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17/06/2013 | FRANCE | N°12/144

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 17 juin 2013, 12/144


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
24
Arrêt du 17 Juin 2013


Chambre sociale




Numéro R. G. :
12/ 144




Décision déférée à la cour :
rendue le : 27 Mars 2012
par le : Tribunal du travail de NOUMEA


Saisine de la cour : 06 Avril 2012






PARTIES DEVANT LA COUR


APPELANT


M. Matei X...

né le 16 Novembre 1956 à LIT (ROUMANIE)
demeurant...-98845 NOUMEA CEDEX


représenté par la SELARL REUTER-DE RAISSAC


INTIMÉE


Mme Emilie Y... >
née le 01 Août 1988 à TOULOUSE (31000)
demeurant... 98800 NOUMEA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 267 du 27/ 05/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOU...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
24
Arrêt du 17 Juin 2013

Chambre sociale

Numéro R. G. :
12/ 144

Décision déférée à la cour :
rendue le : 27 Mars 2012
par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 06 Avril 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT

M. Matei X...

né le 16 Novembre 1956 à LIT (ROUMANIE)
demeurant...-98845 NOUMEA CEDEX

représenté par la SELARL REUTER-DE RAISSAC

INTIMÉE

Mme Emilie Y...

née le 01 Août 1988 à TOULOUSE (31000)
demeurant... 98800 NOUMEA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 267 du 27/ 05/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)

représentée par de Me Nicolas MILLION

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, président,
Christian MESIERE, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE

ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Jean-Michel STOLTZ, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par un jugement rendu le 27 mars 2012 auquel il est renvoyé pour l'exposé de l'objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le tribunal du travail de Nouméa a :

- requalifié le contrat de travail en date du 23 septembre 2009 ayant lié Melle Emilie
Y...
à M. Matéi X... en contrat de travail à durée indéterminée,

- dit que Melle Y... avait fait l'objet d'un licenciement irrégulier et abusif,

- condamné M. X... à lui payer :
+ au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif la somme de 430 000 FCFP,
+ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 186 980 FCFP,
+ au titre des congés payés la somme de 130 980 F CFP,
+ au titre de l'indemnité de précarité la somme de 66 443 F CFP,
+ au titre d'un préjudice distinct, la somme de 185 000 F CFP,

- fixé à la somme de 186 982 FCFP le salaire moyen des trois derniers mois,

- débouté Melle Y... du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire sur la somme allouée au titre des dommages-intérêts,

- dit n'y avoir lieu à dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 6 avril 2012, M. X... a interjeté appel de cette décision notifiée le 2 avril 2012.

Par mémoire ampliatif déposé le 16 août 2012 complété par des conclusions enregistrées au greffe de la cour le 6 décembre 2012, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, il sollicite de la cour :

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée d'usage conclu avec Melle Y... pour la période du 23 septembre 2009 au 23 décembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée,

- de confirmer la décision rendue en ce qu'il a débouté Melle Y... de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- de débouter Melle Y... de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis, de congés-payés sur préavis et de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,

- de dire que le droit de Melle Y... au versement d'une indemnité de précarité doit être fixé à la somme de 25 344 F CFP,

- de dire que les droits à congés payés de Melle Y... s'élèvent à la somme de 50 688 F CFP bruts,

- de débouter Melle Y... de ses demandes plus amples ou contraires,

subsidiairement,

- de fixer à de plus justes proportions les sommes sollicitées par Melle Y...,

- de condamner Melle Y... à lui payer la somme de 150 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.

**********************

Par conclusions déposées le 24 octobre 2012 complétées par des conclusions enregistrées au greffe de la cour le 5 février 2013, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, Melle Y... sollicite de la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature du contrat de travail :

Attendu que M. X..., après avoir exposé qu'il exploitait le Centre de bien être et de massage de l'hôtel Le Méridien dans le cadre d'une concession précaire et qu'il exerçait son activité non dans le cadre d'un institut de beauté indépendant mais dans celui d'un service hôtelier connexe à l'activité principale, soutient qu'il pouvait, à bon droit, conclure avec Melle Y... un contrat d'usage conformément aux dispositions des articles LP 123-2- 7o et R. 123-2- 7o du code du travail de Nouvelle-Calédonie qui autorise l'employeur à conclure des contrats de travail à durée déterminée dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration ;

Qu'il fait valoir en second lieu, qu'à l'issue de ce contrat de travail à durée déterminée, la relation s'est poursuivie sous forme de convention tripartite de stage et de formation SAFIR signée avec la MIJ et non sous forme de nouveau contrat de travail à durée déterminée ;

Qu'il peut seulement lui être fait grief de ne pas avoir versé l'indemnité de précarité calculée à 25 344 F CFP ainsi que les congés payés liquidés à 50 688 F CFP, sommes qu'il offre de payer ;

Attendu que Melle Y... réplique que M. X... ne fournit aucune prestation d'hôtellerie ou de restauration au sens du code du travail de Nouvelle-Calédonie mais exerce une activité de soins esthétiques et de massage régie par la convention collective esthétique ; que de plus, ses services ne sont pas réservés à la clientèle de l'hôtel mais ouverts à toute personne ;

Qu'elle soutient également que c'est de manière abusive que M. X... lui a fait signer des conventions de stage de nature précaire et en principe justifiées par un besoin de formation particulier du stagiaire, conventions moins protectrices que le renouvellement d'un contrat de travail ;

Sur quoi,

Attendu qu'il y a lieu de relever que le moyen selon lequel M. X... exercerait dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration est nouveau et contraire à sa position soutenue en première instance où il n'a jamais contesté que l'activité de son centre s'organisait dans le cadre juridique des activité d'esthétique ;

Attendu que la cour constate en premier lieu, :

- que Melle Y... a été embauchée suivant un contrat de travail du 23 juillet 2009 qui précise que l'emploi relève de la catégorie de métier : " professionnel de l'esthétique ",

- que la déclaration d'embauche précise que M. X... a pour activité principale " Esthétique et massage ",

- que les bulletins de paie visent l'emploi " d'esthéticienne " et la convention collective de l'esthétique ;

Qu'il est par ailleurs constant que Melle Y... exerçait bien l'emploi d'esthéticienne pour lequel elle avait été recrutée ;

Attendu ensuite que M. X... exerçait dans son centre une activité permanente, qu'il bénéficiait non seulement de la clientèle de l'hôtel mais également de la clientèle extérieure et n'était donc pas tributaire des fluctuations touchant le secteur d'activité de l'hôtellerie et la restauration ;

Qu'il n'est pas fondé à soutenir, au seul motif qu'il exercerait son activité dans un hôtel, que ses employés ressortiraient au secteur d'activité de l'hôtellerie et de la restauration ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal du travail a jugé que l'activité d'esthéticienne n'étant pas comprise dans la liste des secteurs autorisés à conclure des contrats de travail à durée déterminée par application des articles Lp. 123-2 et R. 123-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, le contrat conclu le 23 septembre 2009 entre M. X... et Melle Y... devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;

Que l'argument selon lequel, suite au contrat de travail à durée déterminée, la relation de travail s'est poursuivie sous forme de conventions successives avec la mission d'insertion des jeunes (MIJ) est inopérant, d'une part parce que si, comme cela aurait dû être, Melle Y... avait été régulièrement embauchée en contrat de travail à durée indéterminée, les conventions auraient été sans objet, d'autre part, parce que lesdites conventions, conclues " pour favoriser l'insertion sociale et professionnelle ", n'auraient pas dû s'appliquer à une salariée encore en fonction lors de la signature des conventions et qui donnait satisfaction ;

Que cette pratique, imposée au détriment de la salariée, s'analyse en un détournement des procédures qui a permis à l'employeur de profiter des mêmes services, sans bourse délier dans un premier temps (du 24 décembre au 31 décembre 2012) puis sur la base d'un demi SMG (du 2 janv au 30 juin 2010) ;

Que c'est à bon droit que le tribunal du travail a jugé que, compte tenu de la requalification opérée, la rupture des relations contractuelles, sans respect de la procédure et non fondée sur des causes réelles et sérieuses, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les sommes allouées :

Attendu que M. X... soutient à titre subsidiaire, qu'à admettre la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, il ne peut en être tiré les conséquences retenues par le tribunal du travail ;

Que Melle Y... ayant moins de deux ans d'ancienneté, il lui appartient de démontrer l'existence d'un préjudice particulier justifiant l'allocation de dommages-intérêts ;

Que, par ailleurs, il appartient à Melle Y... de justifier de la réalité d'un préjudice moral distinct ;

Attendu que Melle Y... réplique qu'il lui a été alloué une somme équivalant à moins de trois mois de salaire ce qui est proportionné à son ancienneté de 10 mois ; que par ailleurs, l'attitude irrespectueuse de l'employeur a créé un préjudice moral correctement apprécié ;

Sur quoi,

Sur le salaire moyen des trois derniers mois

Attendu que ce salaire ne saurait être calculé sur les seuls mois du contrat de travail à durée déterminée comme procède l'employeur mais en tenant compte de l'ensemble de la période travaillée ;

Attendu qu'il résulte des attestations délivrées par la MIJ que Melle Y... a effectué, de janvier à juin 2010, 169 heures de travail mensuels ;

Que sa rémunération initiale étant fixée à 150 000 F CFP net pour 140 heures, il en découle qu'elle eût été de 181 100 F CFP net pour 169 heures ;

Que Melle Y... qui demande la confirmation, ayant sollicité et obtenu la fixation de sa rémunération à la somme de 166 000 F CFP net soit 186 982 F CFP brut, c'est ce montant qui sera retenu ;

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu qu'aux termes de l'article Lp. 122-5, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, " le juge octroie une indemnité au salarié " qui, lorsque l'ancienneté est inférieure à deux ans-ce qui est le cas en l'espèce- " est fonction du préjudice et peut, de ce fait, être inférieure aux salaires des six derniers mois " ;

Qu'il résulte de ces dispositions que le principe d'une indemnisation s'impose (" le juge octroie ") et que le salarié licencié n'a donc pas à établir un principe de préjudice qui découle nécessairement de son licenciement et ce, même si son ancienneté est inférieure à deux ans ;

Que la circonstance que l'ancienneté soit inférieure à deux ans autorise simplement le juge à fixer une indemnité inférieure à six mois de salaire en fonction des éléments du dossier lui permettant d'apprécier le préjudice effectivement subi ;

Attendu en l'espèce que Melle Y... s'est vue imposer un contrat de travail à durée déterminée puis des conventions successives avec une rémunération soit nulle soit moitié moindre de celle qu'elle percevait initialement, au surplus avec une durée de travail plus importante ;

Qu'à 20 ans, elle s'est retrouvée sans emploi avec l'obligation d'effectuer de nouvelles démarches ;

Que le préjudice subi est donc établi et justifie l'allocation de la somme de 430 000 F CFP qui correspond à un peu plus de deux mois de salaire ;

Sur l'indemnité de préavis et les congés payés

Attendu par ailleurs que le tribunal a octroyé à bon droit la somme exactement calculée de 186 980 F CFP au titre de l'indemnité de préavis (Lp. 122-24) ainsi que celle de 130 980 F CFP au titre des congés payés ;

Sur l'indemnité de précarité

Attendu que l'indemnité de précarité est, par application de l'article Lp. 123-14, égale à 5 % de la rémunération totale brute versée pendant la durée du contrat de travail à durée déterminée ;

Qu'il résulte des bulletins de paie produits que du 23 septembre au 23 décembre 2009, Melle Y... a perçu la somme brute de 507 565 F CFP ; Que l'indemnité de précarité sera donc fixée à 25 380 F CFP au lieu des 66 443 F CFP octroyés par le tribunal ;

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Attendu enfin que la cour considère justifiée l'allocation à Melle Y... d'une somme complémentaire de 185 000 F CFP au titre du préjudice moral ;

Que la poursuite d'une activité identique sous des types de contrats différents n'ayant pour seul objectif que l'exploitation au moindre coût, a démontré chez l'employeur un manque de respect qui n'a pu que développer chez une jeune fille au début de sa vie professionnelle un sentiment d'humiliation et de dévalorisation générateur d'un préjudice moral ;

Qu'en définitive, l'ensemble des dispositions financières seront confirmées sauf sur le montant de l'indemnité de précarité qui sera ramené à 25 380 F CFP ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Dit l'appel recevable ;

Infirmant partiellement le jugement déféré sur le seul montant de l'indemnité de précarité ;

Condamne M. Matéi X... à verser à Melle Emilie
Y...
la somme de vingt-cinq mille quatre-vingt (25 380) F CFP au titre de l'indemnité de précarité ;

Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement déféré ;

Fixe à CINQ (5) les unités de valeur dues à Maître MILLION, avocat désigné au titre de l'aide judiciaire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 12/144
Date de la décision : 17/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-17;12.144 ?
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