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18/11/2013 | FRANCE | N°12/00094

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 18 novembre 2013, 12/00094


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
59
Arrêt du 18 Novembre 2013

Chambre commerciale

Numéro R. G. : 12/ 94

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2012 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG no : 12/ 192)

Saisine de la cour : 19 Octobre 2012

APPELANTE

Mme Pascale X...
née le 19 Septembre 1962 à CHAMALIERES (63400)
demeurant ...
Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉE

LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, es qualités de liquidateur de la SARL TERRE DU M

ILIEU
Siège social : 1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX
Non représentée...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
59
Arrêt du 18 Novembre 2013

Chambre commerciale

Numéro R. G. : 12/ 94

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2012 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG no : 12/ 192)

Saisine de la cour : 19 Octobre 2012

APPELANTE

Mme Pascale X...
née le 19 Septembre 1962 à CHAMALIERES (63400)
demeurant ...
Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉE

LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, es qualités de liquidateur de la SARL TERRE DU MILIEU
Siège social : 1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX
Non représentée

AUTRE INTERVENANTE

LA SARL DEGASSO, représentée par M. Marc Y... en qualité de mandataire ad'hoc (BP. 32005-98897 Nouméa Cedex)
Siège social 43, route de la Baie des Dames-DUCOS-98800 NOUMEA
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
Mme Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Jean-Michel STOLTZ.

Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- réputé contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par jugement en date du 7 mars 2011, le tribunal mixte de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL TERRE DE MILIEU qui exploitait un bar à l'enseigne " LEGENDES ", rue Galliéni à Nouméa. La date de cessation des paiements a été fixée au 7 septembre 2009.

Pendant la période d'observation, la gérante, Mme Pascale X..., a indiqué au juge-commissaire être propriétaire de la licence de débit de boissons qu'elle envisageait de céder pour apurer ses dettes.

Le 24 octobre 2010, Mme X... avait sollicité de la mairie le transfert de l'autorisation d'exploitation à la SARL DEGASSO dont elle était également gérante, transfert accordé par arrêté du 8 avril 2011 pour l'exploitation d'un débit de boissons à l'enseigne " LA MARE O DIABLE " à Numbo, Nouméa.

Elle a informé le juge-commissaire avoir cédé la licence pour le prix de 15 millions F CFP et a indiqué avoir vendu tous les actifs mobiliers de la société pour régler ses dettes fiscales.

La mandataire judiciaire n'a finalement réalisé aucun actif alors que le passif s'élève à la somme de 11 654 270 F CFP.

Exposant que, contrairement à ses affirmations, Mme X... n'était pas propriétaire de la licence qui faisait partie de l'actif de la SARL TERRE DE MILIEU, la mandataire judiciaire a saisi le tribunal mixte de commerce d'une demande tendant à voir déclarer nulle la cession de la licence et à voir condamner la SARL DEGASSO à lui payer le prix de cession de 15 millions F CFP.

**********************

Par jugement du 26 septembre 2012, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a :

Vu le jugement rendu le 7 mars 2011 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société TERRE DE MILIEU,

Vu l'inopposabilité à la procédure collective du transfert de licence de débit de boissons intervenu entre la société TERRE DE MILIEU et la société DEGASSO le 8 avril 2011,

- condamné la société DEGASSO à payer à la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société TERRE DE MILIEU, la somme de 5 millions F CFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
- débouté la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, ès qualités, du surplus de ses demandes,

- condamné la société DEGASSO au paiement à la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, ès qualités, de la somme de 200 000 FCFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au paiement des dépens.

- débouté la société DEGASSO et Mme Pascale X... de leurs prétentions à ce titre,

- condamné la société DEGASSO au paiement des dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 19 octobre 2012, Mme X... a interjeté appel de cette décision non signifiée.

Par mémoire ampliatif déposé le 21 janvier 2013, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, Mme Pascale X... sollicite de la cour :

- d'infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions,

- de débouter la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, ès qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, ès qualités, au paiement de la somme de 300 000 FCFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au paiement des dépens.

Elle fait valoir :

- que l'arrêté du 8 avril 2011 de la mairie de Nouméa n'opère pas transfert de la licence initialement accordée à la SARL TERRE DE MILIEU puisque celle-ci était permanente et que la mairie n'a accordé qu'une autorisation temporaire à la société DEGASSO,

- que même à considérer qu'il y a eu transfert, la demande en a été faite par courrier du 24 octobre 2010 soit avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'il en résulte qu'elle n'était pas tenue d'obtenir l'autorisation du juge-commissaire,

- qu'au demeurant, le transfert de la licence ne constitue pas un acte soumis à autorisation préalable du juge-commissaire au sens de l'article L. 622-7 du code de commerce et que c'est à tort que le tribunal a considéré cet acte inopposable à la procédure collective,

- qu'enfin, le tribunal ne pouvait retenir que le transfert avait entraîné une perte de chance de réaliser l'actif puisqu'aucun acte de cession n'a eu lieu, qu'elle n'a retiré aucun avantage financier de ce transfert et que l'hypothèse d'une vente ne repose que sur des propos sans fondement qu'elle a tenus au juge-commissaire ; qu'en tout état de cause, le mandataire liquidateur a toujours la possibilité de vendre le fonds de commerce puisqu'il s'agit d'une autorisation personnelle que tout futur exploitant peut demander.

Par courrier enregistré au greffe de la cour le 6 juin 2013, la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société TERRE DE MILIEU, a indiqué ne pouvoir constituer avocat et s'en est rapportée à la sagesse de la cour.

**********************

Par requête déposée au greffe le 16 novembre 2012, la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL DEGASSO mise en liquidation judiciaire par jugement du 5 novembre 2012, a également interjeté appel de cette décision à titre conservatoire, dans l'attente de la désignation d'un mandataire ad hoc, compte tenu du conflit d'intérêt.

M. Marc Y... a été désigné mandataire ad hoc par ordonnance en date du 14 décembre 2012 du président du tribunal mixte de commerce.

Il n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

Par ordonnance en date du 5 mars 2013, le magistrat de la mise en état a joint les deux dossiers qui se sont poursuivis sous le no 12/ 94.

**********************

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juillet 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel de la SARL DEGASSO

Attendu que l'appel formé le 16 novembre 2012 par la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL DEGASSO, est irrecevable pour défaut de constitution d'avocat ;

Sur le titulaire de la licence de débit de boissons

Attendu qu'il résulte de l'article 12-1 du code des débits de boissons de la Province Sud applicable à la cause que l'autorisation d'exploitation peut être accordée soit à une personne physique soit à une personne morale ; que dans ce dernier cas, l'autorisation est bien attribuée à la personne morale même si représentant légal reste responsable de l'exploitation ;

Qu'en l'espèce il ressort des pièces produites :

- que l'arrêté no2008/ 344 du maire de Nouméa du 22 janvier 2008 autorise expressément la SARL TERRE DE MILIEU, représentée par ses gérantes, à exploiter un débit de boissons à l'enseigne " LEGENDES ",

- que la demande de mutation a été faite par courrier du 24 novembre 2010 établi sur papier à l'en tête de la SARL TERRE DE MILIEU et signée par " la gérante " ;

Qu'il est donc établi que l'autorisation d'exploitation a bien été donnée à la société et non à sa gérante ;

Que l'argumentation développée en première instance par la SARL DEGASSO selon laquelle Mme X... était propriétaire de la licence est donc sans fondement ;

Sur la cession de l'autorisation d'exploitation et son opposabilité à la procédure collective

Attendu que Mme X... soutient, à titre principal, que l'autorisation ponctuelle accordée par la mairie à la SARL DEGASSO ne peut être analysée en un transfert de l'autorisation permanente initialement accordée à la SARL TERRE DE MILIEU ;

Qu'elle soutient, en second lieu, que sa demande de transfert a été faite par courrier du 24 octobre 2010, soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que si l'autorisation est intervenue postérieurement, c'est à la date de la demande qu'elle a manifesté sa volonté d'obtenir une licence d'exploitation d'un débit de boissons ;

Qu'elle fait valoir en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L 622-7 du code de commerce, le transfert d'une licence ne constitue pas un acte soumis à l'autorisation préalable du juge-commissaire ;

Sur quoi,

Attendu, sur le premier moyen, que les visas sur l'arrêté no2011/ 1308 du maire de Nouméa du 8 avril 2011 autorisant la SARL DEGASSO, représentée par sa gérante, à exploiter un débit de boissons à l'enseigne " LA MARE O DIABLE ", établissent clairement qu'il y a eu transfert de licence ;

Que l'arrêté vise tant les autorisations antérieures données à la SARL TERRE DE MILIEU que la demande de " transfert " faite par Mme X... par courrier du 24 octobre 2010 ;

Que le fait que l'autorisation donnée ne soit que temporaire ou que les horaires d'ouverture soient différents ne constitue qu'une des modalités d'adaptation que se réserve l'autorité administrative en fonction de la localisation du nouvel établissement et ne saurait permettre de retenir que ce n'est pas l'autorisation de la SARL TERRE DE MILIEU qui a été transférée à la SARL DEGASSO ;

Que Mme X... ne pouvait ignorer que le passage par un transfert d'autorisation était plus sûr qu'une nouvelle demande qui se heurtait à l'article 3 du code instaurant un numerus clausus ;

Attendu, sur les autres moyens, que c'est à la date de l'autorisation d'exploitation que s'est opéré le transfert et que la SARL TERRE DE MILIEU ne pouvait plus réglementairement exploiter son fonds ;

Que la date de la demande de transfert de même que la durée de la procédure d'instruction de la demande sont inopérantes pour soutenir que le transfert était opéré avant l'ouverture de la procédure collective ;

Qu'il en résulte que cette cession de l'actif a été opérée postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, sans autorisation du juge-commissaire et donc en contravention aux dispositions de l'article L 622-7- III du code de commerce ;

Qu'en effet, la cession de l'autorisation d'exploitation constitue un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, au sens de l'article L 622-7 II et impose l'autorisation du juge-commissaire dont l'omission est la nullité par application du III ;

Qu'il sera observé que même à considérer que le transfert a été opéré le 24 octobre 2010, il est postérieur à la date de cessation des paiements fixée au 7 septembre 2009 et est donc nul :

- soit par application de l'article L. 632-1 dans l'hypothèse revendiquée d'une cession sans paiement :
" Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1o Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ; ",

- soit par application de l'article L. 632-2 selon lequel " Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements. ", étant observé qu'étant gérante des deux sociétés, Mme X... ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la SARL TERRE DE MILIEU ;

Qu'il en résulte que Mme X... a bien procédé illégalement au transfert de l'autorisation d'exploitation et que ce transfert est inopposable à la procédure collective ;

Sur le préjudice subi du fait de la cession de la licence

Attendu que Mme X... soutient qu'aucun acte de cession n'a été accompli et qu'elle n'a retiré aucun avantage de ce transfert ; que, par ailleurs, le mandataire liquidateur dispose toujours de la possibilité de vendre le fonds de commerce dès lors qu'en tout état de cause la licence étant personnelle, tout acquéreur aurait dû présenter une nouvelle demande de licence ;

Sur quoi,

Attendu que des propres déclarations de Mme X... au juge-commissaire reprises dans son rapport du 18 mai 2011, celle-ci aurait cédé " sa licence 15 millions F CFP à une société ayant le projet d'exploiter un bar à Numbo " ;

Attendu que la cour observe que Mme X... n'a jamais dénié avoir tenu ces propos mais en discute le sens et la portée ;

Que la cour n'ignore pas que, du fait du numerus clausus, les mutations ou transfert d'autorisation d'exploitation peuvent se traduire par le versement de sommes importantes ;

Attendu que la réalité de la cession pour le prix indiqué n'est au demeurant pas l'élément essentiel de la caractérisation du préjudice subi par la SARL TERRE DE MILIEU ;

Que le premier juge a relevé à raison :

- que la licence de débit de boissons était l'élément essentiel du fonds de commerce exploitant un bar, le fonds devenant inexploitable en cas de cession,

- que la SARL DEGASSO avait pu exploiter son activité de bar et avait donc tiré un bénéfice du transfert même si, pour des raisons extérieures, l'activité avait dû cesser,

- que le mandataire liquidateur avait perdu une chance de réaliser un actif ;

Attendu qu'au regard de la situation géographique du fonds exploité par la SARL TERRE DE MILIEU en centre-ville de Nouméa, la liquidation du préjudice à la somme de 5 000 000 F CFP est justifiée et sera confirmée ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu que Mme X... sera déboutée de sa demande de ces chefs ;

Qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire déposé au greffe ;

Dit l'appel formé le 16 novembre 2012 par la Selarl de mandataire judiciaire Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL DEGASSO, irrecevable pour défaut de constitution d'avocat ;

Dit l'appel de Mme Pascale X... recevable ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Déboute Mme Pascale X... de toutes ses demandes ;

La condamne aux entiers dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12/00094
Date de la décision : 18/11/2013
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-11-18;12.00094 ?
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