N° 399
SE
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Mikou,
le 27.10.2022.
Copie authentique délivrée à :
- Me Piriou,
le 27.10.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 27 octobre 2022
RG 21/00231 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 61, rg 2018 001215 du juge de la mise en état du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 13 septembre 2019, jugement n° 2021/49, rg n° 2018 001215 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 26 mai 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 30 juin 2021 ;
Appelants :
M. [P] [J], né le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 8]-[Localité 4] ;
M. [L] [N] [X] [K] [B], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 12], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] - [Localité 5] ;
M. [R] [T] dit [D], né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 14], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] - [Localité 4] ;
Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Sa Banque de Polynésie, société anonyme, au capital de 1 380 000 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 7244 B dont le siège social est sis à [Adresse 11] - [Localité 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 20 juin 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 25 août 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Faits :
Par acte sous seing privé en date du 12 septembre 2003, la SA BANQUE DE POLYNESIE consentait à la SARL SOCIETE POLYNESIENNE DE RESEAUX D'ETUDES ET DE SERVICES «SPRES», représentée par M. [I] [V], agissant en qualité de gérant, une ouverture de crédit de 5 000 000 F CFP au taux d'intérêt de 10,19 % l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 11,47% l'an au-delà (pièce n°6 de l'intimée).
Par plusieurs avenants (pièce n°7 de l'intimée), au contrat du 12 septembre 2003, la SA BANQUE DE POLYNESIE et la SARL SPRES, représentée par M. [P] [J], agissant en qualité de gérant, ont modifié les conditions particulières de l'ouverture de crédit pour la fixer à :
- 8 000 000 F CFP au taux de 9,90% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 11,27% au-delà, le 24 novembre 2004,
- 18 000 000 F CFP au taux de 10,10% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 14,29% au-delà, le 3 septembre 2008,
- 25 000 000 F CFP au taux de 10,10% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 14,50% au-delà, le 15 avril 2009,
- 20 000 000 F CFP au taux de 9,60% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 13,45% au-delà, le 14 août 2009,
- 30 000 000 F CFP au taux de 9,60% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 13,21% au-delà, le 14 avril 2010.
Par un nouvel avenant aux précédents, en date du 23 août 2011 (pièce n°8 de l'intimée), la SA BANQUE DE POLYNESIE et la SARL SPRES, représentée par M. [L] [B], agissant en qualité de président, ont modifié les conditions particulières de l'ouverture de crédit pour la fixer à 180 000 000 F CFP au taux de 9,60% l'an dans la limite du montant de l'ouverture de crédit et de 13,88% montant dont il était prévu qu'il serait ramené à :
- 170 000 000 F CFP jusqu'au 31 août 2011,
- 150 000 000 F CFP jusqu'au 30 septembre 2011,
- 125 000 000 F CFP jusqu'au 31 octobre 2011,
- 90 000 000 F CFP à partir de novembre 2011 avec une validité indéterminée.
Par acte sous seing privé du 12 septembre 2003 (pièce n°12 de l'intimée), La SA BANQUE DE POLYNESIE et la SARL SPRES ont conclu une convention de cession de créance, la SARL SPRES cédant le 9 février 2017 la créance de 4 293 423 F CFP qu'elle détenait sur le ministère de l'équipement, la démarche de recouvrement initiée le 12 juillet 2017 par la banque s'étant révélée infructueuse (pièce n° 14 de l'intimée).
Suivant trois actes séparés du 14 avril 2010, M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] se sont chacun porté caution personnelle et solidaire de l'ensemble des engagements de la SARL SPRES à hauteur de la somme de 90 000 000 F CFP (pièces n° 9, 10 et 11 de l'intimée).
Par acte sous seing privé en date du 18 juin 2010, la SA BANQUE DE POLYNESIE consentait à la SARL SPRES, représentée par M. [P] [J], agissant en qualité de gérant, un prêt n°227 408 de 25 000 000 F CFP remboursable en 60 mensualités d'un montant de 467 783 F CFP chacune, au taux de 4.98% (pièce n°1 de l'intimée).
Suivant trois actes séparés du même jour, M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T], se sont chacun porté caution personnelle et solidaire des engagements de la SARL SPRES au titre de ce prêt à hauteur de 25 000 000 F CFP (pièces n°3, 4 et 5 de l'intimée).
La SARL SPRES a été placée en liquidation judiciaire le 13 mars 2017 par le tribunal mixte de commerce de Papeete.
La SA BANQUE DE POLYNESIE s'est acquittée le 30 août 2017 de la somme de 2 398 764 F CFP en exécution d'une déclaration de caution du 21 août 2014 en faveur de la société SRES pour une retenue de garantie portant sur un marché public passé avec la commune de [Localité 13].
La SA BANQUE DE POLYNESIE a adressé à chacune des 3 cautions, 2 courriers recommandés avec accusé de réception le 16 mai 2018, pour les mettre en demeure de payer la somme de 4 621 465 F CFP au titre du prêt et de 128 945 295 au titre du solde débiteur du compte courant.
Procédure :
Par requête enregistrée au greffe le 4 octobre 2018 et suivant acte d'huissier du 19 novembre 2018, puis conclusions ultérieures, la SA BANQUE DE POLYNESIE a fait assigner M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] devant le tribunal mixte de commerce de Papeete afin de :
- Les condamner solidairement et conjointement à lui payer les sommes de :
o 4 599 618 F CFP en principal, frais et intérêts, provisoirement arrêtés au 3 avril 2018 et courant à compter de cette date jusqu'à complet paiement au taux de 4,65 % l'an, au titre du prêt n°227 408 du 18 juin 2010,
o 127 852 213 F CFP en principal, frais et intérêts provisoirement arrêtés au 3 avril 2018 et courant, à compter de cette date jusqu'à complet paiement, au taux de 10% l'an, au titre des engagements de la société SPRES,
- Ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution,
- Les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 250 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens dont distraction d'usage.
Par ordonnance en date du 13 septembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal mixte de commerce de Papeete a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T].
Par jugement n° RG 2018/001215 en date du 26 mars 2021, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
- Condamné conjointement et solidairement M. [L] [B], M. [P] [J] et M. [R] [T] à payer à la SA BANQUE DE POLYNESIE les sommes de :
o 3 933 957 F CFP en principal, avec intérêts au taux légal au titre du prêt numéro 227 408 du 18 juin 2010,
o 92 784 823 F CFP avec intérêts au taux légal, au titre des engagements de la société SPRES,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné conjointement et solidairement M. [L] [B], M. [P] [J] et M. [R] [T] à payer à la SA BANQUE DE POLYNESIE la somme de 250 000 F CFP par application de l'article 407 du code de procédure civile,
- Condamné conjointement et solidairement M. [L] [B], M. [P] [J] et M. [R] [T] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL JURISPOL.
M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 30 juin 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 25 août 2022.
A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 27 octobre 2022 par mise à disposition au greffe.
Prétentions et moyens des parties :
M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T], appelants, demandent à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 1er juin 2022, de :
- Infirmer en toutes leurs dispositions l'ordonnance du 13 septembre 2019 rendue par le juge de la mise en état et le jugement du 26 mars 2021 rendu par le tribunal mixte de commerce de Papeete sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts conventionnels,
Statuant à nouveau,
In limine litis,
- Déclarer le tribunal mixte de commerce matériellement incompétent pour connaître du présent litige concernant les demandes formées par la Banque de Polynésie à l'encontre de M. [L] [B] et M. [R] [T],
- Renvoyer l'affaire devant le tribunal civil de première instance de Papeete ou à défaut dire et juger qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le tribunal civil de première instance de Papeete seul compétent en la matière,
A défaut,
- Prononcer la nullité du contrat de cautionnement souscrits les 14 avril 2010 et 18 juin 2010 par M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T],
- Rejeter les demandes de la Banque de Polynésie sur le fondement de l'article 1315 du code civil faute pour celle-ci de prouver la réalité et le montant de sa créance, et ce d'autant plus compte tenu de la déchéance des intérêts conventionnels,
A titre subsidiaire,
- Limiter les engagements de caution souscrits le 14 avril 2010 à la somme de 30 millions F CFP, ladite somme correspondant au montant de l'autorisation de découvert de la société SPRES à la date de souscription des engagements de caution,
- Dire et juger que la Banque de Polynésie s'est rendue responsable d'un soutien abusif et artificiel de la société SPRES en adoptant une politique de crédit ruineux,
- Constater les nombreuses garanties exigées par la Banque de Polynésie témoignant de sa connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société SPRES,
- Dire et juger que la Banque de Polynésie a manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T], cautions personnes physiques,
- Condamner en conséquent la Banque de Polynésie à leur verser, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à la somme qui sera éventuellement mise à sa charge en sa qualité de caution, et en l'absence de sommes mises à leur charge, condamner la Banque de Polynésie à leur verser à chacun 500 000 F CFP en réparation de leur préjudice moral,
- Ordonner le cas échéant la compensation entre les créances réciproques,
En tout état de cause,
- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la Banque de Polynésie,
- Dire et juger que la Banque de Polynésie est déchue des intérêts contractuels sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,
- Condamner la Banque de Polynésie à verser à M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T], à chacun, la somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction d'usage.
La SA BANQUE DE POLYNESIE, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 21 mars 2022 demande à la Cour de :
- Débouter M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions,
- Confirmer le jugement du 26 mars 2021 en toutes ses dispositions,
- Condamner conjointement et solidairement M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] à payer à la BANQUE DE POLYNESIE la somme de 350 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
- Les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens dont distraction d'usage au profit de la SELARL JURISPOL.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
1. Sur l'exception d'incompétence :
Le tribunal a repris les motifs de l'ordonnance du juge de la mise en en état et exposé que M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] étaient parfaitement intéressés aux opérations de prêts souscrits par une société dont ils partageaient tous trois les intérêts.
M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] font valoir que la présomption de commercialité de l'acte de cautionnement ne peut jouer en l'espèce, M. [L] [B] et M. [R] [T] n'étant pas dirigeant de la SARL SPRES au moment des cautionnements souscrits, M. [B] n'ayant été nommé co-gérant que le 24 août 2010, et M. [T] n'ayant jamais été dirigeant de la SARL SPRES et la banque ne démontrant pas l'intérêt personnel et patrimonial qu'ils auraient à l'opération cautionnée.
La SA BANQUE DE POLYNESIE expose qu'en leurs qualités de dirigeant et d'associés de la société SPRES, M. [P] [J], M. [L] [B] et M. [R] [T] avaient nécessairement un intérêt patrimonial dans les opérations cautionnées.
Sur ce :
La cour constate que si le tribunal a répondu dans sa motivation à la question de la compétence, exception de procédure qui était soulevée devant lui, il a omis de statuer dans le dispositif sur cette question de procédure. En revanche l'exception d'incompétence avait été tranchée par le juge de la mise en état.
L'article 38 du code de procédure civile de la Polynésie dispose que s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente à raison du lieu ou de la matière, la partie qui soulève cette exception doit faire connaître en même temps et à peine d'irrecevabilité devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
L'article 39 du même code précise que lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi.
Il résulte de l'article L. 721-3 du code de commerce que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux, de celles relatives aux sociétés commerciales et de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Le cautionnement par une personne physique non commerçante peut cependant avoir un caractère commercial si la caution a un intérêt patrimonial à la réalisation de l'opération principale. Le dirigeant d'une société est présumé avoir un intérêt patrimonial à l'opération garantie, cette présomption n'étant toutefois pas irréfragable ce qui implique qu'il apporte la preuve de son absence d'intérêt patrimonial personnel dans l'opération principale.
Il résulte de l'extrait K bis de la SARL SPRES (pièce B de l'intimée) à jour au 12 janvier 2011, que les parts de SARL détenues initialement par M. [I] [V] et M. [D] [T] ont été cédées en totalité le 21 mai 2004 à la SCP TE MOTU TAHI, devenue associée unique.
Après cette date, M. [T] n'apparaît à aucun moment comme le gérant ou l'associé de la SARL SPRES, de sorte qu'il ne peut être présumé avoir eu un intérêt patrimonial dans les cautionnements souscrits à l'égard de la SARL SPRES, intérêt qui n'est pas démontré autrement ni par la SA BANQUE DE POLYNESIE, ni par le juge de la mise en état, ni par le tribunal. Par conséquent il convient d'infirmer ces décisions et de renvoyer le litige en ce qui le concerne devant le tribunal civil.
Il sera décidé de même s'agissant de M. [B], qui n'apparaît à aucun moment avant ou au moment de la signature des actes de cautionnement litigieux comme dirigeant de la SARL SPRES, de sorte que la présomption de commercialité ne peut jouer, son intérêt patrimonial n'étant pas plus démontré.
En revanche, c'est à bon droit que le juge de la mise en état et le tribunal ont retenu leur compétence s'agissant des demandes formulées par la SA BANQUE DE POLYNESIE à l'égard de M. [P] [J], gérant de la SARL SPRES au moment des engagements qu'il a souscrits et présumé avoir un intérêt personnel dans ces opérations, présomption qu'il n'a pas entendu renverser. L'ordonnance et le jugement seront confirmés à cet égard.
2. Sur le fond :
M. [P] [J] fait valoir être déchargé au titre de son engagement de caution dès lors que la SA BANQUE DE POLYNESIE n'a pas rapporté la preuve de l'admission de ses créances au passif de la SARL SPRES alors que celle-ci a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 13 mars 2017. Il expose que la créance dès lors éteinte.
La SA BANQUE DE POLYNESIE expose que la caution peut être actionnée en paiement des sommes dues par le débiteur principal dès le jugement de liquidation judiciaire, le juge du cautionnement pouvant vérifier l'existence et le montant de la créance. Par ailleurs il est jugé que la caution ne peut se prévaloir de l'absence de vérification de créance, celle-ci n'étant pas une exception inhérente à la dette.
Sur ce :
Il résulte de l'article L. 621-46 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française que les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à un relevé de forclusion sont éteintes, de même que les créances dont la déclaration est irrégulière.
Or, l'extinction de la créance en application de ce texte est une exception inhérente à la dette, et conformément à l'article 2036 du code civil dans sa version et numérotation applicable en Polynésie française, la caution peut l'opposer au créancier.
Si la SA BANQUE DE POLYNESIE fait état de jurisprudences récentes allant à rebours de ce principe, elles ont été prises sous l'empire des modifications opérées par la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 qui n'a pas été rendue applicable en Polynésie française, en particulier l'article L. 622-26 du code de commerce qui a supprimé la cause d'extinction des créances de l'article L. 621-46 ancien, et L.624-2 du code de commerce nouveau dont il ressort, en métropole, la compé-tence exclusive du juge-commissaire pour statuer sur les créances.
Par conséquent, et conformément aux règles énoncées sous le régime antérieur à la loi de sauvegarde, lorsque la créance a été déclarée, mais n'a pas encore donné lieu à une décision définitive du juge- commissaire, le juge du cautionnement, saisi par le créancier d'une demande en paiement, doit vérifier l'existence de la créance et son montant et, par conséquent, vérifier la régularité de la déclaration.
Or, la SA BANQUE DE POLYNESIE qui fournit un document de déclaration de créance, ne démontre à aucun moment qu'il a été transmis ou reçu par le juge-commissaire, de sorte qu'il revient à une absence de déclaration de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SPRES, éteignant ses créances et, par conséquent, l'action contre la caution.
Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, il convient d'infirmer le jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete et de rejeter les demandes de la SA BANQUE DE POLYNESIE à l'égard de M. [P] [J].
Les demandes formulées par M. [P] [J] d'indemnisation de son préjudice moral ne sont pas fondées, la procédure engagée ne pouvant être considérée comme constitutive d'un abus de droit et M. [J] ne justifiant pas de son préjudice. Il en sera débouté.
3. Sur les frais et dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] [J] les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent d'infirmer le jugement du tribunal sur ce point et de condamner la SA BANQUE DE POLYNESIE à lui payer 200 000 F CFP au titre des frais non compris dans les dépens et de débouter la SA BANQUE DE POLYNESIE de ses demandes au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SA BANQUE DE POLYNESIE qui succombe conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, non ou publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Sur l'exception d'incompétence,
INFIRME l'ordonnance du 13 septembre 2019 rendue par le juge de la mise en état et le jugement n° RG 2018/001215 en date du 26 mars 2021 du tribunal mixte de commerce de Papeete, SAUF en ce qu'ils ont retenu la compétence de la juridiction commerciale pour les demandes formulées à l'encontre de M. [P] [J],
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
DECLARE la juridiction commercial incompétente pour juger du litige entre la SA BANQUE DE POLYNESIE d'une part, et M. [L] [B] et M. [R] [T], d'autre part,
DESIGNE le tribunal civil de première instance de Papeete pour connaître de l'affaire les concernant,
Sur le fond,
INFIRME le jugement n° RG 2018/001215 en date du 26 mars 2021 du tribunal mixte de commerce de Papeete en toutes ses dispositions relatives à M. [P] [J],
Statuant à nouveau,
DEBOUTE la SA BANQUE DE POLYNESIE de toutes ses demandes à l'encontre de M. [P] [J],
DEBOUTE M. [P] [J] de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE la SA BANQUE DE POLYNESIE à payer à M. [P] [J] la somme de 200 000 F CFP (deux cent mille francs pacifique) au titre de ses frais non compris dans les dépens par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la SA BANQUE DE POLYNESIE aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 27 octobre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SEKKAKI