La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/08/2008 | FRANCE | N°05/565

France | France, Cour d'appel de Papeete, 28 août 2008, 05/565


No 478



RG 565/CIV/05





Grosse délivrée à

Me Usang

le





Expédition délivrée à

Me Bouyssie

le

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 28 août 2008





Monsieur Roger MONDONNEIX, conseiller, à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;



En audience publique tenue au Palais de Justice ;



A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :



Entre :



1- Monsieur Bertrand X..., né le 16 janvier 1958 à Saint Maur, de nationalité française, médecin spécialiste, demeurant au Centre Mamao, avenue Clémenceau - Papeete, BP 143159 Arue ;

2- Madame Valérie Y... épouse ...

No 478

RG 565/CIV/05

Grosse délivrée à

Me Usang

le

Expédition délivrée à

Me Bouyssie

le

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 28 août 2008

Monsieur Roger MONDONNEIX, conseiller, à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

1- Monsieur Bertrand X..., né le 16 janvier 1958 à Saint Maur, de nationalité française, médecin spécialiste, demeurant au Centre Mamao, avenue Clémenceau - Papeete, BP 143159 Arue ;

2- Madame Valérie Y... épouse X..., née le 5 août 1965 à Saint Omer, de nationalité française, demeurant au Centre Mamao, avenue Clémenceau - Papeete, BP 143159 Arue ;

Appelants par requête en date du 20 octobre 2005, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 27 octobre 2005, sous le numéro de rôle 05/00565, ensuite d'un jugement no 03/00010 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 12 septembre 2005 ;

Représentés par Me Benoît BOUYSSIE, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

La Compagnie d'Assurances Axa Assurances, société anonyme dont le siège social est ..., représentée par sa délégation de Polynésie française, ... ;

Intimée ;

Représentée par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 31 juillet 2008, devant Mme TEHEIURA, conseillère, faisant fonction de présidente, Mme Z... et M. MONDONNEIX, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 21 octobre 1999, Bertrand X... et son épouse Valérie A... ont souscrit auprès de la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES des contrats ESPACE SELECTION consistant en des placements de fonds sur des supports à risque de type fonds commun de placement.

Entre le 21 octobre 1999 et le 13 août 2001, la baisse des marchés financiers a affecté leurs placements, qui subissaient une perte d'environ 12 %.

Le 13 août 2001 les époux X... ont demandé le rachat de leur contrat ESPACE SELECTION afin d'investir sur un contrat de placement FIGURES LIBRES qu'ils avaient souscrit à effet du 13 juillet 2001 portant sur plusieurs supports en actions et leur permettant de moduler la prise de risque.

Dans un premier temps, leur choix s'est porté sur le support PLANNIS EURO, sécurisé par un taux minimum garanti.

Dans un deuxième temps, ils ont opté pour un support plus dynamique mais plus exposé aux risques, AXA France ACTIONS, suivant deux ordres d'arbitrage en date du 4 octobre 2001.

Ils ont ensuite effectué des versements complémentaires sur le même support en date du 16 octobre 2001.

La situation boursière ayant continué à se dégrader, les époux X... adressaient, au mois de juin 2002, deux ordres d'arbitrage aux fins de transferts de leurs placements du support AXA France ACTIONS sur le support PLANNIS EURO dont la compagnie d'assurances attestait de l'exécution en date du 25 juin 2002 mais qui, en réalité, n'étaient pas exécutés pour des raisons diversement appréciées par les parties, qui seront ultérieurement développées.

Suivant requête notifiée par acte d'huissier de justice en date du 19 décembre 2002, Bertrand B... et son épouse Valérie Y... ont fait assigner la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES devant le tribunal de première instance aux fins de voir constater que la défenderesse a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil.

Ils exposaient que leur portefeuille d'actions avait chuté de plus de 20 % entre juin et octobre 2002 et que cette perte était la conséquence directe du mauvais conseil donné par monsieur Claude C..., préposé de la compagnie, qui les avait dissuadés de changer de support.

C'est pourquoi, ils demandaient au tribunal d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire à l'effet d'évaluer le préjudice par eux subi.

Ils sollicitaient également l'exécution provisoire du jugement à intervenir et le paiement d'une somme de 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.

La compagnie d'assurances AXA ASSURANCES répliquait que la demande était irrecevable, les époux B... ne pouvant se prévaloir d'un préjudice certain, la pertinence des placements en actions devant s'apprécier sur le long terme.

Elle exposait au fond que les demandeurs avaient privilégié ce type de placement dès le début et que leur décision s'inscrivait dans une vision à long terme cependant qu'elle déniait être soumise à une obligation de conseil et alors surtout que Bertrand B... avait un bagage intellectuel suffisant pour comprendre les opérations boursières.

C'est pourquoi, elle concluait au rejet de la demande et à la condamnation des époux B... à lui payer la somme de 500 000 francs CFP pour procédure abusive outre une somme de 220 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 12 septembre 2005, le tribunal de première instance de PAPEETE déboutait les époux B... de leur demande d'expertise, déboutait la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive et condamnait les premiers à payer à la seconde une somme de 100 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.

Bertrand B... et Valérie Y... ont interjeté appel de ce jugement par requête déposée au greffe de la cour d'appel le 27 octobre 2005.

Par acte en date du 25 novembre 2005, les époux B... ont fait assigner la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES à l'audience du 16 décembre 2005.

Cette assignation était déposée au greffe de la cour d'appel le 5 décembre 2005.

Aux termes de leur requête d'appel, les époux B... exposent que les ordres d'arbitrage donnés par écrit en juin 2002 n'ont pas été exécutés sur les conseils de Claude C..., ingénieur patrimonial chez AXA FRANCE, qui les en a dissuadés, qu'ils s'en sont alors remis aux compétences de ce professionnel de la finance mais qu'entre juin et octobre 2002, leur portefeuille a connu une perte de plus de 20 %.

Ils reprochent à l'intimée de les avoir mal conseillés alors qu'un transfert de leurs placements vers le produit PLANNIS EURO aurait permis de préserver leur patrimoine.

C'est pourquoi, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater que la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil et, en conséquence, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer le préjudice par eux subi.

Ils sollicitent également le paiement d'une somme de 500 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 22 septembre 2006, les époux B... reprochent à la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES de n'avoir pas exécuté les ordres d'arbitrage, cette faute étant à l'origine du préjudice qu'ils ont subi et dont ils chiffrent le montant comme suit :

* Valérie B... : 5 452 378 francs CFP ;

* Bertrand B... : 7 484 540 francs CFP.

En conséquence, ils demandent, par application de l'article 1147 du code civil, de condamner la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES au paiement de ces sommes, outre intérêts au taux légal à compter de la réception de l'ordre violé, à savoir le 25 juin 2002.

Ils sollicitent aussi le paiement d'une somme de 400 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 7 septembre 2007 complétées par des écritures déposées le 28 mars 2008, les époux B... articulent deux griefs à l'encontre de la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES pour solliciter sa condamnation dans les termes de ses précédentes écritures :

D'abord, ils reprochent à la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES d'avoir violé les deux ordres d'arbitrage de juin 2002, notifiant même le traitement de ceux-ci avant de décider de replacer ces fonds sur un support actions au plus fort risque.

Ils dénoncent ensuite l'obstination de la compagnie d'assurances à laisser sur le marché à risque des fonds destinés à constituer un capital retraite alors que les mois suivants devaient leur donner raison.

Par conclusions déposées le 13 avril 2007, puis le 26 avril 2007, le 7 décembre 2007 et le 27 juin 2008, la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES stigmatise d'abord la mauvaise foi des appelants qui excipent de la non exécution des ordres d'arbitrage de juin 2002 alors qu'ils étaient parfaitement d'accord pour les annuler.

Elle expose ensuite que dès le 21 octobre 1999, les époux B... ont choisi de placer des fonds sur des supports à risque, gestion exclusive d'une obligation de résultat.

Elle ne conteste pas avoir incité ses clients à renoncer aux ordres d'arbitrage de juin 2002, sachant qu'un placement sur ce type de produit ne se conçoit que sur du long terme car les marchés boursiers offrent toujours les meilleures opportunités sur le long terme même si en contrepartie cet avantage s'accompagne d'une volatilité plus élevée.

Elle indique encore qu'il est rarement conseillé de sortir d'une stratégie d'investissement en cours de contrat, hors cas de force majeure ou événements exceptionnels, précision étant faite que la décision finale revient toujours au client.

Elle en déduit que M C... n'a commis aucune faute qui n'a fait que rappeler ce principe élémentaire.

Elle réfute aussi l'existence d'un préjudice qui ne saurait être que virtuel, la valeur des parts pouvant remonter et la prétendue perte se transformer en gain.

Elle ajoute que Monsieur B... avait une bonne capacité d'analyse et de compréhension des placements boursiers et que le couple jouait en bourse en investissant des sommes importantes et en donnant des ordres de virement.

C'est pourquoi, elle conclut au rejet des prétentions des demandeurs et à leur condamnation au paiement d'une somme de 330 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2008.

EXPOSE DES MOTIFS :

Attendu, aux termes de leurs conclusions déposées le 27 octobre 2005, que les époux B... ont expressément reconnu avoir suivi les conseils de Claude C... aux fins de renoncer aux ordres d'arbitrage :

"Attendu que l'ordre n'a pas été exécuté, monsieur C... Claude croyant devoir passer outre dissuadait même l'exposant de procéder à cette mesure conservatoire, étant précisé que le produit "PLANNIS EURO" est sécuritaire, tandis que "AXA France ACTIONS" est plutôt à risque,

Attendu que ce mauvais conseil a été suivi, l'exposant s'en remettant - à tort - aux compétences de ce professionnel de la finance, et prélevant de temps en temps des sommes d'argent dont il avait besoin" ;

Attendu que par suite, les époux B... ne sauraient revenir sur cet aveu judiciaire et reprocher à la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES de n'avoir pas exécuté les ordres d'arbitrage ;

Attendu qu'il importe peu que la renonciation des époux B... n'ait pas pris la forme d'un ordre écrit dès lors qu'il résulte suffisamment de cet aveu qu'ils étaient d'accord pour que les ordres d'arbitrage litigieux ne soient pas exécutés ;

Attendu que ce partant, la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES n'a commis aucune faute dans la gestion des ordres reçus de ses clients ;

Attendu qu'en vertu de l'article 1135 du code civil, le contrat de placement FIGURES LIBRES conclu entre les parties, qui porte sur plusieurs supports en actions, emporte une obligation d'information à la charge de l'assureur qui ne saurait s'en affranchir qu'à l'égard de ses clients suffisamment avertis ;

Attendu que pour s'exonérer de cette obligation, la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES expose que Bertrand B..., de niveau Bac + 9, qui jouait en bourse en investissant des sommes importantes et en donnant des ordres de virement, était suffisamment averti des risques encourus ;

Attendu, cependant, que la qualité de médecin de Bertrand B... ne saurait suffire à lui conférer des aptitudes certaines pour mesurer les risques des placements réalisés ; que son parcours boursier n'est pas autrement démontré que par voie d'affirmation, la seule souscription de produits financiers proposés par une compagnie d'assurance n'étant pas révélatrice d'une connaissance des méandres de la bourse ; qu'en tout état de cause, l'intimée n'allègue pas que Valérie A... avait, pour sa part, une quelconque expérience en la matière ;

Attendu que l'obligation d'information de la compagnie d'assurances porte sur les risques encourus mais plus généralement sur la stratégie de placement dont les risques ne constituent qu'un volet, peu important que le client, qui détient la décision finale, subisse une moins value nécessairement inhérente à l'aléa boursier ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des explications des parties, que les époux B... ont choisi dès 1999 de réaliser des placements sur des supports à risque ; que tant en 2001 qu'en 2002, alors qu'ils voulaient opté pour un placement plus sécuritaire, la compagnie AXA ASSURANCES les a informés de ce que leur placement initial s'inscrivait nécessairement dans la durée et que si le support AXA France ACTIONS était exposé aux fluctuations du marché des actions françaises, la performance devait s'apprécier sur le long terme ;

Attendu que ce principe qualifié d'élémentaire par la compagnie d'assurances n'est pas contredit par les appelants ; que ce faisant, AXA ASSURANCES a normalement rempli son obligation d'information ;

Attendu que sans doute, le patrimoine des époux B..., qui avait déjà perdu 12 % entre 1999 et 2001, pouvait encore connaître des revers ; que les appelants déplorent une chute de plus de 20 % entre juin et octobre 2002 ;

Attendu, cependant, que les époux B... ne rapportent pas la preuve de ce que cette tendance baissière s'inscrivait dans une prévision connue des analystes financiers ;

Attendu que ce partant, les époux B..., qui détenaient la décision finale en qualité de donneurs d'ordre, ne rapportent pas la preuve d'un défaut d'information imputable à la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES ;

Attendu, dans ces conditions, que c'est à bon droit que le premier juge les a déboutés de leurs prétentions ; que le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 300 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Condamne Bertrand B... et son épouse Valérie A... à payer à la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES la somme de trois cent mille (300 000 FCFP) francs pacifique en application de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamne Bertrand B... et son épouse Valérie A... aux dépens.

Prononcé à Papeete, le 28 août 2008.

Le Greffier, La Présidente,

M. SUHAS-TEVERO C. TEHEIURA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Numéro d'arrêt : 05/565
Date de la décision : 28/08/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-08-28;05.565 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award