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04/07/2022 | FRANCE | N°21/003551

France | France, Cour d'appel de noumea, 01, 04 juillet 2022, 21/003551


No de minute : 161/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 4 juillet 2022

Chambre civile

Numéro R.G. : No RG 21/00355 - No Portalis DBWF-V-B7F-SP7

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 octobre 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :21/327)

Saisine de la cour : 4 novembre 2021

APPELANT

Association syndicale libre dénommée "SYNDICAT DES PROPRIETAIRES DU LOTISSEMENT BAIE DE NAIA",
Siège : [Adresse 2]
Représentée par Me Vanessa ZAOUCHE de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au bar

reau de NOUMEA

INTIMÉ

S.C. NP, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adress...

No de minute : 161/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 4 juillet 2022

Chambre civile

Numéro R.G. : No RG 21/00355 - No Portalis DBWF-V-B7F-SP7

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 octobre 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :21/327)

Saisine de la cour : 4 novembre 2021

APPELANT

Association syndicale libre dénommée "SYNDICAT DES PROPRIETAIRES DU LOTISSEMENT BAIE DE NAIA",
Siège : [Adresse 2]
Représentée par Me Vanessa ZAOUCHE de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.C. NP, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Philippe GANDELIN de la SELARL PHILIPPE GANDELIN, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par assignation en date du 2 juillet 2021, la société civile NP (Naïa Plage) a saisi le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé d'un recours en rétractation à l'encontre de l'ordonnance rendue le 28 mai 2021 autorisant l'ASL du lotissement de la Baie de Naïa à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de I'étude notariale Calvet, Lèques, Baudet, Desoutter, Calvet pour sûreté et conservation d'une créance en principal évaluée à la somme de 282 574 093 F CFP.

Au soutien de son recours, la société NP a exposé, qu'au mois d'août 2002, M. [Y] [F], représentant la société en formation NP, avait conclu avec le bureau d'études Becib un contrat de maîtrise d'oeuvre portant sur la réalisation d'un lotissement de 120 lots dénommé Baie de Naïa à [Localité 3] ; que toutes les études techniques avaient été réalisées, notamment l'étude de faisabilité géotechnique confiée à la société A2EP en janvier 2003 dès lors qu'une partie du lotissement situé en bord de mer se trouvait sur un marécage et, qu'à chaque grande marée haute, le sol était recouvert d'eau salée ; qu'au vu de ces études, un premier permis de lotir portant sur 177 lots et une marina avec trois axes de canaux, a été accordé le 4 août 2003 sur une parcelle de 47 hectares entre la mer et la route municipale RM 24.

La société NP a ajouté, qu'en novembre 2003, elle a obtenu un nouveau permis de lotir afin d'intégrer l'extension du lotissement comprenant 80 lots (dont 46 en bord de canal portant le nombre à 118) et de la marina avec deux branches supplémentaires axe 12 prolongé et axe 16. Elle a souligné que le laboratoire LBTP avait réalisé, à la demande de la société Becib, un avis sur la stabilité des canaux de la marina no 2, à savoir la partie correspondant à l'extension de la marina, et, qu'en avril 2004, une autre étude de faisabilité géotechnique relative au déplacement de la RM 24 « Baie de la Naïa » avait été réalisée par la société A2EP.

Elle a soutenu que les travaux avaient été réalisés sous le contrôle du maître d'oeuvre conformément aux préconisations des différentes études géotechniques, et a précisé que, le 30 octobre 2006, la société NP avait transmis la propriété des communs à l'ASL, qui avait réceptionné les lots dont les buses.

S'agissant de la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 28 mai 2021 autorisant l'ASL du lotissement de la Baie de Naïa à pratiquer une saisie conservatoire, elle a fait valoir que celle-ci ne disposait d'aucune créance paraissant fondée en son principe dès lors que le rapport d'expertise de M. [S], sur lequel elle fondait sa demande, n'engageait pas la responsabilité de la SCI NP, les causes des désordres étant clairement identifiées dans les rapports du LBTP, de la société A2EP et des autres bureaux spécialisés, comme résultant des travaux réalisés par les propriétaires des lots voisins au lot talus, avec l'accord tacite de l'Agence générale.

Elle a ajouté que les sociétés Becib, LBTP et A2EP, dont la responsabilité était susceptible d'être engagée, étaient assurées de sorte qu'il n'existait aucun péril dans le recouvrement d'une éventuelle créance.

L'association syndicale libre dénommée "Syndicat des propriétaires du lotissement baie de Naïa", représentée par l'Agence générale, par conclusions récapitulatives déposées à l'audience du 6 octobre 2021, a sollicité la confirmation de l'ordonnance rendue le 28 mai 2021 l'autorisant à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de l'étude notariale Calvet, Lèques, Baudet, Desoutter, Calvet pour sûreté et conservation d'une créance en principal évaluée à la somme de 282 574 093 F CFP, ainsi que la condamnation de la société NP à lui verser la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Sarl Zaouche Ranson.

Elle a contesté la fin de non-recevoir soulevée par la société NP tenant à l'absence de qualité pour la représenter de l'Agence générale en faisant valoir que les statuts modifiés de l'ASL prévoyaient qu'elle pouvait être administrée par un syndicat nommé par l'assemblée générale, comprenant un directeur, un secrétaire et un trésorier, fonctions qui peuvent être exercées par une seule et même personne, physique ou morale, membre ou non membre de l'association, exerçant à titre personnel ou professionnel, ce qui était le cas de l'Agence générale qui était habilitée à représenter l'association en justice.

Sur la demande en rétractation, l'ASL a maintenu qu'elle disposait d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre de la société NP résultant de sa responsabilité mise en évidence par l'expert [S] dans les désordres affectant l'ouvrage au niveau des lots 337 (canal) et des lots 321, 328, 323 et 330 (buses).

Elle a soutenu que les critiques du rapport d'expertise formulées par la société NP n'étaient pas fondées et a contesté toute prescription de son action.

Elle a relevé qu'il existait bien un péril dans le recouvrement de sa créance car la société NP tentait de vendre les actifs lui appartenant encore dans le lotissement de la baie de Naïa, alors que sa responsabilité était susceptible d'être engagée à hauteur de 282 574 093 F CFP.

Par ordonnance de référé du 22 octobre 2021, le président du tribunal de première instance de Nouméa a statué ainsi qu'il suit :
Ordonnons la rétractation de notre ordonnance rendue le 28 mai 2021 autorisant l'ASL du lotissement de la baie de Naïa à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de l'étude notariale Calvet, Lèques, Baudet, Desoutter, Calvet pour sûreté et conservation d'une créance en principal évaluée à la somme de 282 574 093 F CFP ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Condamnons l'ASL du lotissement de la baie de Naïa aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

L'ASL du lotissement de la baie de Naïa , par requête en date du 4 novembre 2021, a interjeté appel de la décision.

Le mémoire ampliatif d'appel a été enregistré au RPVA le 6 décembre 2021.

Dans ses conclusions récapitulatives enregistrées au RPVA le 17 mai 2022, l'ASL fait valoir, pour l'essentiel :- que la société NP a forcé le notaire, à coups de sommations remises par huissier, à exécuter l'ordonnance de référé ; qu'elle ne saurait aujourd'hui profiter de sa propre turpitude pour revendiquer que l'appel de l'ASL serait sans objet, l'ordonnance ayant été exécutée ; que faute de la violation du principe du contradictoire exigée par l'article 524 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie pour solliciter du premier président l'arrêt de l'exécution provisoire, elle a dû se tourner vers les dispositions de l'article 958 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande formée, in limine litis, tendant à constater la disparition du litige en raison du fait que les fonds saisis ont été versés à la société NP au vu de l'ordonnance de rétractation du 22 octobre 2021 ayant abouti à l'annulation de la saisie conservatoire du 2 juin autorisée par l'ordonnance du 28 mai 2021 ;
- que, conformément aux dispositions de l'article 48 de procédure civile ancien, issue de la loi 55-1475 du 12 novembre 1955 :
* l'existence de la créance est bien fondée en son principe au vu notamment du rapport d'expertise de l'expert [S] qui traduit la réalité des désordres des enrochements et des buses de la tranche 5 et la responsabilité de la société NP qui n'a donné aucune mission aux sociétés LBTP et A2EP pour s'assurer de la consistance du sol qui s'est révélé argileux ; que la responsabilité de la société NP est ainsi susceptible d'être engagée à hauteur de la somme de 282 574 093 F CFP ;
* l'urgence et le péril du recouvrement de la créance sont manifestes au regard de l'importance de la dette et du fait que la société NP tente de vendre les actifs lui appartenant encore dans la baie de Naïa ; que le risque d'insolvabilité organisée par la société NP est bien réelle.

En conséquence, l'ASL demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les dispositions des articles 48 et suivants de l'ancien code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie,
INFIRMER l'ordonnance du 22 octobre 2021 en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 22 octobre 2021 ;
Statuant de nouveau : CONSTATER que l'ASL justifie d'une créance paraissant fondée en son principe ;
CONSTATER que l'ASL justifie du péril encouru dans le recouvrement de sa créance ; CONFIRMER l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021 en toutes ses dispositions et en ce qu'elle a autorisé l'ASL, pour sûreté de la créance qu'elle détient sur la société civile NP, évaluée provisoirement à la somme 282 574 093 F CFP, à pratiquer une saisie conservatoire à l'encontre de la société NP entre les mains de l'étude Calvet Lèques Baudet Desoutter Calvet ;
REJETER la demande de rétractation formulée par la société NP à l'encontre de l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021 ;
REJETER la demande de constatation de l'extinction de l'instance formulée par la société NP ; CONSTATER que l'ASL se réserve le droit de solliciter ultérieurement devant le tribunal la réparation des conséquences dommageables liées à l'exécution à ses risques et périls de la société NP de l'ordonnance de référé du 22 octobre 2021 ;

CONDAMNER la société NP à payer à l'ASL la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles de la présente instance d'appel, ainsi que 300 000 F CFP pour les frais irrépétibles de la première instance, ainsi que les dépens, distraits au profit de la SARL ZAOUCHE RANSON.

*********************
Par conclusions responsives et récapitulatives enregistrées au RPVA le 31 mars 2022, la société NP fait valoir pour l'essentiel :
- qu'en exécution de l'ordonnance de rétractation de référé du 22 octobre 2022 revêtue de l'exécution provisoire de droit et de l'ordonnance du premier président du 29 mars 2022, le notaire a versé les fonds qu'il détenait en sa qualité de tiers saisi à la SC NP le 30 mars 2022 ;
- qu'in limine litis, elle fait observer que la demande de confirmation de l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021 dans toutes ses dispositions et en ce qu'elle a autorisé l'ASL pour sûreté de la créance qu'elle détient sur la société civile NP évaluée provisoirement à la somme de 282 574 093 F CFP à pratiquer une saisie conservatoire à l'encontre de la société NP (Naïa plage) entre les mains de l'étude Calvet Lèques, Baudet, Dessouter, Calvet, n'a plus aucun sens et se trouve dénuée de tout fondement et qu'il y a lieu de constater l'extinction de l'instance ;
- que l'existence d'une créance fondée en son principe n'est pas établie à l'égard de la société NP, celle-ci n'étant que maître d'ouvrage et ayant confié la réalisation du lotissement à divers bureaux d'étude ou à des entrepreneurs de travaux publics sur qui repose l'entière responsabilité, in fine, des possibles désordres qui auraient été constatés et pouvant faire l'objet d'une indemnisation au profit de l'ASL ; que le rapport de l'expert [S] ne met pas en cause la SC NP pour les problèmes d'enrochement qui pour lui sont le fait d'une pente trop forte 33 % au lieu de 25,8% d'après les calculs du LBTP ; qu'à ce jour, cette affaire est toujours pendante devant le tribunal de première instance de Nouméa et que toutes les parties dont la responsabilité est recherchée par l'ASL, et donc pas uniquement celle de la société NP, n'ont toujours pas déposé leurs premières conclusions en réponse ;
- que cette affaire remonte à novembre 2016, sans que l'ASL, qui réclamait déjà à l'époque une indemnité de 200 000 000 F CFP, se soit préoccupée de garantir de quelque façon sa demande injustifiée ; qu'en conséquence, dans de telles conditions, il est difficile à l'ASL de faire subitement état d'une prétendue urgence après avoir attendu plus de cinq années avant de se manifester ;
- que le péril est tout aussi inexistant aujourd'hui qu'au 18 novembre 2016 ; que c'est ainsi faussement et de façon calomnieuse que l'ASL fait écrire que la société NP chercherait à organiser subitement son insolvabilité, voire à s'empresser de percevoir le prix de vente d'un des lots dont elle est encore propriétaire pour le distribuer à ses associés, omettant de préciser que la société NP étant une société civile, ses associés sont personnellement tenus sur leurs biens personnels de ses dettes.

En conséquence, la société NP demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
In limine litis :
CONSTATER l'extinction de l'instance ;
A titre subsidiaire :
CONFIRMER dans son intégralité l'ordonnance de référé de rétractation no21/00187 du 22 octobre 2021.
En conséquence :

ORDONNER la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 02 juin à l'encontre de la société NP (Naïa plage) entre les mains de l'étude Calvet, Lèques, Baudet, Dessouter, Calvet.
DEBOUTER l'ASL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER l'ASL à verser à la SC NP la somme de 350 000 F CFP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL PHILIPPE GANDELIN aux offres de droit.
*******************

L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 24 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la demande formée in limine litis par la société NP tendant à constater la fin de l'instance

Attendu que la société NP sollicite, in limine litis, que la cour constate la "disparition du litige" mettant ainsi fin à l'instance ;

Attendu que si la société NP a demandé au notaire, en sa qualité de tiers saisi, de lui remettre les fonds saisis en juin 2021, au vu de l'ordonnance de référé du 22 octobre 2021 assortie de l'exécution provisoire qui avait ordonné la rétractation de l'ordonnance de saisie conservatoire du 28 mai 2021, le fait que ces fonds aient été effectivement reversés à la société NP n'a aucunement eu pour effet de faire "disparaître" le litige comme le soutient la société NP ; qu'en conséquence, la demande relative à l'extinction de l'instance formée par la société NP doit être rejetée ;
De l'infirmation de l'ordonnance du 22 octobre 2021 en ce qu'elle ordonné la rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 48 de procédure civile ancien, issue de la loi no 55-1475 du 12 novembre 1955, rendu applicable sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie en vertu des dispositions de la délibérations no429 du 4 avril 1967 relative aux mesures conservatoires en matière de procédure civile, que : "En cas d'urgence et si le recouvrement de la créance semble en péril, le président du tribunal de grande instance ou le juge d'instance du domicile du débiteur ou dans le ressort duquel sont situés les biens à saisir pourra autoriser tout créancier, justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe, à saisir conservatoirement les meubles appartenant à son débiteur.
L'ordonnance rendue sur requête énoncera la somme pour laquelle la saisie sera autorisée. Elle fixera au créancier le délai dans lequel il devra former, devant la juridiction compétente, l'action en validité de saisie conservatoire ou la demande au fond, à peine de nullité de la saisie." ;

Attendu que le président de la juridiction peut ainsi autoriser un créancier à prendre une mesure conservatoire à l'encontre de son débiteur, dès lors qu'il justifie des conditions légales suivantes : une créance fondée en son principe, un péril dans son recouvrement et une situation urgente ;

1/ De la créance fondée en son principe

Attendu que deux rapports d'expertise judiciaires sollicités par les colotis et réalisés par M. [P] en date du 20 mai 2014 et par M. [S] en date du 21 avril 2021 ont mis en exergue la réalité des désordres subis par les enrochements du canal de la cinquième tranche du lotissement du fait de terrains argileux saturés par les eaux ; que l'expert [S] a ainsi relevé qu'aucune étude géotechnique n'avait été réalisée sur cette cinquième tranche qui relevait de la diligence du lotisseur maître d'ouvrage, soit de la société NP ; que le rapport de [S] a également mis en relief la réalité des désordres touchant les buses de la cinquième tranche fournies par le maître de l'ouvrage qui se sont révélées d'une résistance insuffisante ce qui s'est traduit par des dysfonctionnements dans l'écoulement des fluides et des migrations abondantes d'eau en sol et des risques d'effondrements dans les zones fragilisées ; que cette expertise rendue par M. [S], désigné par ordonnances du juge de la mise en état des 30 octobre 2017 et du 19 décembre 2019, a abouti à un rapport du 21 avril 2021 qui a évalué les travaux de reprise à un coût total de 282 574 093 F CFP ; que ce rapport est de nature à caractériser une créance paraissant fondée en son principe ; que l'ordonnance entreprise sera ainsi infirmée sur ce point ;

2/ De l'urgence et du péril du recouvrement de la créance

Attendu que l'ASL soutient que la société NP s'est désintéressée de la procédure au cours de l'expertise judiciaire en ne participant qu'à la première réunion d'expertise du 13 février 2018 représentée par son seul conseil et en délaissant celles du 26 novembre 2019 et du 13 août 2020, alors même que l'ASL fixait dès novembre 2016 sa créance à 200 000 000 F CFP ; qu'elle ajoute que la société NP reconnaît dans ses écritures avoir besoin de fonds pour réaliser de nouveaux projets ;

Attendu que la société NP soutient qu'elle n'est que maître d'ouvrage et qu'elle a confié la réalisation des lots et des équipements à des constructeurs et bureaux d'études qui sont responsables des divers désordres identifiés et qui, in fine, devront supporter le coût des remises en état et dommages et intérêts, le cas échéant avec la garantie de leur assureur ; qu'en outre, elle précise qu'elle détient encore deux autres lots importants, dont un commercial de 1 hectare 98 ares, ayant une valeur approximative de 200 000.000 F CFP ; qu'en conséquence, l'urgence et le péril quant au recouvrement de la créance ne sont pas démontrés ;

Attendu qu'il y a lieu de relever l'importance de la créance, le relatif désintérêt constaté au cours de l'expertise judiciaire de la part de la société NP ce qui a retardé les conclusions de l'expert judiciaire [S] et c'est notamment traduit par des non communications de pièces ou des retards dans leur transmission, le placement en liquidation judiciaire de la société Kagitra dont le gérant, M. [F], est le même que celui qui gère la société NP et la nécessité pour la société NP de se procurer des fonds pour ses nouveaux projets ainsi qu'elle le précise dans ses écritures ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments pris en leur ensemble, que l'urgence et le péril dans le recouvrement de la créance sont caractérisés dès lors que la société NP ne démontre pas avoir les capacités financières de faire face, le cas échéant et le moment venu, au paiement d'une créance aussi élevée ; que la décision entreprise sera ainsi réformée ;

Attendu qu'il convient en conséquence de dire qu'il y a lieu de rejeter la demande de rétractation formulée par la société NP à l'encontre de l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021 ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions la décision entreprise, et

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de constatation de l'extinction de l'instance formulée par la société NP ;

Constate que l'association syndicale libre (ASL) dénommée "Syndicat des propriétaires du lotissement baie de Naïa" justifie d'une créance paraissant fondée en son principe ;

Constate que l'ASL justifie du péril encouru dans le recouvrement de sa créance ;

En conséquence,

Rejette la demande de rétractation formulée par la société NP (Naïa Plage) à l'encontre de l'ordonnance présidentielle du 28 mai 2021 ;

Condamne la société NP à payer à l'ASL la somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles de la présente instance d'appel, ainsi que 200 000 F CFP pour les frais irrépétibles de la première instance, ainsi que les entiers dépens, distraits au profit de la SARL ZAOUCHE RANSON.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 21/003551
Date de la décision : 04/07/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 22 octobre 2021


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-07-04;21.003551 ?
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