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30/06/2011 | FRANCE | N°580/COM/08

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 30 juin 2011, 580/COM/08


No 391

RG 580/COM/08

Copie exécutoire

délivrée à

Me Quinquis

le 6.9.11.

Copie authentique délivrée à

Me Etilage

le 6.9.11.REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 30 juin 2011

Monsieur Gérard THIBAULT-LAURENT, président de chambre à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La Société Wing Chong

, société anonyme au capital de 300 000 000 F CFP, inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le no 620-B (no Tahiti 044016), dont le siège social ...

No 391

RG 580/COM/08

Copie exécutoire

délivrée à

Me Quinquis

le 6.9.11.

Copie authentique délivrée à

Me Etilage

le 6.9.11.REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 30 juin 2011

Monsieur Gérard THIBAULT-LAURENT, président de chambre à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La Société Wing Chong, société anonyme au capital de 300 000 000 F CFP, inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le no 620-B (no Tahiti 044016), dont le siège social est situé à Fare Ute Papeete - BP 230-98713 Papeete ;

Appelante par requête en date du 18 novembre 2008, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 18 novembre 2008, sous le numéro de rôle 580/COM/08, ensuite d'un jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete rendu le 8 septembre 2008 ;

Représenté par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

- Le Port Autonome de Papeete, Etablissement Public Territorial à Caractère Industriel et Commercial, sis BP 9164 Papeete, prise en la personne de son représentant légal ;

Représenté par Me Michel ETILAGE, avocat au barreau de Papeete ;

- La Polynésie française, prise en la personne de son Président, ayant élu domicile en ses bureaux BP 2551 - 98713 Papeete ;

Non comparante, assignée à la personne de Yolande Y..., chef bureau courrier le 19 décembre 2008 ;

Intimés ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 26 mai 2011, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, MM. RIPOLL et MONDONNEIX, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

FAITS - PROCEDURE - DEMANDES DES PARTIES :

Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris du 8 septembre 2008, auxquels la Cour se réfère expressément ;

Vu la requête d'appel de la société WING CHONG, visée le 18 novembre 2008, portant constitution de Me QUINQUIS, avocat, concernant le jugement rendu le 8 septembre 2008 par lequel le tribunal mixte de commerce de Papeete, dans une instance en annulation d'un titre de recette portant sur la somme de 29 109 600 FCFP et paiement d'indemnité, a rejeté ses demandes ;

Vu l'assignation devant la Cour d'Appel délivrée le 18 décembre 2008 à la requête de la société WING CHONG au port autonome de Papeete et à la Polynésie française, portant signification de la requête d'appel visée le 18 novembre 2008 ;

Vu la constitution de Me ETILAGE, avocat, pour le compte du Port Autonome de Papeete, en date du 5 janvier 2009 ;

Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :

La société WING CHONG, appelante, de :

- infirmer le jugement entrepris,

- et, statuant à nouveau,

- vu l'article 1148 du code civil,

- annuler le titre de recette émanant du Port Autonome de Papeete référencé no 2004/OR/0002744 pour un montant de 29109600 F CFP ;

- dire qu'elle n'est tenue d'aucune redevance ou taxe de magasinage par suite de l'importation, conformément à la décision en date du 18 février 2004,du Riz au stade de gros sur le Territoire ;

- lui décerner acte de ce qu'elle appelle en cause la Polynésie française aux fins de déclaration d'arrêt commun ;

- condamner le Port Autonome à lui payer la somme de 440 000 FCP par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Dans le dernier état de ses écritures, la société WING CHONG demande à la Cour, en sus des demandes ci-dessus énoncées, de dire irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par le Port Autonome.

Le Port Autonome de PAPEETE, intimé, qui forme appel incident, de :

- recevoir l'intervention volontaire de l'agent comptable du Port Autonome de Papeete,

- dire l'appel formé par la société WING CHONG mal fondé et en conséquence la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- recevoir son appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, dire la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du bien fondé de la créance du Port Autonome de Papeete et du titre exécutoire émis pour son recouvrement,

- condamner la société WING CHONG à lui payer la somme de 400 000 FCP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile local au titre de la procédure d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture du 29 avril 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'il est rappelé que le 18 février 2004, la société WING CHONG a été déclarée adjudicataire de l'appel d'offre de la Polynésie française relatif à l'importation sur le territoire de riz sung long, pour la période de février à décembre 2004 ;

Que, malgré cette décision et l'arrivée, le 22 mars 2004, de la marchandise sur le territoire, la société WING CHONG n'a pu obtenir de licence d'importation en conséquence d'une décision du juge des référés du tribunal administratif du 16 mars 2004, faisant droit à la requête d'un de ses concurrents qui contestait la légalité de l'appel d‘offre ;

Que les conteneurs de riz ont alors été entreposés sous douane, dans les entrepots du Port Autonome de Papeete, jusqu'au 15 juillet 2004, date de la décision du Conseil d'Etat réformant le jugement du juge des référés du tribunal administratif de Papeete ;

Attendu que le Port Autonome de Papeete a réclamé à la société WING CHONG paiement de la somme de 29 109 600 FCP correspondant au montant de la taxe de mgasinage du mois de mars au mois de juillet 2004 et a émis, le 17 août 2008, un titre de recette de même montant.

Que, par acte en date du 3 janvier 2007, la société WING CHONG a assigné le Port Autonome de Papeete afin que le titre de recette soit annulé ;

Qu'à l'appui de sa demande principale elle soutenait que, par application de l'article 1148 du code civil, elle n'était redevable d'aucune taxe portuaire dès lors qu'elle n'avait pu procéder à l'enlèvement de ses conteneurs de riz en conséquence d'un événement constitutif de force majeure, à savoir la suspension de la décision d'attribution du marché par le juge des référés par suite du recours formé par un tiers et la décision subséquente de refus d'importation de la marchandise.

Sur l'exception d'incompétence soulevé à titre subsidiaire par le Port Autonome de Papeete :

Attendu, que cette demande, nouvelle, présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable en ce qu'elle ne répond pas aux exigences de l'article 37 du code de procédure civile de la Polynésie française qui dispose que les exceptions de procédure (dont l'exception d'incompétence) doivent "à peine d'irrecevabilité, être soulevée (...) Avant toute défense au fond." ;

Sur la nature des relations entre la société WING CHONG et le Port Autonome de Papeete :

Attendu que c'est à juste, et par des motifs pertinents, exacts et suffisants, exempts de toute erreur de droit, que la Cour adopte que les premiers juges ont, après avoir rappelé que les contrats passés entre un établissement public à caractère industriel et commercial et les usagers étaient de droit privé et que la fixation du tarif des prestations par une autorité administrative était sans conséquence sur la nature des dits contrats, ont considéré que, selon les règles du consensualisme, un contrat verbal s'était formé entre la société WING CHONG et le Port Autonome, courant mars 2004, quant à l'entreposage par cette société de conteneurs contenant du riz en zone douanière dans l'attente d'une décision administrative autorisant l'importation, et que, par suite, ce contrat verbal, n'impliquant la mise en oeuvre d'aucune prérogative de puissance publique et ne contenant aucune clause exorbitante du droit commun, était de nature privée, ce qui permettait à la société WING CHONG de se prévaloir des règles du droit des obligations telles que fixées par le code civil ;

Attendu que le Port Autonome soutient, de façon erronée, qu'il n'y aurait pas de convention liant les parties en ce que l'on serait en présence d'une créance dont le fondement est l'occupation du domaine public portuaire, les tarifs pratiqués étant fixés réglementairement ; qu'en effet, si les tarifs des taxes de magasinage, pour le stockage de marchandises, qui est effectué dans le cadre de son activité commerciale, sont fixés réglementairement, pour autant l'usager du Port Autonome, est libre d'adhérer ou non à la convention-type qui lui est soumise ;

Attendu qu'il s'ensuit que le Port Autonome de Papeete n'est pas fondée en son appel incident en ce qu'il porte sur la nature des relations entre les parties, de nature réglementaire, selon lui ;

Sur l'existence de la force majeure :

Attendu que, selon l'article 1148 du code civil il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'ne force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

Qu'en l'espèce, la société WING CHONG s'est vue, le 24 mars 2004, refuser par la Polynésie française une licence d'importation de riz en conséquence d'une décision rendue par le juge des référés du tribunal administratif le 16 mars 2004 alors pourtant, d'une part, qu'elle avait été déclarée adjudicataire du marché le 18 février 2004 et que, d'autre part, la marchandise commandée par elle était arrivée sur le territoire le 22 mars 2004.

Attendu que, pour que le refus d'octroi de la licence d'importation puisse constituer une situation de force majeure, susceptible d'exonérer la société WING CHONG de son obligation de paiement de la taxe de magasinage au Port Autonome, il faut, en conformité avec les critères définis par la jurisprudence, que cet événement remplisse trois critères cumulatifs : l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité.

Attendu que si c'est très exactement que les premiers juges ont considéré que la condition, d'extériorité était remplie en l'espèce, c'est à tort qu'ils ont considéré qu'il n'en était pas de même pour les deux autres conditions ;

Attendu, en effet, que si la mise en oeuvre d'un recours judiciaire d'un candidat évincé contre une décision d'attribution d'un marché public est "juridiquement envisageable", il n'en reste pas moins que, pour respecter les délais de livraison, dans la mesure où le marché lui a été attribué à compter de février 2004, la société WING CHONG était contrainte de passer commande immédiatement après l'attribution du marché qui lui a été signifiée le 18 février 2004, et que les effets de la décision du juge des référés du tribunal administratif du 16 mars 2004 quant à la licence d'importation permettant le dédouanement des marchandises n'étaient pas prévisibles ;

Attendu qu'en ce qui concerne la condition d'irrésistibilité de la situation, "l'impasse" dans laquelle s'est trouvée la société WING CHONG, invoqué par le tribunal pour rejeter cette condition, résulte de l'application de la Loi, rappelée par le Port Autonome dans ses écritures, à savoir "les marchandises débarquant des navires sont obligatoirement entreposées sur le terre-plein de la zone douanière du Port Autonome de Papeete dans l'attente de l'accomplissement des formalités de dédouanement et du paiement des droits et taxes douanières permettant leur enlèvement" ; qu'en l'espèce, les formalités de dédouanement n'ont pu être effectuées en raison de la suspension de la décision du Pays d'octroi de la licence d'importation, et la société WING CHONG n'avait pas d'autre possibilité que de laisser sa marchandise sur le port, au delà du délai de franchise de dix jours, délai au delà duquel les stockage des marchandises était passible de taxes de magasinage ;

Attendu qu'il s'ensuit que la décision entreprise est en voie de reformation en ce qu'elle a considéré que la force majeure n'était pas établie ; qu'il s'ensuit que les marchandises de la société WING CHONG étant restées au delà du délai de franchise de dix jours en zone sous douane, en raison d'éléments extérieurs, imprévisibles et irrésistibles, cette société doit être exonérée de son obligation de paiement de la taxe de magasinage ;

Attendu que l'équité et la situation économique des parties, ainsi que la nature de l'affaire ne commandent pas de faire application en l'espèce de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Déclare la société WING CHONG recevable et bien fondée en son appel principal ;

Déclare le Port Autonome de Papeete recevable mais mal fondé en son appel incident ;

En conséquence :

Donne acte à la société WING CHONG de ce qu'elle a appelé en cause la Polynésie française aux fins de déclaration d'arrêt commun ;

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par le Port Autonome de Papeete ;

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions concernant la nature contractuelle des relations entre la société WING CHONG et le Port Autonome, et en ses dispositions concernant l'application de l'article 407 du code de procédure civile local ;

L'infirme en ses autres dispositions et, statuant à nouveau ;

Annule le titre de recette émanant du Port Autonome de Papeete référencé no 2004/OR/0002744 pour un montant de VINGT NEUF MILLION CENT NEUF MILLE SIX CENT (29 109 600) FRANCS PACIFIQUE ;

Dit que la société WING CHONG n'est tenue d'aucune redevance ou taxe de magasinage par suite de l'importation, conformément à la décision en date du 18 février 2004, du riz au stade de gros sur le territoire ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, tant en première instance qu'en appel ;

Condamne le Port Autonome de Papeete aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL JURISPOL.

Prononcé à Papeete, le 30 juin 2011.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. THIBAULT-LAURENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 580/COM/08
Date de la décision : 30/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

Pourvoi cassation n° Y1126975 du 23.11.2011 (AROB)


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-06-30;580.com.08 ?
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