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06/10/2011 | FRANCE | N°290/COM/10

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 06 octobre 2011, 290/COM/10


No 548

RG 290/ COM/ 10

Copies exécutoires
délivrées à
Mes Usang et
H. Auclair
le 31. 10. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 6 octobre 2011

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La Sa Fiumarella, société anonyme, inscrite au registre du commerce de Papeete sous le nu

méro 1540- B, dont le siège social est situé dans la zone industrielle de la Punaruu, BP 380 884-98718 Punaauia, représentée par son pr...

No 548

RG 290/ COM/ 10

Copies exécutoires
délivrées à
Mes Usang et
H. Auclair
le 31. 10. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 6 octobre 2011

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La Sa Fiumarella, société anonyme, inscrite au registre du commerce de Papeete sous le numéro 1540- B, dont le siège social est situé dans la zone industrielle de la Punaruu, BP 380 884-98718 Punaauia, représentée par son président Monsieur Bernard Z... ;

Appelante par requête en date du 29 mai 2007, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 30 du même mois, sous le numéro de rôle 07/ 00290, ensuite d'un jugement no 305-214 rendu par le Tribunal mixte de commerce de Papeete le 14 mai 2007 ;

Représentée par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

La Sarl Boyer Entreprise, au capital de 15. 000. 000 FCFP, inscrite au registre du commerce de Papeete sous le no 7164- B, dont le siège social est situé à Papeete dans la zone industrielle de Tipaerui, représentée par son gérant M. Laurent X... ;

Intimée ;

Représentée par Me Olivier HERRMANN-AUCLAIR, avocat au barreau de Papeete ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 25 août 2011, devant Mme TEHEIURA, conseiller faisant fonction de présidente, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Vu la requête d'appel de la SA FIUMARELLA enregistrée le 30 mai 2007 portant constitution de Maître USANG, avocat, à l'égard du jugement rendu le 14 mai 2007 par lequel le Tribunal mixte de commerce de Papeete a :

- condamné la société FIUMARELLA à verser à la société BOYER les sommes suivantes :
. 39 224 193 XPF avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2003 ;
. 1 000 000 XPF à titre de dommages-intérêts ;
. 500 000 XPF par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné la société FIUMARELLA aux dépens.

Vu l'assignation devant la cour délivrée le 11 juin 2007 au gérant de la S. A. R. L. BOYER portant signification de la requête d'appel ;

Vu la constitution de Maître HERRMANN-AUCLAIR, avocat, pour le compte de la S. A. R. L. BOYER reçue au greffe de la cour le 13 juin 2007 ;

Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la cour :

1o) la SA FIUMARELLA, appelante, dans sa requête enregistrée le 30 mai 2007 et dans ses conclusions visées les 1er août 2008, 15 mai 2009, 26 février 2010, 26 mars 2010 et 29 avril 2011, de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- dire et juger que le contrat de sous-traitance en date du 23 février 2001 ne constitue pas un marché à forfait au sens des dispositions de l'article 1793 du code civil ;

- dire et juger la société FIUMARELLA libérée de toutes ses obligations à l'égard de la société BOYER dans le règlement du marché portant sur la réalisation des fondations profondes de l'immeuble de la SCI AORAI place de la Cathédrale ;

- dire et juger que la société BOYER ne saurait donc lui demander le paiement de la somme de 39 224 193 XPF au titre de travaux qu'elle n'a pas exécutés ;

- condamner la S. A. R. L. BOYER à lui payer la somme de 45 026 044 XPF au titre des pénalités pour le retard dans les tranches 1 et 2 ;

- enjoindre à l'entreprise BOYER de justifier de l'acceptation préalable du devis par l'entreprise FIUMARELLA ;

Si nécessaire et par arrêt avant dire droit, désigner un expert avec mission d'usage en la matière et notamment d'évaluer et chiffrer le montant des travaux exécutés par la société BOYER conformément à l'article 3. 5 du cahier des charges en fonction de ce qui a été réellement réalisé à partir des fiches de contrôle et des fiches de battage par référence à la décomposition du prix prévu au contrat ;

Subsidiairement, condamner la S. A. R. L. BOYER à lui payer la somme de 45 837 398 XPF à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la S. A. R. L. BOYER de toutes ses demandes ;

- la condamner aux dépens ainsi qu'à la somme de 550 000 XPF au titre des frais irrépétibles.

2o) la S. A. R. L. BOYER ENTREPRISE, intimée, appelante à titre incident, dans ses conclusions visées les 17 janvier 2008, 16 janvier 2009, 25 septembre 2009 et 17 février 2011, de :

- déclarer la SA FIUMARELLA mal fondée en son appel et l'en débouter ;

- recevoir la S. A. R. L. BOYER en son appel incident ;

- réformer le jugement entrepris dans la mesure utile ;

- condamner la SA FIUMARELLA à lui payer :
. la somme de 6 613 205 XPF au titre des travaux supplémentaires ;
. la somme de 1 000 000 XPF à titre de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive ;
. la somme de 660 000 XPF pour frais non répétibles ;

- le confirmer pour le surplus ;

- débouter la SA FIUMARELLA de sa demande en paiement de 45 026 044 XPF au titre des pénalités de retard ;

- condamner la SA FIUMARELLA aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er juillet 2011 ;

Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris auxquels la cour se réfère expressément, étant rappelé que :

Le présent litige se rapporte à la construction d'un immeuble de six étages dénommé Aorai situé place de la Cathédrale à Papeete. La SA FIUMARELLA s'est vue confier par le maître d'ouvrage, la SCI AORAI, la réalisation de travaux comprenant quinze lots, faisant l'objet d'un marché établi le 2 février 2001. Par contrat en date du 23 février 2001, FIUMARELLA a sous-traité à l'entreprise BOYER la réalisation des fondations profondes de l'immeuble, les opérations devant être réalisées en deux tranches, pour un prix total global et forfaitaire de 180 648 986 XPF TTC. Selon un décompte adressé le 30 octobre 2003 par BOYER à FIUMARELLA, le prix des travaux sous-traités s'est élevé à 182 285 731 XPF TTC, dont 133 071 538 XPF avaient été payés, soit un reliquat de 49 214 193 XPF. FIUMARELLA ayant réglé 10 000 000 XPF le 7 novembre 2003, BOYER l'a mise en demeure le 19 novembre 2003 de payer le solde d'un montant de 39 224 193 XPF. FIUMARELLA a refusé de s'en acquitter en indiquant, par courrier du 24 novembre 2003, que les situations ayant donné lieu à règlements successifs avaient été établies suivant un projet rectifié tenant compte des importantes modifications intervenues, lequel n'avait pas été contesté par BOYER, et qu'il était également fait application des pénalités de retard. Simultanément, elle a saisi le tribunal mixte de commerce d'une demande tendant à voir juger qu'elle était libérée à l'égard de BOYER.

Reconventionnellement, BOYER a demandé la condamnation de FIUMARELLA à lui payer, outre le reliquat du prix du marché, des travaux supplémentaires pour un montant de 6 613 205 XPF, ainsi que des dommages et intérêts. FIUMARELLA a ensuite demandé, subsidiairement, d'être indemnisée pour un montant de 45 837 398 XPF du manquement à son obligation de conseil qu'elle impute à BOYER.

Pour rejeter les demandes de la SA FIUMARELLA, le jugement entrepris a retenu que, bien que les dispositions légales relatives au marché à forfait ne s'appliquent pas à la sous-traitance, les parties avaient néanmoins librement convenu d'un prix forfaitaire et global, lequel devait être respecté, dès lors que les prestations prévues avaient été réalisées sans qu'il soit prouvé qu'elles ont été diminuées, et alors que BOYER n'avait pas accepté la modification de facturation décidée par FIUMARELLA. Il a aussi été jugé que cette dernière n'établissait pas que le sous-traitant ait manqué à une obligation de conseil. Les demandes de la société BOYER pour travaux supplémentaires ont été rejetées, soit en raison du caractère forfaitaire et global du prix (pieux), soit qu'il n'en ait pas été justifié (essais). Il a été fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La SA FIUMARELLA reprend devant la cour ses moyens de première instance. Elle expose, principalement, que le contrat prévoyait que les décomptes de prix se feraient à partir des travaux réellement exécutés ; que la société BOYER a substantiellement modifié les conditions d'exécution du marché de sous-traitance ; qu'elle a méconnu son obligation de conseil en n'informant pas l'entreprise générale des difficultés rencontrées ; que les travaux ont été réalisés avec un retard de trois mois et que certains n'ont pas été effectués ; que la société BOYER ne peut prétendre au paiement d'un prix forfaitaire s'agissant d'un marché de sous-traitance ; que des pénalités de retard lui sont dues en tout état de cause ; et que sa propre action n'était en rien abusive. Elle réitère sa demande d'expertise.

La S. A. R. L. BOYER fait valoir, essentiellement, que le prix global et forfaitaire convenu doit être intégralement appliqué ; qu'il n'y a pas eu diminution de ses prestations, mais au contraire réalisation de travaux supplémentaires après que le maître d'ouvrage ait modifié son projet ; que FIUMARELLA a payé sans tenir compte de ses situations, puis minoré unilatéralement son décompte définitif ; que la demande au titre des pénalités de retard est tardive autant qu'injustifiée ; et que ses propres demandes reconventionnelles sont fondées.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

La recevabilité de l'appel, interjeté dans les formes et délais légaux, n'est pas discutée.

Le contrat intervenu le 23 février 2001 entre la SA FIUMARELLA (entrepreneur principal) et BOYER ENTREPRISE (sous-traitant) avait pour objet la sous-traitance de la réalisation des fondations profondes de l'immeuble Aorai à Papeete. Les stipulations relatives au prix étaient les suivantes :
- Les travaux, réalisés en deux tranches, seraient rémunérés par l'application d'un prix global et forfaitaire de 168 830 828 XPF HT et 180 648 986 XPF TTC (2. 2).
- Le sous-traitant s'engageait à réaliser l'ensemble des travaux qui lui étaient confiés pour la bonne exécution des ouvrages (2. 2).
- Le sous-traitant s'engageait à exécuter les travaux, forfaitairement, suivant le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché passé entre le maître d'ouvrage et l'entreprise principale (3).
- Les règlements seraient effectués à 30 jours fin de mois des situations (4. 2).
- Tout travail supplémentaire ou modificatif devrait, pour être accepté et payé en supplément, avoir fait l'objet d'un ordre écrit de l'entrepreneur précisant son prix et son délai d'exécution (4. 3).
- Les travaux seraient exécutés dans le délai mentionné dans le planning joint (5. 2).
- Tout retard serait passible d'une pénalité par jour calendaire du montant de la tranche considérée, par référence au cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché principal (5. 4).
- Une avance forfaitaire et une retenue de garantie seraient appliquées suivant les articles 5. 2 et 5. 1 du CCAP (6).
- Les dépenses communes seraient imputées sur un compte tenu par l'entrepreneur principal (8).

À ce contrat était annexé le CCTP relatif aux fondations profondes. Il comprenait un devis (portant en en-tête le logo de FIUMARELLA et en pied de page la mention FONDATIONS SPÉCIALES-BOYER JL) détaillant les prestations d'installation de chantier et de forage de pieux pour chaque tranche de travaux, pour un prix total de 171 401 855 XPF HT.

Le CCAP, également annexé, stipulait notamment que :
- Les travaux seraient réalisés en deux tranches sans interruption de chantier, avec une réception des locaux de la tranche 1 à l'avancement pour permettre l'aménagement des locaux (3. 2).
- Les prestations faisant l'objet du marché seraient réglées par un prix global et forfaitaire. Ce dernier servirait de base au règlement des éventuels travaux supplémentaires en augmentation ou en diminution demandés par le maître d'ouvrage (3. 4).
- Les décomptes mensuels et situations seraient établis à partir des travaux réellement exécutés et par référence à la décomposition du prix global et forfaitaire. Les travaux non prévus au marché seraient réglés conformément à la décomposition du forfait lorsqu'ils seraient de même nature (3. 5).
- Le délai d'exécution des travaux était fixé à 11-15 mois pour la première tranche et à 23-24 mois pour la seconde (4. 1).

- Les pénalités par jour calendaire en cas de retard seraient d'1/ 5000e du montant de la tranche pour le premier mois et d'1/ 3000e pour le mois suivant (4. 2).
- À défaut de caution bancaire, une retenue de garantie de 5 % serait opérée sur le montant des travaux facturés (5. 1).
- Une avance forfaitaire de 5 % serait versée à l'entrepreneur (5. 2).

L'agrément du sous-traitant par le maître d'ouvrage n'est pas mentionné. Toutefois, le CCAP a également été signé par BOYER.

Il résulte de l'ensemble de ces stipulations que les relations entre FIUMARELLA et BOYER sont régies par les règles applicables à un contrat d'entreprise.

Sur le prix du marché :

Les dispositions de l'article 1793 du code civil relatives au marché à forfait ne s'appliquent pas à un contrat de sous-traitance. Mais les parties à ce dernier peuvent convenir d'un prix forfaitaire et global, et adopter conventionnellement un régime de marché à forfait (v. p. ex. Civ. 3e 5 juin 1996 BC III no 136). Ainsi l'article 4. 3 du contrat a-t-il prévu que tout travail supplémentaire ou modificatif devrait, pour être accepté et payé en supplément, avoir fait l'objet d'un ordre écrit de l'entrepreneur précisant son prix et son délai d'exécution.

La société FIUMARELLA s'est ainsi engagée à payer à la société BOYER un prix de 171 401 855 XPF HT pour la réalisation des travaux qui ont été énumérés d'avance dans le CCTP de l'immeuble Aorai, et dans le devis annexé.

C'est donc vainement que la société FIUMARELLA soutient qu'il résulterait des termes du marché de sous-traitance et de ceux du cahier des clauses administratives particulières que les parties devaient réaliser des décomptes de prix à partir des travaux réellement exécutés, et que ceux-ci pouvaient être augmentés ou diminués.

Au contraire, le contrat de sous-traitance stipule clairement un prix global et forfaitaire, dont la décomposition annexée est identique au devis préalablement établi. La seule révision qui soit prévue concerne l'exécution de travaux supplémentaires.

Le cahier des clauses administratives particulières du marché principal indique que la décomposition du prix global et forfaitaire « sert de base au règlement des éventuels travaux supplémentaires en augmentation ou en diminution demandés par le maître d'ouvrage ». Dans sa réponse à BOYER du 24 novembre 2003, FIUMARELLA a invoqué ces dispositions en indiquant qu'elle avait comptabilisé les travaux de son sous-traitant suivant les quantités réelles correspondant aux plans d'exécution des ouvrages, en raison d'une transformation architecturale importante de l'ouvrage par rapport au projet de base (utilisation de pieux de diamètre 800 au lieu de 600, implantation). Elle a aussi produit une attestation de l'ingénieur-conseil VASSEUR en date du 17 juin 2005 aux termes de laquelle, dès l'origine, « les bases du forfait (les essais) n'étant pas définitives du fait de la signature du marché, les longueurs ayant été adaptées après réalisation d'essais complémentaires (décidés avant la signature mais à réaliser après la signature du marché), il me semblait évident que les travaux ne seraient à réaliser qu'aux quantités réellement exécutées ». Mais BOYER a produit un courrier adressé le 26 février 2004 à son conseil par le gérant de la SCI AORAI, M. Y..., aux termes duquel le maître d'ouvrage indique « qu'il n'y a eu aucune moins-value dans les travaux de battage de pieux réalisés par l'entreprise BOYER. Nous avons donc été amenés à payer l'intégralité de ce qui avait été stipulé dans le marché, et même, de payer un supplément en raison du renforcement de quelques pieux, dû à une surélévation partielle du 5e niveau ». Ces éléments permettent à la cour de confirmer de ce chef le jugement entrepris, qui a relevé que la preuve de l'existence d'une diminution substantielle des prestations mises à la charge du sous-traitant n'était pas rapportée.

Tout aussi vainement la société FIUMARELLA expose-t-elle que, depuis les premiers décomptes de la tranche 1 (travaux réalisés de mars à juin 2001), la société BOYER avait reçu à chaque présentation de situation un projet rectifié correspondant au paiement effectué par la SA FIUMARELLA en fonction des travaux réalisés, et qu'elle n'avait pas contesté pendant trois ans ce décompte qui comportait pourtant une différence de 39 % avec le prix de référence.

En effet, comme elle l'indiquait dans son courrier précité du 24 novembre 2003, FIUMARELLA a adressé à BOYER « à chaque présentation de situation, un projet rectifié correspondant au paiement que nous avons effectué ». La note interne de contrôle de ces situations, qu'elle produit, précise que « le quantitatif de base a été revu et modifié en fonction d'une étude de sol plus précise réalisée avant le début des travaux, ainsi que des travaux modificatifs en plus et en moins résultants de modifications importantes du bâtiment ». Or, le cahier des clauses administratives particulières du marché principal prévoyait que les situations mensuelles comporteraient un décompte établi à partir des travaux réellement exécutés et par référence à la décomposition du prix global et forfaitaire (3. 5). C'est donc de manière exacte que le tribunal a retenu que l'absence de réaction à un mode de facturation non prévu par le contrat et fixé unilatéralement par l'entrepreneur principal ne saurait être assimilé à une renonciation tacite de la part du sous-traitant au bénéfice du contrat écrit conclu entre les parties.

La société FIUMARELLA soutient encore qu'en cours de travaux, les conditions d'exécution du contrat ont été modifiées suite aux transformations importantes des ouvrages architecturaux et des longueurs de pieux, et que l'entreprise BOYER a accepté ces transformations en exécutant les travaux exigés par les plans modifiés. Mais il n'en résulte pas, comme il vient d'être indiqué, que la stipulation d'un prix global et forfaitaire ait été pour autant écartée, et aucun élément ne montre que l'économie du marché s'en serait trouvée profondément modifiée, alors que le maître d'ouvrage a relaté que l'entreprise principale avait été payée en imputant le coût de ces modifications.

La société FIUMARELLA indique enfin, sur ce point, que l'article 3. 5 du CCAP prévoyait que les décomptes seraient établis à partir des travaux réellement exécutés et par référence à la décomposition du prix global et forfaitaire ; et qu'un décompte contradictoire non contesté montrait une différence de 39 224 193 XPF qui correspond à des travaux non réalisés, alors que les travaux de la première tranche ont été exécutés avec un retard de trois mois. Ces éléments ne conduisent pas la cour à apprécier différemment la lecture qui doit être faite des stipulations contractuelles, qui sont claires et précises. Aucune réception des travaux faisant état de réserves n'est produite. La question des retards relève d'une autre demande de l'appelante qui sera examinée ci-après.

Sur les travaux supplémentaires :

La première demande de ce chef de la S. A. R. L. BOYER, qui porte sur le paiement d'une somme de 2 691 975 XPF pour la réalisation de pieux de diamètre 800 mm au lieu de 600 mm, a été rejetée par le tribunal faute d'avoir produit un contrat signé par son cocontractant et portant expressément l'accord de celui-ci pour la réalisation et la prise en charge de ces travaux. BOYER fait valoir que le maître d'ouvrage a payé ces derniers à FIUMARELLA. L'article 4. 3 du contrat de sous-traitance stipulait que tout travail supplémentaire ou modificatif devrait, pour être accepté et payé en supplément, avoir fait l'objet d'un ordre écrit de l'entrepreneur précisant son prix et son délai d'exécution. Comme le tribunal, la cour constate qu'un tel ordre n'est pas produit. L'instruction donnée par le maître d'ouvrage délégué à FIUMARELLA le 28 février 2001, adressée en copie à BOYER, ne peut en tenir lieu. BOYER a d'ailleurs écrit le 1er mars 2001 à FIUMARELLA qu'elle avait commencé à implanter ces nouveaux pieux sans avoir reçu les plans techniques béton modifiés.

Le tribunal a rejeté la seconde demande de la société BOYER, qui porte sur le prix de travaux d'essai de charges d'un montant de 3 921 230 XPF, au motif que ces derniers n'ont pas été réalisés et n'avaient pas été acceptés par FIUMARELLA. BOYER fait valoir que son devis ne prévoyait que des essais béton ; que FIUMARELLA lui a demandé de réaliser des essais de charge et de continuité des pieux préconisés par le bureau de contrôle ; que BOYER a ainsi payé les prestations du Laboratoire des Travaux Publics (1 165 230 XPF) et effectué ces essais (devis no 57/ 2000 pour 2 756 000 XPF).

Au vu des pièces produites :
- BOYER a établi en date du 5 septembre 2000 un devis no 57/ 2000 adressé à la SCI AORAI d'un montant de 2 756 000 XPF ayant pour objet un massif de réaction pour essai de pieu. L'ingénieur-conseil VASSEUR a attesté le 17 juin 2005 que ces essais n'avaient pas été réalisés en raison d'une modification du projet quant à la conservation des pieux existants. L'architecte A... l'a confirmé le 1er décembre 2005.
- La décomposition du prix forfaitaire et global annexée au contrat de sous-traitance du 23 février 2001 comprenait deux études BET (sans chiffrage), deux essais béton pour la tranche 1 et un essai béton pour la tranche 2 (total 1 310 715 XPF).
- Le 27 février 2001, le bureau d'études SOCOTEC a informé la SCI AORAI et son maître d'œ uvre, ainsi que l'entreprise FIUMARELLA, de la nécessité de prévoir des essais de chargement en fonction des fiches de forage et des observations éventuelles sur l'exécution des pieux.
- Par courrier du 8 mars 2001, FIUMARELLA a demandé à BOYER de se rapprocher du LABO TP pour procéder aux différents essais préconisés pour le type de travaux réalisés (essais de charge et essais de continuité des pieux).
- Le 30 mars 2001, FIUMARELLA a transmis à BOYER trois devis que lui avait adressés le LABORATOIRE DES TRAVAUX PUBLICS (LTPP) pour la réalisation de sondages et de contrôle de pieux, d'un montant total de 1 165 230 XPF.

Ces éléments permettent à la cour de retenir que le devis d'un montant de 2 756 000 XPF, qui n'a pas été accepté par la société FIUMARELLA, correspondait à des essais qui n'ont pas eu lieu.

Le cahier des clauses techniques particulières du marché principal prévoyait la réalisation par le LTPP d'un essai de chargement par tranche axial sur des pieux désignés par le maître d'œ uvre (2. 10. 2). Mais il mettait aussi à la charge de l'entrepreneur les études en fonction des ouvrages à réaliser et des descentes de charges transmises par le bureau d'études du gros œ uvre (2. 02). L'article 2. 2 du contrat de sous-traitance stipulait que BOYER s'engageait à réaliser l'ensemble des travaux qui lui étaient confiés pour la bonne exécution des ouvrages. C'est donc en application de son marché à forfait, et en exécution de son obligation de résultat à l'égard de l'entreprise principale, que le sous-traitant doit conserver à sa charge le coût de ces prestations. Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur les pénalités de retard :

Par conclusions visées le 15 mai 2009, la société FIUMARELLA a ajouté à ses demandes celle de voir condamner la société BOYER au paiement de la somme de 45 026 044 XPF au titre de pénalités pour 89 jours de retard sur la première tranche de travaux et 165 jours de retard pour la seconde. BOYER a objecté que FIUMARELLA avait prétendu appliquer en 2003 une retenue provisoire de pénalités de 5 000 000 XPF et non 45 026 044 XPF ; que celle-ci ne justifiait pas avoir elle-même dû des pénalités au maître d'ouvrage ; que la tranche 1 avait été exécutée dans le délai prévu, mais avec un retard de mise en route et un délai supplémentaire pour essais qui ne lui étaient pas imputables ; que la tranche 2 avait été réalisée dans le délai prévu à compter de la réception des plans ; que FIUMARELLA calculait à tort les pénalités sur la base du montant du marché principal et non sur celui du marché de sous-traitance ; et qu'une seule des situations mensuelles avait mentionné une pénalité, dont le montant recalculé serait de 744 816 XPF pour 30 jours.

L'article 5. 4 du contrat de sous-traitance prévoit l'application d'une pénalité en cas de retard dans l'exécution des prestations, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché, d'une réception partielle, ou d'une tâche du calendrier pour laquelle un délai ou une date limite particulière a été fixé (tâche dite critique). Le montant de la pénalité par jour calendaire est fixé par référence au CCAP du marché principal.

Aucune stipulation ne prévoit une dispense de mise en demeure pour faire jouer cette clause pénale. Au contraire, dans un courrier du 18 avril 2001 adressé à BOYER, qui constatait que les retards de cette dernière « pénalis (aient) de façon définitive l'ensemble des 2 tranches de l'opération », FIUMARELLA avait conclu que « si nous pouvions espérer éviter les pénalités en respectant les engagements de ce second planning, le fait de revoir une troisième fois les dates de livraison amènera de facto l'application des pénalités de retard ». En suite de quoi BOYER a établi en juin 2001 une situation no 4 qui incluait une retenue d'un montant de 5 000 000 XPF à titre de pénalités provisoires, montant qui résultait de la vérification effectuée par FIUMARELLA. Cette dernière a écrit à BOYER le 7 novembre 2003 que son paiement final déduisait le montant de la retenue provisoire de pénalité de 5 000 000 XPF, et, le 24 novembre 2003, que l'application de celle-ci était maintenue « compte tenu des perturbations importantes résultant de vos retards sur les 2 tranches de travaux ». Aucune demande supplémentaire de ce chef n'a été faite par FIUMARELLA dans l'acte introductif de la présente instance. Il en résulte que le montant de la pénalité contractuelle en cause, à supposer celle-ci fondée, ne saurait excéder la somme de 5 000 000 XPF en principal.

Au vu des pièces produites :

Le planning annexé au contrat de sous-traitance prévoyait, pour le lot gros- œ uvre, une pose des pieux de la semaine 5 (fin janvier) à la semaine 17 (fin avril) de 2001, puis les semaines 40 et 41 (début octobre), et enfin, de la semaine 3 (mi-janvier) à la semaine 8 (fin février) 2002, soit des durées de 12 semaines en deux périodes pour la tranche 1 des travaux, et de 6 semaines pour la tranche 2. Les travaux ont débuté le 5 février 2001. Les fiches d'exécution produites montrent que les pieux ont été forés entre le 19 février et le 28 juin 2001. Le nouveau diamètre de 800 mm requis par la surélévation du bâtiment demandée par le maître d'ouvrage a été mis en œ uvre à compter du 1er mars 2001. BOYER a signalé au maître d'œ uvre 5 jours et demi de suspension pour intempéries en février 2011. FIUMARELLA a notifié le 8 avril 2002 à BOYER le début des travaux de la seconde tranche pour la semaine 20 (mi-mai) de 2002. Le maître d'ouvrage délégué a demandé le 25 avril 2002 à FIUMARELLA de rappeler à son sous-traitant BOYER qu'un retard analogue à celui pris sur la première tranche ne serait pas accepté sur la seconde, et que tout retard ferait l'objet de pénalités. Les pieux ont été forés du 4 au 22 juillet 2002.

La cour constate que les travaux de la première tranche ont subi un retard de 45 jours par rapport au calendrier contractuel. Peu importe à cet égard que les « pénalités provisoires » défalquées par FIUMARELLA n'aient été imputées que sur la quatrième situation mensuelle. Le marché de sous-traitance renvoie au cahier des clauses administratives particulières du marché principal, dont l'article 4. 2 est ainsi rédigé : « En cas de retard dans l'exécution des prestations, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché, d'une réception partielle, d'une tâche du calendrier pour laquelle un délai particulier ou une date limite particulière a été fixée (tâche dite critique), il sera appliqué une pénalité par jour calendaire du montant de la tranche considérée : tranche 1 : 1/ 5000ème du montant de la tranche pour le premier mois, et 1/ 3000ème du montant de la tranche pour le mois suivant ; tranche 2 : idem tranche 1. Cette clause s'applique également en cas de retard sur une tâche critique. » Contrairement à ce que soutient la société FIUMARELLA, l'assiette des pénalités est la tranche du seul lot gros œ uvre, qu'elle a intégralement sous-traité à la société BOYER, soit, pour la première tranche, un montant de 116 012 822 HT. La pénalité encourue est donc de ((116 012 822 : 5000) x 30) + ((116 012 822 : 3000) x 15) = 1 276 141 XPF HT. La cour apprécie toutefois que ce montant est manifestement excessif, considération étant donnée au fait que la société FIUMARELLA ne justifie pas avoir elle-même été astreinte à des pénalités en raison du retard de son sous-traitant, et qu'il échet de le modérer à la somme de 750 000 XPF.

Sur la demande d'expertise :

Pour les motifs qui précèdent, la cour retient que les éléments d'appréciation qui lui sont soumis permettent de donner une solution au litige sans devoir recourir à une mesure technique.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société FIUMARELLA :

Par des motifs complets et pertinents que la cour fait siens, le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation d'un supposé manquement du sous-traitant à son obligation de conseil, que la société FIUMARELLA n'a pas davantage caractérisé au soutien de son appel, la société BOYER justifiant avoir exécuté les instructions reçues en tenant informé son donneur d'ordre.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société BOYER :

La cour fait également siens les motifs du tribunal qui a jugé que la société FIUMARELLA était tenue d'indemniser le préjudice qu'elle a causé à la société BOYER en abusant de son droit d'agir en justice pour éluder l'application d'un contrat dont les clauses étaient claires et précises, diminuant ainsi la trésorerie de cette entreprise. La cour dispose d'éléments d'appréciation à cet égard qui lui permettent de confirmer le jugement entrepris quant à l'appréciation qu'il a faite du montant des dommages et intérêts.

Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de la société BOYER.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Vu les articles 1134 et 1152 du code civil, vu le contrat de sous-traitance du 23 février 2001 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 mai 2007 par le Tribunal mixte de commerce de Papeete ;

Y ajoutant, condamne la S. A. R. L. BOYER ENTREPRISE à payer à la SA FIUMARELLA la somme de SEPT CENT CINQUANTE MILLE (750 000) FRANCS PACIFIQUE à titre de pénalité de retard contractuelle ;

Condamne la SA FIUMARELLA à payer à la S. A. R. L. BOYER ENTREPRISE la somme de CINQ CENT MILLE (500 000) FRANCS PACIFIQUE en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Met à la charge de la SA FIUMARELLA les dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 6 octobre 2011

Le Greffier, La Présidente,

signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : C. TEHEIURA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 290/COM/10
Date de la décision : 06/10/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

Pourvoi n° G 1128272 du 16.12.2011 (AROB)


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-10-06;290.com.10 ?
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