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23/05/2013 | FRANCE | N°12/00014

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 23 mai 2013, 12/00014


Chambre commerciale
Numéro R. G. : 12/ 14

Décision déférée à la cour : rendue le : 23 novembre 2011 par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Saisine de la cour : 02 mars 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Marco X...né le 02 avril 1972 à THIO (98829) demeurant ...-98890 PAITA

représenté par la SELARL MANU TAMO
INTIMÉ
LA SELARL Mary-Laure Y..., ès-qualités de mandataire-liquidateur de la SARL LM LES 5 ELEMENTS ...-98846 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL GILLARDIN-AUPLAT
AUTRE INTERVENANT
LE MINISTERE PU

BLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2013, en audience publique, devant la co...

Chambre commerciale
Numéro R. G. : 12/ 14

Décision déférée à la cour : rendue le : 23 novembre 2011 par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Saisine de la cour : 02 mars 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Marco X...né le 02 avril 1972 à THIO (98829) demeurant ...-98890 PAITA

représenté par la SELARL MANU TAMO
INTIMÉ
LA SELARL Mary-Laure Y..., ès-qualités de mandataire-liquidateur de la SARL LM LES 5 ELEMENTS ...-98846 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL GILLARDIN-AUPLAT
AUTRE INTERVENANT
LE MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président, Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, François BILLON, Conseiller, qui en ont délibéré, Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Pierre GAUSSEN, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Le 17 janvier 2008, la société LM LES 5 ELEMENTS, exerçant une activité de création et conception de charpente, couverture et construction, a déposé une déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal mixte de commerce de Nouméa.
Par jugement en date du 7 avril 2008, le tribunal a ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 17 janvier 2008.
A la requête du mandataire judiciaire, le tribunal a homologué le plan de redressement de l'entreprise le 17 septembre 2008, puis a prononcé la résolution de ce plan et la liquidation judiciaire de la société LM LES 5 ELEMENTS par jugement en date du 22 avril 2009.
La date de cessation des paiements a été fixée au 10 décembre 2008.
Ont été désignés :
- Géry de SAINT MARTIN en qualité de juge commissaire titulaire,- Urbain A...en qualité de juge commissaire suppléant,- la Selarl Mary-Laure Y..., en qualité de mandataire judiciaire.

Par une requête déposée au greffe le 31 janvier 2011, la Selarl Mary-Laure Y..., nommée liquidateur de la société LM LES 5 ELEMENTS, a fait citer M Marco X...devant le tribunal mixte de commerce de NOUMEA afin de le voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la société dont il était le gérant, soit 8 03. 860 F CFP, et voir prononcer à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans.
Marco X...a conclu au débouté.
Par jugement en date du 23 novembre 2011, le tribunal mixte de commerce a :
- condamné Marco X...à supporter l'insuffisance d'actif de la société LM LES 5 ELEMENTS à hauteur de la somme de 40 000 000 FCFP,- débouté la Selarl Mary-Laure Y..., es-qualités de liquidateur de la société LM LES 5 ELEMENTS, du surplus de ses demandes à ce titre,

PROCÉDURE D'APPEL :
Par requête d'appel valant mémoire du 2 mars 2012, Marco X...a régulièrement interjeté appel de la décision.
En son mémoire et ses conclusions du 29 juin et 20 septembre 2012 il demande de :
A titre principal,
- prononcer l'annulation du jugement déféré,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement déféré,- condamner la Selarl MANDATAIRE JUDICIAIRE Mary-Laure Y..., es qualités de liquidateur, à lui verser la somme de de 250. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Sur l'exception de nullité, il expose :
- qu'aucune assignation ne lui a été délivrée conformément aux dispositions des articles L 651-2 du code de commerce et l'article 317-2 No 352 du 18 janvier ; que dans ces conditions, la saisine du tribunal étant irrégulière le jugement est frappé de nullité,- qu'Urbain A...était juge commissaire suppléant et ne pouvait donc pas faire partie de la composition ; que dans ces conditions, le jugement encourt encore la nullité de ce chef.

Au fond il fait valoir,
- que s'agissant de l'absence de déclaration de cessation de paiement, il n'est nullement démontré qu'au 17 janvier 2008, date retenue par le premier juge, que la société ne pouvait avec son actif disponible faire face à son passif alors que le tribunal déclarait dans son jugement du 17 septembre 2008 homologuant le plan, que le plan proposé faisait apparaître des possibilités sérieuses de redressement,- qu'en application de l'article L 626-27 du code de commerce, le débiteur n'est pas habilité à déclarer la cessation de paiement, le tribunal mixte de comerce étant saisi par un créancier, le commissaire au plan ou le ministère public. Il peut également se saisir d'office.

Par conclusions des 15 mai, 29 juin et 10 août 2012, la Selarl Mary-Laure Y...es qualités de mandataire liquidateur de la société LM LES 5 éléments :
- demande à la cour de rejeter les exceptions soulevées-conclut à la confirmation de la décision en ses dispositions ayant :

* prononcé une interdiction de gérer à l'encontre de M. Marco X... pour une durée de dix ans, laquelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique, *ordonné la régularisation à la diligence du Greffe des avis, mentions et publicités prévus à l'article 220 de la délibération no 352 du 18 janvier 2008. * condamné Marco X...aux dépens,

- et forme appel incident sur le montant du comblement du passif et demande que Marco X...soit condamné à payer la somme de 85 036 860 FCFP à ce titre.
Sur les exceptions soulevées,
Elle fait valoir qu'en Nouvelle-Calédonie, le tribunal est saisi par voie de requête dès lors que la jurisprudence métropolitaine est inapplicable à l'espèce ; qu'en ce qui concerne la composition de jugement, celle-ci était régulière ; que dans ces conditions, les exceptions seront rejetées.
Sur la cessation des paiements,
- au jour de la déclaration de cessation de paiement la situation était particulièrement obérée et que le passif déclaré au redressement était de 63 000 000FCFP, la poursuite d'activité a généré un passif supplémentaire de 12 000 000 FCFP alors que le recouvrement de l'actif était de 1 415 698 FCFP,- malgré cette situation, Marco X...n'a pas jugé bon de procéder à la nouvelle déclaration de cessation de paiement que le tribunal a fixé au 22 avril 2009.

Sur les autres fautes de gestion commises par Marco X..., il lui est fait grief :
* une poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation de paiement, * la tenue d'une comptabilité incomplète, * l'intérêt personnel à la poursuite d'activité.

Le Ministère Public conclut à la confirmation du jugement déféré.
La clôture a été ordonnée le 7 novembre 2012 par le magistrat de la mise en état.
L'affaire a été fixée au 12 février 2003 par ordonnance du 7 novembre 2012 puis renvoyée à l'audience de ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les exceptions soulevées
Il est constant qu'en Nouvelle-Calédonie les demandes de sanctions pécuniaires doivent intervenir par voie de requête (cass com du 8 juillet 2008).
Au surplus pour accueillir l'exception soulevée, s'agissant d'un vice de forme, le débiteur doit démontrer un grief.
En l'espèce, l'intéressé qui a été régulièrement convoqué par requête déposée au greffe et était présent à l'audience assisté de son avocat, ne saurait invoquer un grief.
Par conséquent la première exception sera rejetée.
Il sera rappelé à l'appelant que le rapport peut, valablement sans contrarier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, être établi par un des magistrats composant la juridiction de jugement. Toutefois, en l'espèce, le juge commissaire qui a rédigé le rapport ne faisait pas partie de la composition de jugement.
Par ailleurs, M. A...était juge commissaire suppléant et n'a rendu aucun acte dans cette procédure.
Il en résulte pour ces deux motifs que la juridiction était régulièrement composée.
Par conséquent la décision n'encourt pas la nullité de ce chef. L'exception est donc rejetée.
AU FOND
Sur l'action en comblement de passif
L'article L 651-2 du code de commerce dispose que lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette situation, décider que les pertes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait de la société.
Il est constant que dans le cadre de cette action la date de cessation de paiement doit être fixée avec précision par le juge (cass com 30 mars 2010). Dans l'hypothèse d'un passif exigible et de l'affirmation du créancier (ou liquidateur comme en l'espèce) de l'inexistence de tout actif disponible, il appartient au débiteur, sans qu'il ait véritablement renversement de la charge de la preuve, de rapporter l'existence d'un actif disponible permettant de payer le passif exigible (cass com 8 mars 2011). Il y a en ce cas, une prise en compte de l'impossibilité de rapporter la preuve d'un fait négatif.
Par ailleurs l'arrêté d'un plan de redressement qui interdit à agir en responsabilité pour insuffisance d'actif ne doit pas constituer un mécanisme de purge des fautes. La faute a pu être commise soit antérieurement au jugement d'ouverture, soit entre l'arrêté du plan et sa résolution. En ce dernier cas, la résolution doit s'accompagner d'une liquidation judiciaire
Enfin, il est constant que le dirigeant qui exécute un plan doit procéder à la déclaration de cessation des paiements dès lors qu'il est apparu un nouvel état de cessation de paiement.
Il sera relevé en l'espèce que le passif déclaré s'élève à la somme de 85 088 360 FCFP dont 72 677 073 FCFP à titre définitif échu et 12. 359. 787 FCFP et que l'actif réalisable est de 1 415 698 FCFP outre la somme de 992 FCFP au titre des transferts de fonds disponibles à la résolution du plan.
Par ailleurs, ainsi que le fait justement valoir l'intimée :
- la société n'a pas réglé son impôt société en 2005 et 2006 ainsi que sa patente,- les cotisations CAFAT et CRE n'ont pas été réglées depuis le 1er trimestre en 2006- la plupart des fournisseurs n'a pas été réglée en 2007.

Malgré ce passif, le débiteur, faisant état d'une activité suffisante en indiquant que les marchés en cours s'élevaient à 200 000 0000 FCFP, n'a pas hésité à solliciter un plan de redressement qui s'élevait à 63 000 000 FCFP et que le tribunal mixte de commerce a homologué. Ensuite de quoi, il n'a pas honoré une seule échéance mais bien plus a aggravé le passif de plus de 20 000 000 FCFP en une seule année.
Le tribunal a exactement fixé dans son jugement du 22 avril 2009 prononçant la liquidation que la date de cessation de paiement au 10 décembre 2008.
Il ressort des pièces produites aux débats que Marco X...a commis plusieurs fautes de gestion.
Il n'a pas déclaré l'état de cessation de paiement dans le délai légal dans lequel se trouvait la société depuis le 10 décembre 2008, la liquidation judiciaire n'étant prononcée à la suite de l'absence de règlement des échéances du plan qu'à l'initiative du commissaire à l'exécution du plan.
Par ailleurs, il doit être relevé que Marco X...n'a remis au liquidateur aucune pièce comptable en 2008 alors même qu'un plan de redressement avait été mis en place, ce qui l'a empêché de connaître avec précision la situation de la société.
Enfin, alors que la société au jour de l'ouverture de la procédure collective présentait un passif de 63 millions FCFP, pendant l'année 2008, Marco X...n'hésitait pas à procéder au remboursement de son compte courant d'associé à hauteur de la somme de 4 000 000 FCFP, à s'attribuer une rémunération de 8 400 000 FCFP et de souscrire un contrat de location au nom de la société pour un véhicule dont il a profité à titre personnel.
Ces faits sont constitutifs de fautes caractérisées de gestion. D'une extrême gravité elles ont incontestablement contribué à l'insuffisance d'actifs de la société et ont gravement porté préjudice aux intérêts des créanciers.
Dans ces conditions, c'est justement que le premier juge a condamné Marco X...au paiement de l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 40 000 000 FCFP au regard des éléments du dossier et de sa situation familiale.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'interdiction de gérer
Il ressort des motivations ci-dessus développées que Marco X...a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation qui ne pouvait conduire qu'à la cessation de paiement et a omis, de faire dans le délai légal, la déclaration de cessation de paiements de la société dont il était le gérant sans tenir de comptabilité.
Ces faits extrêmement graves prévus aux articles L653-3, L653-4 et L653-8 du code de commerce justifient la sanction d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans prononcée par le tribunal. La décision doit être également confirmée sur ce point.
Sur les frais irrépétibles
L'équité commande d'accorder en appel à la Selarl Mary-Laure Y...la somme de 200. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision étant par ailleurs confirmée de ce chef pour les frais irrépétibles de première instance.
Marco X...doit être condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire déposé au greffe :
Déclare l'appel recevable ;
Rejette les exceptions soulevées par Marco X...;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne Marco X...à payer à la Selarl MARY LAURE Y...la somme de deux cent mille (200 000) FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Condamne Marco X...aux dépens dont distraction au profit de la SELARL MARY LAURE Y...sur ses affirmations.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12/00014
Date de la décision : 23/05/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-05-23;12.00014 ?
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