COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 16 Août 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
11/ 95
Décision déférée à la cour :
rendue le : 31 Janvier 2011
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 18 Février 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANTE
L'EURL NEREE, prise en la personne de son représentant légal
38-40 rue Boquet-Magenta Ouémo-BP. 13741-98803 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL BOITEAU
INTIMÉ
M. Guy X...
né le 18 Mars 1950 à ROANNE (42300)
demeurant...
représenté par la SELARL BERQUET
AUTRES INTERVENANTS
M. Jérôme Y...
né le 11 Mai 1969 à ROUEN (76000)
Mme Anouck Z... épouse Y...
née le 14 Avril 1977 à HARFLEUR (76700)
demeurant ensemble...-98800 NOUMEA
Tous deux représentés par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS
M. Patrick B...
né le 17 Juillet 1973 à TOULOUSE (31000)
Mme Marjorie C... épouse B...
née le 28 Décembre 1975 à TOULOUSE (31000)
demeurant ensemble au...-...
Tous deux représentés par la SELARL ETUDE BOISSERY-DI LUCCIO
LA SARL LE COIN DU CAPITAINE, prise en la personne de son représentant légal
40 ter, rue d'Austerlitz-Port Moselle-Quai Riquet Goiran-BP. 62-98845 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Corinne LEROUX
ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Le voilier TANAGA, type Damien IV en acier, construit en 1986, a fait l'objet d'un rapport d'expertise de l'EURL NEREE en mars 2005, par l'expert André F..., à la requête de Patrick B..., qui projetait de l'acheter par l'intermédiaire de la SARL LE COIN DU CAPITAINE. L'expertise était destinée à l'assureur pour donner une valeur vénale au bateau.
Cet expert concluait : « cette unité en acier a gardé tout son potentiel. Son état général n'appelle pas de réserve. TANAGA est parfaitement apte à naviguer en catégorie A. La valeur vénale de l'unité était estimée à 6. 500. 000 FCFP ».
Les époux B... achetaient le bateau en mai 2005 et le revendaient le 23 février 2006 à Guy X....
Par acte sous seings privés en date du 19 juillet 2006, Guy X... vendait le voilier TANAGA aux époux Jérôme et Anouk Y..., qui désiraient vivre à bord.
Par acte d'huissier du 17 janvier 2007, ceux-ci faisaient constater, sur une aire de carénage de Nouméa, que la coque du navire était rouillée et que des trous apparaissaient sous la ligne de flottaison après ponçage de la peinture. Les époux Y... faisaient alors procéder à des travaux de remise en état de la coque du voilier, qui était remis à l'eau fin février 2007.
Le bateau était alors privé de ses aménagements intérieurs et était inhabitable.
Par ordonnance en date du 30 mai 2007, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa désignait l'expert Dominique H... pour examiner le navire et, notamment, déterminer son état lors de la vente et s'il présentait des vices cachés.
L'expert établissait son rapport le 29 mars 2008 alors que les époux B... n'avaient pas répondu à ses convocations.
Il concluait notamment : « si la corrosion est un phénomène de vieillissement normal, son importance sur la coque du navire au moment de son achat par les époux Y... est dramatique, au point de mettre en péril la sécurité dudit navire et de ses occupants. La coque était bien entretenue, et tant que la corrosion interne n'était pas traversante, elle était invisible à l'oeil depuis l'extérieur, à l'exception des deux zones signalées par M. I... (expert ayant établi un rapport de visite au cours de la deuxième semaine de janvier 2007). Si le bateau avait été sorti de l'eau et sondé, ne serait-ce qu'au marteau, dans les zones sensibles, il y a de fortes chances pour que cette oxydation ait été détectée au moins partiellement. (...). L'expertise de mars 2005, indiquant à plusieurs reprises que " l'état de la coque n'appelle pas de réserve ", a induit les acheteurs en erreur. On peut pour cette raison parler de vices cachés induits par ladite expertise. Ce document ne correspond d'ailleurs pas aux critères habituels de l'expertise maritime, quel qu'en soit le type (...). D'après les éléments et déclarations que j'ai pu réunir dans la présente expertise, il semblerait bien que M. X... se soit aperçu, au moins partiellement, des problèmes de corrosion » (page 22).
L'expert évaluait le coût de la remise en état du bateau à la somme de 4. 295. 740 FCFP, réduite à celle de 2. 983. 006 FCFP du fait d'abattement pour vétusté. Il chiffrait à 1. 480. 151 FCFP les frais d'hébergement de la famille Y... pendant la durée des travaux.
Par jugement rendu le 31 janvier 2011, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa a :
- homologué le rapport d'expertise de Dominique H...,
- constaté que l'aggravation de la corrosion du voilier acquis par Jérôme et Anouk Y... constituait un vice caché par Guy X... qui en avait connaissance au jour de la vente,
- fixé et évalué les dommages à 2. 983. 006 FCFP au titre de l'estimation des dommages de reprise de la coque du voilier valant diminution du prix d'achat et 1. 480. 151 FCFP au titre du trouble de jouissance subi par Jérôme et Anouk Y...,
- dit que cette évaluation portera intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation de Guy X... par les époux Y...,
- condamné Guy X... à payer 4. 463. 157 FCFP augmentés des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 avril 2007 solidairement à Jérôme et Anouk Y... en réparation des préjudices nés des dommages,
- dit que la société LE COIN DU CAPITAINE n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat d'intermédiation entre Guy X... et les époux B...,
- dit que Patrick B... et Marjorie C... ne connaissaient pas l'état de corrosion de la coque du voilier quand ils ont vendu le navire à Guy X... et qu'en conséquence, leur responsabilité civile contractuelle n'est pas engagée au titre de la garantie des vices cachés,
- dit que la société NEREE a réalisé une expertise du voilier manquant d'inspecter et contrôler l'état de la coque et de déterminer dans quelles conditions la coque était suivie alors qu'elle a fait rapport d'un parfait état de ladite coque et d'un entretien régulier décrivant un navire ayant gardé tout son potentiel,
- en conséquence, déclaré que la société NEREE a commis une faute dans la rédaction du rapport remis aux époux B... dont le contenu a nuit à Guy X... lors de son acquisition à qui ce rapport a été remis au même titre que les pièces administrative du navire,
- déclaré la société NEREE entièrement responsable des préjudices mis à la charge de Guy X...,
- condamné la société NEREE à garantir Guy X... de l'intégralité du coût de réparation des préjudices, soit 4. 463. 157 FCFP augmentés des intérêts de retard au taux légal à compter du 12 avril 2007, à l'exception de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Guy X... à payer 150. 000 FCFP solidairement à Monsieur et Madame Patrick B... en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société NEREE à payer 200. 000 FCFP solidairement à Jérôme et Anouk Y... au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance y compris les frais honoraires de l'expertise judiciaire et de la procédure en référé,
- rejeté tout autre demande.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête enregistrée le 18 février 2011 au greffe de la cour, l'EURL NEREE a interjeté appel de ce jugement, signifié le 9 février 2011.
Aux termes de son mémoire ampliatif d'appel du 18 mai 2011, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner solidairement les intimés à lui verser la somme de 250. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de son recours, elle fait valoir, pour l'essentiel :
- que l'expertise qui lui était commandée début 2005 par les époux B... avait pour objet une « assurance avec vie à bord », c'est-à-dire d'obtenir une valeur à dire d'expert en vue de la souscription d'une police, et donc de procéder à une simple évaluation vénale du bateau avec une description détaillée de l'unité, du matériel de bord et des équipements,
- que si on se réfère au document AFNOR AC X50-827 de janvier 2006 réglementant les bons usages de la profession d'expert maritime en navigation de plaisance, il apparaît qu'il existe trois niveaux d'expertise : pré-assurance ; pré-transactionnel ; expertise technique,
- que l'expertise en cause relevait de la première catégorie et non d'une recherche éventuelle de vices cachés, et qu'ayant été réalisée en 2005, rien ne permet d'attester que les vices mis en évidence par l'expert judiciaire existaient alors,
- que le caractère intentionnel de la réticence dolosive de Guy X... est caractérisé et que celui-ci ne peut invoquer la garantie légale des vices cachés.
* * *
Par conclusions " récapitulatives " déposées le 31 janvier 2012, Jérôme et Anouk Y... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Guy X... à leur payer la somme de 4. 463. 157 FCFP assortie des intérêts de droit à compter du 12 avril 2007,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière,
- de le condamner à leur payer la somme de 150. 000 FCFP au titre de l'article 700 de première instance et celle de 200. 000 FCFP au titre de l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,
- de condamner la société NEREE à garantir Guy X... des condamnations en principal, intérêts, frais et dépens.
Ils soutiennent, pour l'essentiel :
- qu'ayant acquis le voilier en cause le 19 juillet 2006 au prix de 6. 700. 000 FCFP, ils ont constaté en janvier 2007, au cours d'un carénage anti fooling, que les parties basses de la coque sous flottaison présentaient des cloques de peinture qui se sont révélées être des croûtes de rouilles anciennes, qui en s'effritant ont laissé place à des trous,
- qu'il aura été révélé par un témoin (M. J... : attestation du 14 mars 2007), que Guy X... connaissait les vices du navire pour lui avoir dit que le navire était complètement pourri, qu'il avait constaté que la coque se délaminait par endroits et que les plaques d'acier, en particulier dans les fonds et sous le moteur, reposaient sur des structures totalement oxydées, de sorte qu'il souhaitait s'en débarrasser au plus vite,
- qu'ils ont agi à bref délai et que la clause de non garantie stipulée à l'acte de vente, aux termes de laquelle « l'acheteur déclare bien connaître l'état du navire pour l'avoir visité et l'accepter dans l'état où il se trouve », est une clause de pur style qui n'affranchit le vendeur que des vices apparents dont un acheteur de diligence moyenne a pu se convaincre,
- que Guy X... a indiqué à l'expert judiciaire : « en tant que professionnel, je suis radio électricien je peux dire que ce bateau est électrolysé depuis de nombreuses années. Un acier spécial de cette qualité ne se dégrade pas comme ça (...) », ce qui permet d'affirmer qu'il était censé connaître le phénomène d'électrolyse d'une structure d'acier immergée dans l'eau de mer et la nécessité de décharger en permanence le navire de son électricité statique, et qu'il a camouflé la rouille du navire, qu'il n'utilisait pas, par un revêtement peinture plutôt que de changer les plaques corrodées pour le rendre navigable.
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Par conclusions " récapitulatives " déposées le 13 avril 2012, la société LE COIN DU CAPITAINE sollicite la confirmation du jugement déféré et demande que l'EURL NEREE et Guy X... soient condamnés à lui payer la somme de 250. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que l'EURL NEREE ne formule aucune demande à son encontre et que le premier juge a justement écarté sa responsabilité en relevant qu'elle avait satisfait à son obligation de conseil en préconisant aux consorts B... de faire expertiser le bateau.
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Par ordonnance rendue le 16 avril 2012 le magistrat chargé de la mise en état a donné injonction aux parties de formuler, avant le 30 avril 2012, le dernier état de leurs demandes sous forme de conclusions, en application de l'article 910-19-1 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, en leur rappelant qu'à défaut de satisfaire à cette injonction, la cour statuera, pour la partie appelante, sur les seules demandes exprimées par le mémoire ampliatif, et pour les parties intimées, sur les seules demandes exprimées dans les premières conclusions portant appel incident ou valant demande reconventionnelle, toutes autres demandes étant réputées abandonnées.
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Guy X... a satisfait à cette injonction par ses écritures du 24 avril 2012, dans lesquelles il conclut :
- que l'acte de vente passé avec les époux Y... exclut la garantie des vices cachés,
- qu'il convient de réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'aggravation de la corrosion du voilier constituait un vice caché dont il avait connaissance le jour de la vente, et en ce qu'il l'a condamné au paiement de diverses sommes au bénéfice de ceux-ci,
- qu il convient d'écarter l'attestation de complaisance rédigée par M. J... eu égard aux relations qui existaient entre eux avant la vente,
- que la société NEREE doit être déclarée entièrement responsable des préjudices subis par les époux Y... et, subsidiairement, condamnée à le garantir du coût des réparations.
Il expose, pour l'essentiel :
- que l'exclusion de la garantie des vices cachés résulte directement de la stipulation portée à l'acte de vente,
- qu'il a été en litige avec le témoin J..., qui a cherché à lui nuire en établissant une attestation rédigée de mauvaise foi,
- qu'il ignorait l'état dégradé de la coque lors de la vente et a été trompé par la teneur du rapport de l'EURL NEREE,
- qu'au surplus les époux Y... se sont abstenus, de manière fautive, de faire examiner le bateau et sa coque.
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Par conclusions récapitulatives datées du 26 avril 2012, les époux B... demandent confirmation du jugement déféré et que leur soit allouée la somme de 150. 000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soulignent :
- qu'aucun élément ne démontre que le bateau était atteint de vices cachés lorsqu'ils en étaient propriétaires, et qu'à supposer que ce fut le cas, ils l'ignoraient,
- qu'il n'ont jamais utilisé le bateau comme habitation contrairement à Guy X... qui l'a laissé branché en permanence sur le réseau électrique du quai, ce qui a accéléré sa corrosion, et ce qu'il ne pouvait ignorer.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2012.
SUR QUOI, LA COUR
Sur l'application de l'article 910-19-1 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie
Postérieurement à l'ordonnance susvisée du 16 avril 2012, seuls Guy X... et les époux B... ont satisfait à l'injonction qu'elle comportait en application de ce texte.
Cependant Guy X... et les époux B... ne pouvaient alors solliciter le bénéfice de leurs écritures antérieures sans détailler l'état des demandes qu'elles comportaient.
Les conclusions qualifiés de " récapitulatives " par les époux Y... le 25 janvier 2012, par l'EURL NEREE le 2 mars 2012 et par la société LE COIN DU CAPITAINE le 12 avril 2012 ne peuvent satisfaire à cette injonction qui est postérieure, de sorte que la cour statuera :
- pour l'EURL NEREE sur les seules demandes exprimées dans son mémoire ampliatif,
- pour la société le Coin du Capitaine sur les demande exprimées dans ses premières conclusions du 25 août 2011,
- pour les époux Y... sur les seules demandes exprimées dans leurs conclusions du 25 janvier 2012,
toutes autres demandes étant réputées abandonnées.
Sur la responsabilité de Guy X...
Guy X... soutient que la clause stipulée à l'acte de vente du 19 juillet 2006, aux termes de laquelle " l'acheteur déclare bien connaître le navire pour l'avoir visité et l'accepter dans l'état où il se trouve ", vaut exclusion de la garantie des vices cachés.
Cependant le vendeur profane, comme Guy X..., ne peut invoquer le bénéfice d'une clause de non garantie que s'il ignorait l'existence des vices cachés.
Or, l'analyse des pièces versées aux débats permet de retenir que Guy X... avait, avant la vente, connaissance de ce que la coque du navire était atteinte de vices le rendant impropre à son usage.
En effet, si l'attestation établie le 14 mars 2007 par Pierre J..., c'est à dire le lendemain de l'assignation en paiement qui lui avait été délivrée à la requête de Guy X..., peut légitimement apparaître de parti pris contre celui-ci, il s'avère cependant, comme l'a précisément relevé l'expert judiciaire, qu'elle comporte un élément objectif qui ne peut être écarté, à savoir qu'il y est précisé : " (Guy X...) avait constaté que (...) les plaques d'acier, en particulier dans les fonds et sous le moteur, reposaient sur de l'acier totalement oxydé ".
A ce sujet, en page 20 de son rapport, l'expert judiciaire indique : " Lors de la dernière réunion, nous avons vérifié la présence de la plaque d'acier corrodé située sous le moteur. Cette plaque existe bien, il s'agit d'une trappe d'accès au réservoir situé dans la partie arrière de la quille (...). M. Y... déclare que lorsqu'il a nettoyé le bateau, il a effectivement retiré une épaisse couche d'enduit sur cette plaque, le tout avait été peint en noir. Cette plaque est située sous le moteur, pour la voir il faut se pencher par une petite trappe de visite, autrement dit elle est invisible au visiteur " normal " (...). L'expert a fait remarquer que M. X... ayant déclaré que M. J... n'avait jamais mis les pieds à bord, il fallait se poser la question : comment ce dernier était-il au courant de l'existence de cette trappe ? Par ailleurs, M. X... a déclaré avoir découvert sous le moteur un câble électrique en mauvis état (...) ; il ne pouvait donc ignorer l'existence de cette trappe ".
C'est donc à bon droit que le premier juge a fait application de l'article 1645 du code civil à l'encontre de Guy X..., qui ne peut se prévaloir d'une clause d'exonération de garantie.
Sur la responsabilité de l'EURL NEREE :
Pour que les époux Y... puissent utilement invoquer une faute de l'EURL NEREE leur ayant causé un dommage, ou que Guy X... puisse être garanti par elle des condamnations prononcées à son encontre, alors qu'ils sont tiers au contrat qui avait été conclu entre celle-ci et les époux B..., encore faudrait-il qu'ils démontrent un manquement contractuel de sa part.
Or, il est établi que la mission qui avait été confiée à l'EURL NEREE était uniquement de proposer une évaluation de la valeur du navire en cause pour qu'il soit assuré.
Comme le souligne l'expert judiciaire " le document de M. F... dans son contenu, et dans son prix, est proche d'une visite de pré-assurance ". Il n'avait pas vocation à être utilisé pour une vente ultérieure du navire, et encore moins de constituer une expertise technique de son état général
Dans la rédaction de ce rapport, l'EURL NEREE n'a commis aucun manquement contractuel à l'égard de son client.
Les fautes qui lui sont imputées (présentation trompeuse ; " coque en acier entretenue méticuleusement (...) entretien général excellent (...) apte à naviguer en catégorie A... ") sont sans relation avec l'objet du contrat qui l'engageait.
Elles ne dispensaient pas, au surplus, les propriétaires successifs de faire procéder aux diligences d'usage et de prudence qu'imposent l'achat d'un voilier en acier de 19 ans d'âge, notamment d'en examiner la coque.
Il n'est donc pas démontré que l'EURL NEREE ait commis un manquement contractuel ayant causé un dommage aux époux Y... ou à Guy X... de sorte que le jugement déféré sera réformé des chefs des condamnations prononcées à son encontre.
Sur la faute des acquéreurs
Guy X... soutient que les époux Y... se sont abstenus de manière fautive de faire examiner l'état de la coque du navire avant l'achat.
Il est de principe que la faute de l'acquéreur peut avoir pour effet de décharger partiellement le vendeur de sa responsabilité.
En l'espèce, les époux Y... ont fait preuve d'une négligence gravement fautive en ne faisant pas examiner, avant la vente, l'état de la coque d'un voilier en acier de 19 ans d'âge et en ne faisant procéder à sa mise hors d'eau qu'après l'achat, même si le navire présentait un bon état apparent, alors que même un profane en nautisme sait que la peinture d'un voilier n'est pas que décorative et qu'il essentiel de procéder à un tel examen.
Dans ces conditions, la cour est en mesure de retenir une part de responsabilité des époux Y... à hauteur de 40 % des préjudices subis.
Sur la réparation des préjudices
Les évaluations de l'expert judiciaire, qui chiffre à 4. 463. 157 FCFP le montant total des préjudices subis par les époux Y..., au titre d'une part, de la remise en état du navire et, d'autre part, des frais d'hébergement pendant la durée des travaux (alors qu'ils résidaient à bord du bateau et que celui-ci a été inhabitable du mi-décembre 2006 à mai 2008), ne font pas l'objet de discussions critiques.
En considération du partage de responsabilité opéré, les époux Y... sont bien fondés à voir Guy X... condamné à leur payer, par application de l'article 1645 du Code civil, la somme de 2. 677. 894 FCFP avec intérêts légaux à compter de la présente décision.
Sur les autres demandes
Le jugement déféré n'est pas critiqué en ses dispositions ayant dit que la société LE COIN DU CAPITAINE n'avait commis aucune faute et que la responsabilité des époux B... n'était pas engagée au titre de la garantie des vices cachés.
Il est équitable d'allouer :
- aux époux Y... la somme de 150. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la même somme en appel,
- à l'EURL NEREE la somme de 200. 000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux époux B... la somme de 150. 000 FCFP sur le même fondement,
- à la société LE COIN DU CAPITAINE la somme de 50. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles exposé en cause d'appel, étant souligné que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il lui a alloué celle de 150. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
En la forme,
Vu l'ordonnance rendue le 16 avril 2012 par le magistrat charge de la mise en état, en application de l'article 910-19-1 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Statue, en application de ce texte :
- pour l'EURL NEREE sur ses conclusions figurant dans son mémoire ampliatif du 18 mai 2011,
- pour la société Le Coin du Capitaine, sur ses conclusions du 19 août 2011,
- pour les époux Y... sur leurs conclusions du 25 janvier 2012,
- pour Guy X... sur ses ultimes conclusions du 24 avril 2012, sans référence à ses écritures antérieures,
- pour les époux B... sur leurs ultimes conclusions du 26 avril 2012, sans référence à leurs écritures antérieures ;
Dit et juge que les demandes formées dans d'autres écritures sont réputées abandonnées ;
Au fond,
Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2011 par le tribunal de première instance de Nouméa, sauf en ce qu'il a :
- dit que l'évaluation des préjudices subis par les époux Y... portera intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du Guy X...,
- condamné Guy X... à payer 4. 463. 157 FCFP augmentés d'intérêts de retard au taux légal à compter du 12 avril 2007 de solidairement à Jérôme Y... et Anouck Z... en réparation des préjudices nés des dommages,
- dit que la société NEREE a réalisé une expertise du voilier manquant d'inspecter et de contrôler l'état de la coque et de déterminer dans quelles conditions la coque était suivie alors qu'elle a fait rapport d'un parfait état de ladite coque et d'un entretien régulier décrivant un navire ayant gardé tout son potentiel,
- déclaré que la société NEREE a commis une faute dans la rédaction du rapport remis aux époux B... dont le contenu admis M. Guy X... lors de son acquisition à qui ce rapport a été remis au même titre que les pièces administratives du navire,
- déclaré la société NEREE entièrement responsable des préjudices mis à la charge de Guy X...,
- condamné la société NEREE à garantir Guy X... de l'intégralité du coût de réparation des préjudices, soit 4. 463. 157 FCFP augmenté des intérêts de retard au taux légal à compter du 12 avril 2007, à l'exception de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société NEREE à payer 200. 000 FCFP solitairement à Jérôme Y... et Annouck Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société NEREE aux dépens de l'instance, y compris les frais et honoraires de l'expertise judiciaire et de la procédure de référé,
Statuant à nouveau de ces chefs :
Dit et juge que Jérôme et Anouck Y... sont partiellement responsables, à hauteur de 40 %, des préjudices résultant des vices cachés affectant le navire que leur a vendu Guy X... le 19 juillet 2006 qui avait connaissance de l'existence de ces vices lors de la vente, ;
Condamne Guy X... à payer à Jérôme et Anouck Y... la somme de deux millions six cent soixante dix sept mille huit cent quatre vingt quatorze (2. 677. 894) FCFP en application de l'article 1645 du Code civil, avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;
Dit et juge que l'Eurl NEREE n'a pas commis aucun manquement contractuel dans l'exécution de la mission qui lui avait été confiée par les époux B... ;
Déboute les époux Jérôme et Anouck Y... ainsi que Guy X... de leurs demandes de condamnation et de garantie dirigées à l'encontre de l'Eurl NEREE ;
Condamne Guy X... à payer à Jérôme et Anouck Y... la somme de cent cinquante mille (150. 000) FCFP au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
Condamne Guy X... aux dépens de première instance, y compris les frais et honoraires de l'expertise judiciaire et de la procédure de référé ;
Y ajoutant,
Condamne Guy X... à payer :
- à Jérôme et Anouck Y... la somme de cent cinquante mille (150. 000) FCFP au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
- à la société LE COIN DU CAPITAINE la somme de cinquante mille (50. 000) FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel,
- à l'EURL NEREE la somme de deux cent mille (200. 000) FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Guy X... aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL BENECH-BOITEAU-PLAISANT, de la SELARL BOISSERY-DI LUCCIO et de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN avocats, aux offres de droit.