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30/03/2017 | FRANCE | N°15/00588

France | France, Cour d'appel de Papeete, 30 mars 2017, 15/00588


No 46
CT
____________


Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Chicheportiche,
le 30.03.2017.




Copie authentique
délivrée à :
- Me Kintzler,
le 30.03.2017.


REPUBLIQUE FRANCAISE


COUR D'APPEL DE PAPEETE


Chambre Sociale




Audience du 30 mars 2017




RG 15/00588 ;


Décision déférée à la Cour : jugement no 15/00247, rg no F 15/00197 du Tribunal du Travail de Papeete du 26 novembre 2015 ;


Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Tr

avail de Papeete sous le no 15/00182 le 8 décembre 2015, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 9 décembre 2015 ;


Appelante :


La Sarl Ethik, inscrite au regi...

No 46
CT
____________

Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Chicheportiche,
le 30.03.2017.

Copie authentique
délivrée à :
- Me Kintzler,
le 30.03.2017.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 30 mars 2017

RG 15/00588 ;

Décision déférée à la Cour : jugement no 15/00247, rg no F 15/00197 du Tribunal du Travail de Papeete du 26 novembre 2015 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no 15/00182 le 8 décembre 2015, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 9 décembre 2015 ;

Appelante :

La Sarl Ethik, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 071 - 45 B, no Tahiti 823450 dont le siège social est sis [...] ;

Représentée par Me Didier KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

Madame B... S..., née le [...] à Longjumeau, de nationalité française, demeurant à [...] ;

Représentée par Me Laurent CHICHEPORTICHE, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 21 octobre 2016 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2016, devant Mme TEHEIURA, conseiller faisant fonction de présidente, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme TEHEIURA, présidente et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Par jugement rendu le 26 novembre 2015 auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, le tribunal du travail de Papeete a :
- annulé la clause de non-concurrence incluse dans le contrat de travail liant la Sarl ETHIK et B... S... ;
- alloué à B... S... la somme de 100 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- rejeté les autres demandes formées par la Sarl ETHIK et B... S... ;
- mis les dépens à la charge de la Sarl ETHIK.

Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 8 décembre 2015, la Sarl ETHIK a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.

Elle demande à la cour de :

- constater la validité de la clause de non-concurrence ;
- lui allouer :
*la somme de 2 619 853 FCP, au titre de la clause pénale?
*la somme de 339 000 FCP, au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Elle soutient que, «si la clause de non-concurrence interdisait à C. S... de travailler en qualité de comptable dans les sociétés concurrentes
et situées sur les seules communes de Papeete, Faa'a et Pirae, en revanche, il lui était parfaitement loisible de travailler en cette même qualité pour toute autre société implantée en Polynésie française - en ce compris les communes de Papeete, Pirae et Faa'a - exerçant dans un autre secteur d'activité : hôtellerie, industrie, commerce... » et qu' « au mépris de l'article 7-1 du contrat de travail, la salariée intégra une entreprise concurrente directe
située dans une zone censurée par la clause de non-concurrence », dans la mesure où elle a signé le 15 septembre 2015 un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Cailleau dont le siège social est situé à Faa'a ; que B... S... était « titulaire d'un Brevet de Technicien Supérieur de comptabilité et gestion des organisations
, affectée à un emploi incluant l'accès à de nombreuses données confidentielles et bénéficiaire d'une formation sur « logiciel CRYPTO
détenu par seulement quatre sociétés de syndic en Polynésie française, permettant une efficace gestion de (la) copropriété
» ; qu' « elle exerce dès lors un emploi « de grande qualification nécessitant une formation particulière et susceptibles d'entraîner une véritable concurrence »
et donc de causer un préjudice à son employeur » ; qu'il était « dès lors indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise d'insérer dans le contrat de travail
, une obligation de non-concurrence dans le secteur d'activité concurrençant celui de son employeur (activité de syndic) » et que B... S... a été recrutée par la société Cailleau en raison de sa maîtrise du logiciel CRYPTO ; que l'insertion d'une clause de non concurrence dans le contrat de travail n'avait pas pour effet d'empêcher B... S... « de « travailler dans un emploi conforme à sa qualification et à ses connaissances » puisque sa formation de comptable étant une formation générale, il lui est aisé de retrouver un emploi dans d'autres branches d'activités que celles de son employeur » et que son curriculum vitae révèle « que la salariée n'exerça pas seulement son activité de comptable dans le secteur du syndic et de la gestion locative, mais dans bien d'autres secteurs (commerce, hôtellerie-restauration...) ».

Elle ajoute que «la durée de l'obligation de non-concurrence de C. S... est « d'un an commençant le jour de la cessation effective du contrat » si bien que la clause est licite » ; que celle-ci « couvre la commune du siège de la Société et les deux communes limitrophes », c'est-à-dire les seules communes de Papeete, Faa'a et Pirae » et que « le champ d'application dans l'espace est donc respecté » ; que la « contrepartie financière de 20% est proportionnelle à la faible contrainte imposée et à la faculté pour la salariée de rechercher un emploi conforme à sa qualification et à son expérience » et que « la salariée ne peut invoquer aucun préjudice puisqu'elle ne respecte manifestement pas sa clause de non-concurrence » ; que « le Tribunal ne pouvait pas, sans se contredire, juger d'abord que la clause de non-concurrence ne portait pas d'atteinte excessive à la liberté de travail de la salariée puis, que la fixation de la contrepartie financière à « 20 % du salaire mensuel moyen des trois derniers mois » était insuffisante et « portait une atteinte de manière excessive à sa liberté de travail » ; que B... S... n'a jamais critiqué le montant de la contrepartie financière qu'elle a librement accepté et qui est proportionnel aux inquiétudes légitimes de l'employeur concernant les risques de concurrence ; que ledit montant doit être apprécié, non pas en fonction de la clause pénale, qui aurait pu être réduite par le tribunal, « mais en fonction seulement de la protection des intérêts légitimes de la Société et de l'atteinte portée à la liberté du travail de la salariée » ; que « Madame S... percevant un salaire mensuel brut 218.321 F CFP, elle aurait reçu - si elle avait respecté sa clause de non-concurrence - 43.664 F CFP brut de contrepartie financière lesquels se seraient ajoutés au montant de sa rémunération dans l'hypothèse fort probable où elle aurait retrouvé un emploi » ; qu'elle percevait un salaire conforme à ceux généralement versés à un comptable, tout secteur confondu et que le montant de la contrepartie financière est donc suffisant.

B... S... sollicite la confirmation du jugement attaqué en faisant valoir qu'elle occupait le poste de comptable relevant du statut employé, moyennant un salaire mensuel inférieur à 200 000 FCP ; qu'elle « n'avait aucun salarié sous ses ordres et n'était pas en contact direct avec la clientèle » ; que le logiciel CRYPTO est utilisé par la majorité des syndics de copropriété locaux et que la clause de non-concurrence n'était pas indispensable à la protection des intérêts de l'appelante ; qu' « une clause de non-concurrence aussi protectrice des intérêts d'ETHIK (l')empêchait
de valoriser son expérience et de travailler dans le domaine de la comptabilité de syndics de copropriétés » et qu'elle « constituait dès lors une atteinte excessive à la liberté du travail car cela revenait à annihiler l'expérience acquise dans ce secteur » ; que le secteur géographique prévu par la clause litigieuse regroupant l'essentiel des gestions de copropriétés du territoire, elle aurait été contrainte de travailler sur le seul secteur de Taravao et qu' « une telle atteinte à la liberté du travail était totalement injustifiée et ce d'autant plus qu'elle n'était même pas compensée par une contrepartie pécuniaire sérieuse » qui représentait moins de 2,4 mois de salaire et qui « était totalement insuffisante pour permettre
de subvenir à ses besoins et surtout, disproportionnée par rapport à l'ampleur des restrictions imposées
» ; qu'une clause de non-concurrence nulle causant nécessairement un préjudice au salarié, elle sollicite paiement de la somme de 500 000 FCP, à titre de dommages-intérêts et que la nullité de la clause de non-concurrence libère le salarié de son obligation de non-concurrence.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 octobre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.

Sur la clause de non-concurrence et la clause pénale :

Il convient, en premier lieu, de relever le caractère contradictoire des écritures de B... S... qui, dans les motifs, sollicite le paiement d'une indemnité et qui, dans le dispositif, sollicite la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions.

L'article 7-1 du contrat de travail est ainsi rédigé :

« Compte tenu de la nature de ses fonctions, de la formation reçue et des connaissances acquises au service de la Société, la Salariée s'interdit, en cas de cessation du présent contrat, quelles qu'en soient la date et la cause, d'entrer au service d'un client de la Société comme de s'intéresser directement ou indirectement ou sous quelque forme que ce soit, à une entreprise susceptible de la concurrencer.

Toute violation de la présente clause rend, de plein droit, la Salariée débiteur d'une pénalité fixée dès à présent au montant du salaire de sa dernière année d'activité. La pénalité est due sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle.

Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits que la Société se réserve de poursuivre la Salariée en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de un an commençant le jour de la cessation, effective du contrat et couvre la commune du siège de la Société et les deux communes limitrophes.
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, la Salariée reçoit mensuellement durant une année après la cessation effective de son contrat, une indemnité égale à 20 % de la moyenne mensuelle du salaire reçu par lui au cours de ses trois derniers mois au service de la Société.

Toute violation de l'interdiction de concurrence libère la Société du versement de cette contrepartie et rend la Salariée débiteur envers elle du remboursement de ce qu'il a pu recevoir à ce titre, et cela indépendamment des sanctions et pénalités prévues ci-dessous.

La Société peut cependant délier la Salariée de l'interdiction de concurrence et, par conséquent, se libérer du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve en ce dernier cas de lui notifier sa décision par lettre recommandée au plus tard dans les trois mois suivant la cessation effective de ses fonctions. »

L'article 8 de ce contrat prévoit qu'«en contrepartie de l'accomplissement de ses fonctions, la Salariée reçoit une rémunération mensuelle brute de 180 000 FCP (cent quatre-vingt mille francs).»

L'article Lp. 1211-5 du code du travail de la Polynésie française dispose que :

« La clause de non-concurrence est écrite et ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps et dans l'espace, compte tenu de la nature de l'activité du salarié ainsi que de son expérience professionnelle.
L'interdiction de concurrence ne peut en aucun cas excéder un an. »

L'article Lp. 1211-6 du même code dispose que :

« La clause de non-concurrence prévue à l'article Lp. 1211-5 comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, que la rupture du contrat de travail intervienne à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. »

La lecture des pièces versées aux débats fait ressortir que le tribunal du travail a analysé de façon précise et exacte les éléments de la cause et leur a appliqué les textes et principes juridiques adéquats.

C'est ainsi qu'il a pertinemment relevé que :

- l'interdiction de concurrence ne dépasse pas la durée légalement prévue ;
- la clause de non-concurrence est limitée dans l'espace ;
- les attributions de B... S... dépassaient celles d'un comptable et impliquaient contact avec la clientèle et connaissance d'informations confidentielles ;
- le souci manifesté par la Sarl ETHIK d'éviter des actes de concurrence en cas de rupture du contrat de travail était donc justifié ;
- l'expérience et les compétences professionnelles de B... S... lui permettaient de rechercher un poste de comptable dans d'autres secteurs que celui de l'immobilier ;
- ainsi, la liberté de travailler appartenant à B... S... n'était pas affectée de façon excessive par la clause de non-concurrence ;
- toutefois, la contrepartie financière, limitée à 20% d'un salaire dont le montant est peu élevé, ne suffit pas à compenser l'atteinte portée à la liberté de travail ;
- la Sarl ETHIK, qui considérait la clause de non-concurrence comme un élément important du contrat de travail dans la mesure où elle a assorti son défaut de respect d'une lourde sanction financière et où elle n'y a pas renoncé à l'occasion de la démission de B... S..., aurait dû fixer une contrepartie financière à l'aune du risque qu'il voulait prévenir ;
- B... S..., qui travaille pour le compte d'une entreprise concurrente, n'établit pas subir un préjudice.

La cour adopte donc purement et simplement les motifs des premiers juges qui ont conduit ceux-ci à annuler la clause de non-concurrence et à rejeter les demandes formées par les parties.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera confirmé en toutes ses dispositions.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 26 novembre 2015 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;

Dit que la Sarl ETHIK supportera les dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 30 mars 2017.

Le Greffier, La Présidente,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. TEHEIURA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Numéro d'arrêt : 15/00588
Date de la décision : 30/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;15.00588 ?
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