de l'arrêt du 12 avril 2012 qui a confirmé le jugement du 18 juin 2010, le pourvoi formé contre cet arrêt n'étant pas suspensif.

Sur ce :

La cour note en premier lieu que l'intimé se fonde là encore sur une jurisprudence tirée d'un article du code de procédure civile métropolitain, l'article 410 alinéa 2, qu'il vise, alors même que cette disposition n'est pas applicable en Polynésie française.

En tout état de cause, et comme l'indique justement l'appelante, l'exécution intervenue le 24 avril 2013 par la consignation d'une somme d'argent sur le compte CARPA fait suite à l'arrêt confirmatif du 12 avril 2012 de la condamnation à payer cette somme, arrêt dont l'exécution, conformément à l'article 360 du code de procédure civile de la Polynésie française, n'est pas suspendue par le pourvoi en cassation.

Par conséquent l'appel est recevable.

3. Sur le fond :

La SCI HEIMATA NUI conteste devoir les sommes objet de la condamnation.

Sur les factures de travaux impayés pour 1 801 449 F CFP, elle reproche au tribunal de l'avoir condamnée sur la base d'un seul décompte établi par l'architecte, alors même d'une part qu'il démontre l'intervention de plusieurs entreprises, que la somme de 427 768 F CFP a déjà été reçue par l'entreprise BOUCHACHE, sous-traitant de [H], ce qui n'a pas été pris en compte et constitue un double paiement, d'autre part que le marché était global et forfaitaire, que l'article 1793 du code civil s'applique, que de nombreux travaux supplémentaires ont été effectués sans autorisation préalable du maître d'ouvrage, de sorte qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une demande en paiement.

Sur la retenue de garantie de 2 777 431 F CFP elle fait valoir qu'aucune retenue de garantie n'est prévue contractuellement et que la réception des travaux n'est jamais intervenue, l'architecte émettant des réserves et le maitre d'ouvrage n'ayant jamais accepté, même tacitement, l'ouvrage de sorte que l'intimé, qui n'a jamais exécuté les travaux ne peut réclamer aucune somme.

M. [L] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de [H] [S], fait valoir que la SCI HEIMATA NUI n'a pas produit de déclaration de créances qu'elle opposerait à la demande de paiement présentée par le liquidateur.

Il expose que l'architecte [U] [F], maître d''uvre agissant sur ordre et mandat de la SCI HEIMATA NUI a établi le 14 décembre 2005 une proposition de réception des travaux avec réserve, précisant que les travaux effectués par M. [S] à l'enseigne tous travaux étaient réalisés à 99%, constatant le parfait achèvement des travaux en levant toutes les réserves le 26 décembre 2005. Par la suite, s'il a noté le 14 juin 2006 de nombreuses réserves, il a dressé le solde à payer le 31 octobre 2006.

Il fait reproche à l'appelante de ne pas prouver par le moindre document que des désordres et qu'un abandon du chantier seraient survenus empêchant le liquidateur de réclamer les sommes dues conformément à l'article L. 622-9 du code de commerce.

Il expose que la retenue de garantie est prévue par le code des marchés et qu'elle doit permettre, d'après l'article 1792-6 du code civil, de couvrir les réserves faites et garantir le parfait achèvement pendant un délai d'un an, de sort qu'elle était due depuis le 26 décembre 2005.

Sur ce :

En premier lieu la SCI HEIMATA n'oppose pas une créance réciproque au liquidateur, créance qu'elle aurait dû déclarer selon celui-ci, mais conteste la créance que le liquidateur entend se voir payer et lorsque qu'elle évoque des sommes à déduire, il s'agit en particulier de paiements faits aux sous-traitant de M. [S] dont il ne peut demander à nouveau la perception. Ses développements sur les créances postérieures ou antérieures à la liquidation judiciaire sont sans emport sur le litige.

La SCI HEIMATA NUI fournit un document intitulé "marché de d'entreprise tous travaux" et "acte d'engagement" pour l'immeuble "HEIMATA NUI" à Papeete, signé par l'entreprise TOUS TRAVAUX - [H] [S] (pièce n° 1 de l'appelante). Son analyse permet de constater les éléments suivants :

- il est envisagé dès la conclusion du contrat le recours à des entreprises sous-traitantes par l'entrepreneur pour le lot 7 " Revêtements scellés collé " (pose uniquement) d'un montant de 2 394 440 F CFP HT avant la conclusion du marché et après pour la pose des revêtements de sol et muraux,

- le marché prévoyait que les montants des prestations qui auraient été sous-traitées sans accord préalable ne seront pas payées,

- le contrat prévoyait que le maître d'ouvrage, soit la SCI, se libèrerait des sommes dues au titre du présent marché en en faisant porter le montant sur le compte de l'entreprise [S], sauf pour les sous-traitant payés directement en faisant porter le montant aux crédits des comptes désignés.

La proposition de réception avec réserves du 14 décembre 2005 de l'architecte (pièce n06 de l'appelante), si elle mentionne que les travaux de l'entreprise générale "TOUS TRAVAUX" sont terminés à 99% n'en liste pas moins un série de 29 réserves concernant les logements, la menuiserie, les celliers, les locaux annexes et divers taches non accomplies, outre des travaux de carrelage terminés à 90% pour BAT CARRELAGE et Entreprise RAMIREZ, avec des réserves, et à 95% pour les cuisines (CONCEPT ESPACE) avec des réserves.

Si l'architecte a délivré une attestation d'achèvement des travaux à la date du 15 décembre 2005, par écrit du 26 décembre 2005 (pièce n°7 de l'appelante), il a également adressé le 14 juin 2006 à l'entreprise TOUS TRAVAUX - M. [H] [S], un courrier.

L'architecte écrit (pièce n°11 de l'appelante) : "Nous nous référons à notre proposition de réception du 14 décembre 2005. Cette proposition de réception comportait de nombreuses réserves", ajoutant au 2-Intervention sur achèvement des travaux : "Aucune intervention de votre part, suite à la diffusion des réserves, n'a été constatée. Ce sont vos sous-traitants qui, par bonne volonté et sous réserve du paiement direct du promoteur, ont procédé à l'achèvement des travaux du marché. Aucune réaction ni présence sur le chantier n'a été constatée de votre part. Par ailleurs, nous avons enregistré diverses plaintes de vos sous-traitants pour non-paiement de votre part de leurs prestations. Les travaux ont finalement abouti et seront payés directement aux intervenants sur la base des prix de votre marché." et au 3-Travaux non exécutés : "Certains travaux n'ont pas été exécutés. Ils seront déduits du marché." . Ce courrier de l'architecte se termine par le constat suivant : "Devant les récriminations incessantes et les difficultés graves rencontrées par vos sous-traitants impayés, nous avons dû pallier à votre carence pour assurer la pérennité de ces entreprises, et les décomptes effectués intégreront leurs prestations. Nous sommes particulièrement désolés d'en arriver à cette situation et nous sommes persuadés que, malgré votre bonne volonté (du moins en début de chantier), cette opération dépassait largement, autant vos capacités financières que techniques".

L'architecte a encore attesté le 26 octobre 2010 (pièce n°12 de l'appelante) que "le marché était global et forfaitaire, mais qu'aucune entreprise sous-traitante ne possédait de marché à paiement direct. Le maître d'ouvrage ne pouvait, de ce fait être au courant de la destination des fonds versés. Ces paiements, effectués par le M.O., étaient adressés à l'entreprise [S] qui en disposait à son gré et opérait la répartion des fonds. Ce sont les récriminations des entreprises, qui se plaignaient de ne pas être payées de leurs prestations, qui ont fait apparaître que les fonds perçus étaient destinés à d'autres dépens. Devant cette carence, plusieurs entreprises ou fournisseurs ont cessé ou menacé de cesser leurs prestations et ont sollicité l'intervention du maître d'ouvrage. Pour débloquer la situation, le M.O, pour assurer la poursuite des travaux, a procédé à divers paiements et fait appel à plusieurs entreprises complémentaires à ses frais mais dont le cout est imputable à l'entreprise [S] sur les bases de son marché. Cette situation a naturellement provoqué une augmentation du coût de l'opération."

Le document dont se prévaut l'intimée pour réclamer le paiement (pièce n°8 de l'appelante) est un décompte du 31 octobre 2006, comportant des mentions manuscrites et ratures illisibles, des sommes dues à diverses entreprises, certaines avec la mention "poste déduit du marché de [H]", et à [H] et sous-traitants de [H].

De l'ensemble de ces éléments, il se déduit qu'un dépit d'une attestation d'achèvement des travaux, de nombreuses réserves devaient être levées par l'entreprise TOUS TRAVAUX et ne l'ont pas été, de sorte que contrairement à ce qu'affirme l'intimée et ce qu'a jugé le tribunal,

il existait bien des réserves, les courriers de l'architecte versés par la SCI le prouvant sans équivoque, et qu'il appartenait à l'entreprise TOUS TRAVAUX de rapporter la preuve de ce qu'elles avaient été levées.

Par ailleurs, les termes du contrat ne permettaient pas à l'entreprise TOUS TRAVAUX de faire appel à des sous-traitant sans autorisation du maitre d'ouvrage sauf à ce qu'elle ne soit pas payée. Or si elles sont finalement intervenues et payées directement par le maître d'ouvrage, M. [S] était redevable des sommes ainsi engagées conformément au contrat, de sorte qu'il devait justifier de leur déduction de ses propres émoluments. Or la seule preuve présentée à cet égard, soit un tableau raturé et imprécis de l'architecte, ne permet pas de s'assurer de ce décompte et, partant, des sommes restant dues par la SCI à TOUS TRAVAUX.

Par ailleurs, ainsi que le relève justement l'appelante, le contrat ne prévoyait pas de retenue de garantie, et l'entreprise TOUS TRAVAUX ne peut s'en prévaloir dès lors qu'il résulte des pièces versées qu'elle n'a jamais effectué les travaux nécessaires au parachèvement de l'ouvrage.

Par conséquent il convient d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, débouter M. [X] ès qualité de liquidateur de M. [S] à l'enseigne tous travaux de ses demandes en paiement, l'ordonnance d'injonction de payer du 30 janvier 2008 étant anéantie de ce fait.

4. Sur les frais et dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI HEIMATA NUI les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent d'infirmer la décision du tribunal et de condamner M. [X] ès qualité à lui payer la somme de 500 000 F CFP au titre des frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens et de débouter M. [X] ès qualité de ses demandes au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Les dépens de première instance ont été injustement mis à la charge de la SCI et la décision en ce sens sera infirmée et les dépens de première instance et d'appel seront supportés par M. [X] ès qualité qui succombe conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

DECLARE la saisine de la cour d'appel régulière et l'appel recevable,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG 08/00072 en date du 18 juin 2010 du tribunal mixte de commerce de Papeete,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [L] [X] ès qualité de liquidateur de M. [S] à l'enseigne ENTREPRISE TOUS TRAVAUX de ses demandes en paiement, l'ordonnance d'injonction de payer du 30 janvier 2008 étant anéantie de ce fait,

CONDAMNE M. [L] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [S] à l'enseigne entreprise TOUS TRAVAUX à payer à la SCI HEIMATA NUI la somme de 500 000 F CFP (cinq cent mille francs pacifique) au titre de ses frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [L] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [S] à l'enseigne entreprise TOUS TRAVAUX aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 8 décembre 2022.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet c
Numéro d'arrêt : 21/00094
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.00094 ?
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