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01/10/2012 | FRANCE | N°10/684

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 01 octobre 2012, 10/684


COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 01 Octobre 2012





Chambre Civile











Numéro R.G. :

10/684



Décision déférée à la cour :

rendue le : 30 Août 2010

par le : Tribunal de première instance de NOUMEA



Saisine de la cour : 23 Novembre 2010





PARTIES DEVANT LA COUR



APPELANTE



LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, Mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SOCOMA

1 bis, Boulevard Extérieur -

Auguste Mercier - Quartier Latin - BP. 3420 - 98846 NOUMEA CEDEX



représentée par la SELARL LOMBARDO



INTIMÉES



La Société Civile Immobilière CHRYSTINA, prise en la personne de son représentant légal

28 rue Por...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 01 Octobre 2012

Chambre Civile

Numéro R.G. :

10/684

Décision déférée à la cour :

rendue le : 30 Août 2010

par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 23 Novembre 2010

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, Mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SOCOMA

1 bis, Boulevard Extérieur - Auguste Mercier - Quartier Latin - BP. 3420 - 98846 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL LOMBARDO

INTIMÉES

La Société Civile Immobilière CHRYSTINA, prise en la personne de son représentant légal

28 rue Porcheron - Immeuble Roger Bérard - BP. 232 - 98845 NOUMEA CEDEX

LA SOCIETE SC CHRYSTINA INVEST, prise en la personne de son représentant légal

6 rue Jules Garnier - 98800 NOUMEA

Toutes deux représentées par la SELARL BOUQUET - DESWARTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Août 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller, président,

Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,

François BILLON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats: Mikaela NIUMELE

ARRÊT : contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Jean-Michel STOLTZ, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La S.C.I. CHRYSTINA s'est portée acquéreur de deux terrains nus situés au MONT DORE, formant les lots 107 et 108 du lotissement Philippe de Saint-Quentin, en vue d'y construire un ensemble immobilier, dénommé Résidence CHRYSTINA, dans le cadre d'une opération de défiscalisation.

La S.C.I. CHRYSTINA, maître d'ouvrage, a mandaté la SC CHRYSTINA INVEST en qualité de maître d'ouvrage délégué, pour superviser l'exécution des travaux.

Par acte sous seing privé en date du 21 juin 2006, la société civile CHRYSTINA INVEST a confié à la S.A.R.L. SOCOMA une mission d'entreprise générale pour la construction de l'ensemble immobilier "Résidence CHRYSTINA" portant sur un montant global de 239.401.178 F HT (251.371.237 F TTC).

Par acte du 26 septembre 2008, la S.A.R.L. SOCOMA a fait citer la S.C.I. CHRYSTINA et la SC CHRYSTINA INVEST devant le tribunal de première instance de NOUMÉA, afin de voir constater que ces sociétés ont exécuté de mauvaise foi le contrat de construction du 21 juin 2006 et l'ont rompu à tort, les condamner en conséquence in solidum à lui payer, outre la somme de 350.000 F CFP au titre des frais irrépétibles, les sommes de 7.493.748 F CFP au titre du solde des travaux réalisés sous le contrôle de la société SOCOTEC (factures des 30 novembre 2007, 10 janvier 2008 et 10 avril 2008), 18.918.928 F CFP au titre des retenues de garantie faites sur les travaux réalisés et 8.114.341 F CFP à titre de dommages et intérêts correspondant à la différence entre les travaux payés dûment accomplis et la totalité du marché, décharger la société demanderesse des pénalités de retard à compter du 30 novembre 2007, ainsi que des obligations de parfait achèvement et de la responsabilité décennale.

Le 6 octobre 2008 la S.A.R.L. SOCOMA était placée en redressement judiciaire et le 19 novembre 2008, sa liquidation judiciaire était prononcée.

Par conclusions déposées le 16 décembre 2008, la S.C.I. CHRYSTINA et la SC CHRYSTINA INVEST concluaient au débouté de l'ensemble des demandes de la société SOCOMA et à la fixation reconventionnelle de la créance à l'égard de la S.C.I. CHRYSTINA au titre des non finitions, malfaçons, non réalisation des travaux et pénalités de retard à la somme de 75.121.250 FCFP, à la fixation de la créance à l'égard de la SC CHRYSTINA INVEST au titre des sommes qu'elle avait été contrainte de régler aux banques pour permettre l'opération de défiscalisation à la somme de 8.570.034 F CFP et à l'allocation d'une somme de 800.000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 17 juin 2009, la S.A.R.L. SOCOMA représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire liquidateur, demandait au tribunal de déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles des défenderesses par application des dispositions des articles L 622-7 et L 622-21 du code de commerce.

Par conclusions déposées les 6 septembre 2009 et 14 octobre 2009, la S.C.I. CHRYSTINA et la SC CHRYSTINA INVEST demandaient qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur les créances déclarées le 10 décembre 2008 dans le cadre de la procédure collective.

Par jugement du 30 août 2010 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure et des moyens des parties, le tribunal de première instance de NOUMÉA a statué ainsi qu'il suit :

VU le contrat du 21 juin 2006 par lequel la société civile CHRYSTINA INVEST, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué de la S.C.I. CHRYSTINA, a confié à la S.A.R.L. SOCOMA une mission d'entreprise générale pour la construction de l'ensemble immobilier "Résidence CHRYSTINA" ;

VU l'article 1184 du code civil ;

CONSTATE l'inexécution fautive de ses obligations par la S.A.R.L. SOCOMA et,

DIT que la rupture du contrat du 21 juin 2006 lui est imputable ;

DÉBOUTE en conséquence la S.A.R.L. SOCOMA représentée par son mandataire liquidateur, de l'ensemble de ses demandes ;

VU le jugement du 19 novembre 2008 prononçant la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. SOCOMA ;

VU les articles L 622-7 et L 622-21 du code de commerce ;

DÉCLARE les demandes reconventionnelles présentées le 16 décembre 2008 par la S.C.I. CHRYSTINA et la SC CHRYSTINA INVEST irrecevables, avec toutes conséquences de droit ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

LAISSE les dépens à la charge de la société SOCOMA ;

DIT qu'ils seront employés en frais privilégiés de liquidation, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de la NOUVELLE-CALÉDONIE.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée le 23 novembre 2010, la S.A.R.L. SOCOMA représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire liquidateur, a interjeté appel de la décision qui lui avait été signifiée le 25 octobre 2010.

Dans son mémoire ampliatif d'appel enregistré au greffe le 23 février 2011, complété par des écritures du 11 juillet et du 21 octobre 2011, elle fait valoir, pour l'essentiel :

- que la société SOCOMA n'a plus été en mesure d'exécuter ses obligations en raison d'une première inexécution fautive commise par les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST ; qu'ainsi, en refusant arbitrairement, en violation des article 13-1 et 13-2 de la convention des parties souscrite le 21 juin 2006, et alors même que le bureau d'études SOCOTEC avait agréé les travaux, de ne pas régler en totalité les factures qui leur étaient présentées au fur et à mesure de l'avancement du chantier, ces sociétés ont mis la société SOCOMA dans des difficultés financières telles que la liquidation judiciaire a dû être prononcée par jugement du 19 novembre 2008 ;

- que les sociétés intimées ne sont pas fondées à se prévaloir du fait que la facture no17 du 30 novembre 2007 aurait été rectifiée par la société SOCOMA, cette rectification n'étant intervenue, qu'après menace du maître de l'ouvrage délégué qui, excipant de ses propres contrôles, a exigé l'établissement d'une nouvelle facture, faute de quoi aucun versement n'aurait pu intervenir ;

- qu'en outre, la société CHRYSTINA INVEST, alors même que le contrat ne prévoyait aucune clause résolutoire a, dès le 28 mars 2008, purement et simplement notifié à la SOCOMA la résiliation du contrat, sans recourir au juge ; qu'une telle résiliation est manifestement abusive et doit permettre de condamner les intimées in solidum à lui payer le solde des travaux effectués à la date de résiliation anticipée, ainsi que les sommes retenues au titre du mécanisme de la retenue de garantie sur la totalité des travaux payés, soit :

* le solde de la facture no 17 du 30 novembre 2007 : 3.270.293 F CFP,

* le solde de la facture no 18 du10 janvier 2008 : 1.466.356 F CFP,

* la facture no19 du 10 avril 2008 : 2.757.099 F CFP,

* les retenues sur les factures antérieures : 18.918.928 F CFP,

ainsi, qu'à titre de dommages et intérêts,

la différence existant entre les travaux effectués

et payés, et la totalité du marché soit la somme de : 8.114.341 F CFP ;

- que l'appelante, ès qualités de liquidateur de la société SOCOMA, doit être déchargée des pénalités de retard depuis le 30 novembre 2007, lesquelles n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration de créance sont, en tout état de cause, éteintes ; que la SOCOMA n'ayant pas été en mesure de terminer et livrer son chantier, doit également être dispensée de la garantie de parfait achèvement et de toute responsabilité décennale ;

- que les intimées ne sont pas fondées à présenter, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SOCOMA, des demandes reconventionnelles, manifestement irrecevables, ainsi que le premier juge l'a rappelé ;

- que la demande de compensation sera également rejetée pour la même raison, ainsi que celle relative au montant de la condamnation obtenue aux termes d'une ordonnance de référé du 30 juillet 2008 (5.000.000 F CFP) qui a été obtenue à titre provisionnel, créance qui n'était par conséquent pas définitivement née au moment de l'ouverture du redressement judiciaire.

En conséquence, la Selarl Mary Laure GASTAUD, ès qualités de liquidateur de la société SOCOMA demande à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

- Accueillir la Selarl Mary Laure GASTAUD, ès qualités de liquidateur de la société SOCOMA en sa requête d'appel, la dire recevable en ses formes et délai ;

- Réformer le jugement prononcé le 30 août 2010 par le tribunal de première instance, en ce qu'il a :

* constaté l'inexécution fautive de ses obligations par la SARL SOCOMA et dit que la rupture du contrat du 21 juin 2006 lui est imputable ;

* débouté en conséquence la SARL SOCOMA, représentée par son mandataire-liquidateur, de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a, au vu du jugement du 19 novembre 2008 prononçant la liquidation judiciaire de la société SOCOMA et au visa des articles L 622-7 et L 622-21 du code de commerce, déclaré les demandes reconventionnelles présentées le 16 décembre 2008 par les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST irrecevables, avec toutes conséquences de droit,

- En tout état de cause, subsidiairement les rejeter et dire que la société SOCOMA sera déchargée des pénalités de retard à compter du 30 novembre 2007, ainsi que des obligations de parfait achèvement et de responsabilité décennale ;

- Constater que les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST ont exécuté de mauvaise foi le contrat de construction du 21 juin 2006 et l'on rompu à tort ;

En conséquence,

- Condamner les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST à payer solidairement à la SELARL Mary Laure GASTAUD, ès qualités de la société SOCOMA :

* 7.493.748 F CFP au titre du solde des travaux réalisés sous le contrôle de SOCOTEC,

* 18.918.928 F CFP au titre des retenues faites sur les travaux réalisés (retenue de garantie),

* 8.114.341 F CFP à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST à payer chacune à l'appelante la somme de 250.000 F CFP, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Cabinet d' Avocat Xavier LOMBARDO, sur ses offres de droit.

************************

Par conclusions déposées le 1er juin 2011, complétées les 22 août et 24 novembre 2011, les sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST font valoir, pour l'essentiel :

- que, s'agissant de la facture no17 du 30 novembre 2007 initialement d'un montant de 5.416.427 F CFP puis rectifiée par la SOCOMA en janvier 2008 à un montant de 2.146.134 F CFP, le paiement du solde de 3.270.293 F CFP ne saurait lui être demandé , la SOCOMA ayant reconnu le bien fondé de ses observations par la rectification opérée ;

-que la société SOCOMA ne saurait soutenir que le rapport SAMCO n'est pas contradictoire pour tenter d'échapper à ses responsabilités ; que l'appelant, qui n'a pas jugé utile de solliciter une expertise, a par ailleurs admis la justesse des observations de la société SAMCO, notamment en rectifiant la facture du 30 novembre 2007 ;

- que la société SOCOMA ne saurait imputer la rupture aux intimées ; qu'en effet la clause prévoyant de payer les factures au fur et à mesure n'interdit pas au maître de l'ouvrage de vérifier si les situations reflètaient la réalité des travaux ; qu'en outre, il convient de rappeler que les factures ont toutes été ponctuellement réglées, à l'exception des factures no17 pour partie, et des factures no18 et no19 ; qu'en tout état de cause, les travaux devant être terminés pour le 30 septembre 2007, ces factures datées de janvier à avril 2008 ont été émises postérieurement à la date prévue ; que les intimées n'ont donc pas rompu le contrat unilatéralement et fautivement mais ont simplement été contraintes de prendre acte de l'abandon du chantier par la société SOCOMA laquelle est donc incontestablement responsable de la rupture du marché ;

- qu'au titre de l'appel incident, les intimées sollicitent, conformément à la jurisprudence, la compensation de leurs créances avec les sommes dont la société SOCOMA se prétend créancière ; qu' il a été ainsi produit aux débats les déclarations de créances effectuées par la société CHRYSTINA SC à hauteur de 8.750.034 F CFP et par la société CHRISTINA SCI à hauteur de 73.492.200 F CFP ; que les intimées sont ainsi parfaitement fondées à solliciter la compensation de la somme de 83.709.234 F CFP avec celle de 25. 856. 676 F CFP dont la société SOCOMA se prétend créancière.

En conséquence, les sociétés SCI CHRYSTINA et SC CHRYSTINA INVEST demandent à la Cour de statuer ainsi qu'il suit :

Sur l'appel principal :

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté l'inexécution fautive par la société SOCOMA de ses obligations ;

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle débouté la société SOCOMA, représentée par son liquidateur, de toutes ses demandes fins et conclusions ;

Sur l'appel incident :

- Fixer les créances à la somme totale de 83.709.234 F CFP ;

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes de la société SOCOMA tendant à la condamnation des sociétés SCI CHRYSTINA et SC CHRYSTINA INVEST au paiement de la somme de 25.856.676 F CFP en tout ou partie :

- Dire y avoir lieu à compenser ladite somme avec la somme de 25.856. 676 F CFP dont la société SOCOMA se prétend créancière ;

- Condamner la Selarl MARIE LAURE GASTA UD à payer aux sociétés CHRYSTINA INVEST et CHRYSTINA SCI la somme de 400.000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;

- La condamner en tous les dépens distraits au profit de la Selarl BOUQUET DESWARTE sur ses affirmations de droit.

Dans leurs dernières écritures, déposées le 24 novembre 2011, les sociétés CHRYSTINA INVEST et CHRYSTINA SCI, admettent cependant que la Cour ne peut fixer le montant des créances déclarées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective et demandent, en conséquence, à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive fixant les créances des sociétés SCI CHRYSTINA et SC CHRYSTINA INVEST, dans le cadre de la vérification de créance.

************************

Les ordonnances de clôture et de fixation de la date de l'audience ont été rendues le 22 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De l'imputabilité de la ruture du contrat d'entreprise générale

Attendu que les dispositions de l'article 1184 du code civil prévoient que :

"La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances" ;

Attendu que la jurisprudence précise que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risque et périls (Cass.1ère Civ. 13 octobre 1998) et qu'il incombe au juge du fond de rechercher si le comportement revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale (Cass.1ère Civ. 28 octobre 2003) ; que pour les contrats à prestations successives, le contrat ne se trouve résolu que pour la période à partir de laquelle l'un des cocontractants n'a plus rempli ses obligations (Cass.1ère Civ. 27 janvier 1998) ;

Attendu qu'ainsi, la société SOCOMA prise en la personne de son mandataire liquidateur n'est pas fondée à relever l'absence de clause résolutoire prévue par les parties pour dénier aux sociétés intimées toute possibilité de rompre unilatéralement le contrat sans intervention du juge ; qu'il appartient à la Cour de rechercher si le comportement de la société SOCOMA revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale de la part des Sociétés CHRYSTINA INVEST SC et CHRYSTINA SCI ;

Attendu que le contrat d'entreprise générale souscrit le 21 juin 2006 prévoyait en son article 13 relatif au règlement du prix, les règles suivantes :

"Article 13 - Règlement du Prix

Le paiement du prix convenu s'effectuera de la manière suivante:

13.1 Le prix convenu sera réglé par le Maître de l'Ouvrage à l'Entrepreneur Général au fur et à mesure de l'avancement des travaux sur présentation de situations.

Le total des règlements présentés au Maître de l'Ouvrage devra à tout moment être égal au montant des travaux réalisés et facturés suivant détail des coûts décrits en annexe du Contrat d'Entreprise Générale.

Une réunion d'avancement sera organisée mensuellement par l'Entrepreneur Général en vue de la préparation de la situation mensuelle. Cette réunion devra avoir lieu entre le 20 et le 30 de chaque mois à des dates arrêtées d'accord partie.

A cette réunion d'avancement, l'Entrepreneur Général conviera par tout moyen à sa convenance: les bureaux d'études, les sous traitants, le Maître de l'Ouvrage et le Maître d'Ouvrage Délégué.

A l'issue de cette réunion d'avancement, le bureau d'études choisi par l'Entrepreneur Général collectera l'ensemble des situations émises par les différents intervenants contrôlées le cas échéant par les bureaux d'études concernés et les visera à son tour avant de les transmettre à l'Entrepreneur Général.

Celui-ci émettra la situation mensuelle d'avancement à l'appui des documents précités.

Cette situation détaillée avec ses pièces justificatives sera remise contre récépissé au Maître d'Ouvrage Délégué, ce dernier après acceptation par ses soins, la transmettra, le cas échéant, au Maître de l'ouvrage pour paiement.

L'Entrepreneur Général devra justifier à tout moment du paiement des situations de ses sous-traitants au Maître d'Ouvrage Délégué ou éventuellement au Maître de l'Ouvrage à sa demande, ou à toute personne ayant reçu délégation.

13.2 Dans la mesure où les situations mensuelles de Travaux auront été transmises au Maître de l'Ouvrage dans les conditions ci-dessus exposées, ce dernier disposera d'un délai de 15 jours pour s'acquitter des sommes dues.

13.3 Une somme égale à 10% de chaque situation mise en paiement sera retenue par le Maître de l'Ouvrage afin de garantir l'exécution des Travaux. A la réception provisoire des travaux, le Maître de l'Ouvrage versera la somme de 5%.

Le solde sera versé à la réception définitive des travaux. Toutefois, la retenue de garantie stipulée contractuellement et dans la limite de 5% ne sera pas pratiquée si l'Entrepreneur Général fournit pour un montant égal une caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier agréé.

13.4 Le paiement des premières situations sera conditionné à la justification par l'Entrepreneur Général de l'assurance Responsabilité Civile correspondant au présent contrat d'entreprise générale signé avec le Maître de d'Ouvrage Délégué" ;

Attendu que l'appelant soutient ainsi que le prix devant être payé au fur et à mesure de l'avancement des travaux sur présentation des situations contrôlées par le bureau d'études, en l'espèce la société SOCOTEC, les sociétés intimées ont failli à leurs obligations en refusant de s'acquitter en tout ou partie de plusieurs factures ;

Attendu cependant qu'aux termes de l'article 13 -1du contrat, les parties avaient prévu que :

"A l'issue de cette réunion d'avancement, le bureau d'études choisi par l'Entrepreneur Général, collectera l'ensemble des situations émises par les différents intervenants, contrôlées le cas échéant par les bureaux d'études et les visera à son tour avant de les transmettre à l'entrepreneur général" ;

Attendu qu'il résulte de la rédaction de cette clause que le bureau d'études choisi par la société SOCOMA, soit la société SOCOTEC, ne devait que collecter les situations des intervenants, avant de les remettre après contrôle éventuel à l'entrepreneur général ; que le fait qu'elle ait rassemblé ces situations, et qu'elle les ait, le cas échéant, fait contrôler par les bureaux d'études, avait pour conséquence de permettre l'établissement des facturations, sans pour autant priver le maître de l'ouvrage de sa possibilité de contrôle ; que la société SOCOTEC, qui n'était liée contractuellement qu'à la société SOCOMA afin de l'aider dans la gestion administrative de l'opération, n'avait aucune mission de contrôle de la qualité des travaux effectués et de leur conformité ; cette anlayse est confortée par l'avant dernier alinéa de l'article 13-1 du contrat qui précise ainsi que :

"Cette situation détaillée avec pièces justificatives sera remise contre récépissé au Maître d'Ouvrage Délégué, ce dernier après acceptation par ses soins, la transmettra le cas échéant au Maître de l'Ouvrage pour paiement" ;

Attendu qu'il en résulte que le Maître de l'Ouvrage était en droit de refuser le règlement de certaines factures compte tenu des graves malfaçons et de la non-conformité des travaux qui avaient été constatées par son bureau d'études, la société SAMCO ;

Attendu que le contrat des parties prévoyait également, au titre du délai d'achèvement et de livraison des travaux (article 8) que :

"les travaux devront être exécutés sans interruption avec les moyens nécessaires permettant la livraison de l'Ensemble Immobilier dans les plus brefs délais et au plus tard le 30 septembre 2007" et que :

"ainsi que l'Entrepreneur Général le reconnaît , le Maître de l'Ouvrage attache une importante toute particulière au respect du délai de livraison des Travaux, de sorte que l'Entrepreneur Général s'engage à exécuter les missions qui lui sont confiées pour que ce délai soit respecté" ;

Attendu que les factures dont il est demandé le paiement sont en date du 30 novembre 2007, du 10 janvier 2008 et du 10 avril 2008, soit postérieures à la date contractuelle d'achèvement des travaux, ce qui ne permet pas à la société SOCOMA de soutenir sérieusement qu'elle a pris du retard sur le chantier faute d'avoir été réglée du montant de factures postérieures à la date d'achèvement du chantier ;

Attendu qu'en outre, la société CHRYSTINA INVEST soutient qu'elle n'a pas décidé de rompre unilatéralement le contrat mais qu'elle a bien dû se rendre à l'évidence et constater l'abandon du chantier , après plusieurs lettres adressées à la société SOCOMA constatant son absence sur le chantier, les malfaçons et les non-conformités qui ont été suivies d'une mise en demeure de reprendre les travaux sous huit jours qui est restée sans effet ;

Attendu qu'en l'espèce, c'est ainsi par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a considéré qu'il ressortait des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 7 mars 2008 attestant que les travaux étaient arrêtés depuis longtemps, des nombreuses lettres adressées à la société SOCOMA en date des 6 novembre 2007, 22 janvier 2008, 2 février 2008, 14 février 2008, 27 février 2008, 28 février 2008 et 26 mars 2008, du rapport amiable établi par la société SAMCO et des clichés photographiques produits aux débats, qu'à la date du 30 septembre 2007 fixée contractuellement par les parties, les travaux prévus au contrat n'étaient pas achevés, que les travaux partiellement effectués n'étaient pas conformes aux engagements contractuels et qu'enfin le chantier était abandonné par la société SOCOMA ; qu'un tel comportement de la part de la société SOCOMA revêt une gravité suffisante de nature à justifier la rupture unilatérale du contrat de la part des sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST ;

Attendu qu'en outre, la Cour est conduite à faire observer que la société SOCOMA est d'autant moins fondée à faire porter la responsabilité de ses difficultés économiques sur les sociétés intimées en alléguant du non paiement des dernières factures, que le contrat qui portait sur un montant global de 239.401.178 F CFP (HT) lui a permis de percevoir des règlements substantiels d'un montant total de 216.884.229 F CFP ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de constater l'inexécution fautive de ses obligations par la S.A.R.L. SOCOMA et de dire que la rupture du contrat du 21 juin 2006 lui est imputable ;

Attendu que la société SOCOMA ne saurait prétendre au solde de 3.270.293 F CFP de la facture no17 du 30 novembre 2007, initialement d'un montant de 5.416.427 F CFP, qu'elle a elle-même rectifiée le 11 janvier 2008 à un montant de 2.146.134 F CFP, reconnaissant ainsi le bien fondé des observations qui lui avaient été faites à la suite de la visite du chantier effectuée le 20 décembre 2007 par la société SAMCO qui concluait à un écart de 3.270.293 F CFP entre le montant facturé et l'avancement réel des travaux effectués ;

Attendu qu'il résulte également des pièces versées au dossier et notamment du rapport de la société SAMCO et du procès-verbal d'huissier du 7 mars 2008, que la retenue de 1.466.326 FCFP opérée sur la facture no18 du 10 janvier 2008 et le non paiement de la facture no19 du 10 avril 2008, non combattues par des éléments contraires pertinents par la société SOCOMA, sont légitimes ;

Attendu par ailleurs, que les retenues sur les factures antérieures opérées au titre des retenues de garantie, afin de garantir l'exécution des travaux, prévues contractuellement par l'article 13-2 du contrat du 21 juin 2006, doivent être conservées par les sociétés intimées, ainsi que la jurisprudence a pu le rappeler (Cass. 3ème Civ. 15 novembre 1995 et 31 mars 1999) ;

Attendu enfin, qu'en raison de l'imputabilité de la rupture à la société SOCOMA, celle-ci ne saurait prétendre à percevoir des dommages et intérêts qu'elle évaluait à la différence existant entre les travaux effectués et payés et la totalité du marché ;

Attendu que dans ces conditions, la S.A.R.L. SOCOMA, représentée par son mandataire liquidateur, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Des demandes reconventionnelles des sociétés CHRYSTINA et CHRYSTINA INVEST

Attendu que les intimées présentent des demandes reconventionnelles s'élevant à un montant total de 83.709.234 F CFP ;

Attendu que l'article L 622-7 du code du commerce prévoit que le jugement ouvrant la procédure emporte interdiction de plein droit de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, sauf par compensation de créances connexes ;

Attendu que selon l'article L 622-21 du même code, le jugement d'ouverture interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;

Attendu qu'enfin l'article L622- 23 du code précité prévoit que les autres actions (en particulier celles en fixation de la créance) sont poursuivies au cours de la période d'observation, après mise en cause du mandataire judiciaire ; que le code de commerce ne prévoit que le cas de la poursuite d'une action et non celui de son introduction et qu'en d'autres termes il faut que les actions portant sur des créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective aient été en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective, faute de quoi elles sont irrecevables ;

Attendu que la signification de la requête introductive d'instance aux sociétés intimées a eu lieu par acte du 26 septembre 2008, que la S.A.R.L. SOCOMA a été placée en redressement judiciaire le 6 octobre 2008, sa liquidation judiciaire ayant été prononcée par jugement du 19 novembre 2008, que les demandes reconventionnelles en fixation de créances ont été formées par la S.C.I. CHRYSTINA et la SC CHRYSTINA INVEST par conclusions déposées au greffe le 16 décembre 2008 ; qu'ainsi les prétentions indemnitaires des sociétés intimées intervenues après le jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société SOCOMA, concernant des créances nées avant ce jugement, en l'absence de créances réciproques connexes dont la compensation pourrait être ordonnée, doivent être déclarées irrecevables ; que la jurisprudence a ainsi pu rappeler qu'en l'absence d'instance en paiement engagée avant le jugement d'ouverture, le créancier ne peut faire jouer la compensation, faire fixer sa créance devant une autre juridiction que le juge-commissaire (Cass. Com.10 mars 2009) ;

Attendu que la demande formée par les intimées relative au montant fixé par ordonnance de référé du 30 juillet 2008 (5.000.000 FCFP) qui a été obtenu à titre provisionnel, est également une créance non définitivement née au moment de l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'ainsi l'instance en cours, qui aux termes de l'article L. 622-22 du code de commerce est interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance et que tel n'est pas le cas de l'instance en référé qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire. (Cass .Com. 6 octobre 2009) ;

Attendu que la demande de compensation formée par les sociétés intimées est sans objet, aucune créance n'ayant été reconnue à la société SOCOMA ;

Attendu qu'en tout état de cause, le mandataire liquidateur est fondé à relever que les sommes dont les intimées se prétendent créancières vis-à-vis de la société SOCOMA ne sont pas admises au passif ;

Des frais irrépétibles et des dépens

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimée les frais non compris dans les dépens et qu'il convient, en conséquence, de condamner la S.A.R.L. SOCOMA représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD à payer aux sociétés CHRYSTINA INVEST et CHRYSTINA SCI la somme de 100.000 F CFP à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Attendu que la S.A.R.L. SOCOMA, qui succombe à ses prétentions, supportera les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Déclare recevable l'appel formé par la S.A.R.L. SOCOMA représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire liquidateur ;

Au fond, confirme le jugement rendu le 30 août 2010 par le tribunal de première instance de Nouméa en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la S.A.R.L. SOCOMA, représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, à payer aux sociétés CHRYSTINA INVEST et CHRYSTINA SCI la somme de CENT MILLE (100.000) F CFP à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Laisse les dépens à la charge de la société SOCOMA , représentée par la SELARL Mary-Laure GASTAUD, mandataire liquidateur ;

Dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de liquidation, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de la NOUVELLE-CALÉDONIE.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 10/684
Date de la décision : 01/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-01;10.684 ?
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