No 232
RG 1 / CIV / 07
Grosse délivrée à
Me Usang
le
Expédition délivrée à
Me Outin
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 24 avril 2008
Monsieur Gérard THIBAULT-LAURENT, président de chambre à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
La Banque Socrédo, société anonyme d'économie mixte au capital de 17. 000. 000. 000 FCFP, RCS Papeete no 1491 / 59B, dont le siège est à Papeete 115, rue Dumont d'Urville, BP 130 Papeete, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège ;
Appelante par requête en date du 2 janvier 2007, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 3 janvier 2007, sous le numéro de rôle 07 / 00001, ensuite d'un jugement no 06 / 00018 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 23 octobre 2006 ;
Représentée par Me OUTIN, avocat à Papeete ;
d'une part ;
Et :
- Monsieur Pin Yu X..., né le 10 septembre 1937 à HaapitiI (Moorea), de nationalité française, demeurant à Papara PK 40, 1 côté montagne quartier Bernardino, BP 2779 Papeete ;
Intimé ;
Représenté par Me USANG, avocat à Papeete ;
- Madame Irène ..., épouse B..., née le 20 avril 1946 à Pirae, de nationalité française, employée du commerce, demeurant PK 40, 1 côté montagne, quartier Bernardino à Papara ;
Non comparante, appelée en déclaration d'arrêt commun selon acte d'assignation de l'huissier Me C...délivré à sa personne le 22 mai 2007 ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 13 mars 2008, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mmes TEHEIURA et Mme PINET-URIOT, conseillères, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
Faits, procédure et demandes des parties :
Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris du 23 octobre 2006, auxquels la Cour se réfère expressément ;
Vu la requête d'appel de la Banque Socrédo, visée le 3 janvier 2007, portant constitution de Me OUTIN, avocat, concernant le jugement rendu le 23 octobre 2006 par lequel le Tribunal de première instance de Papeete l'a condamnée à payer la somme de 12. 822. 500 FCFP à M. Pin Yu X...;
- a dit qu'elle serait subrogée dans les droits de M. Pin Yu X...pour le recouvrement de cette somme auprès de Titaua D...;
- a débouté M. Pin Yu X...du surplus de sa demande ;
- l'a condamnée à payer la somme de 110. 000 FCFP à M.
E...
au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel, aux termes desquelles les parties ont respectivement demandé à la Cour :
La banque SOCREDO, appelante, dans des conclusions visées les 6 février 2007, 18 avril 2007, 31 août 2007 et 3 septembre 2007, de :
- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- débouter M. Pin Yu X...de toutes ses demandes contre la SOCREDO ;
- Au principal,
- Vu les pièces produites en appel, notamment le carton revêtu des signatures de M. Pin Yu X...et les ordres de virement contestés ;
- Dire que la comparaison des signatures ne permet pas de conclure à la fausseté des ordres de virement contestés plusieurs années ensuite par M. Pin Yu X...;
- Dire qu'elle n'a pas commis les prétendues fautes de négligence reprochées par M. Pin Yu X...;
- Débouter M. Pin Yu X...de toutes ses demandes envers la Socrédo libérée du paiement de ces ordres de virement ;
- En tout état de cause,
- Observant que le montant total des virements contestés s'élève à 10. 855. 000 FCFP ;
- Si par extraordinaire ces ordres de virement étaient reconnus faux ;
- Dire qu'en ne protestant pas auprès de la Socrédo dès le premier virement litigieux de 800. 000 FCFP le 25 juin 2002, M. Pin Yu a contribué à la réalisation du dommage pour un montant correspondant à tous les autres ordres de virements et le déclarer responsable à hauteur de leur montant total de 10. 055. 000 FCFP ; la Socrédo ne pouvant en cette hypothèse qu'être condamnée à la somme de 800. 000 FCFP dans l'hypothèse de virements reconnus faux compte tenu de la responsabilité de M. Pin Yu X...invoquée ;
- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à Mme Irène B..., cotitulaire du compte sur livret Z 22275 devenu 12049910112 ;
- Vu l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française condamner M.
E...
et son époux, Mme B...à lui payer la somme de 660. 000 FCFP au titre de l'ensemble des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- Condamner M.
E...
aux dépens dont distraction au profit de Me OUTIN, avocat ;
M. Pin Yu X..., intimé, dans des conclusions visées les 22 février 2007 et 3 août 2007, de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Y ajoutant,
- Constater la violation du secret bancaire opérée par la Banque Socrédo par la production en pièce 16 des relevés bancaires chiffrés de M.
E...
d'octobre 2006 à janvier 2007 sur 4 mois ;
- Prendre acte qu'il se réserve le droit de se protéger contre ces méthodes ;
- Dire que la clause figurant dans les " règles générales de fonctionnement des comptes sur livret " lui est inopposable ne l'ayant pas signée et en tous les cas la considérer comme abusive ;
- constater que la banque n'apporte pas la preuve de la date exacte de notification des relevés bancaires pendant la période litigieuse ;
- Condamner la banque Socrédo à lui payer les sommes de :
. 400. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
. 440. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la même aux dépens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 février 2008.
Motifs de la décision,
Attendu qu'il est rappelé, pour mémoire, que le 24 juin 2002, un faux ordre de virement émis sur le compte sur livret de M. Pin Yu X...et de Mme Irène B..., par Mme Titaua D...était rejeté par la Banque Socrédo car il y était opposé une fausse signature ; que, toutefois, il s'avérait que, du 25 juin 2002 au 10 septembre 2002, de nombreux ordres de virement étaient passés postérieurement à ce refus pour un montant de 12. 822. 500 FCFP ;
Attendu que le 18 septembre 2002, Mr
E...
portait plainte auprès de la Brigade de Gendarmerie de Papeete pour escroquerie à l'encontre de Mme Titaua D...; que le 23 septembre 2003, le Tribunal correctionnel de Papeete condamnait Mme D...pour escroquerie recouvrant une montant de 12. 822. 500 FCFP ;
Attendu que la Cour n'a pas à se prononcer, ni à constater, en cause d'appel, une éventuelle violation du secret bancaire opérée par la Banque Socrédo, dans la mesure ou cette question n'a aucun lien juridique avec l'objet du litige, qui est le paiement de sommes ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité contractuelle de la Banque Socrédo, en rappelant que la banque avait une obligation de résultat, celle de représenter les sommes versées par son client sur les comptes dont elle assure la gestion, et que M. Pin Yu X...produisait le jugement prouvant le détournement de la somme de 12. 822. 500 FCFP de son compte ; qu'en effet le banquier est tenu de contrôler la régularité de l'ordre de virement, et notamment la signature de cet ordre ;
Attendu, en effet, que les ordres de virement dont s'agit, ont été falsifiés par l'opposition d'une fausse signature ; que la simple comparaison des signatures apposées sur ces ordres de virement avec celle de M. Pin Yu X...permet de constater qu'elles sont différentes ; que ces anomalies n'auraient pas du échapper au banquier professionnel et averti, qui doit vérifier l'exactitude de la signature ; qu'au demeurant le montant important des virements, toujours en faveur de la même personne laquelle avait déjà fait l'objet d'un rejet en juin 2002 lors de la première tentative aurait du provoquer une vigilance accrue du banquier ;
Attendu que la banque appelante en peut invoquer la clause de forclusion conventionnelle, inscrite à la convention de compte, selon laquelle " les relevés périodiques qui ne seront pas critiqués dans le mois de leur réception devront être considérés comme approuvés et aucune contestation ne pourra être élevée à leur sujet passé ce délai " dans la mesure où le silence gardé par le client pendant ce délai n'emporte qu'une présomption simple d'acceptation par le client des opérations inscrites sur le relevé, susceptible d'être contredite par la preuve contraire ; qu'au demeurant la banque n'apporte pas la preuve de la périodicité des relevés et de ce qu'elle a informé son client par des relevés des ordres de virement, ni que cette clause ait été paraphée par son client lors de l'ouverture du compte sur livret ;
Attendu que c'est très exactement que le Tribunal a débouté M.
E...
de sa demande de paiement de la somme de 2. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts ; que, de même, il n'apparaît pas que la Banque Socrédo ait fait dégénérer en abus son droit d'exercer les voies de Droit ou de recours que la loi met à sa disposition ; que la demande d'allocation de la somme de 400. 000 FCFP pour appel abusif formée par M.
X...
sera rejetée ;
Attendu que la présente décision sera déclarée commune à Mme Irène B...épouse de M.
X...
, et co-titulaire du compte sur livret dont s'agit ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à M. Pin Yu X...la somme de 150. 000 FCFP par application de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française pour les sommes exposées par lui en cause d'appel, et non comprises dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DECLARE la Banque Socrédo recevable mais mal fondée en son appel ;
L'en déboute ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
DEBOUTE M. Pin Yu X...de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE la Banque Socrédo à payer à M. Pin Yu X...la somme de cent cinquante mille (150. 000) francs pacifique par application de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;
DECLARE le présent arrêt commun à Mme Irène B...;
CONDAMNE la Banque Socrédo aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 24 avril 2008.
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVERO G. THIBAULT-LAURENT