COUR D'APPEL DE NOUMÉA
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Arrêt du 29 Janvier 2013
Chambre Civile
Numéro R. G. : 12/ 00016
Décision déférée à la cour :
rendue le : 28 Novembre 2011
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 09 Janvier 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
Mme Solange X...
née le 04 Février 1976 à NOUMEA (98800)
demeurant...
représentée par Me Karine LACROIX
INTIMÉ
Mme Karine Y...
née le 26 Avril 1967 à PABU (22200)
demeurant...
représentée par Me Marie-Katell KAIGRE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Stephan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Le 18 août 2008, Solange X... et Karine Y..., alors qu'elles vivaient en concubinage, ont fait l'acquisition aux enchères publiques d'un bien immobilier.
A la suite d'un différend, Karine Y... décidait de partager le bien par la construction d'un mur de séparation à l'intérieur.
Après leur séparation selon Solange X..., qui indique n'avoir pas obtenu un prêt, elles ne pouvaient s'acquitter du prix d'acquisition et la vente était résolue de plein droit.
Sur folle enchère, les deux adjudicataires étaient tenues de la différence entre leur enchère et le prix de la revente.
Par requête introductive d'instance du 14 septembre 2010 et conclusions des 10 mars et 1er août 2011, Karine Y... sollicitait la condamnation de Solange X... à lui verser les sommes suivantes :
-1. 364. 517 FCFP au titre des frais exposés,
-3. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts,
-250. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Solange X... concluait au débouté de Karine Y... et reconventionnellement sollicitait sa condamnation à lui payer les sommes suivantes ;
-1. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts,
-118. 178 FCFP au titre du solde dû après apurement du compte entre les parties,
-250. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie
Par jugement en date du 28 novembre 2012 auquel il est fait expressément référence, le tribunal de première instance a :
- Constaté que Solange X... et Karine Y... sont chacune propriétaire de la moitié indivise d'un immeuble bâti sis sur la commune des Mont-Dore,... formant le lot 34 du lotissement dénommé ....
- Constaté que Solange X... et Karine Y... ont engagé des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis.
- Condamné Solange X... à payer 809 105 FCFP à Karine Y... en remboursement de la quote part des dépenses indivises nécessaires que Karine Y... a engagées.
- Rejeté les demandes de réparation du préjudice moral après les avoir déclarées mal fondées.
- Rejeté la demande d'audition de Me A....
- Rejeté la demande de production du dossier médical de Karine Y....
- Dit ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné Madame Solange X... aux dépens de l'instance.
- Rejeté toute autre demande.
PROCÉDURE D'APPEL :
Par requête d'appel enregistrée le 9 janvier 2012, Solange X... a régulièrement interjeté appel de la décision qui n'a pas été signifiée.
Par mémoire enregistré le 6 avril 2012 et ses conclusions récapitulatives des 16 juillet et 19 octobre 2012 auxquels il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, Solange X... demande à la cour, après infirmation du jugement déféré, de :
A titre principal, au visa de l'article 1382 du code civil,
- condamner Karine Y... à lui payer la somme de 1. 000. 000 FCFP à titre du préjudice moral subi,
A titre subsidiaire, au visa de l'article 815-9 du code civil
-condamner Karine Y... à lui payer la somme de 1. 000. 000 FCFP à titre d'indemnité pour utilisation exclusive du bien,
En toutes hypothèses,
- condamner Karine Y... à lui payer la somme de 118. 178 FCFP au titre du solde dû après compensation outre la somme de 250. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance et 250. 000 FCFP pour ceux d'appel.
- dire que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 6 décembre 2010.
Par conclusions du 14 juin et 14 septembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, Karine Y... demande à la cour de :
A titre principal, après infirmation du jugement déféré et au visa des articles 2207 et 1382 du code civil de :
- condamner Solange X... à lui payer la somme de 3. 267. 115 FCFP au titre de l'indemnisation de son préjudice financier,
A titre subsidiaire au visa de l'article 815-9 du code civil par application des règles de l'indivision,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a attribué lé somme de 51. 386 FCFP au titre des frais de transcription d'hypothèque,
- condamner Solange X... à lui payer la somme de 1. 714. 209 FCFP en paiement des dépenses indivises effectuées par elle,
en tout état de cause,
- condamner Solange X... à lui payer la somme de 3. 000. 000 FCFP en réparation de son préjudice moral et celles de 250. 000 FCFP pour frais irrépétibles de première instance et de 250. 000 FCFP pour ceux d'appel.
Les ordonnances de clôture et de fixation sont intervenues le 29 octobre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les comptes résultant de l'adjudication de l'immeuble.
Solange X... fait grief à Karine Y... d'avoir partagé de façon unilatérale l'immeuble et d'avoir refusé l'offre d'achat faire par son frère. En défense, elle indique qu'elle a refusé pour sa part de vendre les droits qu'elle possédait à hauteur de 13. 000. 000 FCFP alors qu'il est constant qu'elle avait investi plus dans l'immeuble. Elle considère n'avoir commis aucune faute et que la résolution de la vente est intervenue du chef de l'intimée.
Karine Y... soutient que Solange X... n'a pas effectué les recherches nécessaires pour financer l'opération en s'adressant uniquement à un organisme bancaire auprès duquel elle n'était pas cliente. Elle ajoute qu'au regard de ses revenus salariaux, elle n'aurait eu aucune difficulté pour obtenir un prêt auprès de sa banque. Elle fait ensuite remarquer qu'une copropriété pouvait être envisagée mais que l'appelante n'a rien fait pour que la division intervienne. Enfin au regard de l'offre faite par son frère, elle fait valoir que l'appelante pouvait à l'évidence financer l'achat ou accepter la proposition qui lui était faite de rachat de ses parts par un tiers.
Il ressort de l'analyse des pièces produites aux débats que Solange X... et Karine Y... se sont séparées à la suite d'une mésentente ; que Karine Y... a fait construire un mur de séparation dans l'immeuble sans l'autorisation de Solange X....
Les termes de la correspondance du 27 avril 2012 de Maître A..., notaire, révèlent que les parties ont envisagé de procéder à un partage de la propriété, et qu'une demande de prêt qui pouvait permettre le financement du prix d'acquisition, avait été effectuée auprès de la Société Générale. Le notaire ajoute que cette copropriété n'a jamais été mise en place, tout comme le prêt, du fait d'un désaccord entre les deux parties quant à la consistance des deux lots et que le dossier avait été donc archivé.
Il s'ensuit que Karine Y... en partageant le bien sans l'accord de Solange X... a commis une faute. Il est de plus constant qu'elle ne pouvait vendre ses parts dans la mesure où elle avait obtenu un prêt de primo acquéreur.
Néanmoins, Solange X..., au regard de ses revenus salariaux tirés de deux emplois et de ses vacations de pompier pouvait obtenir un prêt auprès d'un autre organisme bancaire ; ces faits constituent également une négligence qui lui est imputable. Karine Y... ne peut faire valoir que le frère de Solange X..., qui avait proposé de racheter ses parts à hauteur de 12. 500. 000 FCFP a acquis un bien d'une valeur de 19. 500. 000 FCFP de sorte que cette dernière avait la possibilité de financer l'achat alors qu'il n'est pas démontré que l'appelante avait donné un accord sur le partage imposé par l'intimée. De plus, Solange X... avait le droit de rejeter une offre faite par une relation de l'intimée qui ne couvrait pas le montant des frais et du prix de l'adjudication.
Il en ressort que chacune des parties a commis une faute contribuant à hauteur de 50 % au préjudice résultant de la résolution de la vente et de la folle enchère qui devra par conséquent être partagé par moitié entre elles.
Seront donc répartis par moitié :
- les frais de transcription d'hypothèque,
- les droits d'enregistrement,
- les intérêts dus sur prix de vente,
- les frais d'acquisition,
- et également les frais du prêt pour financer l'acquisition du bien à hauteur de 1. 500. 000 FCFP.
Solange X... fait valoir que s'agissant des :
- frais de justice : elle n'est redevable d'aucune somme,
- frais de transcription d'hypothèque qu'elle reconnaît devoir la somme de 51. 386 FCFP,
- droits d'enregistrement, elle indique devoir la somme de 339. 280 FCFP,
- frais bancaires, qu'ils ne lui sont pas imputables.
En ce qui concerne le prêt de 1. 500. 000 FCFP, elle observe que Karine Y... a reversé le montant sur un compte ouvert à son nom ; que le premier juge a mis à tort à sa charge la moitié du montant alors qu'elle a effectué au bénéfice de l'indivision, un versement de 697. 170 FCFP.
Karine Y... soutient avoir réglé les sommes suivantes au titre des :
- frais de transcription d'hypothèque : 102. 772 FCFP,
- droits d'enregistrement : 1. 731. 360 FCFP,
- quittance de frais de poursuite : 14. 000 FCFP,
- frais de justice : 348. 435 FCFP,
- frais bancaires pour le premier prêt de 2008 souscrit pour l'acquisition de l'immeuble : 184. 343 FCFP et pour le second prêt de 2009, permettant d'acquitter le premier après leur séparation : 253. 111 FCFP.
Il ressort des pièces produites aux débats que :
Karine Y... a versé au trésor public, les sommes suivantes au titre des :
- frais d'enregistrement : 1. 523. 080 FCFP, (chèques produits aux débats)
- frais de transcription d'hypothèque : 102. 772 FCFP
-frais de poursuites : 14. 000 FCFP ;
- frais de justice : 348. 435 FCFP (réglés à maître B...)
Soit un total de 1. 639. 852 FCFP déduction fait d'un prélèvement sur le compte commun de 58. 000 FCFP. Elle établit que l'emprunt souscrit par les deux concubines a permis d'acquitter les frais d'enregistrement mais a été soldé par elles. A cet égard, il ne pourra être mis à la charge de l'appelante que la moitié des frais du premier prêt qui a été souscrit conjointement par les deux parties, soit 92. 171 FCFP (184. 343 FCFP : 2). En effet, les frais inhérents au second prêt ne sont pas opposables à Solange X... qui n'a pas donné son accord pour que le premier soit soldé par l'appelante.
Karine Y... produit copie d'un chèque d'un montant de 397. 280 FCFP dont le nom du bénéficiaire n'est pas indiqué et sur lequel est porté le tampon de Maître B.... Il n'est pas rapporté la preuve qu'il ait été encaissé par la production d'un relevé de compte.
C'est donc les sommes de 1. 988. 287 FCFP et de 92. 171 FCFP qui ont été versées par
Karine Y..., soit un total de 2. 080. 458 FCFP.
Il n'est pas contesté que Solange X... a versé les sommes suivantes au titre des :
- frais d'acquisition : 557. 463 FCFP,
- droits d'enregistrement : 189. 000 FCFP
soit un total de 746. 267 FCFP.
Les deux parties ont donc versé au total la somme de 2. 826. 725 FCFP, somme qui sera partagée par moitié en raison du partage de responsabilité intervenu.
Il en résulte que Solange X... doit être condamnée à payer à Karine Y... la somme de 667. 095 FCFP (1. 413. 336-746. 267).
Dans ces conditions le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les frais de la vie courante et les frais d'aménagement de la maison
Karine Y... demande la condamnation de Solange X... à lui payer les frais de la vie courante et les frais d'aménagement de la maison engagés par elle.
Solange X... conclut au débouté des demandes en faisant observer que les frais d'aménagement n'avaient pas été demandés en première instance. Elle ajoute que les pièces produites n'établissent pas les paiements effectués par elle.
Il est constant qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit en l'absence de volonté exprimée à cet égard supporter les dépenses de la vie courante qu'il a exposées (cass civ 1er du 19 mars 1991).
Il s'ensuit qu'en l'absence de convention entre les parties, les factures d'eau et d'électricité constituant des charges courantes, la demande formée en ce sens par Karine Y... doit être rejetée.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Par ailleurs, Karine Y... a fait l'acquisition de meubles de cuisine et a entrepris des travaux dans l'immeuble sans qu'il soit établi qu'elle avait obtenu là encore l'accord de Solange X.... Elle sera donc déboutée de sa demande formée en ce sens.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par chacune des parties pour préjudice moral
Au regard du partage de responsabilité intervenue aucune des parties ne peut invoquer un préjudice moral distinct. Elles seront déboutées de cette demande.
Sur les frais irrépétibles
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie tant en première instance qu'en appel.
Les deux parties succombant, les dépens de l'appel seront partagés par moitié, la décision déférée étant par ailleurs confirmée sur ce point.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire déposé au greffe :
Déclare les appels recevables ;
Confirme le jugement déféré sur les dispositions relatives aux frais de la vie courante, aux frais irrépétibles et aux dépens ;
L'infirmant sur le surplus,
Dit que chacune des parties a contribué à hauteur de 50 % au préjudice de l'autre partie ;
En conséquence,
Condamne Solange X... à payer à Karine Y... la somme de six cent soixante-sept mille quatre-vingt-quinze (667. 095) FCFP :
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Fait masse des dépens de l'appel et Dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties dont distraction au profit de Maître Karine LACROIX sur ses affirmations ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.