No 390
RG 289 / CIV / 05
Grosse délivrée à
Me Moitrel
le
Expéditions délivrées à
Mes Gaultier, X...
et D...
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 3 juillet 2008
Monsieur Roger MONDONNEIX, conseiller, à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
1- Monsieur Serge Y..., né le 1er novembre 1957 à Saint-Denis (Ile de la Réunion), de nationalité française, demeurant en cette qualité Centre Médical de Mamao,... ;
2- Madame Brigitte Z... épouse Y..., née le 5 juillet 1960 à Saint Vallier-Saone et Loire, de nationalité française, demeurant à Erima-Arue, lot... ;
Appelants par requête en date du 21 juin 2005, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 23 juin 2005, sous le numéro de rôle 05 / 00289, ensuite d'un jugement no 00 / 01020 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 9 mars 2005 ;
Représentés par Me GAULTIER, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
1- La Société d'Aménagement et de Gestion de la Polynésie française (SAGEP), venant aux droits de la SETIL, prise en la personne de ses représentants légaux, demeurant en cette qualité BP 303-98713 Papeete ;
Représentée par Me MOITREL, avocat au barreau de Papeete ;
2- Madame Monique A... épouse B..., demeurant PK 9, 5 côté montagne, quartier Pambrun-Punaauia ;
Représentée par Me JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;
3- Monsieur Serge B..., demeurant PK 9, 5 côté montagne quartier Garnier, Supermahina ;
Représenté par Me BOUYSSIE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 22 mai 2008, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseillère et M. MONDONNEIX, conseiller, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte notarié en date du 24 octobre 1990, Serge Y... et son épouse Brigitte Z... ont acquis auprès des époux B... une maison d'habitation sise à ARUE, lot numéro 148 A du lotissement ERIMA, réalisé par la Société d'Equipement de Tahiti et des Iles ci-après dénommée SETIL
Par ordonnance en date du 28 juin 1999, le juge des référés, statuant sur la requête des époux Y..., ordonnait une expertise à l'effet de donner son avis sur la stabilité du talus séparant la propriété des requérants de la voie publique, décrire les désordres constatés, donner son avis sur la réalisation du talus lors de la constitution du lotissement, évaluer les travaux de nature à remédier aux désordres constatés.
L'expert déposait son rapport en date du 3 mai 2000.
Suivant requête notifiée par acte d'huissier de justice en date du 14 septembre 2000, Serge Y... et son épouse Brigitte Z... ont fait assigner la SETIL devenue la Société d'Aménagement et de Gestion de la Polynésie Française ci-après dénommée SAGEP aux fins de la voir condamner, par application des articles 1134 et suivants du code civil, à lui payer la somme de 3 500 000 francs CFP au titre des travaux de reprise du talus outre une somme de 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
La SAGEP opposait à titre principal la prescription de l'action par référence aux dispositions de l'article 2270 du code civil alors que le lot concerné faisait partie de la première tranche ayant fait l'objet d'un certificat d'achèvement délivré le 18 octobre 1984.
A titre subsidiaire, elle sollicitait l'annulation du rapport d'expertise et, en tout cas, le rejet des prétentions des demandeurs ainsi que leur condamnation au paiement d'une somme de 250 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Les époux B..., appelés en la cause par la SAGEP, sollicitaient leur mise hors de cause et la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 9 mars 2005, le tribunal de première instance de PAPEETE déboutait les époux Y... avant de les condamner à payer à la SAGEP la somme de 150 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles et à chacun des époux B..., la somme de 50 000 francs CFP au même titre.
Serge Y... et Brigitte Z... ont interjeté appel de ce jugement par requête déposée au greffe de la cour d'appel le 23 juin 2005.
Par acte en date du 17 août 2005, ils ont fait assigner la SAGEP, Serge B... et son épouse Monique A... à l'audience du 7 octobre 2005.
Cette assignation était déposée au greffe de la cour d'appel le 17 août 2005.
Aux termes de leur requête d'appel et de leurs écritures ultérieures déposées le 10 mai 2005, les époux Y... exposent d'abord que leur action, qui est fondée sur les articles 1134 et 1142 et suivants du code civil, ne concerne que les travaux de terrassement à l'époque réalisés par la SETIL et qu'elle n'est pas soumise à la prescription décennale mais à la prescription trentenaire de droit commun.
Ils font valoir ensuite qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la SETIL a manqué à ses obligations contractuelles et qu'elle doit être tenue d'indemniser le préjudice par eux subi.
C'est pourquoi, ils réitèrent les termes de leurs écritures de première instance sauf à demander le bénéfice des intérêts légaux sur la somme de 3 500 000 francs CFP à compter du 20 septembre 2000, date du dépôt de la requête introductive d'instance et y ajoutant, sollicitent la condamnation de la SAGEP au paiement d'une somme de 250 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts outre celle de 250 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées le 1er décembre 2005 puis le 28 avril 2006, le 29 septembre 2006, le 13 avril 2007 et le 8 février 2008, la SAGEP, qui n'invoque plus la nullité du rapport d'expertise, expose d'abord que l'action des époux Y... est prescrite par application de l'article 2270 du code civil qui décharge les architectes et entrepreneurs de toute responsabilité après 10 ans sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la nature des travaux réalisés.
Elle fait valoir ensuite que l'expert n'a relevé aucun désordre actuel alors que les fondations du mur de soutènement sont beaucoup trop près du bord du talus et ne sont donc pas implantés dans les règles de l'art.
C'est pourquoi, elle demande à la cour de déclarer prescrite l'action des époux Y... et, subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris.
Enfin, elle sollicite le paiement d'une somme de 250 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions déposées le 13 février 2006, Monique A... sollicite sa mise hors de cause et la condamnation de la SAGEP à lui payer la somme de 110 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions déposées le 26 janvier 2007 puis le 7 décembre 2007, Serge B... invite la cour à débouter la SAGEP de ses demandes et sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 220 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2008.
EXPOSE DES MOTIFS :
Attendu qu'il résulte de l'acte de vente du 24 octobre 1990 et de la pièce numéro 2 produite par la SAGEP comportant le cachet de maître C..., notaire, que le lot litigieux fait partie de la première tranche de travaux du lotissement ERIMA ayant fait l'objet d'un certificat d'achèvement délivré le 18 octobre 1984 ;
Attendu qu'en vertu de l'article 2270 du code civil, dans sa rédaction applicable en Polynésie française à cette date, après dix ans, l'architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés ; que ce texte d'ordre général a vocation à régir les travaux de remblaiement réalisés par le lotisseur ;
Attendu que les époux Y... ont saisi le juge des référés aux fins de désignation d'un expert suivant requête notifiée par acte d'huissier de justice en date du 26 mai 1999 ; qu'il s'en suit que l'action exercée par les époux Y... est prescrite et qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes ;
Attendu que Monique V... et Serge B..., à l'encontre desquels aucune demande n'a été formulée, doivent être mis hors de cause ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAGEP les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 250 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;
Attendu que Monique V... et Serge B... ont été attrait en cause d'appel non par la SAGEP mais par les époux Y... ; que par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande au titre des frais irrépétibles en ce qu'elle est dirigée contre la SAGEP ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Met hors de cause Monique V... et Serge B... ;
Condamne Serge Y... et son épouse Brigitte Z... à payer à la SAGEP la somme de deux cent vingt mille (220 000) francs pacifique en application de l'article 407 du code de procédure civile ;
Déboute Monique V... et Serge B... de leur demande formée en cause d'appel au titre des frais irrépétibles ;
Condamne Serge Y... et son épouse Brigitte Z... aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 3 juillet 2008.
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVEROG. THIBAULT-LAURENT