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27/06/2013 | FRANCE | N°12/00065

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 27 juin 2013, 12/00065


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Juin 2013

Chambre commerciale

Numéro R. G. :
12/ 65

Décision déférée à la cour :
rendue le : 21 Mai 2012
par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Saisine de la cour : 16 Juillet 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS

M. Pascal X...
né le 19 Juin 1961 à DIJON (21000)
demeurant Métropole-Sans adresse connue-

M. Pedro Y...
né le 08 Avril 1959 à CASTRES (81100)
demeurant...

Tous deux représentés par la SELARL DUMONS et ASSOCIES

INT

IMÉ

LA SELARL Mary-Laure Z..., agissant en qualité de liquidateur de la SARL ARCADIA
...- ...-98846 NOUMEA CEDEX

AUTRE INTERVENANT

LE MINISTERE...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Juin 2013

Chambre commerciale

Numéro R. G. :
12/ 65

Décision déférée à la cour :
rendue le : 21 Mai 2012
par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Saisine de la cour : 16 Juillet 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS

M. Pascal X...
né le 19 Juin 1961 à DIJON (21000)
demeurant Métropole-Sans adresse connue-

M. Pedro Y...
né le 08 Avril 1959 à CASTRES (81100)
demeurant...

Tous deux représentés par la SELARL DUMONS et ASSOCIES

INTIMÉ

LA SELARL Mary-Laure Z..., agissant en qualité de liquidateur de la SARL ARCADIA
...- ...-98846 NOUMEA CEDEX

AUTRE INTERVENANT

LE MINISTERE PUBLIC

LA SELARL Mary-Laure Z..., intervenante volontaire, agissant en qualité de Mandataire Judiciaire de Monsieur Pedro Y..., fonction à laquelle elle a été désignée suivant jugement du TMC de Nouméa en date du 1er octobre 2012
...- ...-98846 NOUMEA CEDEX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Christian MESIERE, Conseiller, président,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Stephan GENTILIN

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Christian MESIERE, président, et par Stéphan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 18 juin 2009, la société ARCADIA a déposé une déclaration de cessation de paiements au greffe du tribunal mixte de commerce de NOUMEA.

Par jugement en date du 27 juillet 2009, le tribunal mixte de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société ARCADIA et nommé la Selarl Mary-Laure Z... en qualité de liquidateur.

Par une requête déposée au greffe le 7 mars 2011, la Selarl Mary-Laure Z..., es-qualités, a saisi le tribunal afin de voir constater que M. Pascal X... et M. Pedro Y..., anciens gérants de droit pour l'un et de fait pour l'autre, avaient commis des fautes de gestion qui avaient contribué à l'insuffisance d'actif de la société, obtenir leur condamnation solidaire au comblement de cette insuffisance d'actif qui s'est élevée à 23. 947. 961 F CFP et obtenir le prononcé à leur encontre d'une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 10 ans.

Elle faisait valoir que M. Pascal X... et M. Pedro Y... avaient poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, avaient poursuivi abusivement cette exploitation déficitaire dans un intérêt personnel, avaient omis de procéder dans le délai légal à la déclaration de cessation de paiements de l'entreprise, et n'avaient tenu aucune comptabilité et qu'ils avaient enfin accumulé des faillites, ce qui justifiait le prononcé à leur encontre des sanctions sollicitées.

Le juge-commissaire avait déposé son rapport le 8 mars 2011.

M. Pascal X... et M. Pedro Y... ont été convoqués pour être entendus en Chambre du conseil, à l'audience du 16 avril 2012, par un acte d'huissier délivré conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie et n'avaient pas comparu.

Le dossier a été communiqué au ministère public, conformément à l'article 425 2o du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mai 2012, le tribunal mixte de commerce de NOUMEA a statué ainsi qu'il suit :

CONDAMNE solidairement M. Pascal X... et M. Pedro Y... à verser à la Selarl Mary-Laure Z..., es-qualités de liquidateur de la société ARCADIA, une somme de vingt millions (20 000 000) francs CFP au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société ARCADLA ;

PRONONCE une interdiction de gérer à l'encontre de M. Pascal X... et de M. Pedro Y... pour une durée de dix ans laquelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique ;

ORDONNE la régularisation à la diligence du Greffe des avis, mentions et publicités prévus à l'article 220 de la délibération no 352 du 18 janvier 2008 ;

CONDAMNE solidairement M. Pascal X... et M. Pedro Y... aux dépens.

PROCEDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 16 juillet 2012, MM. X... et Y... ont interjeté appel de la décision ;

Leur mémoire ampliatif a été déposé le 30 octobre 2012.

Par conclusions récapitulatives enregistrées le 22 novembre 2012, MM. X... et Y... font valoir, pour l'essentiel :

- que l'appel formé par la Selarl Mary-Laure Z... doit être déclaré, in limine litis, irrecevable au motif que le mandataire judiciaire n'a pas constitué avocat dans le mois suivant la notification de la requête d'appel (art. 903 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie) ;

- que la jurisprudence exige que chaque faute reprochée soit légalement justifiée, le liquidateur ne pouvant se contenter d'avancer un excédent du passif sur l'actif lors des opérations de liquidation ; qu'en l'espèce, s'il est acquis que M. Y... était bien gérant de fait comme l'a établi le premier juge, MM. X... et Y... contestent les fautes qui leur sont reprochées :

*sur la date de cessation des paiements et l'omission de déclarer l'état de cessation de paiement dans le délai légal, ils relèvent que le mandataire judiciaire se fonde notamment sur la créance de la société SOGESCO d'un montant total de 3 137 821 F CFP correspondant à des factures émises d'avril 2008 à août 2008, alors que la société ARCADIA avait une convention de partenariat avec la société SOGESCO et, de ce fait, n'avait pas à régler au fur et à mesure les factures émises ; qu'en outre l'avis de mise en recouvrement des services fiscaux d'un montant de 6 289 116 FCFP, qui est du 21 juin 2010 et vise des notifications de redressement du 14 septembre 2009, ne peut servir de fondement pour établir que l'entreprise était en cessation de paiements dès 2007 ; qu'en effet, les impayés remontent essentiellement à l'année 2009 et que la déclaration de cessation des paiements faite le 18 juin 2009 n'est donc pas tardive ; qu'en tout état de cause, la demande de modification de la date de cessation des paiements n'ayant pas été faite dans le délai d'un an (art. 631-8 du Code de commerce) ne peut être fixée à 2007 ;

* sur la poursuite d'une activité déficitaire dans l'intérêt personnel de MM. X... et Y..., le premier juge a cru déceler un intérêt personnel tenant au retrait d'espèces de plus de 10 000 000 F CFP entre février et juillet 2008, alors que ces liquidités n'ont servi qu'à régler des créanciers de la société, ainsi que ses salariés à raison, ces derniers n'ayant pas nécessairement de comptes bancaires ; que M. Y... n'a, au surplus, pas hésité à se porter caution de la société ARCADIA, ce qui est contradictoire avec la poursuite de l'activité dans un intérêt personnel ; qu'ainsi la prétendue déclaration tardive de l'état de cessation des paiements n'a pas accru le passif ;

* sur l'absence de comptabilité, il convient de prendre en compte qu'une grande partie des pièces comptables a été détruite par M. B..., suite à un différend, et que M. Y... produit un tableau comptable de la société ARCADIA de 2007 à 2009 établi au vu d'une tenue informatique.

En conséquence, MM. X... et Y... demandent à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

DECLARER irrecevable toutes les écritures et demandes de la SELARL Mary Laure Z... ;

DECLARER recevable et bien fondé l'appel de MM. X... et Y... ;

REFORMER purement et simplement le jugement entrepris ;

DIRE ET JUGER que MM. X... et Y... ne sauraient être condamnés au comblement du passif de la société ARCADIA ;

CONDAMNER la SELARL Mary Laure Z... au visa de l'article 700 du code de procédure de la Nouvelle-Calédonie au paiement de la somme de 150 000 F CFP, ainsi qu'aux entiers dépens.

*********************

Par conclusions des 13 novembre et 26 décembre 2012, la Selarl Mary-Laure Z... fait valoir, pour l'essentiel :

- que l'article 333 de la délibération no 352 du 18 janvier 2008 portant mesures de procédure en matière de sauvegarde des entreprises, prévoit expressément que les mandataires de justice sont dispensés de constituer avocat ;

- que pour remettre en cause la date de cessation des paiements fixée en 2007 par le premier juge, MM. X... et Y... font état d'une convention de partenariat souscrite avec la société SOGESCO qui les aurait autorisés à ne pas régler au fur et à mesure leurs factures sans cependant produire un tel accord ; qu'en tout état de cause, cette créance de 3 137 821 F CFP correspondant à des factures impayées de mai et juin 2008 n'était toujours pas réglée en juin 2009, date de la déclaration de l'état de cessation des paiements, et qu'en conséquence le délai légal de 45 jours prévu pour la déclaration n'a pas été respecté ;

- que la poursuite de l'activité déficitaire dans un intérêt personnel est établi au regard des retraits d'espèce pour une somme de 10 000 000 F CFP, quand bien même les appelants pourraient-ils démontrer avoir utilisé, dans l'intérêt de la société, une somme de 3. 280. 841 F CFP ; qu'en effet le solde, soit une somme de 6. 719. 159 F CFP, n'est aucunement justifié ;

- que l'absence de comptabilité est établie ;

- qu'enfin, compte-tenu du redressement judiciaire prononcé le 1er octobre 2012 à l'encontre de M. Y..., à la demande d'une société FABICAL BATIBOIS, soit postérieurement au jugement entrepris, vu les dispositions des articles L622-21 et L622-22 du Code de commerce, il est demandé à la Cour de constater et de fixer la créance de la Selarl Mary-Laure Z... au passif du redressement judiciaire de M. Pedro Y....

En conséquence, la Selarl Mary-Laure Z... demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

CONFIRMER le jugement dont appel à l'exception de la condamnation à hauteur de 20 000 000 F CFP prononcée à l'encontre de M. Y... ;

FIXER la créance de la Selarl Mary-Laure Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ARCADIA, à hauteur de 20 000 000 F CFP au passif du redressement judiciaire de M. Pedro Y... ;
REJETER toutes les demandes de MM. X... et Y... ;

DIRE et juger que les dépens resteront à la charge de MM. X... et Y....

*********************

Par conclusions du 26 novembre 2012, le parquet général sollicite la confirmation de la décision entreprise.

*********************

Les ordonnances de clôture et de fixation de la date de l'audience ont été rendues le 1er mars 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que l'appel, formé dans les délais légaux, est recevable ;

De l'exception soulevée in limine litis par MM. X... et Y...

Attendu que MM. X... et Y... soutiennent, qu'aux termes de l'article 903 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, la SELARL MARY LAURE Z... aurait dû, pour que son intervention en cause d'appel en qualité d'intimée soit recevable, constituer avocat dans le mois suivant la notification de la requête d'appel ;

Attendu cependant que la délibération no 352 du 18 janvier 2008 portant mesures de procédure en matière de sauvegarde des entreprises, prévoit en son article 333 que :

" L'appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6 du code de commerce et des chapitres Ier, II et III du titre V du même code est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, sous réserve des dispositions qui suivent :

1o les mandataires de justice sont dispensés de constituer avocat.. (...) " ;

Attendu que la responsabilité et les sanctions des dirigeants sont prévues au titre V du code et qu'il convient, en conséquence, de rejeter l'exception ainsi soulevée par les appelants ;

De la responsabilité pour insuffisance d'actif

Attendu que les appelants admettent que M. Y... était bien le gérant de fait de la société ARCADIA, ainsi que le premier juge a pu l'analyser par des motifs que la présente décision entend se réapproprier ;

Attendu que les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce prévoient que :

" Lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou la résolution du plan. (...) ",

" Dans le cas prévu à l'article L. 651-2, le tribunal est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. (...) " ;

Attendu que MM. X... et Y... font grief au premier juge d'avoir fixé la date de cessation de paiements au début de l'année 2007, alors que celle-ci avait été fixée provisoirement au 30 avril 2009 par jugement du 27 juillet 2009, sans qu'aucune demande de modification de la date de cessation des paiements n'ait été faite dans le délai d'un an (art. 631-8 du Code de commerce) ;

Attendu cependant, que les dispositions de l'article 631 ¿ 8 du code de commerce prévoyant que la demande de modification de date (de cessation des paiements) doit être présentée dans le délai d'un an après le jugement d'ouverture, ne sauraient faire échec à la prescription triennale prévue à l'article L651-2 précédemment rappelée ;

Attendu que la jurisprudence a ainsi admis que les juridictions peuvent librement déterminer la date de cessation des paiements indépendamment de celle contenue au jugement d'ouverture lorsqu'elles prononcent la faillite personnelle (Cass. Com., 20 octobre 1992 et 19 novembre 1996), une interdiction de gérer ou quand elles condamnent le dirigeant au comblement du passif (Cass. com., 30 nov. 1993) ;

Attendu que la jurisprudence impose au demandeur, en l'espèce au mandataire judiciaire, d'apporter la preuve des éléments suivants :

- la preuve d'une faute de gestion du dirigeant,

- l'existence d'un préjudice subi par la personne morale qui est en réalité l'insuffisance d'actif, rapprochement de deux éléments comptables, l'actif et le passif, dont la différence fait apparaître une insuffisance, rendant ainsi la personne morale dans l'incapacité de désintéresser ses créanciers,

- la preuve d'un lien de causalité entre ces deux éléments, c'est-à-dire, la preuve que la faute de gestion caractérisée a contribué directement à l'insuffisance d'actif constatée ;

Attendu que MM. X... et Y... rappellent également que la jurisprudence exige que chaque faute reprochée soit légalement justifiée, le liquidateur ne pouvant se contenter d'avancer un excédent du passif sur l'actif lors des opérations de liquidation ;

Attendu que les appelants entendent ainsi contester les fautes qui leur sont reprochées ;

De la date de cessation des paiements, de l'omission de déclarer l'état de cessation de paiement dans le délai légal et de la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire

Attendu qu'il résulte des pièces produites que la liquidation judiciaire de la société ARCADIA fait apparaître une insuffisance d'actif certaine, les créances déclarées s'élevant à 23 947 961 F CFP tandis qu'aucun actif n'a été recouvré ; que le préjudice de la personne morale est ainsi parfaitement établi ;

Attendu que pour fixer la date de cessation des paiements et le manquement à l'obligation de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal, MM. X... et Y... font grief à la décision entreprise d'avoir notamment fait référence à des créances du Trésor Public (2 979 275 FCFP) établies au titre de l'année 2007 qui n'avaient fait l'objet de notifications de redressement que le 14 septembre 2009 et d'avis de mise en recouvrement du 21 juin 2010, ainsi qu'à une créance de la Société GARCIN d'un faible montant (64 480 FCFP) ;

Attendu, qu'en tout état de cause, force est de constater que la créance SOGESCO (3 137 821 F CFP), au titre de laquelle les appelants soutiennent qu'une convention de partenariat leur permettait de ne pas payer immédiatement les factures mais sans qu'ils en rapportent la preuve, démontre suffisamment que l'activité était déficitaire, à tout le moins dès les mois de mai et juin 2008, période au cours de laquelle les factures ont été établies ;

Attendu qu'au surplus, la sortie en espèces d'une somme de 10 420 000 F CFP entre les mois de février à juillet 2008, soit à la même période que la créance SOGESCO, fût-ce pour payer des salariés dépourvus de compte bancaire comme les appelants le soutiennent de manière peu convaincante, traduit manifestement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, sans qu'il soit nécessaire de retenir pour autant l'intérêt personnel retenu par le premier juge ; qu'en outre retenir l'intérêt personnel serait de nature à porter atteinte à la règle du non-cumul des actions en responsabilité pour insuffisance d'actif (art. L651-2 du Code de commerce) et l'action en obligation aux dettes sociales (art. L652-1 du Code de commerce) ; que l'intérêt personnel sera d'autant moins retenu qu'il est démontré que M. Y... s'est porté caution personnelle de la Société ARCADIA, auprès notamment de la Société SOCIMAT, pour un montant de 1 000 000 F CFP ;

Attendu que si la jurisprudence exige que dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif que la date de cessation de paiement soit fixée avec précision par le juge (Cass. Com., 30 mars 2010), dans l'hypothèse d'un passif exigible et de l'affirmation du créancier (ou du liquidateur comme en l'espèce) de l'inexistence de tout actif disponible, il appartient au débiteur, sans qu'il y ait renversement de la charge de la preuve, de rapporter l'existence d'un actif disponible permettant de payer le passif exigible (Cass. Com., 8 mars 2011) ;

Attendu qu'en l'espèce MM. X... et Y... ne rapportent aucunement la preuve d'un actif disponible permettant d'apurer le passif exigible au jour de la date de cessation des paiements qui peut incontestablement être fixée, au vu de ces éléments pris en leur ensemble, au 1er septembre 2008 ;

Attendu que la situation était en effet à cette date, à défaut de tout actif, irrémédiablement compromise, la poursuite d'activité par les gérants ayant par ailleurs contribué à aggraver le passif ; que la jurisprudence a pu rappeller que la faute de gestion consistant pour un dirigeant social à poursuivre une exploitation déficitaire n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements de la société antérieur ou concomitant à cette poursuite (Cass. Com., 27 avril 1993) ; que la faute de gestion requise pour la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux peut être antérieure à la cessation des paiements et même antérieure à la période suspecte ;

Attendu qu'en tout état de cause, le fait de ne pas avoir fait cesser une activité déficitaire est constitutif d'une faute de gestion justifiant l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, les dirigeants s'étant révélés dans l'incapacité manifeste de prendre les mesures adéquates pour remédier à cet état de fait ;

Attendu qu'il existe, par ailleurs, incontestablement un lien de causalité entre le passif ainsi créé par les gérants dans les mois qui ont suivi, la poursuite d'une exploitation déficitaire et l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, les gérants ayant ainsi laissé les pertes s'accumuler pendant près d'une année, ce qui a rendu impossible tout sauvetage de l'entreprise ;

De l'absence de comptabilité

Attendu que pour combattre cette faute de gestion prise en compte par le premier juge, les appelants soutiennent que le différend qui les a opposés au comptable, est de nature à l'expliquer ; que MM. X... et Y... versent également aux débats un tableau comptable de la société ARCADIA, établie de manière informatique, pour les années 2007 à 2009 ;

Attendu qu'il est cependant manifeste qu'une comptabilité conforme aux dispositions légales n'a pu être transmise au mandataire judiciaire et que la transmission tardive d'éléments parcellaires de comptabilité ne saurait suppléer l'obligation légale des gérants de dresser régulièrement les documents comptables relatifs à un exercice, conformément aux dispositions légales ;

Attendu qu'un tel manquement constitue une faute de gestion ayant eu un effet sur l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a privé la société d'un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître son absence de rentabilité et la nécessité de procéder à la déclaration de la cessation des paiements afin d'éviter une poursuite d'activité préjudiciable aux créanciers (Cass. Cam., 22 Juin 2010) ;
Du désintérêt du dirigeant de droit de la situation de l'entreprise

Attendu que ce point n'est pas contesté par les appelants et qu'il convient ainsi de se réapproprier les justes motifs du premier juge et de retenir également comme constitutant une faute de gestion le désintérêt manifeste de M. X..., gérant de droit de la société ARCADIA, ;

De l'absence d'actif

Attendu que l'absence d'actif n'est en défintive aucunement contesté en appel et qu'il ne peut par conséquent contribuer à diminuer l'insuffisance d'actif ;

Attendu que le premier juge a ainsi justement relevé que M. X... et Y... ont laissé s'accroître un passif sans contribuer à sa diminution ;

***************
Attendu quil est établi que MM. X... et Y... ont laissé s'accroître un passif sans contribuer à sa diminution et que leurs fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif constaté à hauteur de 23 947 961 F CFP ;

Attendu que leurs fautes justifient qu'ils soient tenus solidairement à supporter cette insuffisance d'actif, au regard des éléments du dossier, à hauteur d'une somme qu'il convient de fixer à 15. 000. 000 F CFP ; que M. X... devra être ainsi être condamné au paiement de cette somme et qu'il convient de fixer cette même somme au passif du redressement judiciaire de M. Y..., le mandataire liquidateur justifiant de la déclaration de cette créance au passif ;

De la demande d'interdiction de gérer

Attendu que l'article L 653-8 du code de commerce prévoit que :

" Dans les cas prévus aux articles L 653-3 à L 653-6 du code de commerce, le tribunal peut prononcer l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci " ;

Attendu que les faits susceptibles de justifier le prononcé d'une interdiction de gérer sont énumérés limitativement par les articles L. 653-3 à L 653-6 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites, des explications fournies et des constatations de la Cour, que MM. X... Y... ont omis de faire dans le délai de quarante cinq jours la déclaration de cessation de paiements de la société ARCADIA, ont poursuivi une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements et ont omis de tenir une comptabilité conformément aux règles légales ;

Attendu que c'est par ailleurs, par de justes motifs que la présente décision entend se réapproprier, que le premier juge a rappelé que M. X... et M. Y... avaient accumulé des procédures collectives :

- lors de la déclaration de cessation des paiements de la société ARCADIA déposée le 18 juin 2009 par M. Y..., M. X... faisait déjà l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 2 mars 2009 en tant que dirigeant de la société AUX PAINS D'OCEANE qui avait généré un passif de 19 857 526 F CFP ;

- M Y... avait également fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, le 17 août 2005, en tant que dirigeant de la société KANI KELY laissant un passif impayé de 4 760 976 F CFP ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'interdiction pour une durée de dix ans prononcée par le premier juge à l'encontre de M. X... et de M. Y... de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique ;

Des autres demandes des parties

Attendu que MM. X... et Y..., qui succombent dans leurs prétentions, doivent être déboutés de leur demande formée au titre des frais irrépétibles ;

Attendu que MM. X... et Y... doivent être tenus solidairement aux entiers dépens dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe,

Reçoit, en la forme, M. Pascal X... et M. Pedro Y... en leur appel ;

Au fond le dit mal fondé ;

Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce en ses dispositions, à l'exception de celle portant condamnation solidaire de M. Pascal X... et de M. Pedro Y... à verser à la Selarl Mary-Laure Z..., ès qualités de liquidateur de la société ARCADIA, une somme de vingt millions (20 000 000) francs CFP au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société ARCADIA ;

Statuant à nouveau :

Retient la responsabilité solidaire de M. Pascal X... et de M. Pedro Y... au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société ARCADIA ;

Vu la liquidation judiciaire de M. Pedro Y... en date du 1er octobre 2012 et la déclaration de créance faite pour un montant de 20 000 000 F CFP par le mandataire liquidateur,

Vu les dispositions des articles L622-21 et L622-2 du code de commerce,

Fixe à la somme de QUINZE MILLIONS (15 000 000) F CFP la créance de la Selarl Mary-Laure Z..., ès qualités de liquidateur de la société ARCADIA, au passif du redressement judiciaire de M. Pedro Y... ;

Condamne M. Pascal X... à verser à la Selarl Mary-Laure Z..., ès qualités de liquidateur de la société ARCADIA, LA SOMME DE QUINZE MILLIONS (15 000 000) F CFP au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société ARCADIA ;

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

Retient la responsabilité solidaire de M. Pascal X... et de M. Pedro Y... au titre des dépens de l'entière procédure ;

Condamne M. Pascal X... aux dépens de l'entière procédure ;

Condamne la Selarl Mary-Laure Z..., ès qualités de liquidateur de M. Pedro Y..., aux dépens de l'entière procédure et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12/00065
Date de la décision : 27/06/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-06-27;12.00065 ?
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