N° 163
SE
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Jourdainne,
le 12.05.2022.
Copie authentique délivrée à :
- Me Abgrall,
le 12.05.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 12 mai 2022
RG 21/00093 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 173, rg n° 019 000333 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 27 novembre 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 28 mars 2021 ;
Appelant :
M. [K] [E], né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Localité 5] ;
Représenté par Me Patrick ABGRALL, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Saem Banque Socrédo, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 59-1 B, au capital de 22 milliards FCP dont le siège social est sis [Adresse 1] ;
Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 21 mars 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 24 mars 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Exposé du litige :
Faits :
Par acte sous seing privé du 7 décembre 2007, la SAEM BANQUE SOCREDO, ci-après dénommée «la SOCREDO», a consenti à la SARL TEX IMPORT une ouverture de crédit sous le forme d'un découvert en compte d'un montant de 8 000 000 F CFP au taux de 8,60% l'an, soit 10,12 % de TEG, pour laquelle, par acte du même jour, Monsieur [U] [D] et Monsieur [K] [E] se sont portés caution personnelle et solidaire indivise à concurrence de la somme de 8 000 000 F CFP en principal, augmentée des intérêts de 8,10 % l'an, outre les intérêts moratoires, frais, commissions et accessoires.
Le plafond de découvert a été augmenté à 16 000 000 F CFP par avenant du 3 août 2010 passé devant notaire avec les cautions, diminué à 5 000 000 F CFP au taux de 7,60% l'an, outre les mêmes accessoires, par avenant sous seing privé du 12 juin 2014 signé par la SARL et les cautions.
Le 11 août 2015 la SOCREDO a dénoncé par lettre recommandée avec accusé de réception le découvert en raison d'un solde débiteur du compte de 5 229 695 F CFP, impartissant à la SARL TEX IMPORT, 60 jours pour régler ce solde débiteur, informant par lettres recommandées avec accusé de réception du même jour les cautions de leur intention de dénoncer ce découvert.
Le 25 août 2014, Monsieur [D] a cédé ses parts sociales de la SARL TEX IMPORT et a demandé la mainlevée de son engagement de caution, la SOCREDO en accusant réception, indiquant qu'elle serait effective 60 jours plus tard, soit le 11 octobre 2015, et qu'il restait tenu du solde débiteur à cette date, soit 5 320 352 F CFP.
Par jugements du 23 janvier 2018 et du 28 mai 2018, le tribunal mixte de commerce de Papeete a placé la SARL TEX IMPORT en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.
La SOCREDO a adressé aux cautions le 8 novembre 2018, un courrier recommandé avec accusé de réception les mettant en demeure de régler les sommes exigibles sous 30 jours.
La SOCREDO a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 23 novembre 2018 à Monsieur [D], lui précisant qu'il était redevable de la somme de 5 320 352 F CFP arrêtée au 11 octobre 2015.
La SOCREDO précisait les sommes dues par Monsieur [E] au titre de son engagement de caution, soit 8 303 627 F CFP arrêtée au 28 février 2019, et par Monsieur [D], soit 5 852 387 F CFP à cette même date.
Procédure :
Par requête enregistrée au greffe le 4 avril 2019, la SAEM BANQUE SOCREDO a assigné Monsieur [U] [D] et Monsieur [K] [E] devant le tribunal mixte de commerce de Papeete aux fins de :
- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 852 387 F CFP au titre de la convention de découvert provisoirement arrêtée au 28 février 2019, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 1er mars 2019 et ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que des intérêts sur intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- Condamner Monsieur [K] [E] à lui payer la somme de 2 451 240 F CFP au titre de la convention de découvert provisoirement arrêtée au 28 février 2019, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 1er mars 2019 et ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que des intérêts sur intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
Par jugement n° RG 2019/000333 en date du 27 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
- Condamné Monsieur [U] [D] et Monsieur [K] [E] à payer à la BANQUE SOCREDO la somme de 5 852 387 F CFP au titre de la convention de découvert, provisoirement arrêtée au 28 février 2019, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 1er mars 2019 et ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que des intérêts sur intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- Condamné Monsieur [K] [E] à payer à la BANQUE SOCREDO la somme de 2 451 240 F CFP au titre de la convention de découvert, provisoirement arrêtée au 28 février 2019, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 1er mars 2019 et ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que des intérêts sur intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné Monsieur [U] [D] à verser à la BANQUE SOCREDO la somme de 300 000 F CFP par application de l'article 407 du code de procédure civile,
- Condamné Monsieur [U] [D] et Monsieur [K] [E] aux dépens, dont distraction.
Sur la demande principale, le tribunal a jugé que la SOCREDO rapportait la preuve de l'engagement des défendeurs et de leur défaillance dans le remboursement des sommes dues au titre de leur engagement de caution du découvert de la société TEX.
Il a considéré que le moyen tiré de la contestation de la régularité de la déclaration de créance faite par la SOCREDO était sans pertinence, ladite contestation relevant de la compétence du juge commissaire et la débitrice ne l'ayant pas saisi d'un tel moyen.
Monsieur [K] [E] a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 28 mars 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 24 mars 2022.
A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 12 mai 2022 par mise à disposition au greffe.
Prétentions et moyens des parties :
Monsieur [K] [E], appelant, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 20 février 2022, de :
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Rejeter la demande en paiement formée par la banque SOCREDO à l'encontre de Monsieur [K] [E], pris en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société «TEX IMPORT»,
- Condamner la banque SOCREDO à payer à Monsieur [K] [E] la somme de 400 000 F CFP, ce par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
- Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle précise que son appel a été effectué dans le délai de 2 mois et 8 jours, Monsieur [E] étant domicilié à [Localité 3], à compter de la signification, la date de signification et le dernier jour du délai n'étant pas comptés.
Elle expose que la SOCREDO n'a jamais justifié de l'admission de sa créance au passif de la procédure collective de la SARL TEX IMPORT, échouant ainsi dans l'administration de la preuve, de sorte que la demande en paiement contre la caution devait être rejetée.
Par ailleurs, elle fait valoir que la déclaration de créance est irrégulière, faute de pouvoir de la personne ayant déclaré celle-ci au nom de la SOCREDO, la déclaration, au terme des délégations produites par la banque devait être faite avec la co-signature d'un agent du service juridique de la Direction en cas d'absence du Directeur ou du responsable co-signature. Elle expose qu'il s'agit d'une irrégularité de fond affectant la validité de la déclaration, la créance étant dès lors éteinte à l'égard du débiteur principal et par conséquent de la caution.
La SAEM BANQUE SOCREDO, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 17 septembre 2021 demande à la Cour de :
- Déclarer l'appel irrecevable,
- Confirmer en tous points le jugement entrepris,
- Débouter Monsieur [K] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Monsieur [K] [E] d'avoir à payer à la Banque SOCREDO la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles,
- Le condamner aux entiers dépens d'instance d'appel, dont distraction.
Elle indique en premier lieu s'être vu délivrer un certificat de non-appel de sorte que l'appel de Monsieur [E] est irrecevable sauf pour celui-ci à justifier de l'avoir interjeté dans les délais légaux.
Elle affirme que l'article 622-28 du code de commerce prévoit que les créanciers peuvent agir contre la caution dès le prononcé du jugement de liquidation judiciaire, aucun texte ne prévoyant le dépôt de l'état des créances.
Elle fait valoir que le créancier peut poursuivre la caution devant le juge du cautionnement avant toute admission, celui-ci ne pouvant statuer sur la régularité de la déclaration de créance, compétence exclusive du juge-commissaire.
Sur les pouvoirs de ses préposés, elle indique qu'elles disposaient toutes deux de délégations régulières à la date de la déclaration de créance pour y procéder.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.
Motifs de la décision :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou à « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
1. Sur la recevabilité de l'appel :
Il résulte des articles 336 et 24 du code de procédure civile de la Polynésie française que le délai pour interjeter appel des jugements contentieux est de 2 mois francs, se calculant de quantième à quantième, outre un délai de distance de 8 jours s'agissant d'une personne domiciliée à [Localité 3].
L'article 337 du même code prévoit que ce délai court, pour les jugements contradictoires, du jour de la signification à personne.
Il est donc inexact de dire, comme le fait l'appelante que le premier jour n'est pas compté, l'article 337 qui concerne spécifiquement l'appel, prévalant sur l'article 29 qui concerne les notifications de manière générale.
En revanche, et conformément à l'article 28, général et non contredit par des dispositions spéciales relatives à l'appel, tout délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, sera prorogé au jour ouvrable suivant.
La signification à Monsieur [E], domicilié à [Localité 3], du jugement a été faite par huissier à sa personne le 19 janvier 2021, le délai pour faire appel expirait donc le 27 mars 2021, qui s'avère être un samedi, la fin du délai était donc le lundi 29 mars 2021 à 24h00.
Or la requête d'appel a été enregistrée à cette date, et l'appel est donc recevable.
2. Sur le fond :
Il résulte de l'article L. 621-46 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française que les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes, de même que les créances dont la déclaration est irrégulière.
Or, l'extinction de la créance en application de ce texte est une exception inhérente à la dette, et conformément à l'article 2036 du code civil dans sa version et numérotation applicable en Polynésie française, la caution peut l'opposer au créancier.
Si la SOCREDO fait état de jurisprudences récentes interdisant au juge du cautionnement de statuer sur la régularité de la créance, elles ont toutes été prises sous l'empire des modifications opérées par la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 qui n'a pas été rendue applicable en Polynésie française, en particulier l'article L. 622-26 du code de commerce qui a supprimé la cause d'extinction des créances de l'article L. 621-46 ancien, et L.624-2 du code de commerce nouveau dont il ressort, en métropole, la compétence exclusive du juge-commissaire pour statuer sur les créances.
Par conséquent, et conformément aux règles énoncées sous le régime antérieur à la loi de sauvegarde, lorsque la créance a été déclarée, mais n'a pas encore donné lieu à une décision définitive du juge- commissaire, le juge du cautionnement, saisi par le créancier d'une demande en paiement, doit vérifier l'existence de la créance et son montant et, par conséquent, vérifier la régularité de la déclaration.
C'est le cas en l'espèce, puisque la SOCREDO justifie de l'envoi au mandataire judiciaire d'une déclaration des créances dont elle entend poursuivre le paiement auprès de Monsieur [E] dans la présente instance. En revanche, aucune décision du juge-commissaire n'a été portée à la connaissance de la cour par les parties, ni admettant, ni rejetant la créance.
La déclaration a été faite pour le compte de la SOCREDO par deux signataires, Madame [M] et Madame [Y]. Les délégations de signature pour ce faire sont versées par la SOCREDO pour chacune des signataires. Aucune mention de ces délégations ou des documents présentés ne permet de juger, comme l'avance Monsieur [E], que la déclaration a été faite par des personnes qui n'en avaient pas le pouvoir, ou dont la signature aurait dû être complétée par une autorité spécifique, alors même que les deux signataires sont chacune délégataire et que l'obligation d'une co- signature mentionnée dans le tableau accompagnant les délégations est satisfaite.
Par conséquent la déclaration de créance étant régulière, celle-ci n'est pas éteinte à l'égard du débiteur et la créance opposable à la caution.
L'ensemble des éléments versés par la SOCREDO permet de constater l'existence du cautionnement, la défaillance du débiteur dans le paiement du solde du compte en dépassement du découvert autorisé, l'exigibilité des sommes, l'information faite aux cautions et la justification des sommes dues et arrêtées au 28 février 2019, soit 5 852 387 F CFP dus avec Monsieur [D], somme arrêtée à la date à laquelle son engagement de caution a cessé, et 2 451 240 F CFP, somme supplémentaire due postérieurement par le seul Monsieur [E]. L'application des intérêts au taux conventionnel, tout comme de l'indemnité contractuelle, et la capitalisation des intérêts par année entière sont tout aussi justifiées.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement du tribunal mixte de commerce.
3. Sur les frais et dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SOCREDO les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de condamner Monsieur [E] à lui payer 300 000 F CFP au titre des frais d'appel non compris dans les dépens et de le débouter de ses demandes au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Les dépens de première instance ont été justement mis à la charge de [K] [E] et [U] [D] et la décision en ce sens sera confirmée et les dépens d'appel seront supportés par [K] [E] qui succombe conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, non ou publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
DECLARE l'appel recevable,
Au FOND le dit mal fondé, par conséquent,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG 2019/000333 en date du 27 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Papeete ;
CONDAMNE Monsieur [K] [E] à payer à la SAEM BANQUE SOCREDO la somme de 300 000 F CFP (trois cent mille francs pacifique) au titre de ses frais d'appel non compris dans les dépens par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE Monsieur [K] [E] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 12 mai 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SEKKAKI