COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 12 Mars 2015
Chambre Civile
Numéro R. G. : 14/ 00467
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 15 Juillet 2014 par le Juge aux affaires familiales de LA SECTION DETACHEE DE KONE (RG no : 14/ 112)
Saisine de la cour : 26 Novembre 2014
APPELANT
Mme Virginie X...épouse Y...
née le 11 Septembre 1984 à TOULON (83000)
demeurant ...-98860 KONE
Représentée par la SELARL ETUDE BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. Alexandre Y...
né le 06 Mars 1985 à SARREGUEMINES (57200)
demeurant ...-98825 POUEMBOUT
Représenté par Me Gwenaëlle NOEL de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Février 2015, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.
Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Le 11 mai 2013 Mme Virginie X...et M. Alexandre Y...ont contracté mariage devant l'officier d'état-civil de Toulon, sans contrat préalable.
Vu la citation délivrée le 16 avril 2014 à la personne de M. Y...Alexandre suivant exploit de Me Berger A..., huissier de justice à Koné.
L'affaire a été appelée aux audience des 24 avril, 15 mai, 24 juin où elle a été évoquée, les époux comparaissant devant le juge aux affaires familiales de la section détachée de Koné le 24 juin 2014 pour la tentative de conciliation prévue par la loi.
A cette audience les parties comparantes étaient assistées de leur conseil.
Le Juge aux affaires familiales a procédé conformément aux dispositions des articles 252 à 253 du Code civil.
La conciliation n'ayant pas été possible, les parties ont ainsi formulé leurs demandes :
Mme X...a demandé à la juridiction :
- l'autorisation de résider séparément,
- de dire qu'il n'y avait pas lieu à versement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours,
- de dire que M. Y...devra restituer les deux chats domestiques appartenant à son épouse, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
M. Y...a sollicité :
- l'autorisation de résider séparément,
- le versement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours à hauteur de 120 000 F CFP par mois,
- de faire injonction à Mme X...de lui verser les relevés de compte depuis la séparation du couple,
- de faire injonction à Mme X...de lui restituer ses effets personnels,
- d'écarter des débats la pièce versée le jour de l'audience par la partie averse,
- de ne pas faire droit à la demande de restitution des chats.
Par ordonnance de non-conciliation du 15 juillet 2014, le tribunal de première instance de Nouméa (section détachée de Kone) a statué, pour l'essentiel, ainsi qu'il suit :
AUTORISE les époux a introduire l'instance en divorce,
Les renvoie à saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il prononce le divorce et statue sur ses effets,
RAPPELLE aux époux qu'aux termes de l'article 1113 du Code de Procédure civile,
Et statuant sur les mesures provisoires :
AUTORISE les époux à avoir une résidence séparée ;
FAIT défense à chacun des époux de troubler son conjoint dans sa demeure, sinon autorisons ce dernier à faire cesser ce trouble, même au besoin avec l'assistance de la force publique ;
ORDONNE à M. Alexandre Y...de restituer à Mme Virginie X...les deux chats lui appartenant ;
FAIT injonction à Mme Virginie X..., en application des dispositions de l'article 255 alinéa 5 du Code civil, de restituer à Alexandre Y...ses effets personnels et en particulier les relevés de compte depuis la séparation du couple ;
CONDAMNE Virginie X...à verser à Alexandre Y...une pension alimentaire mensuelle de 50 000 (CINQUANTE MILLE) F CFP au titre du devoir de secours.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête d'appel valant mémoire ampliatif, enregistrée au greffe le 26 novembre 2014, Mme X...a interjeté appel de l'ordonnance de non conciliation qui ne lui avait pas encore été signifiée.
Dans ses conclusions récapitulatives déposée le 10 février 2015, elle fait valoir, pour l'essentiel :
- que son appel ne porte que sur le devoir de secours de 50 000 F CFP qui a été mis à sa charge ;
- que M. Y..., militaire de carrière, actuellement en disponibilité, peut reprendre son activité quand il le souhaite ; qu'il ne saurait se retrancher derrière les modestes revenus qu'il prétend tirer de sa patente et qu'il lui appartient, en tout état de cause, de produire ses relevés bancaires pour justifier de la modestie de ses ressources ; qu'il ne produit pas de justificatif du loyer mensuel de 90 000 F CFP qu'il prétend exposer et qu'il convient de considérer qu'il doit retirer mensuellement de son activité professionnelle des revenus de l'ordre de 200 000 F CFP ; qu'il percevra, en tout état de cause, dès le mois de juin 2015, date de la reprise de son activité au sein du bataillon des marins pompiers de Marseille une somme mensuelle de 1 873 ¿ soit 223 619 F CFP ;
- que Mme X...perçoit des revenus mensuels de 381 216 F CFP mais qu'elle justifie de charges qui ne lui laissent qu'un revenu disponible de 150 000 F CFP dont il faut déduire les frais d'alimentation et d'habillement d'un montant de 100 000 F CFP.
En conséquence, elle demande là la cour de statuer ainsi qu'il suit :
RECEVOIR Mme X...en son appel ;
Le DIRE recevable et bien fondé ;
Au fond, le DIRE bien fondé ;
En conséquence,
REFORMER l'Ordonnance de non conciliation ;
CONDAMNER M. Y...à restituer les chats et accessoires, ainsi que les affaires personnelles de Mme X..., et d'ajouter une astreinte de 5 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à venir ;
CONDAMNER M. Y...à restituer les effets personnels de Mme X...;
DIRE n'y avoir lieu à paiement d'un devoir de secours par l'épouse ;
CONDAMNER en tant que de besoin M. Y...à rembourser à Mme X...le devoir de secours perçu depuis le mois de décembre 2013 (inclus) ;
CONDAMNER M. Y...à payer à Mme X...somme de 400 0000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
LE CONDAMNER aux entiers dépens dont distraction au profit du Cabinet Boissery-di Luccio-Verkeyn à la Cour, aux offres de droit.
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Par conclusions en réponse déposées le 13 janvier 2015, valant appel à titre incident, M. Y...fait valoir pour l'essentiel :
- que militaire comme son épouse, il a accepté en juillet 2013 de la suivre en Nouvelle-Calédonie, alors même qu'il savait qu'il ne pouvait y faire l'objet d'aucune affectation en sa qualité d'officier marinier, compte-tenu d'un accident de service survenu en 2012 en Guyane qui le rendait inapte à l'embarquement ; qu'il a cependant veillé à trouver un emploi dès son arrivée qui s'est achevé s'agissant d'un contrat de chantier ; qu'il a ainsi pris une patente pour subvenir à ses besoins à compter de mars 2014 ; qu'à la suite de disputes, il a été contraint de quitter le domicile conjugal en avril 2014 ;
- que son appel incident ne porte que sur le montant du devoir de secours qui doit être porté mensuellement à 120 000 F CFP, ainsi que sur la restitution des deux chats ;
- que Mme X...perçoit en réalité mensuellement des revenus de l'ordre de 500 000 F CFP, ainsi que l'établit la dernière déclaration d'impôts commune qu'elle se garde bien de produire ; qu'il doit lui être fait injonction de produire des justificatifs de ses revenus ;
- que, pour sa part, il ne perçoit, en sa qualité de patenté, qu'un revenu mensuel moyen de 122 000 F CFP et qu'il est contraint de vivre dans un dock ; qu'il serait ainsi bien incapable d'exposer la somme de 90 000 F CFP pour un loyer tel que le soutient Mme X...;
- que Mme X...ne lui a versé, depuis le début de la procédure, qu'une seule mensualité au titre du devoir de secours et qu'elle a fait obstacle à son retour en métropole envisagé en décembre 2013, en refusant d'accomplir les démarches de nature à ce que son billet de retour lui soit délivré gratuitement ;
- que son retour en métropole est cependant toujours d'actualité puisque son congé sans solde s'achève en mai prochain et qu'il sera donc de retour au dépôt de Toulon pour le mois de juin 2015 ; qu'étant inapte à l'embarquement, il ne pourra prétendre percevoir que la solde de base s'élevant à environ 1200 ¿ ;
- qu'il sollicite de la cour qu'elle ordonne à Mme X...d'effectuer les démarches nécessaires pour l'obtention d'une concession de passage gratuit à laquelle il a droit en tant qu'époux militaire qu'elle seule peut solliciter et qu'à défaut, elle soit condamnée à prendre en charge les frais occasionnés par le retour de M. Y...à Toulon en mai 2015 ;
- qu'enfin, il sollicite que Mme X...soit contrainte de lui restituer ses chats.
En conséquence, M. Y...demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
DÉBOUTER Mme X...de toutes ses demandes :
FAIRE injonction à Mme X...de verser au débat :
- la dernière déclaration d'imposition commune,
- son dernier avis d'imposition,
- ses douze derniers bulletins de paie,
- les relevés du compte-joint depuis le mois de décembre 2014 inclus,
- les relevés de ses comptes personnels en Nouvelle-Calédonie et en métropole depuis le mois de décembre 2014 inclus,
- le constat d'huissier établi par ses soins faisant état du sort des meubles de M. Y...
CONSTATER la disparité des situations financières entre les époux ;
CONSTATER le non-respect par Mme X...de la décision entreprise ;
INFIRMER la décision entreprise fixant le devoir de secours à verser à M. Y...à la somme de 50 000 F CFP et fixer le devoir de secours mis à la charge de Mme X...à la somme de 120 000 F CFP par mois et ce rétroactivement depuis le 1er janvier 2014 ;
CONFIRMER la condamnation de Mme X...à restituer à M. Y...ses biens personnels ;
DIRE et juger que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 5 000 F CFP par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
ENJOINDRE à Mme X...d'effectuer les démarches nécessaires pour que son époux puisse bénéficier de la concession de passage gratuit à l'occasion de son retour en métropole ;
DIRE et juger qu'à défaut de réaliser les démarches nécessaires à cette fin, Mme X...sera condamnée à prendre en charge les frais de billet d'avion de son époux pour son retour à Toulon au mois de mai 2015 ;
ENJOINDRE à Mme X...de restituer à M. Y...ses deux chats ;
CONDAMNER Mme X...à payer à M. Y...la somme de 200 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Aguila-Moresco, Avocats aux offres de droit.
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L'ordonnance de fixation et de mise en oeuvre du protocole procédural relatif aux affaires urgentes (JAF) a été rendue le 28 novembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Du devoir de secours
Attendu qu'au titre des mesures provisoires, et conformément aux dispositions de l'article 255- 6o du Code civil, le juge peut : " fixer la pension alimentaire (...) que l'un des époux devra verser à son conjoint " ; que, conformément à une jurisprudence bien établie, l'objet de cette pension ne se limite pas au strict minimum vital mais doit permettre au conjoint créancier, plus largement, de maintenir dans la mesure du possible le niveau de vie dont il pouvait bénéficier durant la vie conjugale ;
Attendu que Mme X...déclare percevoir des revenus mensuels de 381 216 F CFP desquels il convient de déduire les charges courantes, tandis qu'en sa qualité de patenté M. Y...ne perçoit que des revenus de l'ordre de 120 000 F CFP lesquels ne lui permettent pas de se loger ;
Attendu que c'est ainsi par de justes motifs que la cour adopte, sans qu'il y ait lieu de faire injonction à Mme X...de produire d'autres justificatifs de ses revenus, que le premier juge a constaté une disparité entre les ressources des époux et a condamné Mme X...à verser à M. Y...la somme de 50 000 F CFP par mois au titre du devoir de secours ; que les prétentions plus amples de M. Y...doivent être rejetées ; qu'en outre, à partir du moment où M. Y...aura effectivement repris ses activités militaires susceptibles de s'exercer au sein du bataillon des marins pompiers de Marseille, lesquelles lui assureront des revenus suffisants pour vivre en métropole, le versement par Mme X...d'une somme au titre du devoir de secours cessera, la disparité des ressources ne justifiant plus ce versement, d'autant plus que Mme X...continuera à résider en Nouvelle-Calédonie où la cherté de la vie est établie ;
Des démarches demandées à Mme X...pour permettre à M. Y...de rejoindre la métropole
Attendu qu'il n'appartient pas à la cour de faire injonction à Mme X...d'effectuer quelques démarches que ce soient pour que son époux puisse bénéficier de la concession de passage gratuit à l'occasion de son retour en métropole, ni de dire qu'à défaut de réaliser les démarches nécessaires à cette fin, Mme X...sera condamnée à prendre en charge les frais de billet d'avion de son époux pour son retour à Toulon au mois de mai 2015 ; qu'une telle prise en charge relève de l'administration dont dépend M. Y...qu'il lui appartient de saisir en expliquant sa situation ce qui devrait être fait avec le concours volontaire de Mme X...qui s'y est engagée à l'audience par l'intermédiaire de son conseil ;
De la restitution des deux chats
Attendu qu'il est établi par les pièces versées au dossier que Mme X...est propriétaire des animaux pour les avoir acquis auprès de la SPANC moyennant une somme forfaitaire de 12 000 F CFP ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu à faire droit à la demande de M. Juncker tendant à ce que lui soient restitués les deux chats ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant, par arrêt contradictoire déposé au greffe,
Déclare l'appel recevable en la forme ;
Confirme l'ordonnance de non conciliation du tribunal de première instance de Nouméa (section détachée de Kone) du 15 juillet 2014, en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit que le versement par Mme Virginie X...à M. Alexandre Y...d'une pension alimentaire mensuelle de cinquante mille (50 000) F CFP, au titre du devoir de secours, cessera d'être dû à partir du moment où M. Y...aura été réintégré dans son d'administration d'origine, éventuellement au sein du bataillon des marins pompiers de Marseille ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Mme X...à payer à M. Y...la somme de cent cinquante mille (150 000) F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Condamne Mme X...aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Aguila-Moresco, Avocats aux offres de droit.
Le greffier, Le président.