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21/10/2010 | FRANCE | N°09/00667

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre commerciale, 21 octobre 2010, 09/00667


No 550
RG 667/ COM/ 09

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 21 octobre 2010

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Georges X..., né le 5 juin 1934 à Papeete, de nationalité française, gérant de société, demeurant à ... ;
Appelant par requête en date du 28 décembre 2009, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel l

e 29 décembre 2009, sous le numéro de rôle 09/ 00667, ensuite d'un jugement no 09/ 00285 du Tribunal Mixte de...

No 550
RG 667/ COM/ 09

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 21 octobre 2010

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Georges X..., né le 5 juin 1934 à Papeete, de nationalité française, gérant de société, demeurant à ... ;
Appelant par requête en date du 28 décembre 2009, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 29 décembre 2009, sous le numéro de rôle 09/ 00667, ensuite d'un jugement no 09/ 00285 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete en date du 23 novembre 2009 ;
Représenté par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
Monsieur Maurice Y..., es-qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Socoma, demeurant...-98713 Papeete ;
intimé ;
Représenté par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;
d'autre part ;
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en chambre du conseil du 9 septembre 2010, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, M. RIPOLL et M. MONDONNEIX, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris auxquels la Cour se réfère expressément ;
Vu la requête d'appel de Georges X... visée le 29 décembre 2009 portant constitution de Me USANG avocat, concernant le jugement rendu le 23 novembre 2009 par lequel le Tribunal mixte de commerce de Papeete, dans une instance sur requête tendant à faire supporter personnellement les dettes sociales, a condamné Georges X... à supporter le passif de la S. A. R. L. SOCOMA en liquidation judiciaire à hauteur de la somme de 70 000 000 XPF, ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'assignation devant la Cour d'appel délivrée le 5 janvier 2010 à la requête de Georges X... portant signification de la requête d'appel ;
Vu la constitution de Me ANTZ avocat, pour le compte de Maurice Y... es qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. SOCOMA reçue au greffe de la Cour le 13 janvier 2010 ;
Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :
1o Georges X..., appelant, dans sa requête et dans ses conclusions visées les 29 décembre 2009, 6 avril 2010 et 11 août 2010, de :
- déclarer l'appel recevable ;
- infirmer le jugement du 23 novembre 2009 en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau :
a) à titre principal :
- vu l'absence de convocation de M. X... en vue d'une audition personnelle ; vu l'absence d'audition personnelle préalable et obligatoire de M. X... pour ses observations verbales ; vu les arrêts de principe de la Cour de cassation et notamment ceux des 4 octobre 2005 et 28 octobre 2008 confirmés les 17 février et 10 mars 2009 ;
- constater que la convocation de M. X... en vue de son audition personnelle en chambre du conseil constitue un préalable obligatoire ;
- constater l'omission de cet acte concernant M. X... ;

- dire et juger que l'assignation du 31 juillet 2009 de M. X... devant le tribunal mixte de commerce de Papeete ne constitue pas une convocation en vue de son audition en chambre du conseil (art 153 de la délibération du 15 février 1990) ;

- dire et juger que le défaut de convocation de M. X... en vue de son audition personnelle en chambre du conseil fait obstacle à toute condamnation et constitue une fin de non recevoir ;
- déclarer irrecevable l'action de M. Y... liquidateur de la S. A. R. L. SOCOMA ;
- le renvoyer à mieux se pourvoir par le respect de la procédure d'ordre public ;
b) subsidiairement :
- débouter celui-ci de ses demandes ;
c) condamner M. Y... liquidateur de la S. A. R. L. SOCOMA aux dépens ;
2o Maurice Y... es qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. SOCOMA, intimé, dans ses conclusions visées les 25 janvier 2010 et 28 juillet 2010, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner M. Georges X... à la somme de 500 000 XPF pour appel abusif et la somme de 250 000 XPF pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens dont distraction ;
Vu la communication de la procédure à Monsieur le Procureur général ;
La SOCIÉTÉ POUR LA CONSERVATION DES MATÉRIAUX (S. A. R. L. SOCOMA) a été immatriculée à Papeete le 18 octobre 1965. Elle avait pour objet l'entreprise de tous travaux d'ignifugation et de peinture et de tous travaux concernant la conservation des matériaux de construction et autres. Georges X... a été son dernier gérant. Sur requête des délégués de son personnel, le tribunal mixte de commerce a ordonné le 12 juin 2006 l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Celle-ci a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 septembre 2006. Le passif a été arrêté à la somme de 141 408 844 XPF, et le produit de la réalisation de l'actif s'est élevé à la somme de 15 578 893 XPF. Le jugement entrepris a fait droit à une demande du liquidateur judiciaire tendant à faire supporter personnellement par le dirigeant la moitié des dettes sociales, en relevant l'existence d'une faute de gestion caractérisée à l'encontre de Georges X... pour avoir laissé s'amplifier un passif social et fiscal alors que l'état de cessation des paiements était patent.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
L'appel de Georges X... a été formé dans les formes et délais légaux.

Le tribunal mixte de commerce, lorsqu'il constate l'existence d'une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance de l'actif d'une société placée en liquidation judiciaire, peut décider que les dettes de celle-ci seront supportées en tout ou en partie par le dirigeant qui a contribué à cette faute de gestion. Cette mesure, prévue par l'article 180 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985, est applicable en Polynésie française selon les dispositions des articles 152 et suivants de la délibération no 2006-31 APF du 5 mai 2006.

Le tribunal statue en audience publique après avoir entendu le rapport du juge-commissaire. Le dirigeant mis en cause est convoqué un mois au moins avant son audition en chambre du conseil, par acte d'huissier de justice auquel est joint l'acte de saisine (dél., art 153, 9 et 10).
Georges X... soutient que ces formalités n'ont pas été observées car l'acte d'assignation ne comportait pas la mention obligatoire de sa convocation en vue d'une audition personnelle. Il fait valoir que l'omission de son audition constitue une fin de non recevoir d'ordre public.
Le liquidateur judiciaire expose que cette dernière est invoquée pour la première fois devant la Cour, tardivement et à tort ; que G. X... a bien été assigné à sa personne et invité à comparaître en personne ou par représentants ; qu'il a choisi de ne pas se présenter personnellement mais d'être représenté par son avocat ; que le délai de convocation d'un mois n'est pas sanctionné par une nullité ; que les débats se sont déroulés en chambre du conseil ; qu'il n'est justifié d'aucun grief résultant des irrégularités prétendues.
Georges X... réplique que ce moyen constitue une fin de non recevoir d'ordre public et non une nullité, et qu'il avait conclu en première instance à l'irrecevabilité de la demande du liquidateur judiciaire ; qu'il a été assigné comme dans le cadre d'un contentieux général suivant le modèle habituel d'assignation, mais sans mention explicite d'une convocation pour être entendu personnellement ; que l'irrecevabilité de la requête ne permet pas à la Cour de statuer au fond.
Le liquidateur judiciaire maintient que G. X... a bien été invité à comparaître personnellement, qu'il a été représenté en première instance et qu'il a pu faire valoir ses arguments. G. X... réitère en dernier lieu ses demandes de ce chef.
Selon les énonciations du jugement entrepris, le Tribunal a été saisi par requête du liquidateur judiciaire reçue au greffe le 7 août 2009. L'affaire a été appelée à l'audience en chambre du conseil le 24 août 2009 pour être renvoyée à plusieurs reprises et être plaidée le 26 octobre 2009. Georges X... était représenté par son avocat qui a comparu et plaidé. Le jugement a été rendu contradictoirement.
L'assignation délivrée à Georges X... figure dans le dossier de la procédure de première instance. Sa lecture permet à la Cour d'observer que :
- l'assignation a été signifiée à la personne de Georges X... le 31 juillet 2009 pour l'audience du 24 août 2009, à la demande du liquidateur judiciaire ;

- elle comporte signification et remise d'une copie de la requête introductive de ce dernier ;

- elle mentionne que sauf dispositions expresses contraires les parties comparaissent en personne ou par représentants, et qu'à défaut de comparution ou de représentation un jugement peut être rendu sur les seuls éléments fournis par l'adversaire.
Il apparaît ainsi, d'une part, que le délai de comparution du dirigeant d'un mois au moins n'a pas été observé, d'autre part, que la convocation expresse en vue de son audition en chambre du conseil n'est pas mentionnée. Il n'est pas justifié de l'envoi d'une convocation distincte de l'assignation.
Contrairement à ce que soutient l'intimé, l'audition personnelle du dirigeant par le tribunal est une mesure spécifique propre à la procédure de sanction patrimoniale : l'intéressé n'a pas la faculté de se faire représenter à cette occasion, même s'il peut l'être pour le reste de la procédure (v p ex Com 19 févr 2002 BC IV no 38). Il en résulte que la convocation du dirigeant en vue de son audition personnelle est un préalable obligatoire aux débats, dont l'omission constitue une fin de non-recevoir qui fait obstacle à toute condamnation (v p ex Com 28 oct 2008 BC IV no 182).
Il est constant que Georges X... n'a pas été destinataire d'une convocation pour être entendu en chambre du conseil. L'assignation qui lui a été signifiée mentionne que les parties comparaissent en personne ou par représentant sauf dispositions expresses contraires (celles-ci n'étant pas précisées), alors qu'il ne pouvait être entendu que personnellement. Il n'a pas disposé du délai réglementaire d'un mois avant la première audience. Son audition par le tribunal n'a pas eu lieu. La circonstance qu'il ait été représenté par un avocat, et le renvoi de l'affaire à plusieurs reprises, n'ont pas fait disparaître cette cause d'irrecevabilité, pour laquelle il n'est pas besoin de justifier d'un grief, car une représentation ne pouvait tenir lieu d'audition personnelle du dirigeant. La demande de G. X... sera par conséquent jugée recevable et fondée.
S'il avait pris soin de conclure, dès la première instance, à l'irrecevabilité de la demande du liquidateur judiciaire, G. X... n'avait pas alors présenté de moyen tiré de cette fin de non-recevoir. Mais comme celle-ci constitue le chef principal de son appel, la Cour ne peut, y ayant fait droit, se saisir néanmoins du fond du litige (v p ex Com 2 mars 2010 pourvoi no 09-12000 09-12221).
La Cour apprécie toutefois que c'est à bon droit que le liquidateur judiciaire fait valoir que cette fin de non recevoir a été présentée pour la première fois en cause d'appel de manière dilatoire, et donc abusive et fautive. En effet, le moyen d'irrecevabilité n'a été soutenu qu'en appel, quand une convocation régulière ne pouvait plus être faite par le greffe. Il sera par conséquent fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef. Il y a également lieu de faire application des dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française pour laisser à la charge de G. X... les dépens de première instance.
Pour les motifs qui précèdent, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre moyen de l'appelant, qui tient à ce que le jugement a visé l'article L. 624-3 du Code de commerce alors que la requête se fondait sur l'article L. 651-2 dudit code, non applicable localement, ni le fond du litige quant à la faute de gestion imputée à G. X.... Il n'y a pas matière à faire application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, en chambre du conseil, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu les articles 45, 46, 47, 49 et 406 du code de procédure civile de la Polynésie française, 153 de la délibération no 90-36 AT du 15 février 1990 modifiée, 180 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 dans sa rédaction en vigueur en Polynésie française qui résulte de l'ordonnance no 2000-912 du 18 septembre 2000 ;
Déclare recevable l'appel formé par Georges X... contre le jugement du Tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 23 novembre 2009 ;
Infirme ledit jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de Georges X... et, statuant à nouveau :
Déclare irrecevable la demande formée par Maurice Y... es qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. SOCOMA tendant à voir condamner Georges X... au paiement d'une partie du passif social ;
Constate que la fin de non recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article 153 de la délibération no 90-36 AT du 15 février 1990 a été présentée par Georges X... de manière dilatoire devant la Cour ;
Condamne par conséquent Georges X... à payer à Maurice Y... es qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. SOCOMA la somme de CINQ CENT MILLE (500 000) FRANCS PACIFIQUE à titre de dommages et intérêts ;
Condamne Maurice Y... es qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. SOCOMA aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 21 octobre 2010
Le Greffier, Le Président,
Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : G. THIBAULT-LAURENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09/00667
Date de la décision : 21/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Commerciale

Références :

ARRET du 22 mai 2012, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 mai 2012, 11-12.132, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2010-10-21;09.00667 ?
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