No 197 / add
RGo138 / CIV / 02
Grosses délivrées à
Mes Malgras et Quinquis
le
Expédition délivrée à
Me X...
leREPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D' APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 30 mars 2006
Monsieur Pierre MOYER, conseiller de la Cour d' Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS- TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l' arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Philippe Y..., notaire, BP 35- 98713 Papeete ;
Appelant par requête en date du 27 mars 2002, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d' Appel le 2 avril 2002, sous le numéro de rôle 02 / 00138, d' un jugement n 679 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 22 novembre 2001 ;
Représenté par Me MALGRAS, avocat à Papeete ;
d' une part ;
Et :
Monsieur Z...
AA..., né le 30 janvier 1929 à Allineuc (Cotes d' Armor), de nationalité française, retraité, demeurant à Papeete, quartier Fariipiti, rue Wallis ;
Intimé ;
Représenté par Me BB..., avocat à Papeete ;
Et de la cause :
1- Monsieur Théodore A..., demeurant...) ;
2- Monsieur Pierre A..., demeurant...) ;
3- Monsieur André A..., demeurant...- (France) ;
4- Monsieur Marcel A..., demeurant...) ;
5- Monsieur Michel B..., demeurant... ;
6- Monsieur Loïc B..., demeurant... ;
7- Monsieur Alain B..., demeurant à Dinan 22100- (France) ;
8- Monsieur Jean- Noël B..., demeurant... Tréon28500 (France) ;
Appelés en cause ;
Représentés par Me QUINQUIS, avocat à Papeete et la SCP DUVAL J- DUVAL B- SEGALEN L- NIQUE G ;
d' autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 2 février 2006, devant M. ELLUL, président de chambre, M. MOYER, conseiller et Mme LASSUS- IGNACIO, conseillère, assistés de Mme SUHAS- TEVERO, greffier, le prononcé de l' arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
I- EXPOSE DES ELEMENTS NECESSAIRES A LA COMPREHENSION DU LITIGE ET A SA SOLUTION :
1- Exposé des faits :
Fernand A..., décédé le 8 décembre 1993 à WINDSOR ONTARIO Canada.
Par testament authentique reçu le 25 juillet 1986 en l' étude de Maître C..., notaire à Papeete, Z...
AA... avait été institué légataire universel de Fernand A....
La succession de Fernand A... a été en partie réglée au Canada, par un notaire, Me D..., au profit des consorts A... / B....
Le litige porte notamment sur la responsabilité éventuelle de Me Y..., notaire à Papeete, successeur de Me C..., Z...
AA... lui reprochant de ne pas avoir informé à temps son confrère canadien alors que lui- même avait informé le notaire de Papeete en temps utile.
2- Résumé des demandes initiales et de la décision déférée :
Par requête enregistrée le 7 octobre 1999, Z...
AA... a saisi le Tribunal de Première Instance de Papeete d' une action en responsabilité à l' encontre de Maître Y..., afin d' être indemnisé du préjudice qu' il a subi du fait de la négligence et du défaut de conseil de son notaire ».
Monsieur E... demandait, à titre principal :
- la condamnation de Martre Y... a lui payer le montant de ses droits, à évaluer, dans la succession de feu Fernand A...,
- l' organisation d' une expertise afin d' évaluer l' actif net de ladite succession,
- la condamnation de Maître Y... à lui verser une provision de 50 000 000 FCFP.
A titre subsidiaire, il demandait :
- de dire et juger que les consorts F... sont redevables du legs universel prévu par feu Fernand A..., et qu' ils devront le remplir de ses droits, soit en nature, soit par équivalent,
- l' organisation d' une expertise afin d' établir l' actif de la succession,
- le sursis sur la liquidation définitive des comptes entre parties, la condamnation, en ce cas in solidum, ou à tout le moins par parts et portions, des consorts F..., à lui payer la somme de 50 000 000 FCFP à titre de provision,
Les consorts F... ont été assignés « en déclaration de jugement commun et très subsidiairement en délivrance de legs... si par impossible la demande principale n' était pas accueillie ».
Au soutien de sa demande il avait exposé :
- que courant août 1994, il avait avisé l' étude de Maître Y..., successeur de Maître C..., du décès de Fernand A... ; que le 30 janvier 1995, cette étude adressait par erreur une réponse à l' étude de Maître D... aux Etats Unis d' Amérique au lieu du Canada ; que seulement en septembre 1996, un second courrier était adressé à la bonne adresse, alors qu' entre- temps la succession de Fernand A... se trouvait en partie réglée, au profit des consorts A... / B..., en méconnaissance du testament du 25 juillet 1986 ;
- que la responsabilité de l' étude Y... se trouvait engagée par suite du défaut de diligences dans l' exécution du testament dont elle était dépositaire.
Z...
AA... a fait valoir que le Tribunal de Papeete était territorialement incompétent pour connaître de l' action principale en responsabilité contre un notaire ayant son étude à Papeete et de l' action accessoire en restitution de legs contre des héritiers domiciliés en France Métropolitaine. Il a estimé que l' étude Y..., à laquelle il avait confié ses intérêts dans la succession A..., avait bien commis une faute en négligeant d' accomplir les diligences utiles en vue de garantir les droits de son client auprès de la société visée au testament et du notaire canadien chargé de liquider la succession du « de cujus ».
Les consorts B... / A... se sont opposés à cette demande :
Ils ont fait valoir :
- que l' assignation délivrée contre eux, était nulle en ce qu' elle n' énoncerait pas les moyens de droit soulevés par le demandeur ;
- que le Tribunal de première instance de Papeete était incompétent aux motifs que Fernand A... n' avait pas de domicile en Polynésie Française et n' y possédait pas de biens immobiliers.
Maître Y... s' est également opposé à cette demande :
Il a fait valoir qu' il soulevait l' incompétence territoriale du Tribunal de Première Instance de Papeete au profit des juridictions compétentes de l' Etat de l' ONTARIO ; que le préjudice invoqué par le demandeur serait éventuel et futur. Il a précisé que Fernand A... se serait présenté en son étude à la fin de l' année 1994 pour y faire enregistrer le testament litigieux, précisément le 28 décembre 1994 ; que le 18 janvier 1995, l' étude avait reçu un courrier émanant de Maître D... notaire à TECUMSEH ONTARIO Canada ; que le 30 janvier 1995, elle y avait répondu, en libellant par erreur l' adresse avec mention erronée " ETATS UNIS D' AMERIQUE " ; que cependant, ce courrier aurait bien été acheminé puisqu' il n' aurait pas été retourné à l' expéditeur ; que néanmoins, le 20 septembre 1996, l' étude Y... avait adressé un nouveau courrier à l' étude de Maître D... ; qu' elle avait aussi interrogé une Société de Développement Economique de Guyane dont les références figuraient au testament, par courrier du 5 janvier 1995 ; qu' en droit, son obligation se résumait à aviser le légataire universel de l' existence du testament.
Il a contesté la responsabilité qui lui est imputée et a demandé reconventionnellement la somme de 500. 000 FCP à titre de dommages et intérêts pour requête abusive, outre frais irrépétibles,
Par décision en date du 22 novembre 2001, le Tribunal de Première Instance de Papeete a notamment :
« - dit recevable devant le Tribunal de Première Instance de Papeete l' action en responsabilité dirigée contre Maître Philippe Y... notaire à Papeete ;
- dit Maître Y... notaire à Papeete responsable pour moitié du préjudice subi par Z...
AA... à raison du versement aux consorts A...- BURLOT de la somme de 230 000 dollars canadiens, en méconnaissance du legs universel dont il bénéficiait.
- condamné Maître Y... à verser à Z...
AA... la somme de 10. 062. 500 FCP à titre de réparation ;
- dit le Tribunal de Première Instance de Papeete incompétent à connaître du litige né du règlement de la succession de feu Fernand A... ;
- renvoyé le demandeur à se pourvoir de ce chef devant les juridictions civiles de l' Etat de l' ONTARIO- Canada, ou devant le Tribunal de Grande Instance du lieu de résidence des défendeurs, ou encore devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Brieuc, lieu de situation de l' immeuble litigieux ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- mis les dépens à charge de Maître Philippe Y... ».
3- Exposé succinct de la présente procédure :
Par requête déposée au greffe le 2 avril 2002, Me Y... a interjeté appel de cette décision.
M. Z...
AA... était représenté à l' instance.
Les consorts A... / B... étaient représentés à l' instance.
La procédure a été clôturée le 28 octobre 2005.
4- Résumé des moyens et exposé des prétentions des parties :
A- Exposé des prétentions et résumé des moyens de Me Y... :
Il demande à la Cour dans sa requête d' appel, de :
« Recevoir Maître Y... en son appel et le dire bien fondé ;
Réformer en toutes ses dispositions le jugement du 22 novembre 2001 ;
Au principal, constater que les juridictions de Polynésie sont incompétentes au profit des juridictions de l' Etat de l' Ontario et / ou du Tribunal de Grande Instance du lieu de situation des immeubles supposés ;
Renvoyer Monsieur AA...
Z... à mieux se pourvoir ;
Déclarer irrecevable la demande de première instance de Monsieur AA...
Z... qui s' analyse en une requête préventive, voire interrogative, ne pouvant faire la preuve d' un préjudice quelconque au regard d' une succession qu' il déclarait lui- même ignorer si elle avait été appréhendée ;
Constater que le Notaire a rempli ses obligations au regard d' un légataire universel et d' héritiers non réservataires ;
Constater que le Tribunal a fait siennes les allégations de Monsieur Z...
AA... sur une prétendue dilapidation d' une somme de 230. 000 dollars américains ou canadiens ?
Relever que le Tribunal ne pouvait affirmer que le premier courrier de Maître Y... s' est forcément perdu, alors même qu' un courrier suivant en référence n' était nullement contesté par son destinataire ;
Relever que le Tribunal ne pouvait affirmer que Monsieur AA...
Z... avait chargé son Notaire de recueillir le legs universel, alors même que celui- ci avait la « saisine » et qu' au titre du testament seules des parts de Société située en Guyane dépendaient de ladite succession ;
Constater que le Tribunal ne pouvait retenir une responsabilité « partagée » entre Maître Y... et le Notaire canadien nullement appelé en la cause, et sans doute principal responsable, en sa qualité de Notaire chargé de la succession, d' éventuelles dilapidations ;
Constater encore que le Tribunal a statué « ultra petita » en ce qu' il a accordé des dommages et intérêts à Monsieur AA... qui ne demandait qu' une provision à valoir au vu d' une expertise ;
Constater que Monsieur AA...
Z... a tenté une procédure intempestive avant même que de tenter d' appréhender une succession à lui revenir dont on ignore si elle a véritablement été détournée ;
Dire qu' en cas d' échec avéré et définitif il pourra alors éventuellement rechercher la responsabilité du Notaire qui est loin d' être certaine ;
En tant que de besoin :
Enjoindre à Monsieur E... de verser aux débats le courrier par lui adressé fin 1994 ou début 1995 à Maître AA... Notaire ;
Lui enjoindre pareillement de se justifier sur le document versé aux débats en première instance et non traduit, qualifié de « Application for Administration » ;
Lui enjoindre encore de s' expliquer sur les renseignements qu' il détenait du Canada quant au décès de Monsieur Fernand A..., et sur sa connaissance du nom du Notaire en charge de la succession ;
De manière générale, de renseigner pleinement la Cour d' appel sur tous ces éléments par lui occultés en première instance ;
Condamner Monsieur AA...
Z... à payer à Maître Y... une somme de 500. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et forcément vexatoire ».
Puis dans des conclusions postérieures, en date du 14 mai 2004, il demande à la cour de :
« Adjuger au concluant l' entier bénéfice de ses écritures ;
Se déclarer incompétent comme précédemment requis ;
Débouter Monsieur Z...
AA... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Constater que Monsieur Z...
AA... refuse de verser aux débats son courrier adressé au Notaire canadien courant 1994, et qui a provoqué la réponse de celui- ci par courrier du 30 janvier 1995 ;
Constater que Monsieur Z...
AA... est de mauvaise foi, et en tirer toutes conséquences de droit ;
Relever qu' il appert que les Consorts F... ont distrait de la succession des biens qui auraient dû revenir à Monsieur Z...
AA... ;
Enjoindre à ce dernier de réclamer au premier chef la répétition de l' indu, et constatant l' enrichissement sans cause les condamner en tant que de besoin au remboursement des sommes par eux détournées ;
Dire que Monsieur Z...
AA... ne saurait attaquer à titre principal un Notaire sans rapporter la preuve d' un préjudice et, selon la jurisprudence « d' établir la perte définitive de sa créance » ;
Statuer comme précédemment requis ».
Au soutien de son appel il expose :
- qu' il « appartenait à Monsieur E... de saisir les juridictions compétentes de l' Etat d' Ontario ; que par ailleurs, en présence de biens immobiliers, il appartenait également au demandeur de saisir le Tribunal de Grande Instance du lieu de situation des immeubles ; que la juridiction de Papeete est radicalement incompétente pour statuer sur un litige alors que le préjudice est éventuel et futur » ;
- que « la seule obligation qui pesait sur lui était d' aviser le légataire de l' existence du testament afin de lui permettre de prendre possession des biens de la succession ; qu' il appartenait à ce dernier de veiller sur ce patrimoine afin de ne pas en être dépossédé » ;
- qu' en tout état de cause « la responsabilité du Notaire ne peut jouer qu' en cas de faute prouvée, et non pas simplement alléguée à venir et éventuelle, et démontrée ce qui n' est déjà pas le cas ; d' un préjudice certain, évident, actuel et fixé, ce qui n' est pas plus le cas, Monsieur E... ne soutenait que des hypothèses ; d' une relation de cause à effet entre une faute démontrée et un préjudice évident, ce qui fait défaut ; que l' on ne pouvait donc en l' état condamner le Notaire sur des suppositions de succession abusivement appréhendée par des héritiers non réservataires dont on ne connaît même pas la consistance ;
- que « le Tribunal a condamné pour moitié Maître Y..., avec une autre partie nullement en cause, à indemniser à titre de dommages et intérêts Monsieur AA...
Z... sur la prétendue dilapidation de dollars canadiens ou américains dont il n' est pas rapporté la preuve, au motif qu' un courrier, pourtant nullement contesté, adressé à un Notaire se serait d' évidence perdu alors même que le Notaire canadien était, comme précisé, en charge de la succession ; qu' à ce titre il devait la régler au premier chef ; que Maître Y... a écrit gracieusement à ce Notaire pour l' informer de l' existence de Monsieur AA...
Z... (que celui- ci connaissait déjà pour lui avoir écrit précédemment), et en simple connaissance d' un testament qui faisait état pour actif unique de parts d' une Société qui se trouvait nullement au Canada mais en Guyane ; que le Tribunal au surplus ne s' est nullement inquiété des prétendues dilapidations alléguées de la part des Consorts A..., en les condamnant à rembourser, malgré demande « subsidiaire » du demandeur ; mais a préféré condamner le Notaire, en l' absence de tout préjudice démontré, sans enjoindre à AA...
Z... d' appréhender la succession à lui revenir alors même qu' aucune faute n' était démontrée, qu' aucun préjudice certain n' était avancé, qu' aucune relation de cause à effet n' en découlait à l' évidence ».
B- Résumé des moyens et exposé des prétentions des consorts A... / B... :
Ils font valoir :
- que Messieurs André EDY, Marcel A.... Théodore A..., Pierre A..., et les consorts B... Jean- Noël, Michel, Loïc, Alain, venant en représentation de leur mère, Madame Suzanne A... épouse B... décédée le 18 novembre 1992, sont respectivement les frères et neveux de Monsieur Fernand A..., demeurant de son vivant au CANADA à Windsor en Ontario, et décédé audit lieu le 8 décembre 1993 ; que par ailleurs, en cours de procédure, Monsieur Marcel A..., l' un des défendeurs, est décédé, le 18 juillet 2001 ;
- que c' est à tort que Monsieur E... a saisi la juridiction de PAPEETE d' une action, à titre subsidiaire, de nature successorale, le défunt n' ayant jamais eu ni intérêt, ni domicile, ni biens en Polynésie ;
- que l' action de Monsieur E..., dirigée contre eux qui vise à ce que le jugement à intervenir sur la responsabilité notariale leur soit déclaré commun, est irrecevable, pour défaut d' intérêt ; qu' il ne peuvent en effet en aucun cas être appelés à garantir le notaire d' éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées contre lui dans le cadre de sa responsabilité civile professionnelle ;
- que les demandes visant à obtenir de la Cour d' appel qu' il soit relevé qu' ils ont distrait des biens qui auraient dû revenir à Monsieur E... d' une part et à les voir, après constat de leur enrichissement sans cause, condamner au remboursement des sommes détournées par eux d' autre part, constituent à l' évidence des demandes nouvelles formées pour la première fois devant la Cour d' appel, de telles demandes n' ayant pas été formées ni discutées en première instance.
En conséquence, ils demandent à la Cour de :
- « constater l' irrecevabilité des demandes nouvelles formées par Monsieur Philippe Y... devant la Cour ;
- débouter Monsieur Philippe Y... et Monsieur E... de leurs demandes dirigées contre les consorts F... ;
- confirmer l' incompétence d' attribution et l' incompétence territoriale de la juridiction de Papeete et les dispositions du jugement entrepris visant à l' incompétence du Tribunal de Première Instance de Papeete pour connaître du litige portant sur le règlement de la succession de feu Fernand A..., et au renvoi du demandeur à se pourvoir de ce chef devant les Juridictions civiles de l' Etat l' Ontario- CANADA, ou encore devant le Tribunal de Grande Instance de Saint- Brieuc, lieu de situation de l' immeuble litigieux ;
- réformer le jugement en ce qu' il a rejeté la demande au titre de frais irrépétibles qu' ils ont présentée ;
- condamner Monsieur Y... et Monsieur Z...
AA... à payer solidairement aux consorts F... au titre des frais irrépétibles de première instance la somme de 150 000 XPF et au titre des frais irrépètibles d' appel la somme de 200 000 XPF par application des dispositions de l' article 48- 1 ;
- condamner Monsieur. Y... et Monsieur Z...
AA... aux entiers dépens dont distraction d' usage ».
C- Résumé des moyens et exposé des prétentions de M. Z...
AA... :
Il fait valoir :
- que Fernand A... est décédé sans postérité ; qu' il avait donc vocation à recueillir l' intégralité de la succession ;
- que le moyen d' incompétence des juridictions de Papeete a déjà été soulevé par Maître Y... en première instance et a été facilement écarté par le premier juge ; que l' action en responsabilité de Maître Y... peut parfaitement être jugée par les juridictions de Papeete ; que l' action principale est bien et clairement une action en responsabilité, introduite pour des fautes commises à l' occasion du règlement des problèmes successoraux, lesquels n' ont aucune influence sur les règles de compétence applicables à ce procès en responsabilité ;
- qu' il est clair également que l' appel à la cause des héritiers dans le cadre de cette action principale est justifié et que cet appel en cause dans la demande principale n' en change pas la nature ;
- que les héritiers non réservataires ont reçu, ce qui était dû au légataire universel ; qu' il se peut qu' ils l' aient fait dans l' ignorance de l' existence d' un légataire universel, mais que même en ce cas ils sont redevables du legs ; qu' ils en doivent (subsidiairement) la délivrance en droit et la restitution en fait, ou l' indemnisation à due concurrence s' ils ont dissipé les actifs successoraux ; que cette demande est donc une demande subsidiaire, qui peut être valablement formée, et compétemment formée subsidiairement devant une juridiction dont la compétence n' est pas discutable sur l' action principale ;
- qu' en dehors de la demande principale, qui ressortit manifestement à la compétence du Tribunal de PAPEETE, l' action successorale aurait de toute manière pu être ouverte à titre principal devant les juridictions de Papeete ;
- que Maître Y... était chargé par Monsieur Z...
AA... son client, légataire universel, des démarches utiles à le remplir de ses droits ; que la faute de Maître Y... réside dans l' adresse erronée figurant sur une lettre d' une importance capitale, mais aussi, de manière générale, dans la négligence du suivi du dossier de Monsieur Z...
AA... ; qu' il est de principe que l' obligation d' information et de conseil inclut celle de prendre toutes initiatives pour rendre efficace l' acte rédigé, en l' espèce le testament authentique dont Maître Y... était dépositaire ; que la succession de feu Fernand A... ayant été liquidée en l' absence de Monsieur E..., le testament authentique a perdu toute son efficacité, et c' est Maître Y... qui en est responsable, à défaut de pouvoir démontrer l' inverse ; que la responsabilité du notaire est une responsabilité autonome ; que la faute de Maître Y... a été démontrée, le préjudice également, et le lien de causalité ne fait aucune difficulté ; qu' en conséquence, le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete sera confirmé en ce qu' il a déclaré Maître Y... responsable du préjudice subi par Monsieur Z...
AA... ;
- qu' en revanche, ledit jugement sera infirmé en ce qu' il n' a déclaré Maître Y... responsable que « pour moitié » dans le préjudice subi par Monsieur E... ; qu' en effet, Maître D... a adressé à Monsieur Z...
AA... le 18 janvier 1995 une lettre qui laisse apparaître qu' il n' était pas informé que le concluant était institué légataire universel de feu Fernand A... ; que cette lettre appelait une réponse et des instructions qui n' ont pas été faites ni données par Maître Y..., alors pourtant que Monsieur Z...
AA... l' avait expressément chargé de ses intérêts ; que l' on ne peut donc, semble- t- il reprocher à Maître D... d' avoir procédé à la liquidation de la succession de feu Fernand A... dans la mesure où il n' était pas informé de l' existence du testament, et ceci par la faute de Maître Y....
En conséquence, il demande à la Cour de :
« - Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete le 22 novembre 2001 :
En conséquence,
- S' entendre constater que Monsieur Z...
AA... est légataire universel de feu Fernand, Jean- Baptiste A..., en vertu du testament authentique reçu par Maître C..., notaire à Papeete, le 25 juillet 1986 ;
- S' entendre constater que l' erreur matérielle ayant consisté à adresser un courrier aux ETATS UNIS et non au Canada (lettre du 30 janvier 1995), le retard et la carence persistante du notaire, comme encore le défaut d' information et de conseil, engagent la responsabilité de Maître Y..., tant de son chef personnel que du chef de son préposé, Monsieur Pierre I..., signataire de ladite lettre ;
- S' entendre dire et juger en conséquence que le notaire a manqué à ses obligations ;
- S' entendre constater que les Consorts F..., héritiers du de cujus, ont pu, par ce fait, recevoir la succession consistant notamment en des valeurs en numéraires importantes, outre un immeuble rural dans les Côtes- du- Nord et des parts d' une société de GUYANE, ainsi que des créances contre une société SOEG et contre un tiers, VERNET ;
- Dire et juger, qu' en raison de la responsabilité autonome des notaires, il n' appartient pas à Monsieur E..., en l' état du règlement déjà opéré de la succession de feu Fernand A..., de procéder à des exécutions contre les héritiers pour les sommes ou biens qu' ils ont pu, dans des conditions à ce jour inconnues du requérant, recevoir et d' ailleurs dissiper ;
- Condamner en conséquence Maître Philippe Y... à payer à Monsieur E... le montant de ses droits, à évaluer, dans la succession de feu Fernand A... ;
- Commettre, pour procéder à l' évaluation de l' actif net de ladite succession, tel expert qu' il plaira au Tribunal désigner ;
- Déclarer commun aux consorts F... le jugement à intervenir ;
- Condamner Maître Y... au paiement d' une provision de 50. 000. 000 FCFP, ainsi qu' au paiement d' une somme de 500. 000 CFP an titre des frais irrépétibles, et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maîtres Jean- Claude BB... et Gilles J... avocats aux offres de droit ;
Très subsidiairement et si par impossible, le Tribunal estimait devoir rejeter la demande qui précède.
- Dire et juger que les consorts F... sont redevables du legs universel prévu par feu Fernand A... au bénéfice du requérant, et devront le remplir de ses droits, soit en nature, soit par équivalent ;
- Commettre en ce cas tel expert qu' il plaira au Tribunal désigner ;
- Dire qu' il aura, pour mission d' établir l' actif de la succession appréhendée ou non par les consorts F... ;
- Surseoir à statuer sur la liquidation définitive des comptes entre parties ;
- Condamner en ce cas in solidum, ou à tout le moins par parts et portions, les consorts F... à payer à Monsieur AA... la somme de 50. 000. 000 FCFP à titre de provision ;
- Statuer de même qu' en la demande principale, en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ».
II- DISCUSSION :
1- A propos de la compétence territoriale :
En droit, le tribunal compétent est le tribunal du lieu où demeure le défendeur. En ce qui concerne les actions réelles immobilières, le tribunal compétent est le tribunal de la situation des immeubles. En matière de succession, le tribunal compétent est le tribunal du lieu où la succession est ouverte. Les demandes entre héritiers ressortissent à la compétence du tribunal du défendeur.
En l' espèce, l' action ressortit à la compétence du tribunal du domicile le défendeur, soit le tribunal de première instance de Papeete, en ce qu' elle est fondée sur la responsabilité du notaire. En revanche, le tribunal de première instance de Papeete est incompétent pour statuer sur une demande en délivrance de legs formée à l' encontre des consorts A... / B..., même sous couvert d' une action en déclaration de jugement commun.
Il conviendra en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.
2- A propos de la responsabilité du notaire :
M. Z...
AA... reproche pour l' essentiel au notaire d' avoir commis un certain nombre d' erreurs et de négligences dans le suivi de son dossier et d' avoir manqué à son obligation d' informations et de conseil.
Me Y... affirme avoir rempli ses obligations et qu' il appartenait à M. E... de veiller sur son patrimoine afin de ne pas en être dépossédé ; qu' en tout état de cause, sa responsabilité n' est pas engagée en l' absence de faute, de préjudice certain et de relation de cause à effet entre la faute et le préjudice ; qu' en outre, il est intervenu gracieusement dans cette affaire.
Il est en l' espèce établi que l' étude de Me Y... a transmis le 30 janvier 1995 et le 20 septembre 1996 des courriers à Me D... et le 5 janvier 1995 un courrier à la société SOEG (Société de Développement Economique de la Guyane), courrier parvenu par erreur à la société SOFIDEG. Ces courriers s' inscrivent manifestement dans le cadre de la prise en charge du dossier de M. E....
Me Y... ayant en charge le dossier de M. E..., il avait l' obligation de le suivre et de donner des conseils à M. E....
Il est incontestable que le courrier transmis le 30 janvier 1995 n' a pas été transmis à une adresse utile dans la mesure où il a été transmis aux Etats- Unis d' Amérique au lieu d' être transmis au Canada. Il s' agit là manifestement d' une erreur. En ce qui concerne le courrier du 5 janvier 1995 il a également été transmis par erreur à une mauvaise adresse.
En ce qui concerne l' absence d' information et de conseil, Me Y... estime qu' il était tenu d' aviser les légataires mais qu' il n' était pas tenu de prévenir les héritiers par le sang non réservataires de l' existence du testament qui les exhérédait et qu' il est allé au- delà de son obligation en avisant le notaire chargé à l' étranger de la succession de l' existence du testament par deux courriers.
Il n' est toutefois pas reproché à Me Y... de ne pas avoir prévenu les héritiers par le sang non réservataires de l' existence du testament qui les exhérédait ; en revanche, Me Y... n' apporte pas la preuve qu' il a utilement rempli son devoir de conseil pour permettre à M. E... de sauvegarder son patrimoine.
L' existence de fautes et le manquement à l' obligation de conseil sont en l' espèce établis. Il n' est par ailleurs pas contesté qu' une partie de la succession a été versée aux consorts A... / B... ce qui constitue manifestement l' existence d' un préjudice si M. E... devait rencontrer des difficultés pour recouvrer ces sommes si ses droits étaient établis de manière incontestable.
Il convient cependant d' établir un lien entre les fautes reprochées au notaire et le préjudice que M. E... prétend avoir subi. En l' espèce, on ignore dans quelles conditions le notaire canadien a procédé à la liquidation de la succession et notamment s' il a procédé à la liquidation de la totalité de la succession et s' il avait connaissance du testament en faveur de M. E.... Cette absence d' informations ne permet pas établi un lien entre les fautes et le préjudice. Cette absence d' informations résulte du choix de M. E... d' agir en responsabilité contre le notaire plutôt que d' agir devant la juridiction compétente pour statuer sur une action successorale ce qui aurait permis de mettre en cause toutes les personnes intéressées par le présent litige.
Il convient en conséquence de surseoir à statuer sur cette demande jusqu' à ce que M. E... ait saisi la juridiction compétente pour statuer en matière de succession, soit le tribunal du lieu d' ouverture de la succession.
Il convient en conséquence d' infirmer la décision déférée de ce chef.
3- A propos des demandes formées à l' encontre des consorts A... / B... :
a- par M. E... :
Ainsi qu' il a été précisé plus haut, la demande formée par M. Z...
AA... à leur encontre ne relève pas de la compétence territoriale de la juridiction de Papeete. En outre, ainsi que l' ont fait remarquer à juste titre les consorts A... / B..., l' action de M. E..., dirigée contre eux, qui vise à ce que le jugement à intervenir sur la responsabilité du notaire leur soit déclaré commun est irrecevable pour défaut d' intérêt dans la mesure où ils ne pourraient en aucun cas être appelés à garantir le notaire d' éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées contre lui dans le cadre de sa responsabilité civile professionnelle.
b- par Me Y... :
Il s' agit à l' évidence de demandes nouvelles en cause d' appel qui ne pourront qu' être rejetées. En outre, il s' agit de demandes non chiffrées dont on peut penser qu' il s' agit plutôt de moyens insérés par erreur dans le dispositif que de réelles prétentions.
4- A propos de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
Le droit d' agir en justice peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsqu' il revêt un caractère abusif et dilatoire. L' allocation de dommages et intérêts suppose l' existence d' une faute et d' un préjudice.
En l' espèce, il n' est pas établi que M. E... a, par une présentation de moyens manifestement infondés, commis une faute constitutive d' une action abusive ou dilatoire.
Il convient en conséquence de débouter Me Y... de sa demande de dommages et intérêts.
5- A propos des demandes fondées sur les dispositions de l' article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française :
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Me Y... tous les frais qu' il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; M. E... devra lui verser à ce titre la somme de 250. 000 FCP.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge des consorts A... / B... tous les frais qu' ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; M. E... devra leur verser à ce titre la somme de 150. 000 FCP et Me Y... devra leur verser à ce titre la somme de 50. 000 FCP.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
- déclare l' appel recevable ;
- confirme la décision déférée en ce qu' elle a statué sur la compétence territoriale ;
- sursoit à statuer sur la question de la responsabilité du notaire ;
- enjoint à M. E... de saisir la juridiction compétente pour régler la succession ;
- dit que M. E... devra avoir saisi la juridiction compétente pour régler la succession dans le délai d' un an à compter du présent arrêt ;
- dit qu' à défaut, la présente affaire sera radiée du rôle ;
- déboute Me Y... de ses demandes en condamnation de M. E... pour procédure abusive ;
- déboute Me Y... de ses demandes formées à l' encontre des consorts A... / B... ;
Y ajoutant,
- condamne M. E... à payer à Me Y... la somme de deux cent cinquante mille (250. 000) francs pacifique en application de l' article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française ;
- condamne M. E... à payer aux consorts A... / B... la somme de cent cinquante mille (150. 000) francs pacifique en application de l' article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française ;
- condamne Me Y... à payer aux consorts A... / B... la somme de cinquante mille (50. 000) francs pacifique en application de l' article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française ;
- condamne M. E... aux dépens avec distraction au profit de Maître MALGRAS et de Me QUINQUIS qui déclarent en avoir fait l' avance ;
- renvoie l' affaire à l' audience de mise en état du 15 décembre 2006.
Prononcé à Papeete, le 30 mars 2006.
Le Greffier, Pour le Président empêché,
Le Conseiller,
M. SUHAS- TEVERO P. MOYER