Arrêt du 23 Avril 2015
Chambre coutumière
Numéro R. G. : 15/ 00011
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 décembre 2014 par la SECTION DETACHEE DE KONE (RG no : No B14/ 23)
Saisine de la cour : 15 Janvier 2015
APPELANT
Mme Clarine X... (mère de la mineure Z... Y..., née le 16. 08. 2000 à Nouméa) née le 02 Juin 1977 à NOUMEA (98800) demeurant...-...-98835 DUMBEA
Comparante
AUTRE INTERVENANT
Mme Emma X... (grand-mère maternelle) demeurant 98815 HIENGHENE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 168 du 27/ 03/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)
Comparante et assistée de Me Siggrid KLEIN, avocat au barreau de NOUMEA
M. Franck Y... (père de la mineure Z... Y..., née le 16. 08. 2000 à Nouméa) né le 07 Novembre 1980 à demeurant...-98822 POINDIMIE
Non comparant
LE MINISTERE PUBLIC
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Avril 2015, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
M. Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président, M. Régis LAFARGUE, Conseiller, M. François DIOR, Conseiller, M. Martial TYUIENON, assesseur coutumier de l'aire Xaracuu, M. Wapone CAWIDRONE, assesseur coutumier de l'aire Nengone, M. Emmanuel AYAWA, assesseur coutumier de l'aire Paici-Camuki, M. Jean EURISOUKE, assesseur coutumier de l'aire Paici-Camuki,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Régis LAFARGUE.
Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :- contradictoire,- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par M. Pierre GAUSSEN, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
La mineure Z... Y... est née, le 16 août 2000, des relations de M. Franck Y... (domicilié à Poindimié) et de Mme Clarine X... (originaire de Hienghène). Après avoir vécu moins d'un an dans la famille de M. Franck Y..., le couple s'est séparé, la mère amenant l'enfant avec elle.
A partir de 2005, Mme Clarine X... s'est remise en ménage avec M. D.... Ils se sont installés à... et ont eu deux autres enfants : Geneva et Alexis D....
Le 25 mars 2010 un signalement venant de l'école a mis en évidence de nouvelles violences subies par Z... du fait de sa mère (il existe un précédent signalement datant du 21 avril 2008).
Une enquête sociale judiciaire ordonnée par le juge des enfants de Nouméa le 15 février 2013 souligne que les maltraitances de la mère sur sa fille perdurent, que la mineure veut quitter le foyer familial, car à cela s'ajoutent des faits d'atteintes sexuelles commis par M. D... (le beau-père) sur Z... comme sur Geneva (rapport de Mme E... déposé le 23 mai 2013). Le 27 mai 2013, Z... a été placée en famille d'accueil chez Mme F... à Katiramona. Des rencontres médiatisées avec sa mère ont été organisées. M. D..., le beau-père, a été condamné par le tribunal correctionnel en juillet 2013 (15 mois dont 6 avec sursis) pour les faits commis sur Z.... Lors du placement en famille d'accueil, M. Franck Y... (le père) a repris contact avec sa fille. Et un rapport du 6 novembre 2013 proposait un rapprochement de l'enfant avec la famille maternelle dans le nord qui aurait aussi permis le rapprochement avec le père (enfant confiée à l'ASE du Nord, et scolarisation à Poindimié).
Par jugement du 14 novembre 2013 le placement de la mineure auprès de la DPASS Sud a été renouvelé. Une mesure d'AEMO a été ordonnée.
Puis, l'enfant été confiée à son père Franck Y... à compter du 3 février 2014 jusqu'au 23 novembre 2014 à charge pour lui de l'inscrire à l'internat de Poindimié. Un droit de visite a été organisé au profit de la mère.
Au vu d'un nouveau rapport de l'APEJ en date du 15 octobre 2014, notamment, par jugement du 8 décembre 2014 le juge des enfants de la section détachée de Koné a :- ordonné le placement de la mineure chez sa grand-mère maternelle Mme Emma X... domiciliée à Hienghène en qualité de tiers digne de confiance pour une durée d'un an ;- prononcé le renouvellement de la mesure d'AEMO pour un an et confié sa mise en oeuvre à l'association pour la protection de l'enfance et de la jeunesse en difficulté en Nouvelle-Calédonie.
Le tribunal a considéré que, malgré l'opposition de la mère, la solution du placement chez la grand-mère maternelle était la meilleure solution pour l'enfant.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête déposée au greffe le 15 janvier 2015, Mme Clarine X... a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 2 janvier 2015.
Le 7 avril 2015, Mme Emma X... (la grand-mère maternelle) a conclu à la confirmation du jugement en soulignant qu'il serait contraire à l'intérêt de l'enfant de la replacer auprès de sa mère et du concubin de celle-ci, alors que l'enfant vit chez elle et est scolarisée à l'internat de Poindimié et qu'elle a enfin retrouvé un équilibre.
L'appelante, présente à l'audience, n'a pu exprimer les motifs de son appel.
Le parquet général a conclu à la confirmation de la décision critiquée.
MOTIFS
Il résulte du dernier rapport que " suite aux révélations de sa mère sur l'identité véritable de son père et les textos virulents envoyés par la mère à son père, Z... exprimait un fort malaise vis à vis de sa famille paternelle et demandait à partir tous les week-end chez sa grand-mère. Son comportement s'était nettement dégradé à la maison, elle s'isolait, et refusait de participer aux activités familiales. Face à son insistance et son malaise, les grands-parents paternels lui ont clairement exprimé qu'ils ne voulaient pas la retenir de force et évoquaient la possibilité d'un " changement de nom ". Z... a eu peur d'être aussitôt mise à la porte de chez ses grands-parents. Elle se disait choquée, se sentait trahie et en colère après sa mère qui avait osé transmettre ses propos de cette façon à la famille Y.... A partir de là, elle n'a eu de cesse de demander à passer toutes les fins de semaine chez sa grand-mère. Elle ne voulait plus vivre à Ina.
Pour les grands-parents paternels, cette situation n'était qu'une répétition douloureuse des événements passés lorsque la famille maternelle était venue la prendre de force, et une remise en question des gestes et de la parole donnée entre les deux familles. Z... a été confiée provisoirement à son père pour cause de maltraitances maternelles et d'abus sexuels de la part de son beau-père. Cette décision a permis d'instaurer une relation père/ fille qui n'avait jamais pu exister jusque-là. Une relation qui a évolué de façon positive. En août, ce cadre de prise en charge a changé suite aux derniers événements précédemment décrits : Z... est désormais accueillie chez sa grand-mère maternelle à Hienghène tous les week-end. Dans cette nouvelle situation, M. Y... Franck a tenu à maintenir le lien avec sa fille et reste impliqué dans son rôle de père : il va la voir à l'internat et garde des contacts avec l'école pour le suivi de sa scolarité. Depuis le début, Mme X... Clarine souffre de l'éloignement avec sa fille, et n'accepte pas qu'elle soit confiée à son père. Désireuse de garder le lien avec sa fille et de la revoir, elle est prête à tout mettre en oeuvre pour venir à Poindimié la rencontrer malgré ses difficultés et l'éloignement géographique. Cependant, par son comportement instable, parfois incontrôlable, elle entretient toujours une relation conflictuelle et agressive envers sa fille qui effraye Z... et rend difficile l'exercice de son droit de visite médiatisée dans des conditions de sécurité pour Z.... Ses révélations autour de la véritable paternité et son agressivité envers la famille paternelle ont considérablement perturbé Z... et ont provoqué un grand malaise dans sa relation avec ses grands-parents paternels qui l'accueillent. De plus, cet épisode a réveillé des tensions latentes entre les deux familles autour de la prise en charge et la place de Z.... Aujourd'hui, Z... se retrouve être l'enjeu des conflits qui opposent les parents et les deux familles depuis sa naissance. Les décisions judiciaires de placement arrivent à échéance. Depuis les derniers événements, Z... exprime avec force la demande de vivre avec sa grand-mère maternelle. Le père ne s'oppose pas au souhait de Z..., même si nous observons chez lui une certaine déception (vu son attachement pour sa fille) mais à condition de définir un cadre qui permette d'assurer sa sécurité au quotidien et d'accompagner l'évolution de sa situation. De plus, il ne peut aller à l'encontre de la décision de ses parents car il vit sous leur toit. Clarine demande la garde de sa fille ou un placement à Nouméa pour un rapprochement géographique. Elle refuse que sa fille soit confiée au père ou à sa propre mère. Les grands-parents paternels, bien qu'ils réaffirment sa place dans le clan Y... de par la parole et le geste donnés à sa naissance, ne veulent pas s'imposer à Z.... Face à sa demande forte de retourner vivre avec Emma, ils ne veulent pas la retenir et évoquent la nécessité d'un changement de nom. La grand-mère maternelle, Emma X... est d'accord pour avoir la garde de sa petite-fille sous certaines conditions : que la mère ne vienne pas chez elle voir sa fille et que la scolarité se poursuive au collège de Poindimié, tout ceci pour préserver ou protéger Z... des risques de violences maternelles. Elle affirme que dans le conflit qui l'oppose à sa fille, elle a le soutien de la famille X.... Les propositions du service sont les suivantes : Au vu de l'évolution de la situation des quatre derniers mois, les familles paternelle et maternelle se disent prêtes à répondre favorablement à la demande de Z..., pour mettre fin à un conflit qui dure entre les deux familles depuis des années et qui empêche Z... de se construire autour de repères stables et plus sereins. Mme X... Clarine est totalement opposée à cette solution et réclame la garde de sa fille. Cependant, sa souffrance inhérente à son histoire personnelle, son comportement très instable, son vécu de couple, et les enjeux autour de Z... ne permettent pas de garantir les conditions de sécurité pour l'accueil de sa fille. La question de sa place dans le clan maternel en accord entre les deux familles paraît légitime et apporte la solution à venir qui garantirait les meilleures conditions d'accueil et de prise en charge de la mineure à condition de définir un cadre qui permette d'assurer sa sécurité au quotidien et d'accompagner l'évolution de sa situation. "
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A l'audience, la mère de l'enfant réclame le retour de l'enfant avec elle sans donner de raison à cette demande.
La grand-mère maternelle, elle aussi présente, confirme que l'enfant est heureuse chez elle.
En outre, si du fait des gestes et paroles échangés à la naissance de l'enfant la place de celle-ci est en principe dans le clan paternel (Y...) dont elle porte le nom, il appartient aussi aux maternels de conserver un droit de regard sur la façon dont elle est élevée. A cet égard, la grand-mère maternelle est parfaitement fondée, conformément aux principes coutumiers, à conserver des liens avec l'enfant qui demeure rattachée au clan paternel, du moins tant qu'aucun " changement de nom " n'interviendra.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise qui est conforme, tout à la fois, aux principes coutumiers et à l'intérêt supérieur de l'enfant.
En effet, l'intérêt de l ¿ enfant est d'être élevée dans des conditions de sécurité matérielle et d'épanouissement, mais encore de conformité à des principes coutumiers qui seront, pour son avenir, déterminants de son insertion familiale et sociale.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant, en chambre du conseil et en formation coutumière, par arrêt contradictoire, déposé au greffe ;
Vu la Coutume Kanak,
Vu le rapport d'enquête sociale,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor ;
Fixe à trois (3) les unités de valeur pour le calcul de la rémunération de Mo Siggrid Klein, avocat commis au titre de l'aide judiciaire.
Le greffier, Le président,