No 54
CT
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Piriou,
le 26.05.2016.
Copie authentique délivrée à :
- Me P. Houssen,
le 26.05.2016.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale
Audience du 26 mai 2016
RG 14/00564 ;
Décision déférée à la Cour : jugement no 14/00176, Rg No F 13/00143, du Tribunal du travail de Papeete du 23 octobre 2014 ;
Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no 14/00108 le 30 octobre 2014, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 30 octobre 2014 ;
Appelant :
Monsieur S... X..., né le [...] à Calvados, de nationalité française, demeurant [...] ,[...] ;
Représenté par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Société Qbe Insurance Limited, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 9365 B, dont le siège social est sis [...] , prise en la personne de son gérant ;
Représentée par Me Astrid PASQUIER-HOUSSEN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 12 février 2016 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 31 mars 2016, devant Mme TEHEIURA, conseillère faisant fonction de présidente, Mme LEVY, conseillère, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé publiquement ce jour par Mme TEHEIURA, présidente, en présence de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, lesquels ont signé la minute.
A R R E T,
Par jugement rendu le 23 octobre 2014 auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, le tribunal du travail de Papeete a :
- rejeté les demandes formées par S... X... afin d'obtenir la requalification de sa mise à la retraite par la société QBE Insurance Limited en licenciement nul ainsi que l'indemnisation de ce licenciement ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- mis les dépens à la charge de S... X....
Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 30 octobre 2014, S... X... a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.
Il demande à la cour de :
- qualifier la mise à la retraite de licenciement nul ;
- lui allouer :
* la somme de 2 869 625 FCP, à titre de solde d'indemnité de licenciement ;
* la somme de 12 210 000 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
* la somme de 5 000 000 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire ;
* la prime de résultat prorata temporis au titre de l'exercice 2013 ;
* la somme de 550 000 FCP, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- surseoir à statuer sur la demande relative à la prime de résultat ;
- enjoindre à la société QBE Insurance Limited de :
• « communiquer
les modalités de calcul de la prime de résultat à laquelle il pourrait prétendre au titre de l'exercice 2013, le cas échéant, prorata temporis »
• « justifier et
produire aux débats l'intégralité des pièces justifiant le paiement ou le défaut de paiement de cette prime aux autres salariés, notamment aux cadres, en 2014, au titre de l'exercice 2013 »
• « produire aux débats les bulletins de salaire des cadres ayant touché, courant 2014, la prime de résultat de l'exercice 2013 »
• « en indiquer les modalités de calcul et de versement »
• « indiquer, le cas échéant, les raisons pour lesquelles tel cadre ou salarié ne l'aurait pas perçu, et
produire les pièces justificatives de la privation de ladite prime ».
Il soutient que l'article Lp. 1223-6-1 du code du travail de la Polynésie française impose, pour la mise à la retraite d'un salarié, trois conditions cumulatives : être âgé de 60 ans au moins, une durée d'assurance nécessaire à la liquidation des droits à la retraite et une retraite au taux plein de la tranche dite A ; qu' « il n'est donc pas suffisant que le salarié réunisse les conditions d'âge et de durée d'assurance, il faut encore que celle-là permette la liquidation de ses droits à la retraite au taux plein de ladite tranche A » ; qu'en application des dispositions de l'article 4 de la délibération no 87-11 AT du 29 janvier 1987, modifiées par la délibération no 2002-128 APF du 26 septembre 2002, « la condition de durée d'assurance, nécessaire à la liquidation des droits à la retraite au taux plein de la tranche dite « A », doit s'entendre de 35 années pleines de cotisations, à défaut de quoi le salarié mis à la retraite ne perçoit pas une pension pleine mais une pension prorata temporis » ; que son contrat de travail ayant pris fin le 15 juin 2013, au 1er juillet 2013, il « bénéficiait de droits à la retraite correspondant à 272 mois cotisés déterminant une pension de base, de la tranche dite «A», d'un montant de 111 384 CFP » alors qu' « au taux plein de la tranche «A», sa pension mensuelle de retraite s'établirait à 243 400 CFP » ; qu'il « touche une pension de retraite CPS d'un montant de 111.384 F CFP qui, cumulée, avec sa pension de retraite métropolitaine de 424.04 € soit 50 601 F CFP, détermine une retraite de 173 369 F CFP » ; que «l'article LP 1223-8, relatif au régime de coordination a simplement pour finalité de prendre en compte les périodes d'assurance accomplies hors Polynésie Française pour le calcul de la durée d'assurance » mais non pas pour celui de la pension de retraite et qu' « il ne suffit pas que le cumul, résultant des accords de coordination, permette d'atteindre les 35 annuités, encore faut-il que cette conjonction permette au salarié concerné de bénéficier, selon la formule expresse du texte, dénué d'ambiguïté, de l'article LP 1223-6-1, la « liquidation des droits à la retraite au taux plein de la tranche dite A » ; qu'il a mis en œuvre le régime de coordination ; qu'il « ne bénéficie pas du taux plein
même par cumul du régime CPS et du régime métropolitain » et que, «quelque soit le régime juridique applicable, lorsque la condition d'âge de la mise à la retraite d'office ( 70 ans en métropole – 65 ans en Polynésie française ) n'est pas remplie, la mise à la retraite n'est possible, selon les modalités propres à chaque législation qu'à la seule condition que le salarié bénéficie d'une pension de vieillesse à taux plein » ; que son licenciement, fondé sur l'âge, est nul et qu'il présente un caractère discriminatoire, son employeur ayant maintenu sa décision bien qu'averti de son illégalité.
Il ajoute que, de 2002 à 2013, il a perçu une prime de résultat au titre des exercices 2001 à 2012 mais que la société QBE Insurance Limited refuse de lui verser la prime de résultat afférente à l'exercice 2013 ; qu'il s'agit d'une prime « non discrétionnaire assise sur des éléments objectifs qui, dès lors qu'ils sont établis, (en) constituent le fait générateur
» et qu'elle « remplit toutes les conditions nécessaires pour être analysée comme constituant un salaire et non une libéralité laissée à la seule discrétion de l'employeur puisqu'elle est constante, fixe et générale
» ; que, selon le guide 2012, « le départ à la retraite n'est pas privatif de la prime quand bien même le salarié ne serait plus employé par Q.B.E. lors du paiement de la prime » ; que l'intimée n'a «jamais
prétendu que cette prime n'était pas due en raison de son absence de la société» et qu' «en tout état de cause, si la QBE n'avait pas, à tort, mis fin au contrat par une mise à la retraite, (il) aurait été dans l'entreprise en 2014 et aurait perçu cette prime», ce qui justifie une demande de « dommages et intérêts équivalents à la prime qu'il aurait du percevoir si le contrat n'avait pas été abusivement rompu ».
La société QBE Insurance Limited sollicite la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 350 000 FCP, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que « l'article Lp. 1223-6 ne souffre aucune interprétation puisqu'il dispose que la mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié dès lors que celui-ci est âgé de 60 ans au moins et qu'il réunit les conditions d'une durée d'assurance nécessaire à la liquidation des droits à la retraite au taux plein de la tranche dite « A » du régime de retraite des salariés de PF » ; qu'en vertu des dispositions de l'article Lp. 1223-8 du code du travail de la Polynésie française, la durée d'assurance «comprend les périodes d'assurance accomplies en Polynésie française, et les périodes d'assurance accomplies hors de PF, ouvrant droit à une pension de retraite au régime des salariés validées dans le cadre des accords de coordination en matière de protection sociale »; que S... X... a cotisé 272 mois au régime des salariés de la CPS et 234 mois au régime des salariés de la caisse de sécurité sociale, « soit un total de 506 mois alors même que la loi autorise l'employeur à mettre à la retraite le salarié âgé d'au moins 60 ans qui justifie a minima de 35 annuités de cotisations soit de 420 mois » ; que « pour pouvoir prétendre au bénéfice d'une pension de retraite tranche A au taux plein, encore faut-il que l'intéressé transmette à la CPS ses relevés de carrière dûment validés afin qu'elle soit en mesure de vérifier que ses droits sont régulièrement ouverts et qu'elle puisse procéder au calcul de la pension servie sachant qu'une fois les droits ouverts, chaque caisse verse la pension dont elle est redevable en considération des années effectuées au regard du régime qu'elle gère » ; que, « dans le cas où l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite de 60 ans ou qu'il réunit 35 années de cotisations, la pension de retraite ne subit aucun abattement
de sorte que si la pension de retraite servie à M. X... subit l'abattement qu'il dénonce, le tort n'est pas imputable à l'employeur mais au seul salarié qui n'a manifestement pas entrepris les démarches indispensables à la liquidation de ses droits à savoir la validation de l'ensemble de sa carrière auprès de la CPS » et que S... X... ne saurait lui reprocher « de percevoir une pension de retraite d'un montant inférieur au taux plein alors que cette circonstance résulte de sa seule négligence ».
Elle affirme également que la demande en paiement de la prime de résultat, nouvelle en appel, n'est pas recevable ; que, subsidiairement, que la prime de résultat n'est pas contractuelle ; que S... X... ne rapporte pas la preuve de l'usage dont il se prévaut ; qu'il ne peut bénéficier d'une prime prorata temporis en l'absence de stipulation précisant les conditions de son versement dans l'hypothèse d'un départ en cours d'année ; que le dispositif en vigueur dans l'entreprise « prévoit expressément que le paiement de la prime relative aux résultats de l'année précédente se fera à condition que la personne soit toujours employée...lors du paiement de la prime » ; que le « Guide de la prime STI pour 2012 » invoqué par S... X... « ne s'applique, par définition, qu'à la prime 2012 et ne saurait s'appliquer au calcul de la prime 2013 » ; que « le DG du groupe est libre de changer les termes des futurs guides, à sa convenance, y compris sa date d'invitation » ; que l'article 10 du guide 2012 mentionne le caractère temporaire de la prime et que « les autres cadres de la succursale placés dans la même situation que M. X... ont perçu leur prime 2013 suivant les dispositions du guide 2013 » qui indique la nature variable d'une année sur l'autre des « conditions d'éligibilité au dispositif et modalités de calcul de la prime » .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2016.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la prime de résultat :
L'article Lp. 1422-7 du code du travail de la Polynésie française dispose que :
« Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, sans que puisse être opposée l'absence de tentative de conciliation. »
Bien que présentées pour la première fois en appel, les prétentions de S... X... relatives à la prime de résultat 2013 doivent ainsi être déclarées recevables.
Les pièces versées aux débats, notamment les bulletins de salaire, les « mémo » et lettres envoyés par l'employeur ainsi que les guides, font ressortir que :
- de 2002 à 2013, la société QBE Insurance Limited a versé chaque année à S... X... une prime de participation aux résultats du groupe dont le montant a varié de 997 031 FCP à 2 285 323 FCP ;
- celle-ci n'était pas déterminée, de façon discrétionnaire, mais en fonction du plan de participation aux résultats du groupe ;
- tous les employés de la délégation de Polynésie française de la société QBE Insurance Limited sont susceptibles de percevoir cette prime.
Le versement de la prime possède ainsi les caractères de généralité, de constance et de fixité qui permettent de conclure qu'il constitue un usage en vigueur dans l'entreprise.
La prime de résultat est donc, non pas une libéralité, mais un élément de la rémunération contractuelle sur lequel S... X... était en droit de compter.
Toutefois, si les guides de la prime 2012 et 2013 sont rédigés de façon contradictoire en ce qui concerne le versement prorata temporis de la prime de résultat en cas de départ à la retraite en raison de l'âge, leurs dispositions concordent sur le fait que la prime relative aux résultats de l'année précédente ne peut être payée au salarié que si ce dernier travaille toujours pour le compte de la société QBE Insurance Limited au moment du règlement de ladite prime.
Or, en l'espèce, S... X..., qui prétend percevoir la prime afférente à l'exercice 2013, ne se trouvait plus dans l'entreprise en 2014, année du paiement de cette prime.
Dans ces conditions, ses demandes relatives à la prime de résultat doivent être rejetées.
Sur la rupture du contrat de travail :
S... X..., né le [...] , a eu 60 ans le [...] et était âgé de 63 ans au moment de la mise à la retraite.
L'article Lp. 1223-6 du code du travail de la Polynésie française dispose que :
« La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié dès lors que celui-ci :
1. est âgé de 60 ans au moins et qu'il réunit les conditions d'une durée d'assurance nécessaire à la liquidation des droits à la retraite au taux plein de la tranche dite « A » du régime de retraite des salariés de Polynésie française ;
2. ou est âgé de 65 ans et qu'il réunit les conditions d'assurance ouvrant droit à une pension de retraite de la tranche dite "A" du régime de retraite des salariés de Polynésie française ;
3. ou s'il réunit les conditions d'âge prévues le cas échéant par la convention ou l'accord collectif ou le contrat de travail dans la mesure où ces conditions sont plus favorables pour le salarié. »
Le « taux plein de la tranche dite « A » susvisé est prévu par l'article 4 de la délibération no 87-11 AT du 29 janvier 1987 portant institution d'un régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française qui dispose que :
« Le montant de la pension de retraite pour 35 années pleines de cotisations est fixé à 70 % de la moyenne des rémunérations soumises à cotisations des 60 meilleurs mois pendant les 120 derniers mois d'activité ou, dans le cas le plus favorable, des indemnités journalières ou des rentes perçues dans la limite du plafond de la retraite dans la même période. »
Par ailleurs, l'article Lp. 1223-8 du code du travail de la Polynésie française dispose que :
« Le calcul de la durée d'assurance comprend les périodes d'assurance accomplies en Polynésie française et les périodes d'assurance accomplies hors de Polynésie française, ouvrant droit à une pension de retraite au régime général des salariés validées dans le cadre des accords de coordination en matière de protection sociale
».
La situation de S... X..., qui a travaillé et cotisé en métropole et en Polynésie française, est régie par cet article et par la délibération no94-138 AT du 2 décembre 1994 portant coordination des régimes polynésiens et métropolitains de sécurité sociale.
La mise à la retraite anticipée est un mode d'exception de rupture du contrat de travail puisqu'il contraint un salarié, auquel aucun texte légal n'impose d'arrêter de travailler, à cesser de percevoir une rémunération plus élevée que la pension de retraite à venir et de cotiser pour obtenir une pension plus avantageuse.
La rupture du contrat de travail prévue par l'article Lp. 1223-6-1 du code du travail de la Polynésie française doit, dans ces conditions, être la moins préjudiciable possible pour le salarié.
C'est pourquoi ledit article doit être interprété comme autorisant une mise à la retraite que si le salarié perçoit une pension de retraite d'un montant au moins égal à celui calculé sur la base de 35 annuités ou 420 mois.
Les éléments versés aux débats démontrent que les périodes d'assurance accomplies par S... X... en métropole et en Polynésie française lui permettent de prétendre à la liquidation de ses droits à la retraite au taux plein de la tranche dite « A » du régime de retraite des salariés de Polynésie française.
Par ailleurs, il résulte de la lettre du 15 avril 2015 adressée par le service retraite de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française au conseil de l'intimé que le montant de la pension de retraite au taux plein de S... X... s'élèverait, compte-tenu d'un salaire moyen de référence égal à 245 700 FCP, à 171 990 FCP si 420 mois avaient été validés par l'organisme social et que sa pension de retraite s'élève à la somme de 111 384 FCP en raison des 272 mois validés en Polynésie française.
Les explications et les calculs de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ne font l'objet d'aucune critique de la part de la société QBE Insurance Limited.
Celle-ci ne conteste pas non plus que le montant de la pension de retraite perçue par l'intimé de la sécurité sociale métropolitaine s'élève à la somme de 424,04 euros, soit 50 601 FCP.
Or, le montant total des pensions de retraite versé à S... X... (161 985 FCP) est inférieur au montant de la retraite au taux plein de la tranche dite « A » du régime de retraite des salariés de Polynésie française (171 990 FCP) et donc au montant prévu par l'article Lp.1223-6-1 applicable au contrat de travail liant les parties.
Enfin, la société QBE Insurance Limited ne saurait reprocher à S... X... de ne pas s'être préoccupé de la liquidation de ses droits à la retraite alors qu'il n'envisageait pas d'arrêter de travailler et, en tout état de cause, elle ne rapporte pas la preuve d'une négligence du salarié.
Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas remplies, ce qui est le cas en l'espèce, l'article Lp. 1223-10 du code du travail de la Polynésie française qualifie de licenciement la rupture du contrat de travail.
S... X..., qui ne remplissait pas au moment de la rupture du contrat de travail les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein, a fait l'objet d'un licenciement lié à son âge.
L'article Lp. 1121-2 du code du travail de la Polynésie française dispose que :
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, applicable en Polynésie française, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de l'un des motifs discriminatoires énumérés à l'article Lp. 1121-1. »
L'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et l'article Lp. 1121-1 du code du travail de la Polynésie française citent l'âge parmi les motifs et mesures discriminatoires.
Le licenciement de S... X... est donc de nature discriminatoire et il sera déclaré nul.
Sur l'indemnisation du licenciement :
Le salarié, dont le licenciement est nul et qui, comme en l'espèce, ne demande pas sa réintégration, a droit, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l'article Lp. 1225-4 du code du travail de la Polynésie française ainsi rédigée :
« Lorsque le licenciement a été prononcé en l'absence de motif réel et sérieux, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise dans les conditions précédentes d'exécution du contrat de travail.
En cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié ayant douze mois d'ancienneté dans l'entreprise, une indemnité.
Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant la rupture. »
Il doit être tenu compte dans l'évaluation de cette indemnité de l'importante ancienneté de S... X... ( 18 ans ) ; de ce qu'aucun élément produit n'établit que la société QBE Insurance Limited ait pu se plaindre de son salarié et de ce qu'au contraire, il est démontré, notamment par les primes de résultat, l'intérêt de celui-ci pour ses fonctions.
Il doit également être tenu compte du préjudice résultant de la perte de chance de percevoir la prime de résultat afférente à l'exercice 2013 subie par S... X... et engendrée par une décision discriminatoire qui a empêché l'intimé d'être présent dans l'entreprise au moment du paiement de ladite prime.
Dans ces conditions, il sera alloué à S... X... la somme de 8 000 000 FCP, au titre de l'indemnité pour licenciement nul.
L'article 22 II de la convention collective des assurances prévoit que :
« En cas de licenciement hormis les cas de faute grave ou lourde, le salarié a droit après trois années de présence continue dans l'entreprise, à une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculé suivant les modalités ci-après :
1- de la 1ère à la 3ème année incluse de présence continue, l'indemnité est fixée à 20 % du salaire mensuel de base perçu par l'intéressé par année complète de service.
2- de la 4ème à la 10ème année incluse de présence continue, l'indemnité est fixée à 25 % du salaire mensuel de base perçu par l'intéressé par année complète de service.
3- au-delà de la 10ème année de présence continue, l'indemnité est fixée à 30 % du salaire mensuel de base de l'intéressé par année complète de service.
Cette indemnité est plafonnée à six mois de salaire ».
Compte-tenu du salaire de base ( 678 396 FCP ) et de l'ancienneté (18 ans) de S... X..., l'indemnité de licenciement due par la société QBE Insurance Limited s'élève à la somme de 3 120 621 FCP.
Déduction faite de l'indemnité de départ à la retraite de 1 200 761 FCP que S... X... reconnaît avoir perçue, il sera alloué à celui-ci la somme de 1 919 860 FCP, au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur le licenciement abusif :
L'article Lp. 1225-5 du code du travail de la Polynésie française dispose que :
« La rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée par le salarié ou par l'employeur ouvre droit à des dommages et intérêts si elle est abusive."
A la suite de la décision illicite et hâtive de son employeur, S... X... a dû quitter une entreprise pour le compte de laquelle il travaillait depuis 1995 et s'est trouvé sans emploi alors qu'il exerçait une activité professionnelle depuis 1968.
La situation perturbante à laquelle il a été ainsi confronté rend le licenciement brutal et vexatoire.
Le préjudice résultant de ce licenciement abusif sera équitablement réparé par le versement d'une indemnité de 1 000 000 FCP.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de S... X... ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et il doit donc lui être alloué la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
La partie qui succombe doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement rendu le 23 octobre 2014 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;
Dit que S... X... a fait l'objet d'un licenciement nul et abusif ;
Dit que la société QBE Insurance Limited doit verser à S... X...:
- la somme de 8 000 000 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement nul;
- la somme de 1 919 860 FCP, au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- la somme de 1 000 000 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
- la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Rejette les demandes formées par S... X... au titre de la prime de résultat relative à l'exercice 2013 ;
Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;
Dit que la société QBE Insurance Limited supportera les dépens de première instance et d'appel.
Prononcé à Papeete, le 26 mai 2016.
Le Greffier, La Présidente,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. TEHEIURA