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20/03/2014 | FRANCE | N°13/00068

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre coutumière, 20 mars 2014, 13/00068


Arrêt du 20 Mars 2014 Chambre coutumière

Numéro R. G. : 13/ 68 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2012 par le Tribunal de première instance de Nouméa (SD de Koné) statuant en formation coutumière (RG no : 12/ 171)

Saisine de la cour : 19 Mars 2013
APPELANTS M. Roger X... (époux de Mme Germaine Y... et représentant légal de l'enfant Malya X..., née le27. 02. 2004à Nouméa) né le 12 Juin 1942 à POINDIMIE (98822) demeurant...-98822 POINDIMIE Mme Germaine Y... épouse X... née le 14 Mars 1946 à POINDIMIE (98822) demeurant...-98822 P

OINDIMIE M. Pierre-Chanel X... (frère) né le 03 Mai 1965 à POINDIMIE (98822) demeuran...

Arrêt du 20 Mars 2014 Chambre coutumière

Numéro R. G. : 13/ 68 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2012 par le Tribunal de première instance de Nouméa (SD de Koné) statuant en formation coutumière (RG no : 12/ 171)

Saisine de la cour : 19 Mars 2013
APPELANTS M. Roger X... (époux de Mme Germaine Y... et représentant légal de l'enfant Malya X..., née le27. 02. 2004à Nouméa) né le 12 Juin 1942 à POINDIMIE (98822) demeurant...-98822 POINDIMIE Mme Germaine Y... épouse X... née le 14 Mars 1946 à POINDIMIE (98822) demeurant...-98822 POINDIMIE M. Pierre-Chanel X... (frère) né le 03 Mai 1965 à POINDIMIE (98822) demeurant ...Mme Marie X... (soeur) née le 30 Novembre 1966 à POINDIMIE (98822)

M. Sylvain X... (frère) né le 25 Septembre 1969 à POINDIMIE (98822)
Mme Josiane X... (soeur) née le 15 Août 1971 à POINDIMIE (98822)
M. Jean-Marie X... (frère) né le 11 Septembre 1972 à POINDIMIE (98822)
M. Jean-Nicié X... (frère) né le 28 Avril 1977 à POINDIMIE (98822)
M. Pascal X... (frère) né le 28 Mai 1978 à POINDIMIE (98822)
M. Marcellin X... (frère) né le 13 Juillet 1982 à NOUMEA (98800)
Melle Marceline X... (soeur) née le 19 Août 1987 à NOUMEA (98800)
Mme Elisabeth Z... épouse Y... (grand-mère) née le 10 Février 1921 à POINDIMIE (98822)
M. Florian X... (fils) né le 02 Décembre 1989 à NOUMEA (98800)
Melle Yvanna A... (fille) née le 24 Novembre 1991 à POINDIMIE (98822)
M. Noël B... (fils) né le 01 Août 1993 à POINDIMIE (98822)
Melle Laudya B... (fille), représentée par M. B... Christophe, es-qualité de représentant légal née le 23 Septembre 1995 à NOUMEA (98800)
Tous représentés par Me Jean-Jacques DESWARTE de la SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ M. Jerry C... né le 07 Avril 1976 à TOUHO (98831) ... Représenté par Me Nicolas MILLION de la SELARL MILLIARD-MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT
SOS VIOLENCES SEXUELLES, administrateur ad hoc de Dorine et de Roland C... Dont le siège social est sis 11 bis Paul Doumer-BP. 2629-98846 NOUMEA CEDEX Représentée par Me Laure CHATAIN, avocat au barreau de NOUMEA LE MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la cour composée de : M. Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président, M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, M. Régis LAFARGUE, Conseiller, M. Emmanuel AYAWA, assesseur coutumier de l'aire Paicî Cemuhi, Mme Johana TEIN, assesseur coutumier de l'aire Paicî Cemuhi, M. Abel NAAOUTCHOUE, assesseur de l'aire Paicî Cemuhi, M. Elia PAWA, assesseur coutumier de l'aire Paicî Cemuhi, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Régis LAFARGUE.

Greffier lors des débats : M. Stéphan GENTILIN
ARRÊT :- réputé contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par M. Pierre GAUSSEN, président, et par Cécile KNOCAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La Cour d'assises de Nouvelle-Calédonie, par arrêt du 19 juin 2012, a déclaré M. Jerry C... coupable de l'assassinat de Marie-Line X..., et l'a condamné sur le plan pénal à une peine de 25 années de réclusion criminelle, et sur le plan civil, après avoir déclaré recevables les constitutions de parties civiles des consorts X...- Y...- B...- A... et de l'association SOS violences sexuelles, es qualité, s'est déclarée incompétente eu égard au statut coutumier des parties et les a renvoyées devant la juridiction civile siégeant en formation coutumière. Devant cette juridiction, l'association SOS violences sexuelles, en qualité de mandataire ad'hoc des deux enfants mineurs du couple X...- C..., Dorinne et Roland C..., avait sollicité 4 000 000 Francs CFP pour chacun au titre du préjudice moral et, au titre du préjudice patrimonial, 5 111 280 F CFP pour Dorine et 5 818 320 F CFP pour Roland. Les autres parties civiles, les consorts X...- Y...- B...- A..., ont demandé la condamnation de M. C... à leur payer les sommes suivantes : 1. M. X... Roger (père) 2. 000. 000 F CFP 2. Mme X... Germaine née Y... (mère) 2. 000. 000 F CFP 3. M. X... Pierre-Chanel (frère) 800. 000 F CFP 4. Mme X... Marie (s ¿ ur) 800. 000 F CFP 5. M. X... Sylvain (frère) 800. 000 F CFP 6. Mme X... Josiane (s ¿ ur) 800. 000 F CFP 7. M. X... Jean-Marie (frère) 800. 000 F CFP 8. M. X... Jean-Nicié (frère) 800. 000 F CFP 9. M. X... Pascal (frère) 800. 000 F CFP 10. M. X... Marcellin (frère) 800. 000 F CFP 11. Mme X... Marceline (s ¿ ur) 800. 000 F CFP 12. Mme Z... Elisabeth ép. Y... (grand-mère) 1. 200. 000 F CFP 13. X... Malya (fille), représentée par M. X... Roger, es qualité, 2. 500. 000 F CFP 14. X... Florian (fils) 2. 500. 000 F CFP 15. A... Yvanna (fille) 2. 500. 000 F CFP 16. B... Noël (fils) 2. 500. 000 F CFP 17. B... Laudya (fille), représentée par M. B... Christophe, es qualités, 2. 500. 000 F CFP outre, pour chacune des parties civiles la somme de 60. 000 F CFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Le tribunal, statuant par jugement du 17 septembre 2012, a condamné M. C... à verser les sommes suivantes à :- l'association SOS violences sexuelles es qualité d'administrateur ad hoc de Dorine C..., fille mineure, * au titre du préjudice moral 4. 000. 000 F CFP * au titre du préjudice patrimonial 5. 111. 280 F CFP-l'association SOS violences sexuelles es qualité d'administrateur ad hoc de Roland C..., fils mineur, * au titre du préjudice moral 4. 000. 000 F CFP * au titre du préjudice patrimonial 5. 818. 320 F CFP,- et aux consorts X...- Y...- B...- A... : M. X... Roger, père de la victime 1. 000. 000 F CFP Mme X... Germaine née Y..., mère de la victime 1. 000. 000 F CFP Melle Malya X... (fille mineure, issue d'un précédent concubinage et adoptée par son grand père maternel) représentée par Roger X... 2. 500. 000 F CFP M. Florian X... (fils majeur issu d'un précédent concubinage, lui aussi adopté par le grand père maternel) 1. 000. 000 F CFP Le tribunal a débouté de leurs demandes les neuf frères et s ¿ urs de la victime (Pierre-Chanel, Sylvain, Marie, Josiane, Jean-Marie, Jean-Nicié, Pascal, Marcellin et Marceline X...) ; Il a également débouté trois autres enfants de la victime issus de deux autres concubinages :- Melle Yvanna A..., et-les deux enfants issus de ses relations avec M. B... Christophe, à savoir M. Noël B... (fils majeur) et Mlle Laudya B... (fille mineure). Le tribunal a enfin condamné M. C... à payer 60. 000 francs au titre de l'article 700 CPC NC (à chacun) à : M. X... Roger, M. X... Germaine née Y..., M. X... Florian et M. X... Roger es qualité de représentant légal de Malya X....

PROCÉDURE D'APPEL
Le 08 octobre 2012, les consorts X...- Y...- B...- A... ont interjeté appel de cette décision, non signifiée. La procédure a été radiée le 11 mars 2013, faute de dépôt du mémoire ampliatif dans les délais, et rétablie au rôle lors du dépôt de conclusions en date du 17 mars 2013. Dans leurs écritures les consorts X...- Y...- B...- A... demandent à la Cour d'appel de réformer la décision entreprise et de condamner M. C... à leur verser les sommes suivantes : M. X... Roger (père) 2. 000. 000 F CFP Mme X... Germaine née Y... (mère) 2. 000. 000 F CFP M. X... Pierre-Chanel (frère) 800. 000 F CFP Mme X... Marie (s ¿ ur) 800. 000 F CFP M. X... Sylvain (frère) 800. 000 F CFP Mme X... Josiane (s ¿ ur) 800. 000 F CFP M. X... Jean-Marie (frère) 800. 000 F CFP M. X... Jean-Nicié (frère) 800. 000 F CFP M. X... Pascal (frère) 800. 000 F CFP M. X... Marcellin (frère) 800. 000 F CFP Mme X... Marceline (s ¿ ur) 800. 000 F CFP Mme Z... Elisabeth ép. Y... (grand-mère) 1. 200. 000 F CFP X... Malya (fille mineure), représentée par M. X... Roger2. 500. 000 F CFP X... Florian (fils majeur) 2. 500. 000 F CFP A... Yvanna (fille majeure) 2. 500. 000 F CFP B... Noël (fils majeur) 2. 500. 000 F CFF B... Laudya (fille mineure), représentée par son père, M. B... Christophe2. 500. 000 F CFP outre, pour chacune des parties civiles déboutées en première instance, une indemnité de 210. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles. Et confirmer la décision dont appel quant aux frais irrépétibles alloués en première instance et y ajoutant condamner M. C... à leur verser une indemnité complémentaire de 150. 000 F CFP à chacun au titre des frais irrépétibles. Les consorts X...- Y...- B...- A... exposent à l'appui de leurs demandes que : " le référentiel de l'indemnisation du préjudice corporel ne fait aucune distinction entre les enfants mineurs de la victime et les indemnise de façon identique au titre du préjudice d'affection sans rentrer dans des calculs sordides qui tiendraient au fait qu'ils résidaient ou pas avec leur mère. Cette distinction n'est admise, très logiquement, que pour les enfants majeurs. Une telle analyse mettraient d'ailleurs les enfants mineurs de droit commun dans une situation plus favorable que les enfants de statut coutumier... curieuse conception de l'égalité entre les enfants de Nouvelle-Calédonie qui devraient pourtant bénéficier des mêmes droits sans considération de leur origine ou de leur lieu de vie. " S'il est exact que la réparation financière est, par nature, insuffisante ou parcellaire, y ajouter des différences en terme de préjudice moral entre les enfants mineurs d'une même mère suivant qu'ils vivent ou non sous son toit, dénote une méconnaissance profonde de la psychologie du deuil pour un orphelin et des souffrances endurées par un enfant. Faire le deuil des retrouvailles possibles constitue en effet pour un enfant mineur, où qu'il vive, une souffrance qui mérite autant de considération que celle ressentie par l'enfant qui résidait avec sa mère et oser faire des distinctions financières sur le préjudice moral ressenti ne peut qu'ajouter un sentiment d'injustice et de jalousie à un profond chagrin. " D'autres motivations choquent profondément les parents qui étaient très proches de leur fille et auxquels le tribunal ose imputer une responsabilité dans la mort de celle-ci en exposant : « Les assesseurs considèrent que les parents ont une part de responsabilité dans les dérives de leur fille, à laquelle ils n'ont pu apporter le soutien nécessaire pour qu'elle construise sa vie dans le respect des valeurs coutumières, pour se respecter elle-même ». " Après les victimes de viol coupables de provocation, voici la victime assassinée en raison de ses dérives et du manque de respect qu'elle se porterait... et les parents responsables de ne pas l'avoir aidée à construire sa vie puisqu'elle en est morte. " Madame Marie-Line X..., assassinée à l'âge de 36 ans a simplement décidé de partir travailler à Nouméa comme femme de ménage, comme bien d'autres femmes de ce pays, pour gagner sa vie et nourrir ses enfants. " Quelles sont donc les « dérives » invoquées par le tribunal ? " Celles qui conduisent une mère responsable à gagner sa vie ? " De quelle coutume parlons-nous alors ? " De celle qui doit obliger une femme à rester en tribu sans pouvoir nourrir ses enfants ? " La force de la coutume ne réside-t-elle pas précisément dans sa souplesse et son adaptation à l'évolution d'une société ? " Cette décision du Tribunal, fondée sur une conception figée de la coutume donne donc moins de droits aux citoyens Kanak qu'aux citoyens de droit commun qui seront pleinement indemnisés sans qu'un jugement puisse fonder un partage de responsabilité entre l'auteur d'un assassinat et les parents de la victime coupables de n'être pas parvenus à l'aider à " construire sa vie ". " Faut-il voir sa fille assassinée pour que les juges chargés de vous indemniser portent un jugement sur l'éducation prodiguée par les parents, est-ce là la fonction réparatrice de la coutume et de la décision de justice ? " La décision du Tribunal est donc contestée et dans ses principes et dans ses motivations concrètes car nous allons voir que toutes les parties civiles étaient réellement proches de la victime. " LES ENFANTS : " Les enfants Dorine et Roland C... ont été pleinement indemnisés. Il conviendra d'indemniser les cinq autres enfants de Madame X... sans distinction car il est établi qu'ils entretenaient avec leur mère des liens d'affection sincères et alors qu'aucune différence ne peut être légitimement établie en raison de leur filiation paternelle ou d'une adoption qui n'a jamais fait disparaître les liens du sang, l'adoption Kanak étant très proche du système de l'adoption simple : " Attestation 1 et 2 de M. Roger X... : " Chaque fois qu'elle arrive, tous ses enfants qui sont avec la famille viennent pour lui dire bonjour et rester avec elle avant qu'elle reparte à Nouméa et revienne prochainement. Noël et Laudya passent quelque fois des journées à Nouméa avec leur maman Marie-Line. Ils reviennent des fois avec des choses que leur maman leur offre " et " C'est avec beaucoup de peine et de tristesse que je constate que mes petits enfants... ont été classés en quatre catégories... le même souffle de vie, le sang, la chair et les os, qu'une maman a donné à tous ses enfants et soutenus coutumièrement dans la tradition kanake... il n'y a pas de catégories au niveau de cette tradition sacrée et importante. Je suis un coutumier comme vous Messieurs les assesseurs... " "- Attestation de M. Sylvain X... : " Ses enfants lui rendaient visite que ce soit à Poindimié ou à Nouméa pour maintenir les relations entre mère et fils et fille " "- Attestation de M. B... Christophe : " J'avais la garde des enfants Noël et Laudya, elle était leur maman, on se rencontrait de temps en temps pour la scolarité des enfants. Les enfants avaient un équilibre sachant que leur maman était vivante, mais au décès de celle-ci, tout ne va plus très bien, il y a beaucoup de douleur, de souffrance, vu les circonstances du décès de leur maman.. une mère, ça ne se remplace jamais ". "- Attestation de Noël B..., fils mineur lors des faits : " Les relations entre ma mère et moi sont devenues étroites après la séparation de mes parents... dès qu'elle revenait de Nouméa, je quittais mon domicile pour lui rendre visite chez mes grands-parents maternels et cela aussi souvent qu'elle venait sur Poindimié. La voir allongée dans son cercueil fut la chose la plus dure à encaisser, une douleur que personne autour de moi ne peut imaginer. " "- Attestation de Laudya B..., fille mineure : " C'était ma mère et automatiquement des relations entre mère et fille se sont créées, ces rencontres se faisaient soit à son domicile au squat ou chez mes grands-parents à la... Poindimié, ça fait bizarre de ne plus la voir parmi nous, depuis le décès de ma mère, je n'ai plus d'appuis dans mes douleurs. La voir allongée et savoir dans quelles circonstances cela s'est produit. Nous avons fait des projets ensemble et cela ne s'est jamais réalisé. Une image de ma mère qui sera toujours gravée à jamais dans mon c ¿ ur ". "- Attestation de Marie-Anne X... épouse D... : " En 2009, la petite Dorine était scolarisée à l'école de Tye, c'est son grand-père (X... Roger) qui l'emmenait ou la récupérait à l'école avec sa s ¿ ur Malya " "- Attestation de Marie-Laure E... : " Elle était très attachée à ses enfants... une maman rieuse, à l'écoute de ses enfants, des autres ". "- Attestation de Madame Germaine Y... épouse X... (mère de la victime) : " Par amour pour ma fille et pour l'aider dans son rôle de mère, nous avons adopté deux de ses sept enfants. Par rapport à Yvanna, elle était adoptée par mon frère. Malgré cela, elle avait gardé sa part de responsabilité envers eux et c'était quelque chose à quoi elle tenait beaucoup ". " Ces extraits sont touchants et démontrent la sincère affection qui unissait les enfants à leur mère, c'est donc en toute confiance que nous demandons à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner en conséquence M. Jerry C... à verser à chaque enfant la somme de 2. 500. 000 francs CFP au titre du préjudice moral. " LES PARENTS : " La Cour lira avec intérêt l'indignation et le chagrin des parents qui se sont sentis humiliés par une décision coutumière dont ils contestent le bien fondé et la légitimité en précisant bien que leur fille a quitté la Tribu par respect pour ses frères puisqu'elle ne pouvait prétendre aux mêmes droits coutumiers. " Ainsi qu'il a été rappelé en préambule des présentes conclusions, l'indignité de la motivation des premiers juges pour minorer le préjudice moral des parents d'une fille assassinée à l'âge de 36 ans, en leur faisant porter une part de responsabilité de cet assassinat puisqu'ils ont laissé leur fille aller travailler à la ville, se passe de tout commentaire sauf à considérer que la déclaration universelle des droits de l'homme, pourtant revendiquée par une partie de la société kanak à l'appui de la demande auprès de l'ONU de voir la Calédonie réinscrite sur la liste des pays à décoloniser, n'a ni portée, ni valeur, ni universalité, et que si les hommes sont égaux, les femmes ne sont pas leurs égales... ! " Il conviendra de condamner M. Jerry C... à leur payer chacun la somme de 2. 000. 000 F CFP. " LA GRAND-MERE " Pour les mêmes raisons, sauf à considérer qu'une grand-mère, parce qu'elle serait kanak, n'aurait pas de souffrance de l'assassinat de sa petite fille et n'aurait pas de liens réels avec elle, contrairement à ce qui est prouvé dans les attestations produites, il sera fait droit à sa demande. " En effet, à défaut, ce serait une innovation extrêmement intéressante de la jurisprudence qui inverserait la charge de la preuve puisque dans le domaine indemnitaire cela aboutirait à nier a priori, l'existence d'un lien affectif entre une grand-mère et sa petite-fille et la souffrance de la disparition de sa descendance. " Il conviendra dès lors de condamner M. Jerry C... à lui payer la somme de 1. 200. 000 F CFP en réparation de son préjudice moral. " LES FRERES ET S ¿ URS : " Ici encore, les attestations produites démontrent les liens d'affection réels et constants qui unissaient les frères et s ¿ urs et les nombreuses visites qu'ils se rendaient régulièrement. " Ce qui explique, ainsi qu'il apparaît des mêmes attestations, l'immense chagrin et l'incompréhension qu'ils ont ressentie du fait de la mort de leur s ¿ ur dans des conditions aussi épouvantables. " Qu'il conviendra dès lors de condamner M. Jerry C... à leur payer la somme de 800. 000 F CFP en réparation de leur préjudice moral ". * * * En réponse, par conclusions du 18 juin 2013, M. C... a sollicité la confirmation de la décision entreprise. Il conteste le fait que la motivation des premiers juges ait pu encourir un grief de discrimination, et rappelle le pouvoir souverain qui leur incombe dans l'appréciation du dommage. Par ordonnance du 15 novembre 2013 la clôture a été prononcée et l'affaire fixée à l'audience du 17 février 2014. L'association SOS violences sexuelles n'a ni conclu ni comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'appel ne concerne pas les enfants de la victime Dorine et Roland, qui vivaient à ses côtés au moment du drame, représentés en première instance par l'association SOS violences sexuelles, en qualité d'administrateur ad'hoc, laquelle association n'est pas appelante ; 1/ Sur le Droit applicable Attendu que le Conseil constitutionnel a rappelé que dans les rapports entre personnes de statut coutumier kanak seul le droit coutumier a vocation à s'appliquer, à l'occasion de l'examen de la constitutionnalité de la Loi organique no2013-1027 du 15 novembre 2013 (portant actualisation de la loi organique no99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie), et plus particulièrement de son article 25 qui insère deux alinéas nouveaux sous l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999, qui permettent (article 19 alinéa 2) à la juridiction pénale de droit commun de statuer sur les demandes de réparation lorsque les parties sont de droit coutumier kanak (par dérogation au principe posé par l'article 19 alinéa 1er) et qui permet, au contraire, de renvoyer l'affaire devant la juridiction civile statuant en formation coutumière (art. 19 alinéa 3) lorsque, les parties étant présentes, la demande lui en est faite par l'une d'elles ; Qu'enfin, l'article 19 alinéa 1er recouvre son plein effet lorsque une au moins des parties est absente et ne peut exprimer son accord à la procédure d'exception introduite par l'article 19 alinéa 2 ; Attendu que le Conseil Constitutionnel a déclaré ces dispositions nouvelles conformes à la constitution (décision no2013-678 DC du 14 novembre 2013) sous la réserve énoncée au considérant 37, au cas où l'affaire (par exception au principe du renvoi devant la juridiction civile siégeant en formation coutumière prévu à l'article 19 alinéa 1 de la loi organique) serait jugée par la juridiction pénale de droit commun ;

Que le Haut conseil précise, en effet : " 37. Considérant qu'en vertu de l'article 75 de la Constitution : « Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé » ; que l'article 7 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose : « Les personnes dont le statut personnel, au sens de l'article 75 de la Constitution, est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes » ; que les dispositions de cet article mettent en ¿ uvre, conformément à l'article 77 de la Constitution, les stipulations du point 1. 1 de l'accord de Nouméa ; que l'instauration de la faculté pour la juridiction pénale de droit commun de statuer sur les intérêts civils dans des instances concernant exclusivement des personnes de statut civil coutumier kanak, lorsqu'aucune de ces personnes ne s'y oppose, n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à la juridiction pénale de droit commun de ne pas faire application de la coutume lorsqu'elle statue sur les intérêts civils ; qu'en toute hypothèse, la juridiction pénale peut décider de recourir à une expertise pour l'évaluation du préjudice selon le droit coutumier et que l'alinéa 2 du paragraphe I de l'article 150 de la loi organique du 19 mars 1999 permet à toute juridiction de consulter le conseil coutumier sur l'interprétation des règles coutumières ; que, sous cette réserve, l'article 25 est conforme à la Constitution " ;
Qu'il en résulte que la réparation du préjudice obéit aux seuls principes de la coutume ; que les demandes doivent donc être fondées sur les normes coutumières ainsi que l'avait déjà rappelé la Cour de Cassation, dans son avis du 15 janvier 2007 (avis no007/ 001, Bull. crim. 2007, avis no1), et dans son arrêt Cass. Crim., 30 juin 2009, Bull. crim. 2009, no139 ; Qu'enfin, la loi applicable à la réparation du préjudice est celle contemporaine de la survenue du dommage (en ce sens, CA Nouméa, 13 novembre 2012, no12/ 00082, Moereo ép. Graffin contre Gowe) ;
2/ Sur les principes fondamentaux de la coutume
Attendu qu'il doit être rappelé ¿ ainsi que l'a déjà affirmé cette Cour (Cour d'appel de Nouméa, Chambre coutumière, 12 Juin 2013, R. G. no 12/ 387, consorts Kasarherou contre Kare : note É. Cornut, « La réparation du préjudice civil en vertu de la coutume kanak », RJPENC no22, 2013/ 2, p. 138-151) ¿, qu'en principe " la réparation d'un dommage, personnel ou matériel, résultant d'un fait volontaire ou non, commis par une personne de statut coutumier kanak est admis dans les relations coutumières " ; que la composition élargie de la juridiction d'appel qui le réaffirme (laquelle comprend quatre assesseurs de l'aire concernée), souligne toute la force de ce principe ; Que les assesseurs coutumiers rappellent qu'en l'état de la coutume autochtone, avant que n'interviennent des influences exogènes il existait dans le cadre du règlement des conflits des mesures de réparation au profit du groupe familial victime lesquelles se traduisaient notamment par des cessions de terre, la remise de monnaies kanak ou encore par des dons de vie : des membres du clan agresseur étant donnés non comme otages ou victimes expiatoires mais comme personnes adoptées, au clan victime, pour réparer par équivalent la vie qu'on leur avait enlevée ; Qu'aujourd'hui, la société kanak qui valorise toujours la force des liens communautaires n'en ignore pas pour autant l'existence des droits attachés à la personne, spécialement lorsque celle-ci se retrouve victime ; que ces droits attachés à la personne trouvent leur expression privilégiée, mais non exclusive, dans la volonté du clan dont chaque membre est un élément actif en étant partie prenante à la décision commune ;

Que ce constat implique deux conséquences principales : 2. 1- première conséquence : Sur la nature et les spécificités de la réparation en lien avec la règle coutumière et la distinction entre coutume de pardon et droit à indemnisation intégrale du préjudice Attendu que le droit à réparation financière est un mode de réparation dont l'autonomie est clairement affirmée par rapport à la " coutume de pardon " ; que ces deux réponses, qui se situent sur des plans différents, ne s'excluent pas l'une l'autre, chacune remplissant une fonction sociale différente ; qu'en effet, le droit à réparation intégrale du dommage subi individuellement, est distinct de la réparation du lien social brisé qui constitue la finalité de la " coutume de pardon " en ce qu'elle tend à mettre un terme au conflit au plan collectif, et intervient généralement des années après les faits ;

Que la coutume oblige celui qui cause un préjudice à autrui à réparer l'atteinte causée tant à l'harmonie clanique que l'atteinte à la personne de chaque victime ; Que c'est par la " coutume de pardon " que s'ouvrent les voies de la réconciliation porteuse de paix sociale pour l'avenir, car dans la société kanak la réparation au sens large du terme participe de l'objectif de maintenir ou de rétablir les liens coutumiers rompus par un acte commis en violation des obligations coutumières de prudence et de respect ; que cela se traduit par un geste non exclusivement symbolique dit " coutume de pardon " ; que par ce geste l'auteur de l'acte, voire même, son clan d'appartenance, reconnaît sa responsabilité ; que cette démarche est indispensable à la fois pour le rétablissement de l'harmonie des relations sociales perturbées au niveau des clans, que pour une complète réhabilitation sociale de la victime ; que ce processus s'assimile au recours aux " commissions vérité réconciliation ", porteurs de paix, qu'ont expérimenté certains pays africains ;
Qu'ainsi le prix de la douleur personnelle ou encore l'indemnisation du préjudice moral ne répareront jamais l'honneur blessé, la désocialisation, voire la déchéance morale et sociale de la victime, imputables à l'auteur des faits ; qu'en ce sens, le processus de réparation-réconciliation, dont l'aboutissement est la " coutume de pardon ", pourra seul y parvenir tout en garantissant, pour l'avenir, la paix sociale ; Mais attendu que ce mode de réparation peut n'intervenir qu'au terme d'un très long processus, voire jamais, puisqu'il intéresse les relations collectives ou communautaires et constitue le garant pour l'avenir de la paix sociale ; Que pour toutes ces raisons la " coutume de pardon ", aussi importante soit elle, ne saurait ni faire obstacle ni retarder l'exercice par la victime de son droit à réparation du préjudice, lequel ne concerne pas directement la sphère collective ; que la solution inverse reviendrait à sacrifier la personne victime face à des intérêts collectifs qui la dépassent ;

Qu'en conséquence, aucune considération tenant à la perspective, ou à la facilitation, d'une " coutume de pardon " ne saurait être opposée au droit à indemnisation de la victime, voire du clan personne morale s'il venait à se constituer partie civile pour la défense d'intérêts collectifs, car il n'appartient pas à la juridiction civile, saisie de la demande de réparation, de se faire juge de l'opportunité d'une réconciliation qui opère selon des processus-auxquels renvoie l'article 1er de l'ordonnance no82-877 du 15 octobre 1982- qui échappent à la compétence de notre juridiction et dont elle n'a point à connaître (arrêt précité : CA Nouméa, 12 Juin 2013, R. G. no 12/ 387, consorts Kasarherou contre Kare) ; 2. 2- seconde conséquence : la nécessaire adaptation des critères et des notions pour parvenir à l'objectif de réparation intégrale du préjudice Attendu que la réparation par équivalent doit s'adapter pour répondre tant aux exigences de la société actuelle, qui imposent au monde kanak une certaine monétarisation des échanges, que pour prendre en compte les spécificités de la société autochtone au regard de la nature des préjudices, en ce qu'elle ancre la personne dans des solidarités claniques et inter-claniques qui ne peuvent être ignorées puisqu'elles déterminent son statut social (la place coutumière) et sa manière d'être, et en ce que le groupe familial peut être collectivement atteint par l'atteinte grave portée à l'un d'eux, ce que par exemple la jurisprudence de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme qualifie de " préjudice spirituel " pour appréhender une forme aggravée de préjudice moral lorsque l'atteinte causée à l'un des leurs affecte le lignage complet (préjudice éprouvé par le groupe du fait de n'avoir pu procéder aux rituels spécifiques faute d'avoir pu donner une sépulture à la victime défunte : affaire " Comunidad Moiwana vs. Surinam ", 15 juin 2005, série C no124, et dans le même sens : affaire " Escue Zapata vs. Colombia ", 4 juillet 2007, Série C no165) ; que relèvent de ce type de préjudice les préjudices liés à l'atteinte au nom ou au respect dû à la terre, ou encore à l'aîné, dans le cas d'un crime commis sur fond de conflit foncier et de compétition pour la chefferie comme dans l'arrêt précité : Nouméa, 12 Juin 2013, R. G. no 12/ 387, consorts Kasarherou contre Kare ; Et attendu, au regard de ces considérations sur l'existence de " dommages immatériels " ou de " préjudices spirituels ", que la nomenclature des préjudices telle qu'elle existe en droit civil s'avère (au moins pour partie) inadaptée et incomplète en ne prenant pas en compte l'existence de préjudices ressentis personnellement dans un rapport au groupe, aux ancêtres et à la terre, qui résultent d'atteintes à des valeurs fondamentales propres à la société kanak, telle que la valeur accordée au sang ; Qu'ainsi, et afin de rendre effectif ce droit à réparation intégrale du préjudice ¿ étant rappelé que cette réparation intégrale passe par l'examen des préjudices éprouvés par les parties au regard de leur propre grille de lecture culturelle, adossée à leur statut personnel ¿ il convient d'envisager la réparation des préjudices éprouvés par chacun en lien avec les valeurs coutumières, c'est-à-dire les " préjudices personnels liés à l'atteinte aux valeurs communautaires " : tels que les chefs de préjudice nés de la violation des valeurs de respect, si fortes dans une société de type hiérarchique et si essentielles dans une société qui valorise la solidarité inter-générationnelle (respect des ancêtres et respect dû à la terre comme matrice de l'ensemble des rapports sociaux) ; Que toutefois, force est de constater que les conseils des parties civiles, qui n'ont jamais esquissé la moindre évocation des normes coutumières, n'ont manifestement pas entendu se placer sur ce terrain, et n'ont présenté aucune demande de ce chef pourtant fondamental, pas plus devant le premier juge que devant la cour d'appel, en se contentant d'argumenter à partir d'une conception très occidentalisée des rapports personnels et du préjudice qui en découle ; Qu'il convient d'en déduire que les parties civiles, pourtant de statut coutumier kanak n'éprouvent pas de préjudice en lien avec les valeurs coutumières ou du moins qu'elle n'entendent pas en faire état ;

3/ sur les préjudices invoqués par les parties civiles par référence aux seuls postes de préjudice de la nomenclature de droit commun
Attendu qu'il résulte de la motivation de l'arrêt de la Cour d'assises que : " Le 28 août 2010 à 3 heures 35, le commissariat de police de NOUMÉA était requis pour se rendre dans une cabane du squat de la Roche Grise, dans le quartier de Saint Quentin. Sur place, les fonctionnaires de police découvraient le corps sans vie de Marie-Line X..., surnommée " Andy ", âgée de 36 ans. Cette dernière, allongée au sol, présentait de multiples plaies provoquées par une arme blanche. À proximité de la victime, les policiers découvraient un couteau ensanglanté, dont la lame était cassée à angle droit.... Sur les lieux, Dorine C..., fille de la victime, âgée de cinq ans, mettait spontanément en cause son père, M. Jerry C.... L'enfant, entendue sur procès-verbal quelques heures après les faits, déclarait : " papa, il a piqué maman avec le couteau ici, (l'enfant désigne son cou) après maman elle est morte ". Il s'avérait que Dorine présentait une blessure superficielle à la poitrine ne nécessitant que la pose d'un pansement. Dorine C... et son petit frère de trois ans, Roland C..., étaient immédiatement pris en charge par des membres de la famille, puis par les services de l'Aide Sociale à l'Enfance de la Province Sud. André, F..., grand-père de Jerry C..., résidant au sein de l'abri où venait d'être découvert le corps de Marie-Line X..., confirmait les propos de la fillette, expliquant avoir été réveillé par un appel au secours de la victime. Il constatait que Marie-Line X... se trouvait allongée au sol, les bras vers le haut et que du sang s'écoulait au sol. Il précisait qu'à ce moment-là les enfants étaient sortis de la cabane et pleuraient. Il ajoutait qu'il avait vu M. Jerry C... donner un coup de couteau à Marie-Line au niveau du ventre, puis tout de suite après au niveau de son visage, avant que celui-ci ne sorte et se sauve dans le noir.... Marie-Line X... était également la mère de cinq autres enfants de trois pères différents, et malgré les difficultés de couple qu'elle rencontrait avec Jerry C..., lequel était violent avec elle, elle tentait de faire perdurer son couple. Certains étaient au courant des problèmes conjugaux du couple.... M. C... déclarait qu'il était arrivé chez lui en colère, après ce que venait de lui dire Marie-Line X..., souffrant de sa séparation avec celle-ci. Il expliquait que cette colère s'était exprimée à travers une sorte de mise en scène à son domicile, où il avait jeté des photos de famille au sol ainsi que des pots de fleurs, et avait écrit au mur " par dans la famille, adieu riri " ainsi que " RIBA MARILINE SORSSI ERRRES ". Après avoir agi de la sorte, il précisait avoir fait son sac et avoir pris un couteau dans la cuisine, " voyant noir " à ce moment-là.... Arrivé au logement où dormait Marie-Line X... et ses enfants, il expliquait avoir " shooté " dans la porte, indiquant : " sur place, pour moi, c'était noir dans ma tête ".... Il décrivait ainsi la scène : "... Je suis rentré, elle était allongée sur le lit, elle a été réveillée, elle m'a vu avancer vers elle et elle a crié " RIRI ". Mais c'était trop tard, je lui avait déjà planté le couteau dans le ventre. J'ai remis encore trois coups... " Il évoquait ensuite la lame qui se brisait, puis un énième coup qu'il disait lui avoir planté dans la gorge. Il expliquait avoir quitté les lieux en ayant conscience d'avoir commis un meurtre (D 43). Interrogé par la suite par un second enquêteur, M. C... réitérait ses aveux et décrivait plus précisément la scène fatale, Il expliquait : " lorsque je suis entré dans la maison, j'ai sorti la lame vers le bas, je tenais fermement le manche de ma main droite. La pièce était éclairée par les ampoules de la véranda et de la cuisine. Je me suis baissé à son niveau, je me suis accroupi à ses côtés alors qu'elle était allongée sur le matelas et j'ai donné un premier coup de couteau sur le ventre. J'ai senti que la lame pénétrait jusqu'au bout, ensuite j'ai retiré le couteau et là je me suis déchaîné sur elle mais c'est le trou noir. Je ne me rappelle pas précisément que j'ai donné les autres coups " (D 59). "

3. 1 Sur les demandes indemnitaires des parents Attendu que M. C... a été condamné en première instance, à verser la somme de 1. 000. 000 F CFP aux père et mère de la victime, au motif que les relations entre les parents et leur fille ont été moindres depuis de longues années, que Marie-Line s'est installée à Nouméa, celle-ci ayant choisi de vivre hors du milieu familial et clanique pour des motifs qui lui appartiennent, sans s'appuyer sur ses parents après son départ ; que la juridiction qui fait le constat de l'éloignement tant physique que relationnel, a procédé à l'évaluation adaptée de leur préjudice sans encourir la critique exprimée par les appelants, laquelle porte sur un motif surabondant tenant à des considérations morales parfaitement superflues ; Que les attestations produites ne justifient pas une évaluation différente ;

3. 2 Sur les demandes de Mme Z... épouse Y..., grand-mère de la victime Attendu que le tribunal a estimé que la grand-mère de la victime ne justifiait d'aucun lien particulier d'affection avec la victime de nature à établir de façon certaine la preuve d'un préjudice moral ; que les pièces versées n'apportent rien de plus, étant constaté qu'il n'est fait, à aucun moment, état de l'intensité des relations entre Marie-Line X... et sa grand-mère ; que ces attestations ne disent rien sur la grand-mère de la victime, dont on ne sait même pas si elle avait un lien avec elle ; que les demandes de Mme Z..., épouse Y... se seront également rejetées ; 3. 3 Sur les demandes des neuf frères et soeurs de Marie-Line X... Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a estimé que n'était pas rapportée la preuve de liens d'affection particuliers, constants et actuels au moment du décès ; qu'à hauteur d'appel, cette preuve n'est toujours pas rapportée ; Qu'il est établi que lorsque la défunte venait à Poindimié, elle voyait ses parents mais les attestations des propres frères et soeurs de cette dernière ne mettent en avant aucun lien particulier (voir l'attestation de Mme Marie X... qui écrit : " Avec Marie Line j'avais toujours de bonnes relations malgré son caractère. Quand Marie-Line montait sur Poindimié, elle venait vivre chez nos parents. Elle pouvait compter sur eux pour payer son ticket retour ou la dépanner ") ; qu'il n'en résulte pas la preuve de relations suivies ni particulièrement étroites et chaleureuses ; 3. 4 Sur les demandes de quatre des sept enfants de Marie-Line X... Attendu que Dorine et Roland (représentés par l'association SOS Violences sexuelles) ont été indemnisés ; que leur administrateur ad hoc n'a pas interjeté appel de cette décision ; Attendu que l'appel concerne Mlle Malya X..., enfant mineure représentée par son père adoptif Roger X..., adoptée quatre ans après sa naissance ; que toutefois celle-ci a été indemnisée à hauteur de 2. 500. 000 F CFP, soit la somme demandée en première instance ; qu'à hauteur d'appel il est demandé la même somme, ce dont il se déduit que le jugement doit être confirmé sur ce point, l'appel étant sans objet ; Attendu que l'appel ne concerne donc que le sort réservé aux demandes des quatre autres enfants : Florian X..., Yvanna A..., Noël B... et Laudya B... ;- sur la demande de M. Florian X... : Attendu que M. Florian X... est l'enfant majeur de Marie-Line ; que tout comme sa soeur Mayla X..., il a été adopté par ses grands parents maternels ; Qu'alors que sa soeur a obtenu 2. 500. 000 F CFP il n'a lui-même obtenu que la somme de 1 000 000 F CFP ; que son conseil y voit une inégalité de traitement ; Mais attendu que le fait que Florian soit majeur, alors que Malya est mineure justifie d'ores et déjà une évaluation différente du préjudice moral ; qu'en outre Malya qui n'a été adoptée qu'à l'âge de 4 ans avait conservé des liens plus étroits avec sa mère ; que cet élément d'appréciation sur l'intensité des relations, justifie d'indemniser le préjudice subi par Florian à hauteur de 1 000 000 F CFP ;- sur la demande de Yvanna A... : Attendu que Mlle Yvanna A..., aujourd'hui majeure, a été déboutée de ses demandes en première instance ; Qu'il convient de constater qu'elle a été adoptée à l'âge de deux jours, qu'il n'est pas établi, pas plus en appel qu'en première instance, qu'elle ait conservé quelque lien que ce soit avec sa mère ; qu'elle ne fait donc pas la preuve du préjudice moral allégué ; que la décision déférée sera donc confirmée sur cet autre point ;

- sur les demandes de Laudya et de Noël B... : Attendu que M. Noël B..., majeur, et Mlle Laudya B..., mineure, ont en commun le même père ; qu'ils ont été donnés au clan paternel (B...) ; qu'ils n'ont quasiment plus eu de contact avec leur mère à l'égard de laquelle aucun lien particulier d'affection n'est démontré ; que le rejet de leurs demandes doit être confirmé ; Qu'ainsi, le jugement déféré sera dès lors confirmé dans son intégralité ; Que les consorts X...- Y...- B...- A... supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
La cour, Statuant en formation coutumière, par arrêt réputé contradictoire, déposé au greffe ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens d'appel à la charge des consorts X...- Y...- B...- A... ;
Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre coutumière
Numéro d'arrêt : 13/00068
Date de la décision : 20/03/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2014-03-20;13.00068 ?
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