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05/03/2015 | FRANCE | N°46

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre coutumière, 05 mars 2015, 46


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 05 Mars 2015

Chambre coutumière

Numéro R. G. : 13/ 00389

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2013 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 12/ 360)

Saisine de la cour : 28 Octobre 2013

APPELANT

M. Olen Diaiki Y...
né le 06 Juillet 1955 à HOUAILOU (98816)
demeurant ...-98870 BOURAIL
Représenté par la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Mme Suzanne Rondeau Y... épouse A...
née le 16 Décembre 1944 à H

OUAILOU (98816)
demeurant ...-Propriété A...- ...-98890 PAITA
Représentée par la SELARL TEHIO-BEAUMEL, avocat au barreau de NOUMEA...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 05 Mars 2015

Chambre coutumière

Numéro R. G. : 13/ 00389

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2013 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 12/ 360)

Saisine de la cour : 28 Octobre 2013

APPELANT

M. Olen Diaiki Y...
né le 06 Juillet 1955 à HOUAILOU (98816)
demeurant ...-98870 BOURAIL
Représenté par la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Mme Suzanne Rondeau Y... épouse A...
née le 16 Décembre 1944 à HOUAILOU (98816)
demeurant ...-Propriété A...- ...-98890 PAITA
Représentée par la SELARL TEHIO-BEAUMEL, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Février 2015, en chambre du conseil, devant la cour composée de :

M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. Régis LAFARGUE, Conseiller,
M. Isaac MEANDU-POVEU, assesseur coutumier de l'aire Ajie Aro,
M. Siakaene XOZAME, assesseur coutumier de l'aire Drehu,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Régis LAFARGUE.

Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 28 décembre 1944 deux témoins, comparaissant devant M. Auguste Rondeau, syndic des affaires indigènes de la circonscription de Houaïlou, ont déclaré que le 16 décembre 1944 " était né au domicile de la femme indigène Augustine Suzanne à la tribu de Coula de Augustine Suzanne, née en cette tribu le 5 août 1923,... un enfant de sexe féminin qu'ils nous présentent et auquel Augustine Suzanne, qui s'en reconnaît la mère, donne les prénoms de Suzanne Rondeau " (le prénom ainsi donné étant le patronyme du gendarme rédacteur de l'acte). Le même acte précise que le nom patronymique de la mère est Y....

Il est constant qu'Augustine Suzanne (la mère de l'enfant) était la s ¿ ur aînée d'André Y..., né à Houaïlou le 12 janvier 1928, célibataire, et décédé à Bourail le 30 août 2003. Ainsi, André Y... était l'oncle utérin de l'enfant née en 1944 (Mme Suzanne Y... épouse A...), laquelle est née de père inconnu.

Par requête enregistrée au greffe le 8 février 2008, Mme Suzanne Y... épouse A... a demandé au tribunal de première instance de Nouméa de constater qu'elle avait été adoptée le jour de sa naissance, le 16 décembre 1944, par son oncle utérin André Y..., demeurant à la tribu de Coula, de dire qu'elle est sa fille adoptive et d'ordonner les mentions correspondantes en marge de ses actes de naissance et de mariage.

Elle exposait devant les premiers juges (statuant en formation coutumière) que son oncle utérin l'avait adopté dès sa naissance (1944), car elle était la fille de sa grande s ¿ ur laquelle n'était pas mariée, et premier enfant du clan, sa mère ayant vocation à partir se marier hors du clan maternel. Elle avait donc grandi au sein du foyer de son oncle tandis que sa mère était partie se marier près de Ponerihouen et avait donné naissance à d'autres enfants. Elle n'avait donc jamais vécu avec sa mère, mais avec ses parents adoptifs, jusqu'à son propre mariage.

Elle versait plusieurs attestations de personnes établissant ce lien de filiation adoptive au regard de sa possession d'état.

Le Procureur de la République, par conclusions du 1er juillet 2009, s'opposait à cette requête au motif que la supposée adoption n'avait jamais été constatée par les autorités coutumières, alors qu'il résulte des articles 37 à 39 de la délibération du 3 avril 1967 que l'adoption est basée sur le consentement des familles intéressées, et que cette décision doit être enregistrée à l'état civil par acte spécial. Selon le parquet, l'adoption ne pouvait résulter d'une simple situation de fait mais de la démarche volontaire des personnes concernées.

A l'audience qui s'est tenue le 19 avril 2010, Mme Suzanne Y... expliquait les motifs de sa requête à savoir les difficultés survenues après le décès d'André Y..., ses cousins étant venus revendiquer les biens de ce dernier et en particulier une propriété située sur un terrain de droit commun. Elle ajoutait que ces revendications l'étaient contre la volonté du défunt qui avait souhaité transmettre ce bien à ses deux enfants adoptifs, et qu'elle souhaitait pouvoir faire valoir ses droits sur ce bien afin d'y travailler avec sa famille.

C'est dans ces conditions que par jugement réputé contradictoire du 03 mai 2010, le tribunal, se fondant sur la possession d'état, a fait droit à la requête et dit que Mme Suzanne Y... est la fille adoptive de feu André Y..., et ordonné les mentions en marge des actes de l'état civil.

Le tribunal a considéré que : " dans la coutume, afin de conférer une place aux enfants issus de filles-mères, ce sont souvent les frères de la mère qui adoptent ces enfants. " D'ailleurs plusieurs attestations précisent que Suzanne Y... avait été " donnée " à son oncle maternel et que par cette coutume elle devenait sa fille. En dernier lieu, l'attestation établie le 26 juillet 2006 par Théophile Y... est encore plus explicite, en ce qu'elle expose que " Suzanne Y... devient par cette coutume la fille aînée descendant direct par le lien du sang du clan Y... ". Ainsi les éléments de faits soumis à l'appréciation du tribunal établissent la réalité sociologique au terme de laquelle Suzanne Y... était considérée par son entourage comme étant la fille d'André Y.... En outre il convient de souligner, s'agissant de l'état civil coutumier qu'à la date où cette adoption a été mise en ¿ uvre, ce service n'était pas opérationnel, du moins sur toute l'étendue du territoire, la création de ce service et sa généralisation n'ayant été effective qu'à compter du 1er janvier 1935. Il paraît donc surprenant de faire reproche à la demanderesse ou à ses ascendants de n'avoir pas procéder aux démarches afin de faire enregistrer l'adoption coutumière avancée, alors même qu'il n'est pas acquis qu'elle ou ses parents en avaient la possibilité matérielle à cette époque, compte tenu de la situation de l'état civil à cette période. En dernier lieu, il ressort des différents documents versés que Suzanne Y... avait la possession d'état de fille de feu André Y..., en ce qu'elle a toujours été considérée par les tiers comme sa fille, que ce dernier la considérait comme telle, et qu'enfin tous deux portaient le même nom. Or, la possession d'état en matière de filiation adoptive peut constituer un mode de preuve, dès lors que, comme au cas d'espèce, il est impossible de rapporter la preuve de l'existence d'un acte administratif attestant ce fait. En conséquence, compte tenu de ces éléments il convient de faire droit à la demande et de dire que Suzanne Y... est la fille adoptive d'André Y.... "

Par acte daté du 26 décembre 2011, enregistré au greffe le 24 février 2012, M. Olen Diaiki Y... se prévalant de la qualité de fils adoptif d'André Y..., a fait tierce opposition à cette décision dont il a demandé la rétractation.

Mme Suzanne Y... a contesté la recevabilité de l'action d'Ohlen Y... au motif qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il avait été adopté par feu André Y....

Le tribunal, par jugement du 12 juillet 2013, faisant droit au moyen soulevé par Mme Suzanne Y... a déclaré irrecevable la tierce opposition aux motifs suivants   :

" Aux termes de l'article 583 du code de procédure civile applicable en Nouvelle-Calédonie pour être recevable le tiers opposant doit justifier, outre de sa non-intervention ou représentation à la procédure ayant abouti au jugement attaqué, d'un véritable intérêt à voir le jugement rétracté.
" En l'espèce par jugement en date du 3 mai 2010, le présent tribunal a constaté l'adoption de Suzanne Y..., intervenue à sa naissance le 16 décembre 1944 à la tribu de Coula par André Y..., dit que Suzanne Y... est l'enfant adoptive de feu André Y..., et que mention du jugement à intervenir sera faite en marge de l'acte de naissance de Suzanne Y... ainsi qu'en marge de son acte de mariage.
" Par citation délivrée à personne Olen Y... a formé tierce opposition contre ce jugement et par conclusions en réponse, Suzanne Y... se fondant sur les dispositions des articles susvisés avance que celui-ci n'a pas d'intérêt à agir au sens où il ne rapporte pas la preuve qu'il était le fils adoptif d'André Y....
" Par conclusions en réponse, Olen Y... expose qu'il ressort des termes du procès-verbal établi le 25 mai 2002 qu'il a la qualité de fils adoptif d'André Y... et qu'il a donc un véritable intérêt à voir le jugement rétracté.
" En l'espèce si le tribunal constate qu'au terme du procès-verbal de palabre établi le 25 mai 2002, qui initie semble-t-il une mesure de tutelle à l'égard d'André Y..., Olen Y... est présenté comme " fils adoptif de Y... André ", force est de constater que cette seule pièce ne peut valoir preuve de la qualité d'enfant adoptif, la production d'un acte d'état civil mentionnant cette qualité permettant seule d'établir que l'intéressé serait le fils adoptif d'André Y..., document qui n'est pas versé au débat.
" Ainsi le tribunal constate que si Olen Y... avance être le fils adoptif d'André il ne rapporte pas la preuve de cette qualité. En conséquence le tribunal ne peut que faire droit à la demande présentée par Suzanne Y... et déclarer irrecevable la demande présentée par Olen Y.... "

Ce jugement a fait l'objet d'une décision de rectification matérielle le 29 août 2013 portant sur les frais irrépétibles.

PROCÉDURE D'APPEL

Le 28 octobre 2013, M. Ohlen Y...a interjeté appel de cette décision en se fondant sur un acte de signification en date du 11 septembre 2013. Et par mémoire ampliatif d'appel du 28 janvier 2014 et conclusions du 2 juillet 2014, il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de le recevoir en sa tierce opposition et de rétracter le jugement rendu le 3 mai 2010.
Par écritures du 18 mars 2014 Mme Suzanne Y... a conclu à l'irrecevabilité pour tardiveté de l'appel.

Par ordonnance du 06 octobre 2014 la clôture a été prononcée au 31 décembre 2014 et l'affaire fixée à l'audience du 03 février 2015.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. Ohlen Y...

Attendu que l'appelant a interjeté appel le 28 octobre 2013 du jugement " réputé contradictoire " du 12 juillet 2013, en se fondant sur un acte de signification en date du 11 septembre 2013   ;

Que l'intimée invoque la première signification faite de ce même jugement, par acte du 25 juillet 2013, la signification ayant été faire à l'épouse de M. Ohlen Y...qui a reçu copie de l'acte   ; que le délai d'appel d'un mois augmenté de 15 jours (l'intéressé demeurant à Bourail) est venu à échéance le 09 septembre 2013   ;

Qu'il convient de rappeler qu'en cas de deux significations successives du même jugement, la première, si elle est valable, fait courir le délai d'appel, et de relever que le jugement rectificatif ne portait que sur les frais irrépétibles   ;

Que dans ces conditions, l'appel interjeté le 28 octobre 2013 l'a été contre une jugement qui avait acquis à la date du 10 septembre 2013 l'autorité de la chose jugée   ; qu'il doit donc être déclaré irrecevable sur le fondement des articles 538 et suivants du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie   ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu qu'il y a lieu de condamner M. Ohlen Y...à verser 200. 000 Francs CFP à Mme Suzanne Y... épouse A... au titre des frais irrépétibles, et de le condamner aux entiers dépens   ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant, publiquement et en formation coutumière, par arrêt contradictoire, déposé au greffe ;

Déclare irrecevable l'appel interjeté tardivement par M. Ohlen Y...à l'encontre du jugement du 12 juillet 2013, valablement signifié le 25 juillet 2013   ;

Condamne M. Ohlen Y...à verser 200. 000 Francs CFP à Mme Suzanne Y... épouse A... au titre des frais irrépétibles   ;

Condamne M. Ohlen Y...qui succombe aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl Tehio-Beaumel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre coutumière
Numéro d'arrêt : 46
Date de la décision : 05/03/2015

Analyses

Rejet


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2015-03-05;46 ?
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