COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 12 Mars 2015
Chambre Civile
Numéro R. G. : 15/ 00070
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Février 2015 par le Juge aux affaires familiales de NOUMEA (RG no :)
Saisine de la cour : 23 Février 2015
APPELANT
Mme Aurélie Mildred X...
née le 18 Janvier 1978 à CHOLET (49300)
demeurant ...-98820 LIFOU
Assistée de la SELARL CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. Olivier Y...
né le 31 Mai 1979 à QUIMPER (29000)
demeurant ...-98809 MONT-DORE
Assisté de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2015, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Yves ROLLAND.
Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
De la relation entre M. Olivier Y...et Mme Aurélie X... est issu A...
X..., né le 13 novembre 2006 à Nouméa, aujourd'hui âgé de huit ans.
Par jugement en date du 10 juin 2009, le Juge aux Affaires Familiales de Lifou a :
dit que l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents,
fixé la résidence habituelle au domicile de la mère,
dit qu'à défaut d'accord, le père exercera son droit de visite et d'hébergement :
une fin de semaine par mois, soit le premier week-end où la mère n'est pas d'astreinte du vendredi au lundi matin à charge pour elle de communiquer au père son planning professionnel en début de mois, la mère amenant et reprenant l'enfant à Nouméa, ses frais de transport et ceux de l'enfant étant partagés par moitié entre les deux parents,
la totalité des petites vacances, la première moitié des moyennes et grandes vacances scolaires les années paires, la seconde moitié les années impaires, le père allant chercher l'enfant à LIFOU et le raccompagnant,
fixé à 25. 000 FCFP le montant mensuel indexé de la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant,
Sur l'appel de Mme X... limité aux droits de visite et d'hébergement du père, la cour d'appel de Nouméa a, par un arrêt du 23 août 2010, réformé le jugement sur ce point et, statuant à nouveau dans cette limite, dit que, à défaut d'accord, le père exercera son droit de visite et d'hébergement :
en période scolaire, une fin de semaine par mois où la mère ne travaille pas, soit la deuxième, Mme X... amenant A...par le premier avion en provenance de Lifou le samedi matin et le reprenant le dimanche soir, une heure avant le départ de l'avion à Nouméa, ses frais de transport et ceux de l'enfant étant partagés par moitié entre les deux parents,
la totalité des vacances scolaires d'une semaine,
la première moitié des vacances scolaires de 15 jours, en ce compris la fin de semaine séparant les deux périodes,
la première moitié des grandes vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires, le père allant chercher l'enfant à Lifou et le raccompagnant.
Le 31/ 12/ 2014 Mme X... déposait deux " mains courantes " auprès des policiers du commissariat de Nouméa à la suite de l'attitude violente que M. Y...aurait eu à son égard (injures, menaces) le 28/ 12/ 2014, devant ses enfants, à propos des résultats scolaires de A....
Le 10 février 2015 Mme X... déposait plainte auprès de la gendarmerie de Lifou en raison de faits de viols (fellations) dont A...aurait été victime de la part d'un jeune voisin (17 ans) M. Z...et en avisait le père.
Le 11 février 2015, M. Y...sollicitait et obtenait une autorisation d'assigner Mme X... d'heure à heure devant le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa, section détachée de Lifou.
Au soutien de sa requête, M. Y...faisait valoir que :
- A...lui avait révélé durant la période de vacances qu'il venait de passer auprès de lui que, seul " blanc " de sa classe, il était depuis plusieurs années le souffre-douleur de ses camarades et l'objet de moqueries incessantes et racontait qu'il avait " commencé à se faire astiquer verbalement et physiquement " dès la classe de CP par un élève et que cette pratique était à présent partagée par l'ensemble des autres élèves ;
- Avertie, la mère avait minimisé les faits ;
- Il a été contacté le 10 février par les gendarmes qui lui annonçaient que A...venait d'être entendu et avait révélé être victime de viols de la part d'un jeune de la tribu et que Mme X... avait tenté de lui cacher ces faits gravissimes en tentant de dissuader les gendarmes de le prévenir ;
- L'auteur des faits étant libre au sein de la tribu où l'enfant réside, il a tenté de convaincre Mme X... de la nécessité de le laisser venir chercher A...à l'effet de le soustraire à une situation anxiogène et potentiellement dangereuse pour l'enfant qui peut à tout moment être victime de représailles pour avoir dénoncé ces faits, mais il s'est heurté au refus de cette dernière adoptant de ce fait un comportement parfaitement inadmissible, totalement contraire aux intérêts de l'enfant ;
- Mme X... n'apparaît pas en mesure de protéger cet enfant qui n'a que huit ans, n'a aucun respect pour les droits du père et affiche une volonté certaine de l'écarter, même au prix de la santé et de la sécurité de A....
Autorisé par ordonnance du 11 février 2015, M. Y...faisait citer Mme X... par acte d'huissier du 12 février 2015 devant le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa, section détachée de Lifou, à une audience devant se tenir le lendemain, 13 février 2015.
Par ordonnance du même jour, prise alors que M. Y...comparaissait en visioconférence assisté de son avocat et que Mme X... se présentait seule, après avoir déclaré la demande de M. Y...recevable et rappelé les conséquences qui s'attachent à l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents, le Juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Nouméa, section détachée de Lifou, statuant en référé :
Fixe la résidence habituelle de l'enfant A...
X... au domicile de son père, M. Olivier Y...,
autorise M. Y...à venir chercher son fils à Lifou dès le prononcé de la décision à venir, en tant que de besoin avec le concours de la force publique ;
Dit que Mme X... devra présenter l'enfant à M. Y...à l'aéroport de Lifou le samedi 14 février 2015 à 6 : 00 et l'enregistrer sur le premier vol au départ de Lifou à destination de Nouméa ;
Accorde à Mme Aurélie Mme X... un droit de visite et d'hébergement à exercer en dehors de l'île de Lifou comme suit :
en période scolaire, une fin de semaine par mois, soit la deuxième, M. Y...amenant A...au domicile indiqué par la mère en Nouvelle-Calédonie, en tant que de besoin par le premier avion en partance de Nouméa, le samedi matin et le reprenant le dimanche soir, au domicile indiqué par la mère en Nouvelle-Calédonie, en tant que de besoin une heure avant le départ du dernier avion pour Nouméa, ses frais de transport et ceux de l'enfant étant partagés par moitié entre les deux parents,
hors périodes scolaires : la seconde moitié des vacances scolaires de 15 jours, en ce compris la fin de semaine séparant les deux périodes et la seconde moitié des grandes vacances scolaires les années paires et la première moitié les années impaires, la mère allant chercher l'enfant à Nouméa au domicile de son père et le raccompagnant chez son père ;
fixe à la charge de la mère une pension alimentaire de 25 000 F Cfp par mois indexée, à titre de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun ;
rappelle que sa décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire, chacune des parties conservant à sa charge ses propres dépens.
Pour aboutir à cette décision le premier juge, après avoir relevé d'une part que l'enfant ayant rapporté qu'il subissait depuis le CP des faits de harcèlement à l'école et dénoncé le 10 février des faits de viols l'urgence était établie, que d'autre part si la mère indiquait avoir changé de logement et d'école pour son fils elle ne démontrait ni en avoir informé son père ni avoir reçu l'autorisation de ce dernier alors qu'ils exercent en commun l'autorité parentale, indiquait :
« Attendu que dans ces conditions, il est de l'intérêt de l'enfant non seulement de trouver un lieu de sécurité pour son bien-être physique et psychologique, de surcroît pendant la phase d'enquête afin de prévenir toute pression, représaille ou vengeance dont le risque est accentué par l'insularité de l'île, mais également de pouvoir vivre réellement avec ses deux parents et de ne pas être cantonné à un droit de visite et d'hébergement jusqu'à sa majorité avec le parent l'accueillant qu'au titre du droit de visite et d'hébergement, en cas de résidence fixée chez le même parent jusqu'à sa majorité ;
que dans ces conditions, il convient de rappeler que l'autorité parentale est exercée en commun et de fixer la résidence habituelle de l'enfant chez son père.../... ».
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête déposée au greffe de la cour le 23 février 2015, Mme X... interjetait appel de cette décision.
Par ordonnance du même jour, elle était autorisée à assigner M. Y...à l'audience du 5 mars 2015 à 8 : 00.
Aux termes de son mémoire ampliatif d'appel déposé en même temps que sa requête d'appel, écritures auxquelles la cour se réfère pour le détail de l'argumentation et des moyens, Mme X... conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance de référé entreprise et demande à la cour, statuant à nouveau,
à titre principal de revenir à la situation antérieure telle qu'elle résulte du jugement du 10 juin 2009 et de l'arrêt du 23 août 2010, sauf à dire que le père devra organiser le retour de l'enfant passé un délai de 24 heures après le prononcé de la décision sous astreinte de 10 000 F Cfp par jour de retard ;
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la résidence habituelle de l'enfant était fixé chez son père, de fixer son droit de visite et d'hébergement comme suit :
en période scolaire, une fin de semaine par mois, M. Y...amenant A...par le premier avion en provenance de Nouméa le samedi matin et le reprenant le dimanche soir une heure avant le départ pour Nouméa, ses frais de transport et ceux de l'enfant étant partagés par moitié entre les deux parents,
les totalités des vacances scolaires d'une semaine et la première moitié des grandes vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires, la mère allant chercher l'enfant à Nouméa et le raccompagnant ;
lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le montant de la pension alimentaire qu'elle devrait dans cette hypothèse au père pour l'entretien et l'éducation de l'enfant ;
en tout état de cause de condamner M. Y...à lui payer 300 000 F Cfp en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie et aux dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel à l'appui de ses demandes que :
- Si les rapports entre les parents ont toujours été difficiles, M. Y...ayant instauré d'emblée une véritable défiance à son égard, agrémenté de beaucoup de reproches et d'agressivité, depuis un an les relations étaient devenues plus cordiales ;
- Le 28 décembre 2014 elle reçut un appel téléphonique extrêmement virulent après que M. Y...ait pris l'initiative de faire faire à A...un test scolaire sur internet et il s'en est suivi une scène de violence verbale durant laquelle le père lui reprocha sa pseudo négligence du fait que l'enfant serait tapé à l'école et aurait un niveau scolaire déplorable, alors qu'il n'avait jamais évoqué cela auparavant, ce qui l'amenait à déposer une main courante ;
- Depuis lors M. Y...a mis en place " une machine infernale " pour récupérer par n'importe quel moyen la résidence de A...;
- Après avoir récupéré l'enfant le 3 février sur Nouméa à l'issue des vacances chez son père et être repartie le 8 février avec lui dans leur maison située tribu de Traput à Lifou, son fils lui dénonçait le 10 février les faits de viols dont il avait été victime de la part d'un voisin ;
- Après être allé immédiatement porter plainte à la gendarmerie, elle quittait dès le lendemain la tribu, cherchait un hébergement d'urgence, s'établissait temporairement sur un voilier à la marina de Wé, changeait l'enfant d'école, et prenait deux jours de congés pour rencontrer des psychologues de façon à atténuer le traumatisme de l'enfant ;
- Elle informait le père mais il s'avérait impossible de lui parler comme le relevaient les gendarmes, celui-ci entrant dans une colère folle et, au lieu de soutenir le fils et la mère dans les démarches entreprises, prenait l'initiative d'un référé d'heure à heure alors qu'elle se débattait autour de la plainte et des modalités du soutien à apporter à son fils ;
- L'ordonnance est intervenue en violation totale des droits de la défense les plus élémentaires, M. Y...n'hésitant pas à cette occasion à utiliser avec malveillance les faits de viols et les pseudo violences scolaires pour obtenir le transfert en catastrophe de la résidence de l'enfant, qui va lui être retiré en quelques heures alors qu'il vit avec elle depuis sa naissance ;
- Les deux arguments utilisés par le juge se contredisent et sont incompréhensibles car de deux choses l'une, soit il fallait sécuriser l'enfant en urgence, soit il ne le fallait pas et attendre tranquillement que le père donne son avis pour qu'elle puisse quitter la tribu ;
- Par ailleurs, doit-on comprendre que le père qui a un droit de visite et d'hébergement doit pouvoir aussi obtenir la résidence de l'enfant ? Mais quid alors de la mère qui elle-même ne bénéficie que d'un droit de visite et d'hébergement jusqu'à la majorité de l'enfant ? ;
- Alors même qu'elle a pris connaissance des faits de viols révélés par son fils comme un véritable cataclysme qui l'a anéantie et qu'elle n'a pas hésité à les dénoncer immédiatement, M. Y...n'a pas hésité avec une méchanceté et une malveillance à toute épreuve à les lui reprocher en lui imputant un défaut de surveillance, accusation aussi grave qu'infondée et particulièrement déplacée comme le démontrent toutes les attestations qu'elle verse aux débats ;
- Déféré vendredi 20 février devant le juge des enfants à Nouméa, M. Z..., qui aurait du bénéficier d'un suivi éducatif par le juge de Lifou, est complètement désavoué par sa famille et a été placé en détention provisoire avant la révocation d'un sursis de un an, fait l'objet d'une information criminelle et il est tout à fait incroyable que les carences de la justice viennent aujourd'hui jouer en défaveur des victimes de ses agissements ;
- Avoir ainsi privé A...de sa maman, qui est son parent référent depuis la naissance, alors même que l'auteur des faits ne remettra pas les pieds sur Lifou avant de nombreuses années, est particulièrement injuste et infondé ;
- Les résultats scolaires de A...sont tout à fait satisfaisants comme l'établissent les différents justificatifs qu'elle verse aux débats et il semble que M. Y...entretienne des préjugés assez détestables sur la vie à Lifou et sur la mixité des populations mélanésienne et européenne.
Assigné par acte d'huissier du 24 février 2015 à 17 : 30 pour le 5 mars 2015 à 8 : 00, M. Y..., aux termes de conclusions en réponse déposés au greffe le 4 mars 2015, conclut à la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance déférée, au rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de Mme X... et à sa condamnation à lui payer 250 000 F Cfp en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie et aux dépens.
Il fait valoir principalement que :
- Son action devant la juridiction aux affaires familiales de Lifou ne s'inscrit ni dans le cadre d'un conflit parental, ni dans le contexte d'un racisme anti-mélanésien démenti par son entourage « mixte », ces pseudo arguments démontrant à quel point Mme X... est sourde au drame vécu par son petit garçon ;
- A..., petit garçon de 8 ans, a dénoncé des violences physiques et morales devenues insupportables au sein de son école, qui continuent à être niées par l'appelante alors même qu'elles ont été verbalisées à plusieurs reprises par l'enfant ;
- Cet enfant a été violé à plusieurs reprises par un voisin déjà condamné pour des faits similaires et sous le coup d'un sursis et mise à l'épreuve, révoqué depuis : il est donc aujourd'hui évidemment impensable de remettre cet enfant dans un environnement qui lui aura été si néfaste, à proximité de la famille de son agresseur, sans possibilité de suivi psychologique régulier ;
- A...a trop souffert, a besoin de sécurité, de stabilité et surtout d'être entendu et soutenu, ce que ne fait pas Mme X... en niant les agressions permanentes dont il a pu être victime à l'école ;
- La motivation du premier juge, extrêmement claire et dictée par le bon sens, rejoint celle des professionnels de l'enfance qui ont vu A...sur la nécessité de le " soustraire en urgence au milieu tribal dans lequel il vit et de le mettre en sécurité à Nouméa ", d'autant que l'enfant a commencé sa rentrée à Nouméa et qu'il s'y sent bien, entouré par un papa bienveillant dont les capacités éducatives ne souffrent d'aucune critique ;
- Il ne s'agit pas de séparer ou de punir la mère mais de protéger un enfant, Mme X... ayant amplement la possibilité de se déplacer sur Nouméa, voire de s'y installer.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'exercice en commun de l'autorité parentale emporte pour les parents l'obligation de prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé et l'éducation de leur enfant, notamment celles relatives à sa résidence et ses conditions d'existence.
Ce n'est qu'en cas de carence dans le respect de ce principe de co-responsabilité, et de désaccord persistant entre eux, qu'il appartient au juge de statuer sur ce que commande l'intérêt de leur enfant.
L'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant dispose que, en cas de désaccord entre les parents, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale pour le juge.
Les considérations du premier juge sur " l'intérêt de l'enfant de pouvoir vivre réellement avec ses deux parents " ne caractérisent pas une urgence particulière, même si elles apparaissent difficilement discutables nonobstant le caractère particulièrement abscons des conséquences qu'il en tire.
Il ressort des nombreux témoignages fournis par Mme X... le constat unanime de la part de son entourage immédiat et de celui de A...des excellentes capacités éducatives de la mère et de l'équilibre social, scolaire et culturel dans lequel vivait jusqu'alors l'enfant.
Par ailleurs dès lors qu'il est établi que, dès la révélation des faits de viols, Mme X... a entrepris toutes les démarches que l'on peut attendre d'un parent responsable (éloignement géographique, dénonciation des faits à la gendarmerie, soutien psychologique apporté à l'enfant y compris par des professionnels), M. Y...n'établit pas en quoi ces faits particulièrement lourds et traumatisants caractérisent en quoi que ce soit une défaillance maternelle justifiant de remettre en cause les relations parentales établies jusqu'alors.
Sauf à vouloir ajouter la violence judiciaire à l'agression elle-même, les considérations relatives au non respect de la co-parentalité sont particulièrement inopportunes dès lors qu'il était nécessaire d'agir dans l'urgence, que le père a été avisé des faits dès leur dénonciation à la gendarmerie, et que sa réaction s'est révélée alors totalement inadaptée si l'on se réfère aux constatations des enquêteurs.
C'est ainsi qu'après que Mme X... l'ait avisé des faits, M. Y...lui adressait en retour des messages téléphoniques retranscrits par les gendarmes dans un procès-verbal du 11 février 2015 en ces termes (extraits) :
«-10/ 02/ 2015 à 17h34 : espèce de petite connasse... Ce week-end je monte à Lifou, je vais récupérer mon fils. Tu mériterais mon poing dans la gueule....
-11/ 02/ 2015 à 10h32 : Enfin mon fils va se faire libérer. Rendez-vous vendredi à 14 : 00 en visioconférence avec le juge. Ce qui devait arriver arriva et enfin la délivrance pour mon fils. Fini l'astiquage, fini les viols, la vie dans les squats avec sa connasse de mère. Alors profite bien de tes derniers moments avec A..., sale pute... ».
Pour autant la cour estime qu'elle ne dispose pas des éléments suffisants pour statuer dans l'urgence sur les demandes respectives des parties relatives à la résidence habituelle de l'enfant et il y a lieu en conséquence de surseoir à statuer sur ce point et d'ordonner l'audition de l'enfant et son expertise psychologique.
Ce délai étant de nature à permettre aux deux parents de prendre l'exacte mesure de la situation créée par les faits dont leur fils a été victime et d'envisager, si possible ensemble, comment y remédier durablement sans que cela ne se traduise par l'éviction de l'un ou de l'autre.
En ce qui concerne la situation actuelle de l'enfant, il ressort des pièces du dossier que d'une part A...a indiqué à plusieurs témoins dans l'entourage du père ainsi qu'à Mme B..., psychologue clinicienne, qu'il vivait difficilement sa scolarité à Lifou, que d'autre part il est constant que l'auteur présumé des faits de viols, lui-même mineur, est domicilié à proximité immédiate du domicile de Mme X... alors que nul ne peut présumer de la durée de son incarcération.
De sorte que le retour immédiat de A...à Lifou ne paraît pas une solution de nature à lui procurer l'apaisement et la stabilité dont il a besoin, même si c'est auprès de sa mère, elle-même confrontée aux bouleversements que lui impose la situation, les mesures d'urgence prises jusqu'ici ayant nécessairement un caractère précaire.
Son père étant en mesure de l'accueillir sur Nouméa, il y a lieu en conséquence de fixer provisoirement chez lui la résidence de A....
PAR CES MOTIFS
La cour,
Surseoit à statuer sur les demandes des parties relatives à la fixation de la résidence habituelle de leur enfant commun A...;
Tous droits et moyens des parties étant réservés ;
Ordonne :
1. L'audition de A...et désigne pour y procéder M. Mesiere, conseiller, à charge pour le père de faire procéder à la désignation d'un avocat de l'enfant avant cette audition ;
2. Une expertise psychologique de A...
X... ;
Commet pour y procéder Mme Christine C...,
...
..., 98874 Pont Des Français
Tél :
...
- c. C...@ mls. nc,
Avec mission, serment préalablement prêté par écrit, de :
Examiner A...
X... ;
Décrire sa personnalité, son état de santé, les troubles éventuels qu'il présente, leur évolution prévisible ;
Entendre les parents et donner un avis sur leurs capacités éducatives ;
Dire si une résidence habituelle de l ¿ enfant à leur domicile ou à défaut un droit de visite et d ¿ hébergement sur l'enfant est compatible avec l'état psychique de celui-ci, le cas échéant selon quelles modalités ;
Faire toutes observations utiles à la connaissance de la cour sur les problèmes relationnels pouvant exister entre l'enfant et ses parents ;
Dit que l'expert désigné pourra, s'il l'estime nécessaire, prendre contact avec les divers médecins ou spécialistes para-médicaux ayant eu à connaître des problèmes de l'enfant, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé ;
Dit qu'en cas d ¿ empêchement de l'expert il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport au service des expertises de la cour d'appel de Nouméa (porte 20) en deux (2) exemplaires avant le 1er mai 2015 ;
Rappelle qu'en application de l'article 173 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, il appartient à l'expert d'adresser une copie de son rapport à chacune des parties, ou à leur avocat, et de faire mention de ces envois dans son rapport ;
Fixe à 80. 000 F Cfp le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consigné par moitié par chacun des parents au service comptabilité de la Cour d'Appel avant le 30 mars 2015 (directrice de greffe porte 18) ;
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la présente mesure pourra être déclarée caduque par le juge en charge de la surveillance des expertises, la cour d'appel tirant toute conséquence de cette défaillance ;
Fixe le nouvel examen de cette affaire devant la cour au :
jeudi 21 mai 2015 à 10 h 00,
(salle d'audience de la cour d'appel)
Jusqu'à nouvelle décision et sauf meilleur accord des parties :
Fixe provisoirement la résidence de A...
X... au domicile de son père, M. Olivier Y...,
Accorde à Mme Aurélie X... un droit de visite et d'hébergement, à exercer en dehors de l'île de Lifou, comme suit :
en période scolaire : deux fins de semaine par mois, M. Y...amenant A...au domicile indiqué par la mère en Nouvelle-Calédonie, le samedi matin à 9 h et le reprenant le dimanche soir à 18h, ses frais de transport et ceux de l'enfant étant partagés par moitié entre les deux parents,
pendant la totalité des vacances scolaires d'avril 2015, à charge pour elle d'aller chercher l'enfant au domicile de M. Y...et de l'y raccompagner au plus tard la veille de la rentrée à 18 h ;
Dit que pendant chacune de ces périodes, chaque parent fera en sorte que l'enfant puisse avoir au moins deux (2) contacts (par téléphone ou par internet) par semaine avec l'autre parent ;
Réserve les dépens.
Le Greffier, Le Président,