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31/10/2013 | FRANCE | N°12/00174

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 31 octobre 2013, 12/00174


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
257
Arrêt du 31 Octobre 2013


Chambre Civile










Numéro R. G. : 12/ 00174


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 10/ 31)


Saisine de la cour : 25 Avril 2012




APPELANTS


M. Alain X...

né le 21 Juillet 1951 à SAINT-BRIEUC (22000)
demeurant ...-98835 DUMBEA


Mme Marie-Paule Y...épouse X...

née le 02 Avril 1954 à PORDIC (22590)
demeurant .

..-98835 DUMBEA
Tous deux représentés par Me Anne-Laure DUMONS de la SELARL DUMONS & ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA




INTIMÉS


LA SCP JACQUELINE A...ET DOMINIQUE B......

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
257
Arrêt du 31 Octobre 2013

Chambre Civile

Numéro R. G. : 12/ 00174

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 10/ 31)

Saisine de la cour : 25 Avril 2012

APPELANTS

M. Alain X...

né le 21 Juillet 1951 à SAINT-BRIEUC (22000)
demeurant ...-98835 DUMBEA

Mme Marie-Paule Y...épouse X...

née le 02 Avril 1954 à PORDIC (22590)
demeurant ...-98835 DUMBEA
Tous deux représentés par Me Anne-Laure DUMONS de la SELARL DUMONS & ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

LA SCP JACQUELINE A...ET DOMINIQUE B..., Notaires
Siège social ...-98845 NOUMEA CEDEX
Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL de GRESLAN, avocat au barreau de NOUMEA

M. David Z...

né le 11 Mai 1970 à NOUMEA (98800)
Sans adresse connue

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président,
M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Jean-Michel STOLTZ.

Greffier lors des débats : M. Stephan GENTILIN

ARRÊT :
- de défaut à l'égard de M. David Z..., contradictoire à l'égard des autres parties,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, après que le délibéré de l'affaire a été prorogé à l'audience du 17 octobre 2013 ce dont les parties ont été préalablement avisées,
- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par Stéphan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Suivant convention de vente immobilière passée le 2 juin 2009 en l'office notarial A...
B...(le notaire), M. Alain X...et Marie-Paule Y..., son épouse (les époux X...), ont vendu à M. David Z...le lot no 98 du lotissement de Port Ouenghi à Boulouparis pour la somme de 45 millions F CFP.

La convention prévoyait en son chapitre II " Conditions suspensives " la clause suivante :
L'acquéreur s'oblige à verser dans un délai de huit jours à compter des présentes, à titre d'acompte entre les mains de la SCP A...
B..., qui en est constitué séquestre, la somme de 2 250 000 F CFP.
A défaut de ce versement dans le délai sus-indiqué, les présentes seront nulles et non avenues de plein droit sans indemnité de part ni d'autre. "

M. Z...n'a pas versé ledit acompte.

La convention prévoyait également une clause pénale en cas de non réitération de l'acte de vente du fait de l'une des parties.

Le 17 juillet 2009, date prévue pour la réitération de l'acte de vente, M. Z...ne s'est pas présenté en dépit de neuf rendez-vous fixés par le notaire.

Les époux X...ont signé seuls, le 17 juillet 2009, l'acte réitératif de vente et ont fait sommation à deux reprises à M. Z...de se présenter chez le notaire lequel a établi le 4 septembre 2009 un procès-verbal de carence lequel précisait " Toutes les conditions suspensives se sont réalisées, ainsi que le vendeur en a été avisé, conformément aux stipulations du compromis de vente. "

Par requête introductive d'instance du 11 janvier 2010, ils ont saisi le tribunal de première instance d'une action engagée contre M. Z...et le notaire aux fins :

- de voir constater que le notaire ne les avait pas informés de l'absence de versement du dépôt de garantie,

- de voir constater que M. Z...ne s'était pas présenté pour signer l'acte réitératif,

- de voir prononcer la nullité de la clause susvisée comme constituant une clause potestative,

- de voir condamner le notaire à leur payer la somme de 2 250 000 F CFP à titre de dommages-intérêts et M. Z...à leur payer la somme de 4 500 000 F CFP au titre de la clause pénale sous la garantie du notaire.

Par jugement du 27 février 2012 auquel il est référé pour plus ample exposé de la procédure ainsi que des faits, moyens et demandes, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- débouté les époux X...de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les époux X...à payer à la SCP A...
B...la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné les époux X...aux entiers dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 25 avril 2012, les époux X...ont interjeté appel de cette décision non signifiée.

Ils ont déposé leur mémoire ampliatif le 2 août 2012.

Par conclusions récapitulatives enregistrées au greffe de la cour le 17 janvier 2013, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, ils sollicitent de la cour :

- de constater que la SCP A...
B...a commis plusieurs fautes à savoir :
l'insertion d'une clause purement potestative dans le compromis de vente au bénéfice du seul acquéreur,
un manquement à son obligation de conseil quant à l'insertion d'une telle clause au détriment des vendeurs,
un manquement à son devoir d'information en les laissant dans l'ignorance de ce que le versement du dépôt de garantie n'avait pas été réalisé,

- de dire que la responsabilité délictuelle de la SCP A...
B...est entièrement engagée à leur égard,

- de condamner la SCP A...
B...à leur verser, à titre de dommages-intérêts pour perte de chance, la somme de 5 millions F CFP outre celle de 200 000 F CFP du fait de l'obligation d'entretien du bien immobilier qui a continué à peser sur les vendeurs,

- d'assortir la présente condamnation du taux d'intérêt légal à compter de la requête introductive d'instance,

- de condamner la SCP A...
B...au paiement de la somme de 150 000 FCFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au paiement des dépens.

**********************

Par conclusions en réplique enregistrées au greffe de la cour le 17 octobre 2012, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, la SCP A...
B...sollicite de la cour :

- de confirmer la décision rendue,

- de condamner les époux X...au paiement de la somme supplémentaire de 400 000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance outre celle de 400 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'au paiement des dépens.

**********************

La requête d'appel n'a pu être signifiée à M. Z..., l'huissier ayant constaté par procès-verbal établi le 27 juin 2012 au visa de l'article 659 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, que l'intéressé avait déménagé et que sa nouvelle adresse était inconnue.

**********************

La clôture a été prononcée le 21 mars 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la cour constate en préambule que les époux X...ont appelé en cause d'appel M. Z...mais n'ont formulé aucune demande à son encontre ;

Que M. Z...sera mis hors de cause ;

Sur la nature de la clause tenant au dépôt de garantie et sur sa validité :

Attendu que les époux X...soutiennent que la clause prévoyant le versement d'un acompte ne bénéficierait qu'à l'acquéreur et est une clause potestative en ce que le versement de la somme dépendrait de la seule volonté du débiteur ; qu'elle encourt, en conséquence, la nullité ;

Que le notaire réplique que cette clause ne s'analyse pas en une obligation conditionnelle mais en une obligation à terme au sens de l'article 1185 du code civil ;

Sur quoi,

Attendu qu'il convient de rappeler que les dispositions de l'article 1583 du Code civil ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger en prévoyant notamment que la propriété ne sera transmise à l'acquéreur qu'après un certain délai ou la réalisation de certaines formalités ;

Qu'en particulier, il est admis, de jurisprudence établie, que les parties peuvent inclure une clause prévoyant le versement d'un acompte dans un délai déterminé à défaut de quoi la caducité est encourue ; (Civ. 3ème 2 Décembre 2008) ; qu'une telle clause ne saurait être considérée comme instituée au seul profit de l'acquéreur dès lors qu'elle libère le vendeur en cas de non réalisation ; qu'elle n'est pas davantage une clause potestative, sa non réalisation pouvant certes dépendre de la volonté de l'acquéreur mais aussi de son impossibilité de faire face au paiement ;

Attendu en l'espèce que la clause critiquée, acceptée par les deux parties, est donc valide, aucun élément du dossier n'établissant que les époux X...n'en avaient pas compris le sens ou qu'elle leur ait été imposée contre leur gré ;

Qu'il en résulte que, du fait du non versement de l'acompte, le compromis de vente est devenu caduc et que les époux X...étaient mal fondés à solliciter en première instance le bénéfice de la clause pénale ;

Sur la responsabilité du notaire :

Attendu que notaire soutient que lorsqu'il rédige un compromis de vente, il engage sa responsabilité contractuelle et que les demandes en appel des époux X...fondées sur la responsabilité délictuelle se heurtent au principe de non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles ; qu'au surplus, il ne peut être tenu à un devoir d'information postérieurement à la caducité du compromis de vente ;

Que les époux X...répliquent que le devoir d'information et de conseil d'un notaire rédacteur est lié à son devoir d'authentification et relève de sa responsabilité délictuelle ;

Sur quoi,

Attendu que, sauf lorsqu'il agit en qualité de mandataire auquel cas sa responsabilité contractuelle peut être retenue, le notaire qui est tenu, en tant que rédacteur de l'acte, de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer la validité et l'efficacité, engage sa responsabilité délictuelle ; (Notamment Civ 1ère 27 Novembre 2008 au visa de l'article 1382 du code civil) ;

Attendu en l'espèce qu'il est établi que le notaire, qui n'était lié aux parties par aucun contrat et n'a rédigé l'acte qu'en sa seule qualité d'officier public, n'a pas informé les vendeurs du défaut de versement de l'acompte ; qu'il n'est pas fondé, au regard de son obligation d'information, à faire valoir, ainsi qu'il le faisait en première instance, " si le notaire n'a pas formellement adressé cette information aux acquéreurs, ceux-ci ne la lui ont pas non plus demandée. " ni à soutenir " aucune disposition du compromis de vente ne faisait obligation au notaire de transmettre une telle information " ;

Qu'en omettant d'informer les époux X...du non versement de l'acompte et, par voie de conséquence, de la caducité du compromis de vente qui les libérait vis-à-vis de M. Z...et leur permettait de reprendre la recherche d'acquéreurs potentiels, et, au surplus, en fixant 9 rendez-vous successifs entre le 17 juillet et le 12 août 2009 pour signer l'acte authentique de vente, le notaire a laissé les époux X...dans la certitude que toutes les conditions préalables avaient été réalisées et a manqué à son devoir d'information et de conseil ;

Que le jugement déféré qui a débouté les demandeurs au motif du fondement contractuel de la responsabilité du notaire et du principe de non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles sera donc infirmé ;

Sur le préjudice des époux X...:

Attendu que les époux X...soutiennent que, du fait de l'absence d'information, leur bien est resté immobilisé pendant 3 mois, que le marché immobilier ayant chuté, le prix initial de vente a dû être revu à la baisse et qu'ayant libéré les lieux, ils ont été tenus à des frais d'entretien de l'immeuble pendant cette période ; qu'ils réclament des dommages-intérêts au titre de la perte de chance ainsi qu'une indemnisation pour les frais d'entretien ;

Que le notaire réplique que les demandeurs n'établissent aucun préjudice direct ni aucun lien de causalité entre un manque à gagner et un comportement fautif qui lui serait imputable ;

Sur quoi,

Attendu que les vendeurs ont été informés de la caducité du compromis de vente le 4 septembre 2009 et ont vendu finalement leur bien le 6 août 2010 au prix de 40 millions F CFP ;

Attendu que le non respect par le notaire de son obligation d'informer les époux X...du non versement de l'acompte dès l'expiration du délai de 8 jours a nécessairement fait perdre à ces derniers la possibilité de remettre aussitôt leur bien sur le marché et d'en retirer le prix auquel ils l'avaient initialement fixé ;

Qu'ils établissent, par le versement de l'attestation de l'agence immobilière Caillard et Kaddour, que les démarches que celle-ci menait pour vendre le bien ont été suspendues à compter du 2 juin 2009, date du compromis de vente, et que plusieurs clients qui s'étaient manifestés pour visiter le bien sur la base d'une mise en vente de 47 millions F CFP ont été informés qu'il n'était plus disponible et ne se sont plus manifestés par la suite ;

Qu'il est ainsi établi une perte de chance de vendre plus rapidement leur bien à un prix plus élevé ;

Que cette perte de chance ne saurait être indemnisée par la différence entre le prix prévu avec M. Z...et celui obtenu lors de la vente ;

Que la cour, compte tenu de l'ensemble des données, condamnera le notaire à indemniser les époux X...de la somme de 1, 5 million F CFP ;

Que les époux X...seront déboutés de leur demande au titre de l'entretien de leur bien dont ils auraient dû, en tout état de cause, s'acquitter ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu qu'il sera alloué aux époux X...la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

Que le notaire sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt déposé au greffe ;

Dit l'appel recevable ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par M. Alain X...et Marie-Paule Y...,

Met M. David Z...hors de cause ;

Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Dit que la clause du compromis de vente signé le 2 juin 2009 entre M. David Z...d'une part, M. Alain X...et Marie-Paule Y..., son épouse, d'autre part, prévoyant le versement d'un acompte est valable, et constate que du fait du non versement de cet acompte, le compromis de vente est devenu caduc ;

Juge que la SCP A...
B..., qui était tenue à l'égard des parties d'une devoir de conseil et d'information, a manqué à ses obligations en n'informant pas les vendeurs du non versement de l'acompte ;

Condamne la SCP A...
B...à payer à M. Alain X...et Marie-Paule Y..., son épouse, ensemble, la somme de un million cinq cent mille (1 500 000) F CFP au titre de la perte de chance ;

Déboute M. Alain X...et Marie-Paule Y..., son épouse, de leur demande au titre de l'entretien de leur bien ;

Condamne la SCP A...
B...à payer à M. Alain X...et Marie-Paule Y..., son épouse, ensemble, la somme de cent cinquante mille (150. 000) F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

La condamne en outre aux entiers dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL DUMONS & associés, avocat, sur ses offres de droit.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 12/00174
Date de la décision : 31/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-31;12.00174 ?
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