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12/12/2022 | FRANCE | N°21/002381

France | France, Cour d'appel de noumea, 01, 12 décembre 2022, 21/002381


No de minute : 295/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 12 Décembre 2022

Chambre Civile

Numéro R.G. : No RG 21/00238 - No Portalis DBWF-V-B7F-SGQ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :20/1675)

Saisine de la cour : 26 Juillet 2021

APPELANT

SAEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représenté par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

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M. [B] [E]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Pierre-louis VILLAUME, a...

No de minute : 295/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 12 Décembre 2022

Chambre Civile

Numéro R.G. : No RG 21/00238 - No Portalis DBWF-V-B7F-SGQ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :20/1675)

Saisine de la cour : 26 Juillet 2021

APPELANT

SAEM BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT,
Siège social : [Adresse 2]
Représenté par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [B] [E]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Pierre-louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, président,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseiller
qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Mme Marie-Claude XIVECAS, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

----------------------

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant requête signifiée le 17 juillet 2020 et enregistrée an greffe de la juridiction le 22 juillet suivant, la société Banque calédonienne d'investissement ( dite B.C.I.) a fait citer M. [B] [E] devant le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de le voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire au paiement de la somme de 6.543.715 francs pacifique , outre intérêts au taux légal avec anatocisme, et celle de 200.000 francs pacifique en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet Boissery - Di Luccio - Verkeyn, avocats .

Par jugement en date du 17 mai 2021, le tribunal de première instance de Nouméa, statuant hors la présence de M. [B] [E], ni comparant ni représenté a:

- condamné M. [B] [E] à payer en deniers et quittances valables à la société banque calédonienne d'investissement la somme de 3.299.555 francs pacifique, augmentée des intérêts de droit à compter de la signification de la décision,
- dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1154 du code civil,
- debouté la société banque calédonienne d'investissement (B.C.I.) du surplus de ses demandes,
- condamné M. [B] [E] à payer à la société banque calédonienne d'investissement (B.C.I.) la somme de 90.000 francs pacifique en application de l'article700 du code de PROCÉDURE civile,
- condamné M. [B] [E] aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet Boissery - Di Luccio - Verkeyn, avocats aux offres de droit,
- ordonné l'exécution provisoire.

PROCÉDURE D'APPEL

La BCI a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée le 26 juillet 2021.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives , notifiées par voie électronique le 27 novembre 2021,auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et le dire bien fondé ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] à lui payer la somme de 3 299 555 francs pacifique augmentée des intérêts de droit à compter de la signification de la décision ;
-l'infirmer en ce qu'il a débouté la BCI du surplus de ses demandes,
Et, statuant à nouveau,
-condamner Monsieur [B] [E] à lui payer la somme de 3.739.060 F francs pacifique au titre de l'utilisation frauduleuse de la carte de paiement No[XXXXXXXXXX03]
- condamner Monsieur [B] [E] à payer à la BCI la somme de 200.000 Francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit du Cabinet Boissery-Diluccio-Verkeyn , avocats à la cour, aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 févier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [E] demande à la cour de :
- de le recevoir en ses écritures et les dire justes et bien fondées ;
En conséquence :
- vu l'article 1315 du Code Civil
- vu les pièces versées aux débats
- débouter la BCI de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement déféré en son intégralité ;
- condamne la BCI à verser à M. [E] la somme de 150.000 francs pacifique au titre des frais irrepétibles et ce conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- condamner la BCI aux entiers dépens et dont distraction au profit de Me Pierre-Louis Villaume, avocat a la Cour, aux offres de droit.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de la banque calédonienne d'investissement qui reproche au premier juge d'avoir rejeté une partie de sa demande en paiement et forme par ailleurs une demande additionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

I Sur la demande en paiement

Le tribunal a fait partiellement droit à la demande de la BCI en condamnant M. [E] au paiement de la somme de 3 299 555 francs pacifique, correspondant au montant de la dette dont celui ci s'était reconnu débiteur envers la demanderesse, ( soit 6 282 855 francs) déduction faite des remboursements qu'il avait déjà effectués pour un montant de 2 983 300 francs .

La BCI critique le premier juge en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes et réclame la condamnation de la partie adverse à lui verser en outre une somme de 3 739 060 francs.
Elle explique que M. [E], qui n'est pas son client a eu recours au service d'une banque en ligne, la banque "Révolut" qui permet aux porteurs de cartes prépayées de retirer des espèces ou d'effectuer des paiements auprès des commerçants, à l'étranger. Elle indique qu'à la suite de dysfonctionnements dans la gestion des flux monétiques, affectant à la fois des distributeurs de billets de la BCI et des terminaux équipant ses partenaires commerçants, M. [E] a utilisé des cartes prépayées au delà du montant de la provision disponible sur son compte Révolue du mois de juin au mois d'octobre 2019. La BCI explique en effet, que tout de suite après avoir effectué un retrait et reçu les billets, il recevait sur son téléphone portable un avis d'annulation de débit.
Elle explique que si M. [E] a reconnu avoir ainsi utilisé les cartes numérotées [XXXXXXXXXX06] et [XXXXXXXXXX07] , et pour un montant de 6 282 855 francs pacifique et signé une reconnaissance de dette pour ce montant le 15 octobre 2019, il n'a pas évoqué en revanche l'usage de deux autres cartes, portant les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX08] , alors que l'enquête permettait d'établir, quelque temps plus tard, au mois de décembre 2019 qu'il avait également utilisé la carte [XXXXXXXXXX08] établi au nom de son entreprise, AUTO WASH pour un montant impayé de 3 739 060 francs pacifique. Elle rappelle qu'elle a déposé plainte le 4 décembre 2019 et que, dans le cadre de l'instruction de cette plainte, les enquêteurs ont obtenu du service en charge de la commercialisation des cartes Revolut, l'identité à la fois du titulaire de la carte qui a été effectivement établie au nom de l'entreprise AUTOWASH et de son porteur qui n'est autre que M. [E]. Elle estime que cette information constitue une preuve suffisante, au regard des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil en rappelant qu'en droit bancaire, le porteur d'une carte bancaire est responsable de son usage même s'il n'en est pas le titulaire.

M. [E] fait valoir qu'il n'a pas reconnu avoir fait usage de cette carte no [XXXXXXXXXX08], ni être redevable de la somme de 3 739 060 francs que réclame la banque. Il soutient en second lieu qu'il n'est pas titulaire de cette carte, et qu'il ne saurait supporter les dettes de la société AUTOWASH. Il ajoute que la BCI n'apporte aucune preuve de l'usage frauduleux qu'il aurait fait, à titre personnel de cette carte alors que cette preuve lui incombe en vertu de l'article 1315 du code civil et qu'elle ne saurait se présumer de sa seule qualité de gérant de cette société, contrairement à ce qu'énonce la partie adverse.
En conséquene, il conclut à la confirmation du jugement qui a débouté la banque de la demande en paiement fondée sur l'usage de la carte [XXXXXXXXXX08].

La cour observe qu'en l'absence de tout lien contractuel entre la banque BCI et M. [E], l'action de l'établissement bancaire est nécessairement fondée sur la responsabilité civile extra contractuelle du défendeur soumise aux règles édictées par les articles 1382 et 1983 du code civil Ces textes imposent à l'auteur d'un dommage de réparer le préjudice qui en ait résulté pour autrui dans son intégralité, que ce préjudice découle d'une faute, d'un simple fait, d'une négligence ou d'une imprudence.

Il ressort des pièces versées aux débats, et des informations recueillies dans le cadre de l'enquête menée par les servies de police que la carte no [XXXXXXXXXX08] a été délivrée au nom de l'entreprise AUTOWASH, qui exerce une activité de lavage d'automobiles, exploitée sous le statut de l'auto entreprenariat, par M. [E]. Cette auto entreprise a été immatriculée le 15 avril 2018. Il est également produit par la BCI un extrait du registre des commerces et des sociétés, édité le 6 juillet 2021, duquel il ressort, qu'auparavant, la même activité était exercée sous la même enseigne " AUTO WASH " mais sous le statut de société commerciale à responsabilité limitée, et sous la double responsabilité de M. [E] et de M. [R], Co-gérants, mais que cette société était mise en sommeil depuis le 26 septembre 2017.
Il en découle que la seule personne physique ayant détenu la carte bancaire délivrée au nom de l'entreprise du mois de juin 2019 au mois d' octobre 2019,période au cours de laquelle les retraits litigieux ont été réalisés, était bien M. [E], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise Auto Hasch et par ailleurs, seule personne à en connaître le code confidentiel . A ce titre, il est présumé en avoir seul l'usage sauf à démontrer par tous moyens qu'il n'est pas l'auteur des retraits litigieux . Or, force est de constater qu'il n'apporte pas cette preuve, à défaut d'avoir formé en temps utile opposition à l'emploi de ce moyen de paiement.

De même , M. [E] ne peut utilement arguer du fait que ces opérations ont été effectuées pour le compte de son entreprise, pour se soustraire à toute condamnation au paiement, alors qu'il ressort de l'examen des opérations litigieuses, que celles ci correspondent en quasi totalité à des retraits effectués auprès de divers distributeurs automatiques de la ICI , principalement entre le 10 et le 12 août 2019 seulement et pour des montants toujours identiques, de 3000 , 12 000, puis 65 000 francs pacifiques. Il est peu probable, compte tenu de ces éléments, qu'elles se rapportent à des dépenses conformes aux besoins de l'activité de lavage d'automobiles .
Par ailleurs, le statut d'auto entreprise sous lequel M. [E] exploite cette activité depuis le 15 avril 2018, exclut l'existence de toute personne morale, qui aurait à répondre des engagements , ou des dépenses faites pour son compte par son dirigeant auprès des tiers. Ainsi le moyen opposé par M. [E] prétendant ne pas être personnellement tenu des dettes de sa société doit être écarté.
Enfin, la ICI produit les courriers électroniques échangés entre M. [E] et M. [G], fondé de pouvoir au sein de la ICI , entre le mois de janvier 2020 et le mois de juillet 2020 . La cour observe que dans son mail daté du 22 juillet 2020, M. [E], qui interroge la banque sur la possibilité d'un arrangement à l'amiable, autre que le recours à un crédit de consommation pour rembourser les sommes dues, n'évoque aucune contestation particulière au sujet de la carte [XXXXXXXXXX08].
Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer la décision rendue par le tribunal de première instance de Nouméa le 17 mai 2021 et de condamner M. [B] [E] à payer à la banque ICI la somme de 3 739 060 francs pacifique au titre de l'usage de la carte bancaire de paiement no [XXXXXXXXXX03]

II Sur les frais irrépétibles

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. [B] [E] à verser à la banque ICI une somme de 200 000 francs pacifique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

III Sur les dépens

M. [B] [E], qui succombe devant la cour sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré,

- Infirme le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 17 mai 2021 en ce qu'il a débouté la Banque calédonienne d'investissement du surplus de ses demandes ;

Et, statuant à nouveau,

- Condamne M. [B] [E] à verser à la Banque calédonienne d'investissement la somme de 3 739 060 francs pacifique au titre de l'utilisation de la carte de paiement no [XXXXXXXXXX03],

- Confirme le jugement querellé en toutes ses autres dispositions

Y ajoutant,

- Condamne M. [B] [E] à verser à la Banque calédonienne d'investissement la somme de 200 000 francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

- Condamne M. [B] [E] aux dépens de l'instance d'appel , dont distraction au profit du cabinet au profit du Cabinet Boissery-Diluccio-Verkeyn , avocats à la cour, aux offres de droit.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 21/002381
Date de la décision : 12/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 17 mai 2021


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-12-12;21.002381 ?
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