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29/08/2022 | FRANCE | N°22/001201

France | France, Cour d'appel de noumea, 01, 29 août 2022, 22/001201


No de minute : 196/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Août 2022

Chambre Civile

Numéro R.G. : No RG 22/00120 - No Portalis DBWF-V-B7G-TAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :22/93)

Saisine de la cour : 29 Avril 2022

APPELANTS

S.A.R.L. TRAVAUX PUBLICS DE NOUVELLE CALEDONIE (TPNC), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice,
Siège social : [Adresse 4]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS

LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

S.C.P. CBF ASSOCIES, ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL TPNC, Sièg...

No de minute : 196/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Août 2022

Chambre Civile

Numéro R.G. : No RG 22/00120 - No Portalis DBWF-V-B7G-TAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :22/93)

Saisine de la cour : 29 Avril 2022

APPELANTS

S.A.R.L. TRAVAUX PUBLICS DE NOUVELLE CALEDONIE (TPNC), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice,
Siège social : [Adresse 4]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

S.C.P. CBF ASSOCIES, ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL TPNC, Siège social : [Adresse 6]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

S.E.L.A.R.L. MARY LAURE [I], ès qualité de mandataire judiciaire de de la SARL TPNC,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS DetS LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.C. SOCIETE CIVILE FAMILIALE REGINA, prise en la personne de ses représentants légaux,
Siège social : [Adresse 7]
Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Juillet 2022, en audience publique, devant la cour composée de M. Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats M. Petelo GOGO et Mme Cécile KNOCKAERT lorsd e al mise à disposition

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La société civile familiale (SCF) REGINA a entrepris la réalisation d'un lotissement de 160 lots sur un terrain dont elle est propriétaire, lieu-dit de la [Localité 8], aux abords de l'aérodrome de [Localité 10]. La commercialisation des lots s'effectue en même temps que les travaux s'agissant d'une VEFA, les lots étant vendus avant l'achèvement des travaux de viabilisation sous réserve de la souscription d'une garantie bancaire en faveur des acquéreurs.

Les phases d'études (d'avant-projet, de projet et d'exécution) ont été accomplies par la société SEI ès-qualité de maître d'oeuvre de conception générale de l'opération.

Par la suite, la société TPNC a été rendue attributaire du marché des travaux de terrassement et VRD tandis que la société SEI a obtenu que lui soit confiée la direction de l'exécution du chantier, toujours en qualité de maître d'oeuvre.

L'ordre de service de démarrage des travaux a été notifié le 17 juillet 2020.

Après un peu plus de quatre mois de déroulement, le maître de l'ouvrage, REGINA, a résilié par courrier du 30 novembre 2020 le marché de maîtrise d'oeuvre de la SEI et a désigné en remplacement la société BECIB.

Immédiatement, la société BECIB a constaté des anomalies importantes dans la direction de l'exécution du chantier, ces circonstances conduisant le maître d'ouvrage a suspendre le marché de la société TPNC le temps de procéder a l'ensemble des vérifications nécessaires.

Dès le 9 décembre 2020, la société TPNC était en demeure d'avoir a transmettre les pièces essentielles du marché dont la mise au point lui incombait contractuellement, et en particulier les plans d'exécution et de détails qui sont indispensables à la vérification des métrés et donc des conditions économiques du marché.

La société TPNC a contesté le droit du maître de l'ouvrage de remplacer son maître d'oeuvre et a engagé une procédure de référé tendant à l'instauration d'une expertise et à la condamnation provisionnelle de la société REGINA à lui payer des indemnités au titre de la période de suspension.

Dans ces conditions, la société REGINA a résilié le marché de travaux de la société TPNC le 14 avril 2021. TPNC a par suite le 5 mai déposé une déclaration de cessation de paiements arguant de « la perte d'un marché de plusieurs milliards pour lequel elle a fait d'ores et déjà des travaux pour plus de 400 millions XPF que le maître d'ouvrage, qui a abandonné brutalement son projet faute de financements suffisants, refuse de lui régler.»

TPNC a été placée pour 6 mois en redressement judiciaire le 07 juin 2021 par jugement du TMC désignant la SCP CBF et la Selarl [I] en qualités d'administrateur judiciaire et fixant la date provisoire de cessation des paiements au 1er mars 2021. Par décision du 23 mai 2022, TPNC a été placée liquidation judiciaire.

La société TPNC a obtenu (Ordonnance de référé du 07 mai 2021) à ce titre une provision de 38 000 000 XPF et la désignation de Monsieur [T] en qualité d'expert judiciaire. La Cour d'appel de Nouméa dans un arrêt du 05 août 2021 a porté la provision à la somme de 214 000 000 XPF. Cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en date du 05 novembre 2021.

Au vu de cette décision, la société TPNC a fait inscrire par bordereau le 24 janvier 2022 une hypothèque judiciaire défintive pour sûreté de la créance de 214 millions XPF sur l'ensemble du lotissement faisant obstacle, ce faisant, à la vente des lots.

La SCF REGINA a demandé devant le tribunal de Nouméa l'annulation voire la réduction de cette inscription hypothécaire principalement à raison de ce qu'elle a été effectuée sans l'intervention de l'administrateur judiciaire.

TPNC, [I] et CBF ont expliqué qu'une inscription d'hypothèque n'était pas un acte de disposition et ne nécessitait pas le concours de l'administrateur judiciaire.

Par jugement du 15 avril 2022, le tribunal de Nouméa a :

1. Prononcé la mise hors de cause du service des hypothèques

2. Annulé l'inscription d'hypothèque car effectué sans le concours de l'administrateur judiciaire au motif qu'investi d'une mission d'assistance sans restriction, la SCP CBF devait assister le débiteur dans tous les actes, en ce compris tout acte d'administration tel qu'une inscription hypothécaire

3. Rejeté la demande d'exécution provisoire et les demandes de frais irrépétibles

Par requête conservatoire en date du 29 avril 2022, la société TPNC, la SCP CBF, administrateur judiciaire et la Selarl [I] ont relevé appel de la décision précitée.

Le 03 mai 2022, la société REGINA a produit un mémoire d'intimée et obtenu par ordonnance du juge de la mise en état du 10 mai 2022 la fixation de l'audience au 11 juillet 2022.

Par jugement en date du 23 mai 2022, TPNC a été placée en liquidation judiciaire et l'instance interrompue (article 369 CPCNC).

La SCF REGINA a sollicité par requête en date du 16 juin 2022 que soit constatée la reprise de l'instance en appelant en la cause la mandataire-liquidateur, la Selarl [I] par citation du 17 juin 2022. Pour mémoire, l'article 374 du CPCNC dispose que dans ce cas, l'instance reprend son cours en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue étant observé que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge, la fixation de l'audience au 11 juillet étant une simple mesure d'administration judiciaire.

Dans ses conclusions déposées à l'audience et développées oralement, TPNC soulève l'irrecevabilité de l‘action de REGINA en ce qu'elle n'a pas été portée devant la juridiction commerciale seule compétente pour connaître « des actions dont la solution dépend des règles de la procédure collective » et subsidiairement réclame l'infirmation partielle du jugement rendu par le tribunal de Nouméa le 15 avril 2022 et la condamnation de l'intimée à la somme de 500 000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC.

Dans ses écritures aux fins de reprise d'instance, la SCF REGINA demande la confirmation du jugement querellé en qu'il a annulé l'inscription hypothécaire et subsidiairement qu'il soit jugé que cette hypothèque est « excessive » au sens des articel 2444 et 2445 CC. Elle sollicite de la Cour qu'elle la cantonne au seul lot no 74 du lotissement [Localité 8] outre le paiement de 500 000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la compétence exclusive du tribunal mixte de commerce de Nouméa

Dans ses conclusions d'appel, TPNC fait état de l'incompétence du tribunal civil et de l'irrecevabilité consécutive de l'action entreprise par REGINA au vu de l'article 339 de la délibération 352 du 18 janvier 2008 qui dispose que le tribunal saisi d'une sauvegarde, d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation connaît de tout ce qui concerne les procédures concernées. En l'espèce, le tribunal mixte de commerce étant saisi du redressement judiciaire depuis le 07 juin 2021, il appartenait à cette seule juridiction de connaître de la contestation touchant à l'hypothèque judiciaire.

Cet argument sera rejeté étant observé qu'il aurait du être relevé in limine litis autrement dit devant le premier juge ce qui n'a pas été le cas.

Sur la régularité de l'inscription hypothécaire 

L'inscription hypothécaire du 27 janvier 2022 prise par TPNC est contestée en ce qu'elle a été inscrite sous la signature du seul gérant de la société à l'exclusion de celle de l'administrateur judiciaire. Le premier juge, afin de valider l'inscription, a par suite considéré que l'administrateur « ... dès lors qu'il est investi d'une mission d'assistance sans restriction, doit assister le débiteur pour tous les actes d'administration, ce qui est le cas d'une inscription d'une hypothèque judiciaire ».

Il s'avère néanmoins que cette prise d'hypothèque ne mettait nullement en péril le patrimoine de la société TPNC mais qu'à l'inverse, elle permettait de sauvegarder ses actifs s'agissant en particulier d'une décision de la cour d'appel ayant porté à 214 millions de francs la provision mise à la charge de REGINA à valoir sur l'indemnité d'attente (arrêt du 05 août 2021).

Il s'agissait de la prise d'une sûreté soit un acte conservatoire ayant pour objet de soustraire le patrimoine ou un de ses éléments à un péril imminent moyennant une faible dépense par rapport à la gravité du péril. La signature de l'administrateur n'était donc pas nécessaire, la mission de représentation imposée par la procédure collective ne pouvant constituer un obstacle à ce que le débiteur lui-même puisse accomplir des actes intéressant l'entreprise, puisqu'ils sont permis aux incapables eux-mêmes. De manière générale, le dessaisissement d‘un débiteur laisse subsister la faculté d'accomplir des actes conservatoires

Le jugement du tribunal sera donc infirmé sur ce point.

Sur la réduction de l'inscription hypothécaire 

L'article 2445 du code civil de Nouvelle-Calédonie dispose : « Sont réputées excessives les inscriptions qui frappent sur plusieurs domaines lorsque la valeur d'un seul ou de quelques-uns d'entre eux excède de plus d'un tiers en fonds libres le montant des créances en capital et accessoires légaux »

La SCI REGINA relève que l'hypothèque qu'elle conteste porte sur le lot no 158 soit plusieurs domaines comprenant 160 parcelles distinctes d'une valeur vénale de près de 5 milliards de francs à mettre en regard de la provision accordée de 214 millions. Elle propose en conséquence la réduction de l'assiette de la sûreté en substituant le lot no 74 estimé entre 270 et 280 millions à dire d'expert.

La Selarl [I] et TPNC font valoir d'une part qu'ils sont inscrits en 3e rang après deux hypothèques de la Société Générale en garantie de plus d'un milliard de francs, d'autre part que ce lot n'existait pas lors de l'audience devant le premier juge et surtout que la valeur annoncée résulte d'un rapport non contradictoire de M. [H] lequel ne tient pas compte de ce que ce lot est situé à proximité de la piste de l'aérodrome et de la mangrove et qu'il apparaît vierge de tout bâtiment sur les plaquettes de commercialisation du lotissement puisqu'il serait réservé à la végétation.

En l'espèce, il ressort d'un simple examen des pièces produites au dossier qu'à l'évidence la sûreté inscrite est manifestement excessive par rapport à la créance à garantir puisque plus de 20 fois inférieure au lot hypothéqué : il convient donc de procéder à sa réduction.

Pour rejeter la proposition de substituer le lot 74 au lot 158, TPNC conteste principalement la caractère non contradictoire de l'expertise et le fait que son auteur n'aurait pas tenu compte de sa situation à proximité de l'aérodrome.

Or ce rapport qui comprend 34 pages apparaît particulièrement complet et a été rédigé par M. [H] expert honoraire près la cour d'appel de Nouméa et membre de la Compagnie nationale des experts. Concernant plus particulièrement le lot no 74, il indique que cette parcelle «  se destine tout naturellement à un ensemble immobilier d'une certaine envergure » précisant « ...combien ce terrain peut intéresser un promoteur d'autant plus que dans [Localité 11] intra muros et à plus forte raison à l'intérieur de quartiers résidentiels, qui plus est avec vue mer, un tel terrain à bâtir est impossible à trouver en particulier pour une surface aussi conséquente."  Ce lot no 74 d'une surface de 6443 m² peut prétendre à des droits à construire pour 2577 m² « ...soient en définitive un total de 5154 m² constructibles. » (p. 8) pour une valeur « ...qui se situe dans une fourchette de 270 millions à 280 millions de francs » (p. 25)

D'où il résulte que ce lot n'est pas un terrain de vil prix et se trouve plus en rapport avec la créance de TPNP : en conséquence de quoi, l'inscription sera validée mais réduite au lot no 74.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles. En revanche, la SCI REGINA qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort,

DÉCLARE recevable et fondé l'appel de la société TPNC repris par la Selarl [G] [I] ès qualités de mandataire liquidateur de la société suite au jugement du tribunal mixte du commerce en date du 23 mai 2022 convertissant le redressement judiciaire de TPNC en liquidation judiciaire ;

CONSTATE la reprise d'instance interrompue par la liquidation judiciaire de l'appelant,

REJETTE l'exception d'incompétence soulevée ;

INFIRME le jugement déféré en date du 15 avril 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il prononcé la mise hors de cause du service de la publicité foncière de la Nouvelle-Calédonie et statuant à nouveau ;

ORDONNE la réduction de l‘hypothèque judiciaire définitive inscrite le 27 janvier 2022 par la société TPNC au lot no 74 du lotissement [Adresse 9], numéro d'inventaire cadastral [Cadastre 5] [Cadastre 3]-[Cadastre 1], commune de [Localité 11] d'une surface de 6443 m² ;

DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions complémentaires ;

CONDAMNE la société REGINA, intimée aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 22/001201
Date de la décision : 29/08/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 15 avril 2022


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-08-29;22.001201 ?
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