COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 09 Août 2012
Chambre Commerciale
Numéro R. G. :
09/ 36
Décision déférée à la cour :
rendue le : 22 Avril 2009
par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA
Saisine de la cour : 03 Juin 2009
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Dominique X...
né le 02 Juillet 1961 à VOUZIERS (08400)
demeurant ...
représenté par la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES
INTIMÉS
LA SA GROUPAMA TRANSPORT, prise en la personne de ses représentants légaux
1 Quai GeorgesV-76600 LE HAVRE
représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS
LA SARL PRESTIGE MARINE, prise en la personne de son représentant légal
59, avenue du Maréchal Foch- BP. 1244-98845 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS
AUTRE INTERVENANT
LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, ès-qualités de Mandataire-liquidateur de la Société PRESTIGE MARINE
demeurant1 bis, Boulevard Extérieur- Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX
Non comparante, concluante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Juin 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Christian MESIERE, Conseiller,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Le 14 mars 2003, lors du passage du cyclone ERIKA sur la Nouvelle-Calédonie, selon la société PRESTIGE MARINE et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, assureur du " NYIE DJEU ", le navire " MATIPO " appartenant à Dominique X... a rompu ses amarres dans le port de NOUMEA et est venu aborder le " NYIE DJEU ", propriété de la société PRESTIGE MARINE, en lui causant d'importants dommages.
Par ordonnance de référé en date du 4 août 2003, le président du tribunal mixte de commerce de NOUMEA, saisi à la requête de la société PRESTIGE MARINE, a désigné Yvan SERVE pour diligenter une expertise judiciaire.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire déposé par Yvan SERVE le 5 février 2004 :
- que le " MATIPO " était à l'origine un caboteur construit en acier par le chantier NEPPEL en Hollande en 1953,
- qu'il a été francisé en 1969,
- qu'il est devenu la propriété de la société du Chalandage qui l'avait utilisé comme transport de sable dans le lagon après quelques modifications,
- qu'après son désarmement, il est devenu la propriété de M. Y..., puis de celle de Dominique X...,
- que ce dernier, voulant en faire un restaurant flottant, a débarqué le moteur, a fait de larges ouvertures dans le pont et coulé du ciment sur certaines surfaces,
- que le MATIPO est devenu, de ce fait, inapte à la navigation,
- que les Affaires Maritimes ne le considèrent plus comme un navire, mais comme un engin flottant assimilé à un ponton.
L'expert judiciaire relève :
- qu'après un mouillage " sauvage " dans la Baie des Citrons, Dominique X... avait pu, avec l'autorisation du directeur du port autonome, faire remorquer le MATIPO et l'accoster au quai à charbon en petite rade,
- que cet emplacement était visiblement dangereux en période cyclonique, car le quai à charbon était complètement délabré et ne disposait pas de solides bittes d'amarrage,
- que les amarres devaient être passées autour de ferraillages de faible diamètre susceptibles de les entailler,
- que la probabilité pour qu'elles cèdent par mauvais temps était donc très grande.
Il indique que Dominique X... s'est contenté, selon ses propres paroles, de doubler ou tripler les amarres et de descendre à terre avec le gardien du bateau.
S'agissant du navire NYIE DJEU, l'expert rappelle :
- qu'il s'agit d'un navire à grande vitesse transportant des passagers soumis au code ISM,- que le choix du lieu de mouillage n'est pas libre, puisqu'il dépend de la distance qui sépare le navire du point de mouillage et de la direction du vent.
Il expose ensuite :
- que le navire a manqué d'information et a fait de mauvais choix,
- qu'il n'a pas enregistré l'alerte no 2 à 8 h 30,
- qu'il a pris la mer vers Prony à 9 heures alors qu'il était temps de se mettre à l'abri,
- qu'il est venu mouiller en petite rade alors que son mouillage de cyclone était prévu en grande rade ou en baie de Tomo,
- que la décision prise par le capitaine lui appartenait, et à lui seul, en tant que responsable du navire et de ses passagers,
- qu'il faut noter à sa décharge que l'alerte no2 a surpris tout le monde, car elle n'était prévisible qu'à 12 h au plutôt.
Il conclut qu'il y a de considérer que le MATIPO est l'abordeur.
Il évalue le préjudice matériel à la somme de 21. 566. 062 FCFP. Il ajoute qu'il existe un préjudice immatériel mais que pour se faire, il conviendrait que la société PRESTIGE MARINE fournisse les contrats la liant avec GORO NICKEL.
Sur la base des conclusions du rapport d'expertise déposé le 5 février 2004, la société PRESTIGE MARINE et la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT, assureur du " NYIE DJEU ", ont, par requête en date du 4 mars 2005, fait citer Dominique X... devant le tribunal mixte de commerce afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 12. 316. 540 FCFP au profit de la société GROUPAMA TRANSPORT et de celle de 37. 692. 609 FCFP au profit de la société PRESTIGE MARINE, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, capitalisés, outre une somme de 596. 658 FCFP sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
Par conclusions déposées les 3 août 2005, 3 janvier 2007, 24 avril 2007, 17 octobre 2007, 14 mai 2008 et 9 janvier 2009, Dominique X... a demandé au tribunal de débouter la société PRESTIGE MARINE et la société GROUPAMA TRANSPORT de leurs prétentions, notamment en soutenant l'inapplicabilité de la loi de 1967.
Par conclusions déposées les 26 juillet 2005, 11 juillet 2006, 11 juin 2007, 30 novembre 2007 et 4 juillet 2008, la société PRESTIGE MARINE et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT ont répliqué aux écritures de Dominique X... en soutenant que la loi de 1967 s'appliquait à l'espèce.
Par jugement en date du 22 avril 2009 auquel il est expressément référé pour l'exposé des moyens, le tribunal mixte de commerce a :
au visa l'article 3 de la loi du 7 juillet 1967, relative aux événements de mer,
* condamné Dominique X... à verser à la société PRESTIGE MARINE la somme de 37. 692. 609 FCFP, en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
* condamné Dominique X... à verser à la société GROUPAMA TRANSPORT, subrogée dans les droits de son assurée, la somme de 12. 316. 540 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
* condamné Dominique X... à verser à la société PRESTIGE MARINE et à la société GROUPAMA TRANSPORT la somme de 200. 000 FCFP sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie,
* condamné Dominique X... aux dépens,
* dit que la SELARL LOUZIER-FAUCHE-GHIANI-NANTY pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.
PROCÉDURE D'APPEL :
Par requête du 3 juin 2009, Dominique X... a régulièrement interjeté appel de la décision non signifiée.
Le mémoire ampliatif a été déposé le 1er septembre 2009.
Vu les conclusions de Dominique X... des 7 janvier, 2 août, 5 octobre 2010 et du 28 février 2011 auxquelles il est expressément référé.
Vu les conclusions de la société PRESTIGE MARINE et de la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT, des 4 novembre 2009, 17 février, 28 mai, 3 septembre et 10 novembre 2010 auxquelles il est expressément référé.
Le 19 avril 2011, la cause a fait l'objet d'une ordonnance de clôture et d'une ordonnance de fixation à l'audience du 16 juin 2011.
Le 27 avril 2011, Dominique X... a assigné en intervention forcée la SELARL GASTAUD, es-qualité de mandataire liquidateur de la société PRESTIGE MARINE.
Le 5 mai 2011, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture à la demande des deux parties.
Le 25 mai 2011, la SELARL Mary-Laure GASTAUD est intervenue, es qualités de mandataire-liquidateur de la société PRESTIGE MARINE.
Le 20 février 2012 et le 14 mars 2012, Dominique X... déposait des conclusions récapitulatives.
Le 15 mars 2012, la société PRESTIGE MARINE et la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT déposaient des conclusions récapitulatives.
Les ordonnances de clôture (faisant mention que la clôture devait intervenir au 25 mai 2012) et de fixation sont intervenues le 16 mars 2012.
Le 24 mai 2012, la société PRESTIGE MARINE et la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT et le 25 mai 2012 Dominique X... ont déposé un dernier jeu d'écritures.
Par conclusions du 5 juin 2012, la société PRESTIGE MARINE et la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT ont demandé le rabat de l'ordonnance de clôture.
Aux termes des conclusions du 14 mars 2012, Dominique X... demande à la cour de :
- A titre principal,
* infirmer le jugement entrepris,
* constater l'inapplicabilité de la loi de 1967,
En toute hypothèse,
* débouter la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT, et la société PRESTIGE MARINE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- A titre subsidiaire,
au visa du rapport de Luc Z...,
* ordonner une contre-expertise sur les conditions de l'abordage, les éventuelles fautes des parties, voire des tiers, et un éventuel partage des responsabilités le cas échéant.
- A titre encore plus subsidiaire,
* constater s'agissant des sommes sollicitées, que la société PRESTIGE MARINE s'est contentée de la somme 9. 653. 827 FCFP, selon quittance subrogative en date du 14 octobre 2003,
* limiter à un montant de 4. 826. 913 FCFP les sommes dues par lui et ce, par application de l'article 4 de la loi du 7 juillet 1967,
* retirer des montants alloués une somme de 24. 000. 000 FCFP correspond aux sommes retenues par le tribunal de première instance, alors qu'il s'agit de sommes d'ores et déjà versées par la société GORO NICKEL,
*déduire le montant des frais relatifs au port autonome,
- déduire le coût des frais de l'entreprise E. T. S. M. pour un montant de 418. 912 FCFP.
* déduire le montant des dégâts tribord retenus par M. A... à hauteur de 13. 181. 318 FCFP,
* déduire le coût du remplacement du côté tribord effectué par la société HEROS à hauteur de 7. 500. 000 FCFP,
* faire injonction à la société PRESTIGE MARINE et à sa compagnie d'assurance de verser aux débats copie des contrats passés entre l'armateur et le propriétaire, et notamment copie du contrat 24659-000- HC5- GA06-0001,
* lui faire injonction de justifier des versements qui ont pu être effectués au titre de la rémunération mensuelle par la société GORO NICKEL pour l'année 2003.
A titre infiniment subsidiaire, par application du décret no 2007-1379 du 22 septembre 2007,
* limiter l'éventuelle responsabilité du ponton MATIPO, s'agissant d'un navire de moins de 300 tonneaux, à 11. 923. 150 FCFP,
* appliquer un éventuel partage de responsabilité, eu égard aux fautes commises par le NYIE DJEU, justifiant un partage de ladite valeur à hauteur de 50 %, soit 5. 961. 575 FCFP.
En tout état de cause,
* condamner les sociétés intimées in solidum au paiement d'une somme de 5. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, outre au paiement de 500. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,
* lui décerner acte de ce qu'il entend saisir la juridiction répressive pour faux et usage de faux,
* condamner in solidum les sociétés PRESTIGE MARINE et GROUPAMA TRANSPORT aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats aux offres de droit.
Sur la recevabilité de la demande, Dominique X... fait valoir
-à titre principal que la loi du 7 juillet 1967 n'est pas applicable à l'espèce en ce que :
* l'article 1 alinéa 2 de cette loi écarte du champ d'application de la loi les engins flottants amarrés à poste fixe,
* le MATIPO avait fait l'objet d'une transformation, notamment afin de devenir un restaurant flottant,
* si le fait de pouvoir être déplacé par un remorqueur peut permettre de le considérer comme un engin flottant, en revanche, le fait d'être amarré à un poste fixe permet d'écarter l'application de la loi.
- sur le subsidiaire invoqué par les intimées, à savoir sur l'action fondée sur les dispositions de l'article 1384 du code civil,
* qu'en cas de collision, il y a neutralisation des responsabilités,
* que chaque partie supporte alors la charge que lui a causé le dommage.
Sur le principe de responsabilité :
Dominique X... conteste les termes des rapports de l'expert judiciaire qui a repris ceux du rapport du capitaine du NYIE DJEU et de l'expert d'assurance, lequel n'avait pas été établi à son contradictoire. Il s'inscrit en faux sur la position du NYIE DJEU en s'appuyant sur les attestations des messieurs B..., C... et D.... Il fait remarquer que le NYIE DJEU n'aurait pas dû se trouver dans cette rade en cas de cyclone, son mouillage étant prévu en grande rade ou en baie de TOMO comme d'ailleurs l'a souligné l'expert judiciaire.
Il prétend pour l'essentiel :
- que le positionnement du bateau lors de la pré-alerte (amarrage à un quai laissé à sa disposition) ne saurait être constitutif d'une faute,
- qu'étant en alerte cyclonique, il avait demandé son déplacement et que madame E... au regard des informations météorologiques ne lui avait assigné un remorqueur que le vendredi matin,
- que la compagnie d'assurances lui fait grief de s'être contenté de doubler, voir tripler les amarres alors même qu'il n'avait pu préparer le bateau comme il convenait au regard du passage en alerte No1, puis en alerte No2 en quelques heures, voire en quelques minutes,
- qu'en tout état de cause, un mouillage n'aurait pas été suffisant puisqu'il est établi que pour les autres bateaux ayant opté pour cette solution, d'autres sinistres n'ont pas été empêchés.
Il fait valoir deux causes exonératoires de sa responsabilité :
*la force majeure en ce :
- que l'alerte a été mal donnée par les autorités de sorte que sur la ville de Nouméa, il y a eu plus de 15 milliards de dégâts,
- que d'ailleurs, l'expert judiciaire note qu'à sa décharge l'alerte No2 a surpris tout le monde alors qu'elle n'était prévisible qu'à 12 heures.
* la faute d'un tiers, en ce :
- que les services du haut commissariat n'ont pas émis à temps l'alerte No2,
- que comme tout un chacun, il n'a pas pu prendre les dispositions nécessaires.
Il soutient ensuite que deux avaries sur le NYIE DJEU et une fausse manoeuvre de son capitaine sont à l'origine du sinistre :
- la première avarie consistant en la perte de la vitre du poste pilotage à la suite de l'arrivée du cyclone à 10 h 45 ayant eu pour conséquence de rendre le capitaine du navire complètement aveugle ce qui est démontré par les pièces du dossier et les attestations, (notamment des deux marins),
- la deuxième avarie consistant en un mouillage complètement inopérant auquel s'était accroché un ancien corps mort perdu sur le fond de la petite rade de sorte que le bateau ne tenait plus en place malgré les deux moteurs, (attestations B..., F..., G..., I... et J...)
- la fausse manoeuvre tribord du NYIE DJEU par l'utilisation d'un seul moteur, le second étant tombé en panne (attestations des marins du bateau NYIE DJEU) alors que les deux navires n'étaient pas mouillés dans le même alignement (attestations B..., D... et C...) et qu'ils auraient dû avoir des trajectoires parallèles ; sans celle-ci, il n'y aurait pas eu de collusion ; il verse en ce sens plusieurs attestations tendant à démontrer que le NYIE DJEU ne se trouvait pas à l'endroit retenu dans le cadre des opérations expertales et qu'il a ainsi dérapé à plusieurs reprises, le commandant étant incapable d'empêcher le bateau de riper.
Il produit le constat amiable émanant de Jean Patrick B..., dont les termes corroborent sa première attestation, laquelle démontre à l'évidence que les conclusions de l'expert judiciaire et de l'expert d'assurance doivent être écartées et l'exonère de sa responsabilité. Il observe que Jean Patrick B... affirme que son bateau a été coulé par le NYIE DJEU à la dérive et qu'il a été entièrement indemnisé par GROUPAMA, ce qui a permis à la compagnie d'assurances de l'écarter des débats. Mais surtout, il soutient que Jean Patrick B... indique que le NYIE DJEU n'était pas ancré à la cale de halage comme indiqué par les deux experts et que le commandant et l'équipage étaient particulièrement incompétents.
A l'appui de ces témoignages, il fait valoir que le MATIPO n'était pas sous le vent du NYIE DJEU et que ce dernier en tentant de battre en arrière pour l'éviter, a viré sur son bâbord avant de l'aborder ; que cela est d'ailleurs attesté par le constructeur naval qui a procédé à la réparation du NYIE DJEU.
Enfin, il verse aux débats un rapport de l'expert judiciaire Z... lequel, au regard des pièces du dossier et notamment des attestations produites par Dominique X..., indique en ces termes que :
" le sinistre du NYIE DJEU et du MATIPO a donc deux causes prépondérantes :
d'une part, l'un (NYIE DJEU) et l'autre (MATIPO) se trouvaient en petite rade alors qu'ils n'avaient rien à y faire.
Notre opinion est que Monsieur X..., attestation à l'appui, a démontré avoir fait ce qu'il pouvait pour éviter cette situation.
Par contre, la présence du NYIE DJEU nous parait être la conséquence d'une bien mauvaise décision de l'armateur (cf. journal de bord du navire), lequel n'a pas mis à profit l'alerte no 1 pour mettre à l'abri son navire et son équipage.
D'autre part, sous réserve de la confirmation du point de mouillage du NYIE DJEU, l'équipage du navire, en tentant de lutter contre le cyclone, a modifié la trajectoire naturelle de sa dérive et est venu se placer dans la trajectoire du MATIPO ».
De ce fait, aucune faute n'est reprochable à Monsieur X... ".
L'expert précise enfin « que les autres causes possibles évoquées dans les documents de la procédure (corps étranger pris dans l'ancre du NYIE DJEU, absence d'une personne du MATIPO pendant sa dérive, etc...) sont à son avis secondaires, par rapport aux deux causes précédentes ».
Dominique X... prétend qu'au vu de ces conclusions, un complément d'expertise s'impose.
Sur le préjudice invoqué,
- il soutient qu'en l'absence de quittance subrogative rien n'indique que l'assureur ait réglé cette somme,
- Il fait grief au tribunal d'avoir retenu la totalité des sommes arrêtées par l'expert d'assurance et fait valoir
A titre principal,
* que les dégâts à tribord étaient dus à un choc sur les rochers et non imputables au MATIPO alors que l'expert a mis à sa charge les conséquences de l'échouage qui était inéluctable,
* qu'une seule fenêtre avait été brisée lors de la collision et qu'il lui est demandé la totalité de la facture de remplacement des dix vitres du bateau, soit la somme de 1. 018. 810 FCFP,
* qu'à titre de préjudice d'exploitation, la société GORO NICKEL a versé une somme de 24. 000. 000 FCFP que l'expert met cependant à sa charge,
* qu'il n'a pas à supporter la facture d'intervention des plongeurs qui ont dégagé le corps mort qui correspond à 418. 912 FCFP mais également celle de 13. 181. 318 FCFP qui correspond manifestement à une collision due avec un autre bateau de couleur blanche, outre le remplacement de tout le côté babord chiffré par la société HEROS à la somme de 7. 500. 000 FCFP,
A titre extrêmement subsidiaire,
* ne doit pas être mise à sa charge la totalité du remplacement des vitres et les réparations du côté babord,
* il conteste encore que soit mise à sa charge la perte d'exploitation qui a été acquittée contractuellement par GORO NICKEL
Enfin au visa du décret du 22 septembre 2007 et par l'application de la loi du 15 décembre 1986, il soutient qu'il convient de limiter l'indemnisation pouvant lui être imputée à 11. 923. 150 FCFP.
Sur la demande en dommages et intérêts,
- il considère qu'il fait l'objet d'un mauvais procès,
- s'agissant du faux rapport de M. H... mais également du faux rapport du capitaine, il entend déposer plainte pour faux et usage de faux,
- il demande qu'il soit fait injonction à la société PRESTIGE MARINE et à sa compagnie d'assurances de verser copie des contrats passés entre l'armateur et le propriétaire, (notamment contrat 24659-000- HC5- GA06-0001).
Par conclusions récapitulatives du 15 mars 2012, société PRESTIGE MARINE et la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT concluent à confirmation du jugement déféré et sollicitent l'octroi de la somme de 500. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Sur l'application de la loi du 7 juillet 1967, les sociétés PRESTIGE MARINE et GROUPAMA TRANSPORT soutiennent pour l'essentiel :
- que les dispositions de la loi s'appliquent à tous les engins flottants non amarrés à un poste fixe, que tel était le cas du MATIPO qui doit être qualifié de navire au sens de la loi du 7 juillet 1967, de la convention de 1972 dite " COLREG " et de la convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 entrée en vigueur le 6 mai 1975,
- que le MATIPO ne peut être qualifié de ponton amarré à un poste fixe puisqu'il peut être déplacé et qu'il dérivait seul comme le souligne l'expert judiciaire,
- qu'en effet, auparavant il faisait l'objet d'un mouillage à la baie de Citrons avant d'être remorqué vers un mouillage de quarantaine,
- que la convention de 1972 dites " COLREG " sur les règles internationales pour prévenir les abordages en mer précise en sa règle 3 a) " le terme " navire " désigne tout engin ou tout appareil de quelque nature que ce soit y compris les engins sans tirant d'eau et les hydravions utilisés ou susceptibles de l'être comme moyen de transport sur l'eau,
- qu'il est un navire taxable pour l'administration des douanes,
- qu'en application de l'article 3 de la loi de 1967 qui prévoit que, si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise.
Elles ajoutent en tout état de cause que l'article 1384 du code civil alinéa 1 peut s'appliquer à l'espèce ainsi qu'en a décidé la chambre commerciale de la cour de cassation dans un arrêt de principe du 19 juin 1951.
Sur le principe de responsabilité, elles font valoir que la faute de Dominique X... est la cause exclusive des dommages en ce que :
- le MATIPO dérivait sans personne à bord,
- il avait bien envisagé de déplacer le bateau dès le début de l'alerte,
- en outre et surtout, il n'avait pas de mouillage qui constituait la seule mesure adaptée et prudente, ce qu'il reconnaît dans ses écritures et a été mis en évidence dans les deux rapports d'expertise,
- au surplus, ainsi que l'a souligné l'expert A..., les amarres étaient insuffisantes,
Elles ajoutent qu'en aucun cas l'expert judiciaire a repris les conclusions de l'expert d'assurance puisqu'il a posé pour principe que le NYIE DJEU dérapait.
Elles affirment que les nouvelles attestations versées aux débats, plus de sept ans après le sinistre, ne viennent pas contredire que le navire MATIPO est l'abordeur ; que d'ailleurs la carte établie par M. H... démontre que c'est le MATIPO qui est parti à la dérive à la suite de la rupture de ses amarres et qu'il se trouvait au vent de NYIE DJEU.
Elles observent notamment que le constat amiable de Jean Patrick B... sur lequel se fonde l'expert Z... pour appuyer la thèse de Dominique X... n'a aucune force probante puisqu'il n'est signé que par lui.
Elles font ensuite valoir que Dominique X... ne peut s'exonérer de sa responsabilité, et notamment se prévaloir de la faute d'un tiers ou du caractère imprévisible du cyclone, alors qu'il avait envisagé de déplacer le bateau comme le démontre l'attestation de Mme G....
Enfin, elles soutiennent qu'aucune faute ne peut être opposée au propriétaire du NYIE DJEU, les deux avaries subies par le navire n'étant pas constitutives d'une faute. Elle ajoute que le lien de causalité entre la manoeuvre du NYIE DJEU et la collision n'est pas établi.
Au soutien du rejet de la demande du complément d'expertise, elles font valoir que selon M. Z... la collision serait due d'une part à la présence des deux navires dans la petite rade et d'autre part à la modification par le navire NYIE DJEU de sa trajectoire naturelle sous réserve toutefois de la confirmation de son point de mouillage.
Les termes de cette consultation démontrent que l'approche fondée sur la position indiquée par l'appelant est sujette à caution et ne saurait justifier un complément d'expertise, l'appelant s'appuyant sur ce point sur les attestations G..., B... et F... établies fin décembre 2009, personnes qui n'ont pas assisté à l'abordage.
Sur le préjudice matériel, elles reprennent leurs écritures de première instance fondées sur le rapport d'expertise judiciaire qui a exclu les dommages antérieurs à l'abordage.
Elles font remarquer que l'expert a rappelé dans son rapport que les dommages résultant de l'abordage et de l'échouement du navire sont imputables au navire MATIPO. Elles affirment que les frais exposés lors de l'intervention des plongeurs (la prestation ne se résumant pas à l'enlèvement du seul corps mort) et le remplacement des vitres (qui ont dû être toutes démontées et remplacées) sont la conséquence directe des dommages causés par le navire MATIPO.
Sur le préjudice immatériel, elles concluent à l'homologation du rapport d'expertise en observant que :
- l'expert judiciaire, qui s'est livré à l'analyse de ces contrats, s'est fondé sur les informations relatives à leur portée qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire, son rapport mentionnant la production d'une étude datée du 22 mai 2003 intitulée perte d'exploitation effectuée par M. H...,
- il n'y a pas lieu de faire injonction à la société PRESTIGE MARINE de produire le contrat sollicité par l'appelant.
Enfin, elles soutiennent que la demande de dommages et intérêts de l'appelant pour procédure abusive n'est pas fondée et que sa plainte pour faux ou usage de faux ne saurait prospérer, les éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas réunis et, en tout état de cause, les faits étant prescrits.
Le 25 mai 2011, la SELARL MARY LAURE GASTAUD, es-qualités de mandataire liquidateur de la SARL PRESTIGE MARINE, demande à la cour de lui donner acte de son intervention et de lui adjuger le bénéfice des conclusions développées par la SARL PRESTIGE MARINE et des condamnations déjà prononcées au profit de cette dernière à l'encontre de Dominique X... et de toutes autres en principal, frais et dépens pouvant s'y ajouter.
Les ordonnances de clôture et de fixation sont intervenues le 16 mars 2012, la clôture ayant été ordonnée le 25 mai 2012.
MOTIFS DE LA DECISION
I : Sur la procédure :
Il y a lieu de constater l'intervention de la SELARL MARY LAURE GASTAUD, es-qualités de mandataire liquidateur de la SARL PRESTIGE MARINE.
Il sera rappelé qu'aux termes de l'article 15 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, les ordonnances de clôture et de fixation sont intervenues le 16 mars 2012, la clôture ayant été ordonnée le 25 mai 2012. Par ailleurs, le 21 février 2012, le magistrat chargé de la mise en état avait fait injonction aux parties de formuler avant le 15 mars 2012, le dernier état de leurs demandes.
La société PRESTIGE MARINE et le GROUPAMA ont déposé un dernier jeu de conclusions le 24 mai 2012 et Dominique X... le 25 mai 2012.
Celles-ci, au visa du texte sus-visé, seront donc écartées comme tardives et la cour rejettera la requête du 5 juin 2012 de la société PRESTIGE MARINE et du GROUPAMA TRANSPORT tendant au rabat de l'ordonnance de clôture
II : au fond
Sur l'applicabilité de la loi No 67-545 du 7 juillet 1967 à l'espèce :
L'article 1 de ce texte relatif aux événements de mer s'applique en cas d'abordage survenu entre notamment les navires de mer et écarte de son champ d'application les engins flottants amarrés à poste fixe.
Il n'est nullement contesté par les parties ainsi que l'indique l'expert judiciaire :
- que Dominique X..., voulant faire du MATIPO après son désarmement un restaurant flottant, a débarqué le moteur, a fait de larges ouvertures dans le pont et coulé du ciment sur certaines surfaces,
- que le MATIPO est devenu, de ce fait, inapte à la navigation,
- que les Affaires Maritimes ne le considèrent plus comme un navire, mais comme un engin flottant assimilé à un ponton.
Avant le cyclone ERIKA, le MATIPO était ancré dans la Baie des Citrons, après avoir été un restaurant flottant au quai du Bingo pendant quelques mois, puis était remorqué jusqu'au quai à charbon en petite rade. Dominique X... envisageait de procéder à de nouvelles modifications avant de le faire remorquer vers le MOZAMBIQUE.
Il résulte de ces éléments que le MAPITO pouvant être déplacé, ne peut être considéré comme un ponton à poste fixe.
Par conséquent, le texte sus-visé doit s'appliquer à l'espèce. La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Sur le principe de responsabilité
Aux termes de l'article 3 de la loi du 7 juillet 1967 si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise. L'article 4 dispose que s'il y a faute commune, la responsabilité de chacun des navires est proportionnelle à la gravité des fautes respectivement commises ; toutefois, si d'après les circonstances, la proportion ne peut être établie ou si les fautes apparaissent comme équivalentes, la responsabilité est partagée par parts égales.
Il sera par ailleurs relevé qu'un événement est évitable dès lors qu'il est normalement prévisible. En cas de cyclone annoncé, les marins et les propriétaires des bateaux doivent prendre toutes les dispositions utiles pour mettre à l'abri leur navire afin qu'il ne cause à autrui des dommages. Ces observations sont d'ailleurs valables tant pour le propriétaire du MATIPO que pour celui du NYIE DJEU.
En l'espèce, le cyclone ERIKA avait fait l'objet d'une pré-alerte le mercredi 12 mars 2003. Par conséquent, l'arrivée de celui-ci était prévisible. Dominique X... compte tenu des difficultés de déplacement du MATIPO ne pouvait laisser son navire au quai du charbon en petite rade où il avait été mis en quarantaine. En effet, cet emplacement vétuste était visiblement dangereux en période cyclonique et ne disposait pas selon l'expert judiciaire de bittes d'amarrage solides. Par ailleurs, il est constant que les amarres mises en place étaient particulièrement insuffisantes et il n'est pas contesté que personne n'était restée à bord. Le fait qu'il ait eu l'autorisation de la capitainerie d'y accoster ne saurait exonérer Dominique X... d'une recherche d'un emplacement plus adapté en période cyclonique. Egalement, il ne saurait prétendre qu'il avait fait le nécessaire en prenant l'attache du capitaine G... qui devait procéder à son déplacement le vendredi, ce qui démontre d'ailleurs à l'évidence que l'emplacement n'était pas adapté puisque l'alerte No2 devait intervenir à 12 heures, le même jour, selon les autorités administratives.
Ainsi donc le cyclone n'avait pas présenté pour Dominique X... l'irrésistibilité constitutive de la force majeure de nature à l'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui comme gardien du navire dès lors qu'il n'avait pas pris toutes les précautions possibles que la prévisibilité de l'événement rendait nécessaires, et ce malgré l'erreur commise pour l'alerte No2 déclenché à 8H30 mais annoncé préalablement à 12 heures par le haut commissariat de la République. En effet, la pré-alerte et l'alerte No1 étaient destinées à permettre de prendre à tous, et plus particulièrement aux gardiens de navires, les dispositions qui s'imposaient face à la menace cyclonique.
Les moyens tirés de la force majeure et du fait du tiers seront donc écartés.
Il est observé que l'expert judiciaire relève qu'en cas de cyclone, le mouillage de NYIE DJEU était prévu en grande rade ou en baie de Tomo et que le capitaine a fait le mauvais choix en le mettant à l'abri en petite rade alors même qu'il avait enregistré l'alerte No1 (mais pas l'alerte No2 diffusée à 8H30) et qu'il prenait la mer selon son rapport à 9 heures (alors que comme l'indique l'expert judiciaire, il était temps de se mettre à l'abri) ; par ailleurs, dès 9H10 le vent était de force 5, et à mesure de l'avancée du navire, atteignait la force 9 avant 10 heures. Le capitaine a ainsi d'ores et déjà commis une faute, tout comme Dominique X..., en ne mettant pas son navire à l'abri selon les instructions reçues en cas d'alerte cyclonique.
Il est constant que le rapport d'expertise judiciaire est très succint quant aux circonstances de l'abordage et de l'échouement. Il sera observé que l'expert mentionne qu'" il est difficile de confirmer que l'abordage du MAPITO est la cause directe de l'échouement du NYIE DJEU, le rapport de mer précisant que le navire a commencé à déraper vers 12H15 ; que le capitaine a mis les deux moteurs en avant pour étaler et maintenir le navire dans l'axe du vent et ne tenant toujours pas au mouillage, il a posté en veille deux matelots sur le pont milieu arrière, le maître d'équipage et le chef mécanicien à l'avant et a battu en arrière pour éviter la collision. Il en déduit que " le mouillage n'avait aucune efficacité et surtout que le catamaran avait des chances de se retrouver au sec, comme d'autres navires en petite rade ".
Ces termes sont corroborés par les attestations régulières de :
- René G... et Jean Baptiste F... du 29 décembre 2009 qui précisent que le navire n'était pas pendant le cyclone au mouillage de la cale du hallage comme le prétend le capitaine du navire,
- Jean Patrick B... du 30 décembre 2009 qui souligne que le navire tournait dans toute la baie en dérapant avant de percuter son voilier tout en précisant qu'il occupait la place du navire NYIE DJEU indiqué par l'expert,
- Jean-Luc C... du 10 juillet 2007, qui relate les allées et venues du NYIE DJEU.
S'agissant de l'attestation de Jean Patrick B... dont le navire était empennellé, les termes de sa déclaration sont confortés par le constat d'accident de navigation qui était assuré auprès de la CIMA et dont il n'est plus contesté que le sinistre a été indemnisé par l'assureur du NYIE DJEU. Sur ce dernier point, les intimées ne saurait invoquer que le constat n'ait pas été signé par le capitaine du NYIE DJEU alors qu'elle a procédé à l'indemnisation et qu'elle a reconnu par ce fait que la responsabilité de son client était engagée.
Par ailleurs, les deux marins du NYIE DJEU indiquent que celui-ci avait perdu l'un des moteurs et le crochetage du corps mort était intervenu avant la collision. Les deux plongeurs qui ont opéré après le sinistre ont pu noter qu'un corps mort de 3850 kg avait croché le mouillage, deux éléments qui rendaient le navire peu manoeuvrant, voire pas du tout.
Il ressort donc de ces éléments qu'il n'est nullement démontré par l'expertise que le navire NYIE DJEU occupait la place indiquée tant par le capitaine et l'expert d'assurances qu'à l'expert judiciaire et que l'échouage aurait pu intervenir sans la collision entre les deux bateaux.
Mais il n'est pas contesté que le MAPITO, qui avait rompu ses amarres, dérivait sans personne à bord pour venir se mettre " à couple " à tribord avec le NYIE DJEU lequel avec un seul moteur ne résistait plus au vent et n'avait pu ni l'éviter, ni s'en dégager.
Une nouvelle expertise ne pourrait pas expliciter davantage les circonstances du sinistre. Le recours à un complément d'expertise s'avérant inutile, cette demande sera donc rejetée.
Par conséquent, l'ensemble de ces éléments démontre qu'il y a eu faute commune sans qu'une proportion puisse être établie entre les fautes de chacun de sorte que la responsabilité sera partagée par moitié en application des dispositions de l'article 4 alinéa 1 de la loi du 7 juillet 1967.
Sur l'indemnisation :
L'expert en page 8 de son rapport mentionne qu'il n'a pas pris en compte les dommages antérieurs à la collision des deux navires, à savoir ceux résultant du bris de la vitre avant et de la perte d'un radeau de sauvetage.
Par ailleurs, il ressort des attestations que le corps mort avait été crocheté avant la collusion. Cependant l'analyse de la facture n'établit pas que la prestation des plongeurs se soit résumée à l'enlèvement du corps mort. Ce chef de préjudice sera donc limité à la somme de 100. 000 FCFP
Il sera relevé que l'expert judiciaire en page 8 précise que " la description des dommages provient principalement des factures jointes aux rapports, ces dernières sont utilisées sans contrôle telles qu'elles apparaissent dans les expertises ".
Il n'est nullement démontré par les termes de l'expertise judiciaire de l'utilité de procéder au changement de la totalité des vitres alors qu'une seule a été brisée lors du sinistre et que 5 autres (rapport de la société Prestige Marine) ont été endommagées lors du dégagement, Ce chef de préjudice sera limité à la somme de 799. 404 FCFP.
S'agissant de la perte d'exploitation, il sera noté que le conseil des intimées adressait un dire à l'expert A... en date du 16 janvier 2004 aux termes duquel elle faisait état que la société PRESTIGE MARINE avait perçu de la société GORO NICKEL, les redevances fixes mensuelles de 12. 000. 000 FCFP et " qu'il n'y avait pas lieu de retenir celles-ci comme perte d'exploitation, pour le compte de qui il appartiendra " Il n'est de plus pas démontré que GORO NICKEL n'ait pas versé au total 24. 000. 000 FCFP, la société PRESTIGE MARINE se prévalant de 60 jours d'immobilisation. En outre, les pièces comptables et le contrat à l'appui de ses prétentions ne sont pas versés aux débats de sorte que les intimées ne rapportent pas la preuve de ce chef de préjudice. Cette demande sera écartée sans qu'il soit besoin que soient produits les contrats.
Sur la partie proportionnelle au nombre de voyages subis à la suite de l'immobilisation l'expert judiciaire, qui souligne que les contrats ne lui ont pas été communiqués (tout comme d'ailleurs aux juridictions), indique de manière circonstanciée qu'il y a lieu de retenir que " la partie proportionnelle au nombre de voyages couvre en général le coût direct d'exploitation : combustible, approvisionnements divers. Si le bateau n'est pas exploité les dépenses correspondantes n'existent plus et cette partie variable n'a plus de raison d'être ; Quant au bonus, il est évident qu'il ne peut exister lorsqu'il n'y a plus de raison d'être ".
Dans ces conditions, la société MARINE PRESTIGE doit être déboutée de sa demande formée au titre du préjudice immatériel.
Enfin au regard de la faute commune retenue, le surplus des dommages doit être retenu.
Dominique X... doit être condamné à payer la moitié de la somme de20. 440. 430 FCFP, soit 10. 220. 215 FCFP.
Il en résulte que la cour n'a pas à statuer sur l'application du décret No2007-1379 du 22 septembre 2007.
La société PRESTIGE MARINE a été indemnisée par son assureur à hauteur de 12. 316. 540 FCFP comme en atteste la quittance subrogative du 14 octobre 2003, la SELARL MARY LAURE GASTAUD, es-qualités, ne devra par conséquent percevoir aucune somme à ce titre.
Dominique X... doit être condamné à payer à la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT la somme de 10. 220. 215 FCFP avec intérêts au taux légal à compter de ce jour s'agissant d'une créance indemnitaire. En effet, le jugement déféré ayant ordonné que les intérêts commenceraient à courir à compter de sa signification qui n'a pas été effectuée par les intimées, lesquelles n'ont pas formé d'autre demande sur ce point en cause d'appel.
Sur la demande en dommages et intérêts de Dominique X... :
Au regard du partage de responsabilité opéré par la cour, Dominique X... ne rapporte pas la preuve des manoeuvres dolosives des intimées dans l'exercice de leur action. Il doit être débouté de ce chef de demande.
Sur les frais irréptibles :
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie tant en première instance qu'en appel. La décision déférée sera donc réformée de ce chef.
Sur les dépens
Au regard du partage de responsabilité opéré, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire qui seront partagés par moitié. La décision entreprise sera également sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La Cour par arrêt contradictoire déposé au greffe :
Sur la procédure
Déclare l'appel recevable ;
Constate l'intervention de la SELARL MARY-LAURE GASTAUD, es-qualités de mandataire liquidateur de la SARL PRESTIGE MARINE ;
Dit n'y avoir lieu à rabat de l'ordonnance de clôture en date du 16 mars 2012 ;
Rejette les conclusions du 24 mai 2012 de la société PRESTIGE MARINE et du GROUPAMA TRANSPORT ainsi que les conclusions du 25 mai 2012 de Dominique X... ;
Au fond,
Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant dit que la loi du 7 juillet 1967 était applicable à l'espèce ;
et statuant à nouveau,
Vu les articles 3 et 4 de ladite loi ;
Rejette la demande d'expertise ;
Constate la faute commune des deux parties ;
en conséquence, prononce un partage de responsabilité entre la société PRESTIGE MARINE et Dominique X... ;
Evalue le préjudice de la société PRESTIGE MARINE à la somme de dix millions deux cent vingt mille deux cent quinze (10. 220. 215) FCFP ;
Vu la quittance subrogative du 14 octobre 2003,
Condamne Dominique X... à payer à la compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORTS la somme de dix millions deux cent vingt mille deux cent quinze (10. 220. 215) FCFP avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Et y ajoutant,
Déboute Dominique X... de sa demande en dommages et intérêts ;
Déboute les parties de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Fait masse des dépens en ce compris le coût de l'expertise et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties dont distraction au profit des avocats de la cause.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT