COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 23 Août 2012
Chambre Commerciale
Numéro R.G. : 11/85
Décision déférée à la cour :rendue le : 08 Juin 2011par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA
Saisine de la cour : 24 Octobre 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANTE
LA SARL MEGA VRAC, prise en la personne de son représentant légal32 rue Gex - 98800 NOUMEA
représentée par la SELARL DUMONS et ASSOCIES
INTIMÉE
LA SA HOLCIM, prise en la personne de son représentant légalPointe Kuari - Baie de Numbo - 98800 NOUMEA
représentée par la SELARL REUTER-DE RAISSAC
AUTRE INTERVENANTE
LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la SARL MEGA-VRAC, suivant jugement du TMC de Nouméa en date du 19 mars 20121 bis, Boulevard Extérieur - Auguste Mercier - Quartier Latin - BP. 3420 - 98846 NOUMEA CEDEX
Concluante,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de : - Christian MESIERE, Conseiller, président,- Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,- François BILLON, Conseiller,qui en ont délibéré, Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Corinne LEROUX
ARRÊT : contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par Christian MESIERE, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par un contrat en date du 4 mai 2001, la société DES CIMENTS DE NUMBO, aux droits de laquelle se trouve la société HOLCIM, a cédé à la société MEGA VRAC, créée par Stéphane A..., ancien salarié de cette entreprise, la branche d'activité "transport de ciment en vrac et de filler en vrac"exploitée à NOUMEA, composée d'un matériel de transport et du personnel attaché au matériel cédé.
Par un contrat du même jour, la société DES CIMENTS DE NUMBO a chargé la société MEGA VRAC d'assurer pour son compte la livraison, chez ses clients, de ciments en vrac et, pour lui permettre d'accomplir cette mission, lui a donné en location trois semi-remorques citernes.
Ce dernier contrat, conclu pour une durée de 3 ans à compter de sa signature, a été reconduit tacitement le 4 mai 2004, puis a été suivi d'un nouveau contrat à compter du 1er janvier 2006 pour une durée de trois ans, auquel la société HOLCIM a mis fin à son terme, le 31 décembre 2008, par un courrier daté du 28 octobre 2008 qui invitait la société MEGA VRAC à lui faire une offre de service dans le cadre de la consultation faite auprès d'autres prestataires de service pour un nouveau contrat de trois ans.
Le 23 décembre 2008, les parties ont décidé de cesser leurs relations contractuelles et ont signé un "avenant de cessation" mettant fin d'un commun accord, par anticipation, au 24 décembre 2008 à 12 h, au contrat de transport de ciment en vrac et de location de semi-remorques conclu le 3 janvier 2006 pour une durée de 3 ans qui venait à expiration le 31 décembre 2008.
Par une requête déposée au greffe le 26 février 2009, la société MEGA VRAC a fait citer la société HOLCIM devant le tribunal mixte de commerce de NOUMEA afin de voir constater que le contrat du 4 mai 2001 constitue un acte de cession totale de la branche d'activité de transport de ciments, comprenant les machines outils, le personnel mais également l'activité de transport, et voir en conséquence la société HOLCIM condamnée à lui verser une somme de 25.000.000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
A titre subsidiaire, la société MEGA VRAC soutenait que son consentement avait été vicié par des manoeuvres dolosives lors de la signature des contrats du 4 mai 2001 et sollicitait à ce titre l'octroi de la somme de 25.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, outre celle de 250.000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Le 14 août 2009, la société HOLCIM concluait à l'entier débouté de la société MEGA VRAC et sollicitait l'octroi de la somme de 250.000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Suite à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société MEGA VRAC par jugement en date du 2 mars 2009, la SELARL Mary-Laure GASTAUD, nommée mandataire judiciaire, est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 18 juin 2011,auquel il est référé pour l'exposé des moyens des parties le tribunal mixte de commerce a :
- débouté la société MEGA VRAC de l'ensemble de ses demandes, - condamné la société MEGA VRAC à payer à la société HOLCIM la somme de 100.000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
PROCÉDURE D'APPEL :
Par requête d'appel du 30 juin 2011, la société MEGA VRAC a régulièrement interjeté appel de la décision.
La société MEGA VRAC n'ayant pas déposé de mémoire ampliatif dans le délai de la loi, le magistrat chargé de la mise en état a le 19 octobre 2011 ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rôle.
Le 24 octobre 2011, la SARL MEGA VRAC ayant enregistré son mémoire ampliatif, l'affaire a été enrôlée à nouveau.
Après infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, elle demande à la cour de:
A titre principal,
- constater que le contrat du 4 mai 2001 constitue un acte de cession totale de la branche d'activité de transport de ciments, comprenant les machines outils, le personnel mais également l'activité de transport, - constater que les contrats de transport du 4 mai 2001 et du 3 janvier 2006 sont la simple mise en forme du respect de l'acte du 4 mai 2001 et non des contrats détachables de cet accord, - constater que lesdits contrats sont nuls et de nul effet et voir en conséquence la société HOLCIM condamnée à lui verser une somme de 25.000.000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
A titre subsidiaire,
- constater que la SA HOLCIM a vicié par des manoeuvres dolosives son consentement lors de la signature des contrats du 4 mai 2001, - la condamner en conséquence au paiement de la somme de 25.000.000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, - condamner la SA HOLCIM à lui verser le manque à gagner représenté par le recours à des sociétés de transport pour mémoire dans l'attente du bilan de la SARL MEGA VRAC pour l'année 2008 - en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts, - condamner la SA HOLCIM à lui payer la somme de 250.000 FCFP sollicitée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie.
A l'appui de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel :
- que le contrat du 4 mai 2001 constitue un acte de cession totale de la branche d'activité de transport de ciments, comprenant les machines outils, le personnel mais également l'activité de transport,- que les contrats de transport du 4 mai 2001 et 3 janvier 2006 sont la simple mise en forme du respect de l'acte du 4 mai 2001 et non des contrats détachables de cet accord, - que le 3 janvier 2006, un nouveau contrat de transport de ciment en vrac et de location de semi-remorques citernes a été conclu, - que néanmoins malgré la clause d'exclusivité, en 2008, la société HOLCIM a proposé à l'un de ses salariés de créer une autre société destinée au transport de ciment en vrac avec tracteur avec cuve, - qu'ainsi, elle a vu son activité réduite, - que le 28 octobre 2008, la société HOLCIM a décidé par lettre de remise en mains propres de mettre un terme au contrat de transport.
Elle considère en conséquence qu'au regard des termes du contrat en date du 4 mai 2001, qui constitue la vente d'une branche d'activité dont elle se trouve être l'acquéreur, les deux autres contrats sont nuls.
Subsidiairement, elle ajoute que le jugement n'a pas statué sur l'erreur provoquée par les manoeuvres dolosives de l'intimé qui a donné l'impression de céder l'ensemble de sa branche :
* lors des discussions pré-contractuelles, * dans l'intitulé du contrat lui-même * et dans le corps du texte.
Elle rappelle que M. A... a toujours été salarié, chauffeur d'engins de la société DES CIMENTS DE NUMBO et ce notamment avant la constitution de la SARL MEGA VRAC ; que dès lors, au regard du lien de subordination l'unissant de fait avec la société, il n'a pu négocier librement.
La liquidation de la SARL MEGA VRAC a été prononcée par jugement du tribunal mixte de commerce le 19 mars 2012.
Par conclusions du 30 mars 2012, la SA HOLCIM demande à la cour la confirmation du jugement déféré et sollicite la somme de 250.000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Elle fait valoir pour l'essentiel :
- que l'analyse du contrat révèle qu'elle a cédé une branche d'activité comprenant :
* du matériel de transport désigné en annexe 1, * du personnel attaché au matériel de transport cédé désigné en annexe 2 * un contrat de transport sur une durée de 3 années.
- sur le sort des contrats de transport, qu'au regard de l'article 9 "clause de non concurrence", elle s'engageait à ne pas exercer l'activité de transport de ciment en vrac et de filler en vrac pendant une durée de 3 ans sur l'ensemble du territoire et qu'à compter de mai 2004 elle pouvait reprendre à son compte cette activité ou la faire sous-traiter par toute entreprise de son choix ;
- sur les manoeuvres dolosives, et sur l'erreur commise par la société MEGA VRAC,
* que le premier juge a clairement considéré qu'il n'y avait aucune manoeuvre dolosive et les rejetant n'avait pas à se pencher sur l'erreur invoquée, * qu'en tout état de cause, les deux contrats étant liés et la cession de la banche de transport réalisée doit être analysée au regard de la garantie accordée de transmettre pour une durée de 3 ans à la société MEGA VRAC l'intégralité de son activité de transport.
- sur sa prétendue faute contractuelle, qu'elle s'est exactement conformée au contrat
- sur le prétendu préjudice,
* que malgré des pourparlers en cours le 10 novembre 2008, la société MEGA VRAC indiquait sans équivoque possible que M. A... entendait vendre sa société, * que plusieurs incidents, voir accidents, émaillaient les relations contractuelles, * que la société MEGA VRAC répondait tardivement à un appel d'offres et alors qu'elle avait choisi des nouveaux prestataires, * que le 22 décembre 2008, un nouveau courrier était transmis et en réponse le même jour, la société MEGA VRAC a sollicité d'arrêter le contrat de transport par anticipation au 24 décembre 2008 et qu'un avenant a été signé le 23 décembre 2008. * qu'ainsi la preuve du préjudice n'est pas rapportée.
Le 13 juin 2012 la SELARL de Mandataire Judiciaire Mary Laure GASTAUD, es qualités, est intervenue volontairement à l'instance.
Elle demande à la cour de lui allouer le bénéfice du mémoire ampliatif de la SARL MEGA VRAC.
Les ordonnances de clôture et de fixation sont intervenues le 4 juin 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il y a lieu de constater l'intervention de la SELARL MARY-LAURE GASTAUD, es-qualités de mandataire liquidateur de la société MEGA VRAC.
L'acte du 4 mai 2001 stipule que la société MEGA VRAC a céder la branche d'activité de ciment vrac et de filler en vrac attachée au matériel de transport désigné en annexe No1 et dont la liste figure en annexe exploitée jusqu'à ce jour par le vendeur, cette branche comprenant exclusivement
* le matériel de transport désigné en annexe No 1 * le personnel attaché au matériel de transport cédé dont la liste figure en annexe No 2.
Ce contrat prévoit expressément en son article 9 que le vendeur s'engageait à ne pas exercer cette branche d'activité pendant une période de 3 ans, étant précisé que cette interdiction ne pouvait être préjudiciable au vendeur en cas de défaillance de l'acquéreur.
L'intitulé du contrat "branche d'activité" ou en encore la relation des pourparlers résumés en ces termes, " la société MEGA-VRAC a proposé à la société des CIMENTS DE NUMBO d'acquérir la branche d'activité de transport de ciment en vrac et de filler en vrac attachée aux véhicules visés en annexes No 1 et de reprendre ainsi le personnel nécessaire à son exécution" sont également sans équivoque.
Le même jour, les deux parties concluaient un second contrat par lequel la société HOLCIM confiait expressément à la société MEGA VRAC le transport de ciment en vrac pendant 3 ans. Ce contrat était renouvelé par tacite reconduction puis le 3 janvier 2006 pour une période de 3 ans. Il ne comporte aucune clause d'exclusivité. Ce contrat démontre que la société MEGA VRAC n'avait pas acquis l'activité de transport puisqu'elle avait accepté d'en assumer la charge pendant une durée limitée.
Les deux contrats dont les termes sont précis n'ont à l'évidence pas le même objet, le premier consistant en une cession de branche d'activité assortie d'une clause de non-concurrence pour une durée de 3 ans et le second en un contrat de transport consenti sans clause d'exclusivité pour une période trois ans qui a été par la suite renouvelé.
C'est donc par des justes motifs que la cour approuve et adopte que la demande de la société MEGA VRAC tendant à voir juger que l'activité de transport de la société DES CIMENTS DE NUMBO était incluse dans la branche d'activité qui lui avait été cédée le 4 mai 2001 n'était pas fondée tout comme il en a conclu que les manoeuvres dolosives n'étaient pas établies.
Sur les contrats de transport
Il ressort de motivations ci-dessus que l'intimée pouvait faire appel aux termes de trois années à d'autres prestataires.
L'appelante ne saurait donc faire valoir au regard des termes des contrats que la société HOLCIM à compter du 4 mai 2004 avait toujours l'obligation de lui confier la totalité du transport de ciment.
Egalement il ne peut être retenu une faute dans le non-renouvellement du contrat à son terme. En effet, la société MEGA VRAC demandait la résiliation du contrat le 17 décembre 2008 et le 23 décembre 2008 les deux sociétés signaient un avenant de cessation mettant au contrat par anticipation le 24 décembre au lieu du 31 décembre.
Aucune faute dans l'exécution des contrats souscrits n'est ainsi démontrée à l'encontre de l'intimée.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande de dommages et intérêts
Les manoeuvres dolosives et la faute contractuelle n'étant pas démontrées, la société MEGA VRAC doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts
Sur les frais irrépétibles
L'équité commande de ne pas faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie en cause d'appel, la décision déférée étant par ailleurs confirmée sur ce point.
La SELARL MARY-LAURE GASTAUD, es-qualités de mandataire liquidateur de la société MEGA VRAC, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire déposé au greffe :
Constate l'intervention de la SELARL MARY-LAURE GASTAUD es-qualités de mandataire liquidateur de la société MEGA VRAC.
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne la SELARL MARY-LAURE GASTAUD es-qualités de mandataire liquidateur de la société MEGA VRAC aux dépens dont distraction au bénéfice de la SELARL REUTER de RAISSAC.