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30/03/2017 | FRANCE | N°16/00020

France | France, Cour d'appel de Papeete, 30 mars 2017, 16/00020


No 48


CT
____________


Copies authentiques
délivrées à :
- Te Fare Tauhiti Nui,
- Polynésie française,
- Me E. Spitz,
le 30.03.2017.REPUBLIQUE FRANCAISE


COUR D'APPEL DE PAPEETE


Chambre Sociale
Audience du 30 mars 2017
RG 16/00020 ;


Décision déférée à la Cour : jugement no 16/00050, rg no F 15/00054 du Tribunal du Travail de Papeete du 25 février 2016 ;


Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no 16/00018 le 3 mars 2016, dossier transmis et enre

gistré au greffe de la Cour d'appel le 11 mars 2016 ;


Appelante :
L' Epa Te Fare Tauhiti Nui - Maison de la Culture, établissement public...

No 48

CT
____________

Copies authentiques
délivrées à :
- Te Fare Tauhiti Nui,
- Polynésie française,
- Me E. Spitz,
le 30.03.2017.REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale
Audience du 30 mars 2017
RG 16/00020 ;

Décision déférée à la Cour : jugement no 16/00050, rg no F 15/00054 du Tribunal du Travail de Papeete du 25 février 2016 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no 16/00018 le 3 mars 2016, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 11 mars 2016 ;

Appelante :
L' Epa Te Fare Tauhiti Nui - Maison de la Culture, établissement public administratif dont le siège social est sis [...] ;
Ayant conclu ;

Intimé :
Monsieur G... L... C..., né le [...] à Merville Nord, de nationalité française, [...] ;
Représenté par Me Marie EFTIMIE-SPITZ, avocat au barreau de Papeete ;

Et de la cause :
La Polynésie française venant aux droits de l'Epic Heiva Nui, [...] ;
Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 2 septembre 2016 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2016, devant Mme TEHEIURA, conseillère faisant fonction de présidente, M. RIPOLL, conseiller et Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme TEHEIURA, présidente et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

A R R E T,

Par jugement rendu le 25 février 2016 auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, le tribunal du travail de Papeete a :
- annulé la convention de rupture amiable du 14 septembre 2012 ;
- dit que le contrat liant G... C... à l'EPIC Heiva Nui a été transféré de plein droit à l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture;
- condamné in solidum la Polynésie française et l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture à payer à G... C... la somme de 100 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- condamné in solidum la Polynésie française et l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture aux dépens.

Par déclarations enregistrées au greffe du tribunal du travail les 3 et 7 mars 2016, l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture et la Polynésie française ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 13 mai 2016, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures d'appel.

L'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture demande à la cour de:
- annuler le jugement attaqué ;
- dire que le principe posé par l'article Lp. 1212-5 du code du travail n'est pas applicable au contrat de travail ;
- dire que la convention de rupture amiable du contrat de travail est valable.

En s'associant aux écritures de la Polynésie française, il affirme que «l'article Lp 1212-5 du code du travail ne s'applique pas à l'administration de la Polynésie française, les dispositions en vigueur au moment de la dissolution de l'E.P.I.C HEIVA NUI étant identiques à celles en vigueur au moment de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat antérieure à l'applicabilité de la directive no 77/187/CE du 14 février 1977» ; que « ce n'est que parce que la CJCE a considéré que la directive européenne s'appliquait à partir du moment où il y avait transfert de l'identité matérielle de l'activité et non transfert de l'identité juridique que les juridictions nationales ont été contraintes d'opérer un revirement de jurisprudence, ce qu'elles ont reconnu expressément dans leurs décisions, créant ainsi une exception à la jurisprudence Berkani » ; qu'« une telle exception à la jurisprudence Angaut Krasa n'est pas justifiable en Polynésie française, à moins de dénier le statut de pays associé dont jouit la Polynésie française au sein de l'Union européenne, statut qui rend inopposable à la Polynésie française les directives et les règlements européens » ; que, même dans l'hypothèse où l'article Lp. 1212-5 du code du travail serait opposable à l'administration de la Polynésie française, le conseil d'Etat « laisse la possibilité à l'administration de ne pas proposer le transfert en l'état du contrat de travail mais de proposer uniquement un contrat de droit public compatible avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur » ; que « c'est exactement ce que la Polynésie française a fait en proposant soit un contrat de droit public d'agent non titulaire à durée déterminée, soit l'intégration en catégorie D
» ; que « la Polynésie française, par mesure de bienveillance, a préféré proposer aux agents refusant sa proposition de contrat de droit public, une indemnité de départ volontaire supérieure à l'indemnité de licenciement prévue par le code du travail » et que, « quand bien même l'intéressé justifierait son refus d'accepter la proposition de contrat de droit public par l'absence de reprise des clauses substantielles de son contrat de travail, il n'appartient qu'aux juridictions administratives d'être saisies de sa contestation ».

La Polynésie française demande à la cour de :
- annuler le jugement attaqué ;
- dire que le principe posé par l'article Lp. 1212-5 du code du travail n'est pas applicable au contrat de travail ;
- dire que ledit contrat a été rompu d'un commun accord le 14 septembre 2012.

Elle soutient que « la jurisprudence qui est venue étendre aux transferts d'activité vers un établissement public administratif le principe d'une obligation de transfert des contrats de travail a été adoptée à la lumière de la règlementation européenne, laquelle n'est
pas applicable en Polynésie française » ; que « l'E.P.A. TE FARE TAUHITI NUI - MAISON DE LA CULTURE étant un établissement public administratif,
est
soumis aux règles de fonctionnement de droit public et non à celles du code du travail » et qu'elle n'avait donc pas l'obligation de transférer le contrat de travail ; que, « contrairement à ce qu'a pu affirmer le tribunal du travail, la solution retenue par lui s'inscrit manifestement en contradiction avec celles dégagées dans les décisions du tribunal administratif de la Polynésie française
» ; que, quand bien même le Pays « aurait entendu faire application de l'article Lp 1212-5 du code du travail et procéder au transfert du contrat de Monsieur G... L... C..., il n'aurait pu légalement le faire, faute de disposer d'une réglementation le lui permettant » ; que «l'automatisme » du mécanisme de l'article LP. 1212-5 du Code du travail se heurte manifestement au principe à valeur constitutionnelle d'égal accès aux emplois publics en vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » ; que « le conseil d'Etat a
posé les limites à l'intégration d'un salarié de droit privé au sein de la fonction publique et a exclu toute titularisation qui ferait l'économie de l'examen des vertus de la personne postulant à un emploi public » et qu' « en tout état de cause, les clauses substantielles d'un contrat de droit privé ne peuvent être reprises que si des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle » ; qu' « il n'y a eu aucun transfert d'activité entre l'E.P.I.C. HEIVA NUI et l'E.P.A. TE FARE TAUHITI NUI — MAISON DE LA CULTURE » et que l'intégralité du passif et de l'actif de l'EPIC Heiva Nui lui a été dévolue ; que « la circonstance que les établissements publics concernés avaient/ont des missions largement définies et intervenant toutes deux dans le domaine culturel n'est pas plus de nature à prouver de facto la reprise des missions de l'un en cas de dissolution de l'autre » et que « les missions de l'E.P.I.C. HEIVA NUI n'ont pas été reprises par l'E.P.A. TE FARE TAUHITI NUI - MAISON DE LA CULTURE » ; qu' « à considérer qu'il y ait effectivement eu un transfert de missions entre les deux établissements publics, cela n'aurait pas offert aux représentants syndicaux plus de marge de manœuvres dans les négociations dès lors (qu'il) n'existe aucune obligation pour le Pays de reprendre, aux mêmes conditions, les contrats des anciens salariés de droit privé de l'E.P.I.C. HEIVA NUI »; que « la rupture de contrat
est
intervenue suite à un accord commun et éclairé des deux parties, ce dernier ayant pris la forme d'une «convention de rupture amiable », prise sur le fondement de l'article 1134 du code civil, signée par Monsieur C... le 14 septembre 2012,
conformément à la demande qu'il a personnellement formulée en ce sens » ; que l'intimé a librement fait le choix d'être représenté par son syndicat ; que, « s'il devait être démontré que cet organisme syndical, pourtant aguerri, a failli dans sa mission et imparfaitement informé » l'intéressé, il n'est pas logique qu'elle en supporte les conséquences et que « la jurisprudence reconnait la possibilité à l'employeur et au salarié de rompre conventionnellement leur relation».

G... C... demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
* annulé la convention de rupture amiable du 14 septembre 2012
* dit que le contrat le liant à l'EPIC Heiva Nui a été transféré de plein droit à l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture
* condamné la Polynésie française à lui payer la somme de 100 000 FCP, au titre des frais irrépétibles
* rejeté les demandes formées par la Polynésie française ;
- dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse le 27 mai 2003 ;
- condamner la Polynésie française à lui payer :
* la somme de 114 000 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* la somme de 11 400 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
* la somme de 684 000 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse
- subsidiairement, ordonner sa réintégration au sein de l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture ;
- à défaut, condamner l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture à lui payer :
* la somme de 387 961 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* la somme de 38 796 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
* la somme de 2 327 766 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement dénué cause réelle et sérieuse ;
- à titre infiniment subsidiaire, condamner la Polynésie française à lui payer :
* la somme de 387 961 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* la somme de 38 796 FCP, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
* la somme de 2 327 766 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement dénué cause réelle et sérieuse ;
- condamner in solidum la Polynésie française et l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture à lui payer la somme de 150 000 FCP, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il fait valoir que, par arrêté du 27 mai 2003, le contrat de travail à durée indéterminée du 4 juillet 2000 qui le liait à la Polynésie française a été rompu de façon unilatérale et sans cause réelle et sérieuse et que sa demande d'indemnisation n'est pas prescrite ; que « la convention de rupture amiable du contrat de travail
n'a été acceptée qu'en raison des fausses informations suivant lesquelles l'établissement public HEIVA NUI devait absolument être dissous pour des considérations économiques, une procédure de licenciement économique était imminente, son contrat de travail ne pouvait faire l'objet d'une quelconque reprise aux mêmes conditions, il se retrouverait sans aucune rémunération, à moins d'accepter dans les 5 jours suivants, et à la condition encore qu'il soit parmi les premiers à le faire, une demande d'intégration dans la fonction publique » et que son «consentement
a été extorqué » ; que les missions de l'EPIC Heiva Nui sont désormais exécutées par l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture ; que les moyens matériels de l'EPIC Heiva Nui ont été transférés à l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture ; que la fusion des 2 établissements publics, ou du moins le transfert de l'activité économique de l'EPIC Heiva Nui à l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture, est une évidence et que « l'établissement public HEIVA NUI, la Polynésie française, et l'établissement public TE FARE TAUHITI NUI-MAISON DE LA CULTURE ont fraudé ses droits de salariée au regard des dispositions de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1986 » ; que la convention de rupture amiable du contrat de travail ne possède pas la cause économique qui a motivé sa décision ; que la procédure de licenciement économique, l'ordre des licenciements et l'obligation de reclassement n'ont pas été respectés et que, « dès lors que l'EPIC HEIVA NUI a proposé à ses salariés d'intégrer des postes au sein de la Polynésie française, afin d'être affectés à l'Etablissement public TE FARE TAUHITI NUI-MAISON DE LA CULTURE ainsi que des contrats de droit privé, il en résulte bien que ces trois entités constituent un groupe ».

Il ajoute que « c'est l'employeur qui a lui-même fait préparer et dactylographier et donc imposé les termes de la convention » ; qu'il a été mis « fin à une situation conflictuelle puisqu'il est avisé de la suppression de son emploi et des alternatives destinées à lui faire supporter cette perte » ; qu' « est nulle la convention de rupture amiable consécutive à un différend ou à une menace de licenciement, antinomiques de la notion de commun accord » ; que sa « décision
de rompre son contrat de travail a été extorquée par l'employeur qui lui a fait part de l'impossibilité de transférer son contrat de travail et l'a ainsi frauduleusement privé des droits qu'il tient de dispositions d'ordre public» ; que l'arrêt rendu le 8 mars 2013 par le conseil d'État fait ressortir la possibilité en Polynésie française de transférer un contrat de droit privé à un établissement public à caractère administratif ; que, «non seulement le seul transfert des contrats de travail vers un établissement public administratif ne suffit pas à leur faire perdre leur qualité de contrats de droit privé, mais encore,
le salarié d'un établissement public à caractère administratif » n'est pas automatiquement un agent de droit public ; que, « si les démissions et ruptures conventionnelles de contrat de travail n'avaient pas été extorquées aux salariés de droit privé, ceux-ci seraient à ce jour toujours salariés de droit privé, ou de droit public, mais au sein de l'établissement TE FARE TAUHITI NUI-MAISON DE LA CULTURE » ; qu'il « formera toute demande qu'il estime utile devant le Tribunal administratif en vue d'être réintégré dans l'établissement TE FARE TAUHITI NUI dans les conditions de son contrat transféré en cours » ; que, si le contrat transféré est de droit privé, il sollicite sa réintégration et à défaut l'indemnisation par l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail et que, si le contrat de travail n'a pas été transféré, la rupture de ce contrat est imputable à l'EPIC Heiva Nui.

Le ministère public a eu communication de la procédure mais n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et aucun élément ne permet d'en soulever d'office l'irrecevabilité.

Sur la rupture du contrat de travail ayant débuté le 15 juin 2000 :

Il résulte des dispositions des articles 1er , 3 et 11 2o de la loi no68-1250 du 31 décembre 1968 que :
« Sont prescrites, au profit de l'Etat, de la Polynésie française et de ses établissements publics et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis

La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. »

Le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le 1er janvier qui suit l'année au cours de laquelle le fait générateur de la créance s'est produit.

En l'espèce, ce fait générateur est la rupture du contrat de travail reprochée à la Polynésie française à partir de laquelle G... C... a acquis un droit de se prévaloir d'une créance indemnitaire et pu mesurer l'étendue des conséquences dommageables du licenciement.
Et le fait que le statut juridique du contrat de travail ait été incertain ne l'empêchait nullement de saisir le tribunal du travail.

Dans ces conditions, la rupture du contrat de travail étant intervenue en mai 2003, le point de départ de la prescription quadriennale était le 1er janvier 2004 et G... C... aurait dû saisir le tribunal du travail avant le 1er janvier 2009.

Or, la requête introductive d'instance n'a été déposée que le 17 mars 2015.

En tout état de cause, G... C... a été engagé, en qualité d'aide technique groupe 6, emploi prévu par l'article 10 de la délibération no 95-129 AT du 24 août 1995 portant création de cabinets auprès du président et des membres du gouvernement et fixant les conditions de recrutement et le régime indemnitaire des membres de cabinet et la nature de son contrat de travail a été déterminée par arrêt du conseil d'Etat rendu le 30 décembre 2009.

Dans ces conditions, quelque soit le point de départ de la prescription quadriennale, 1er janvier 2004 ou 2010, l'action engagée par G... C... est prescrite.

Sur la validité de la convention de rupture amiable du contrat de travail :

Le 14 septembre 2012, l'EPIC Heiva Nui et G... C... ont signé une « convention de rupture amiable du contrat de travail » ainsi rédigée :
« Conformément à l'article 1134 du Code civil, il est mis fin, d'accord partie, au contrat de travail no 14/EHN en date du 1er juin 2003 de M. G... C....
La date de rupture du contrat de travail est fixée au 15 septembre 2012 au soir.
En contrepartie, M. G... C..., dont la durée des services effectifs est à cette date de 9 ans, bénéficiera d'une indemnité de départ fixée à la somme de 3 523 977 F CFP (9 années de service x 1 mois de salaire).
Le salaire et les congés payés seront liquidés le jour de remise du solde de tout compte et du certificat de travail.
La présente convention pourra être modifiée par voie d'avenant.
Imputation budgétaire : Budget de Heiva Nui ; exercice 2012 ; compte 641.
Le Payeur de la Polynésie française est chargé du versement de l'indemnité. »

Cette convention a été signée dans le cadre d'une procédure de licenciement économique et vise la délibération no 172/12/CA/EHN du 31 mai 2012 portant approbation par le conseil d'administration de l'EPIC Heiva Nui du protocole d'accord valant plan social conclu le 23 mai 2012 par l'EPIC Heiva Nui et la confédération A Tia I Mua en ces termes :
« Suite au préavis de grève déposé le vendredi 18 mai 2012, les parties ont convenu ce qui suit :
Compte tenu de la cessation d'activité de Heiva Nui fixée au 30 septembre 2012 et dans le cadre de la procédure de licenciement économique idoine, il est proposé le plan social suivant :
- des mesures de départs volontaires fixées à 1 mois de salaire par années d'ancienneté dans la limite de l'enveloppe budgétaire allouée à cet effet plafonnée à 50 000 000 F CFP ;
- l'option pour une inscription en liste d'aptitude pour 30 postes de catégorie D chez TFTN ;
- parmi les 30 postes de catégorie D, il pourra être substitué 1 poste de catégorie A, 8 postes de catégorie B et 5 postes de catégorie C chez TFTN en ANT offerts aux agents en fonction des diplômes conformément à la délibération no 2004-15 du 22 janvier 2004 relative aux agents non titulaires des services et établissements publics administratifs de la PF ;
1. Les agents de Heiva Nui ont jusqu'au 05 juin 2012 pour faire connaître leur option.
2. Les agents ayant reçu un accord de départ volontaire verront leur contrat rompu le 08 juin 2012. Cette date pourra être repoussée à l'initiative de Heiva Nui au cas où les procédures de validation du présent protocole ne seraient pas abouties ;
3. Les agents n'ayant pas fait connaitre d'option sur l'unique proposition de la puissance publique, avant le 05 juin 2012, feront l'objet d'une procédure de licenciement économique ;
4. Les indemnités de départs volontaires seront versées au plus tard le 30 juin 2012 ainsi que le solde de tout compte ;
Le préavis de grève est levé. »

Les mesures incitatives de départs volontaires ont fait l'objet de la note d'information suivante :
« Dans le cadre de la dissolution de l'établissement public Heiva Nui et du protocole d'accord en date du 23 mai 2012 valant plan social, des mesures incitatives de départ volontaire sont proposées aux agents de l'établissement sous la forme :
- d'une indemnité financière dans la limite de l'enveloppe budgétaire allouée à cet effet plafonnée à 50 000 000 F CFP ;
- d'une promesse d'embauche dans l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui- Maison de la culture, sous la forme d'une inscription sur liste d'aptitude en catégorie D ou d'un contrat à durée déterminée en ANT dans la limite des 30 postes disponibles
».

Si l'existence d'une procédure de licenciement économique n'exclut pas une résiliation amiable du contrat de travail, cette résiliation obéit à des règles qui lui sont propres.

En Polynésie française, aucun texte ne prévoit ce mode de rupture de la relation de travail et il n'existe pas d'articles équivalents aux articles L1237-11 et suivants du code du travail métropolitain qui règlementent de façon protectrice pour le salarié ( assistance possible, délai de rétractation, homologation par l'autorité administrative ) la convention de rupture.

Une rupture amiable du contrat de travail est possible si elle ne dissimule pas une transaction destinée à régler les conséquences d'un litige.

Par ailleurs, pour être valable, aucun vice du consentement ne doit avoir affecté sa signature.

Par arrêté no 693 CM du 31 mai 2012, l'établissement public Heiva Nui a été dissous à compter du 1er octobre 2012 et mis en liquidation et l'ensemble de ses droits, biens et obligations a été dévolu à la Polynésie française.

Par arrêté no 1431 CM du 24 septembre 2012, la dissolution a été fixée au 1er novembre 2012.

Il n'est versé aux débats aucune pièce établissant que, le 14 septembre 2012, G... C..., qui ne conteste pas avoir pris connaissance de la note d'information sur les mesures incitatives de départs volontaires émise par l'EPIC Heiva Nui, ni avoir sollicité le bénéfice d'une indemnité de départ volontaire par lettre du 4 juin 2012, s'opposait à la dissolution de l'établissement public et refusait une rupture du contrat de travail.

Enfin, il n'est pas démontré que la question précise de la poursuite des contrats de travail de l'entité économique autonome qu'aurait été l'EPIC Heiva Nui par le nouvel employeur qu'aurait été l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture ait été expressément posée dans le cadre de la procédure de licenciement économique et il ne peut être reproché à l'EPIC Heiva Nui de ne pas avoir abordé cette question dans la mesure où il ne disposait d'aucun pouvoir de négocier, ni de contracter avec l'EPA Te Fare Tauhiti Nui-Maison de la culture et où, compte-tenu de la spécificité du droit du travail en Polynésie française et de l'absence de textes locaux règlementant la poursuite de contrats de droit privé par un service ou un établissement à caractère administratif, une telle poursuite soulève une difficulté sérieuse.

Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée que la convention du 14 septembre 2012 a été signée alors qu'il existait un litige sur la rupture du contrat de travail et qu'il s'agit donc d'une transaction devant être annulée puisqu'elle a mis fin à la relation de travail.

Par ailleurs, l'EPIC Heiva Nui a réuni les représentants du personnel le 31 mai 2012 afin qu'ils puissent recevoir toutes les informations utiles sur la procédure de licenciement économique dans le but de les transmettre à l'ensemble du personnel.

Ainsi qu'il l'a été ci-dessus souligné, il n'est pas établi, ni même prétendu, qu'G... C... n'a pas eu connaissance de la note d'information du 1er juin 2012 sur les mesures incitatives de départs volontaires.

Il a, en conséquence, disposé du temps et des moyens nécessaires pour se renseigner sur ses droits et sur les conséquences de ce qui était proposé par son employeur.

En outre, l'indemnité de départ d'un montant de 3 523 977 FCP qui correspond à 9 mois de salaire est très convenable compte-tenu de son salaire et de son ancienneté et elle est largement supérieure à l'indemnisation sollicitée par l'intimé en cas de licenciement.

La preuve d'un vice du consentement n'est donc pas rapportée et il est, au contraire, suffisamment démontré qu'G... C... a signé la convention litigieuse du 14 septembre 2012 librement et en toute connaissance de cause.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera infirmé et les demandes formées par G... C... seront rejetées.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable ;

Constate que la Polynésie française vient aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial Heiva Nui ;

Confirme le jugement rendu le 25 février 2016 par le tribunal du travail de Papeete en ce qu'il a dit prescrite et donc irrecevable l'action engagée par G... C... relative à la rupture du contrat de travail ayant débuté le 15 juin 2000 ;

L'infirme pour le surplus ;

En conséquence,

Dit n'y avoir lieu d'annuler la convention de rupture amiable du contrat de travail en date du 14 septembre 2012 conclu entre l'EPIC Heiva Nui et G... C... ;

Rejette les demandes formées par G... C... ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;

Dit qu'G... C... supportera les dépens de première instance et d'appel.

Prononcé à Papeete, le 30 mars 2017.

Le Greffier, La Présidente,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. TEHEIURA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Numéro d'arrêt : 16/00020
Date de la décision : 30/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;16.00020 ?
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