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29/10/2009 | FRANCE | N°08/711

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 29 octobre 2009, 08/711


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Octobre 2009

Chambre Civile

Numéro R. G. : 08 / 711

Décision déférée à la Cour :
rendue le : 16 Décembre 2008
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la Cour : 30 Décembre 2008


PARTIES DEVANT LA COUR APPELANT

M. Ferdinand X...

né le 31 Mars 1986 à PAPEETE (POLYNESIE FRANÇAISE)
demeurant Actuellement au CHS Albert BOUSQUET-BP. 120-98845 NOUMEA CEDEX représenté par la SELARL BOUQUET-DESWARTE, avocats

En présence du : MINISTERE PUBLIC
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L'affaire a été communiquée au ministère public représenté lors des débats par M. RABINEAU Yves, avocat général, qui a fait connaît...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Octobre 2009

Chambre Civile

Numéro R. G. : 08 / 711

Décision déférée à la Cour :
rendue le : 16 Décembre 2008
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la Cour : 30 Décembre 2008

PARTIES DEVANT LA COUR APPELANT

M. Ferdinand X...

né le 31 Mars 1986 à PAPEETE (POLYNESIE FRANÇAISE)
demeurant Actuellement au CHS Albert BOUSQUET-BP. 120-98845 NOUMEA CEDEX représenté par la SELARL BOUQUET-DESWARTE, avocats

En présence du : MINISTERE PUBLIC

L'affaire a été communiquée au ministère public représenté lors des débats par M. RABINEAU Yves, avocat général, qui a fait connaître son avis.
et de M. LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE
demeurant Direction de la Réglementation et de l'Adm. Générale-
1 Avenue du Maréchal Foch-98800 NOUMEA
Concluant

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2009, en chambre du conseil, devant la cour composée de : Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, Président,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,
François BILLON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport. Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé en Chambre du Conseil,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Ferdinand
X...
, né le 31 mars 1986, poursuivi pour le meurtre de son demi-frère, était placé le 25 avril 2008 sous le régime de l'hospitalisation d'office par ordonnance de la cour d'assises de la Nouvelle-Calédonie, statuant sans l'assistance du jury, à la suite de son acquittement pour irresponsabilité pénale, au visa des articles 706-135 et D 47-29 du code de procédure pénale issus de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 et du décret n° 2008-361 du 16 avril 2008, immédiatement applicables aux procédures en cours. Par arrêté du 25 avril 2008 le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ordonnait le placement de Ferdinand
X...
« au quartier spécial du centre hospitalier spécialisé Albert Bousquet ». Dès le 13 mai 2008, le médecin psychiatre chef du service hospitalier (docteur A...) évoquait la perspective d'une sortie définitive, en l'absence de troubles de Ferdinand
X...
.
Celui-ci adressait le 28 juillet 2008 au procureur de la République de Nouméa une demande de mainlevée de son placement. Le procureur de la République saisissait le 4 août 2008 le docteur Jean-Yves B..., psychiatre des hôpitaux, qui concluait dans un rapport en date du 31 août 2008, notamment, que Ferdinand
X...
« lors de son internement, ne présentait déjà plus de signes de psychoses aiguë (...), que ce jour il ne présente pas le moindre signe psychopathologique en faveur d'un état délirant et n'est donc plus atteint de la pathologie qui a justifié son internement (...) ». Un arrêté du haut-commissaire en date du 8 septembre 2008 ordonnait le maintien du placement de Ferdinand
X...
en milieu hospitalier psychiatrique, au visa de l'ordonnance du 28 août 2008 ayant rendu applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions du titre Ier du livre II du code de la santé publique relatives à la lutte contre les maladies mentales. Par courrier du 12 septembre 2008 Ferdinand
X...
saisissait le juge des libertés de détention (JLD) de Nouméa d'une demande de mainlevée de son placement.
Par ordonnance en date du 6 octobre 2008 le JLD ordonnait deux nouvelles expertises psychiatriques. Dans un rapport daté du 14 octobre 2008 le docteur C...jugeait de la « parfaite normalité psychique actuelle » de Ferdinand
X...
, estimant que « rétrospectivement le sujet a présenté soit au moment, soit au décours des faits qui remontent à plus de trois ans, une bouffée délirante sans lendemain » et que sa sortie éventuelle n'était pas susceptible de constituer un risque pathogène, pour lui-même, pour autrui, ou concernant l'ordre public. Au terme de son rapport daté du 20 octobre 2008, le Dr Jean-Michel D...concluait : « à la date du 13 octobre 2008, M.
X...
ne présente pas de troubles psychiatriques ni de dangerosité psychiatrique. Cependant, il existe un risque de récidive à titre de bouffée délirante aiguë si le sujet consomme de nouveau du cannabis. » Par ordonnance en date du 16 décembre 2008, le JLD, constatant « que les conclusions des médecins psychiatres ne sont pas totalement concordantes (...), qu'il résulte de l'avis de l'expert D...qu'un risque de récidive ne peut être exclu dès lors que l'intéressé n'est pas totalement sevré de son appétence cannabique » et qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs d'ordonner une mainlevée sous condition, décidait de rejeter la demande de Ferdinand
X...
.

PROCEDURE D'APPEL

Par requête enregistrée le 30 décembre 2008 au greffe de la cour, Ferdinand
X...
a interjeté appel de cette décision.
Le 5 janvier 2009 le ministère public concluait à la confirmation de l'ordonnance. Dans son mémoire ampliatif du 30 janvier 2009, Ferdinand
X...
demande à la cour de constater qu'ils ne présentent plus de risques psychiatriques pour autrui et d'ordonner sa mise en liberté.
Le ministère public recevait communication de ce mémoire le 2 février 2009.
Dans des écritures développées le 5 juillet 2009 le procureur général conclut :
- à titre principal qu'il plaise à la cour déclarer nulle la décision du 16 décembre 2008, comme ayant été prise par une juridiction n'ayant pas qualité pour statuer, et renvoyer l'appelant à se pourvoir devant l'autorité administrative afin qu'elle désigne les médecins chargés d'apprécier sa situation ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait le juge des référés et des libertés comme compétent et ayant été valablement saisi, qu'il plaise à la cour :
- constater la nullité de l'ordonnance du 16 décembre 2008 au motif qu'elle a été prise en la forme des référés, en visant le haut-commissaire de la République en qualité de partie à l'instance judiciaire, au motif qu'elle se fonde sur des avis émanant de médecins, désigné par la juridiction saisie et non par l'autorité administrative, auquel il a été confié une mission d'expertise ne correspondant pas aux exigences légales ;
- en conséquence, inviter le demandeur à saisir l'autorité administrative compétente pour procéder à la désignation de deux autres médecins, en leur fixant strictement pour mission de prendre une décision sur la dangerosité actuelle de M.
X...
pour lui-même ou pour autrui, à l'exclusion de toutes autres considérations, notamment quant aux conséquences d'éventuelles sorties sur l'ordre public et l'évolution de la maladie de l'intéressé. Par conclusions déposées le 12 août 2009 Ferdinand
X...
rétorque :
- que l'article 706-135 du code de procédure pénale énonce expressément que le régime de l'hospitalisation d'office ordonné par une juridiction de jugement est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l'article L 3213-1 du code de la santé publique, et que l'article L3213-8 est également applicable ;
- qu'ainsi le représentant de l'État doit prendre un arrêté dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation pour une durée de trois mois et ensuite, pour une durée de six mois maximum renouvelable selon les mêmes modalités ;
- que selon le deuxième alinéa de l'article L. 3213-4 dudit code « faute de décision du représentant de l'État à l'issue de chacun des délais prévus à l'alinéa précédent, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise » ;
- qu'en l'espèce il échet de constater que depuis le 8 septembre 2008 aucun nouvel arrêté n'a été pris par le haut-commissaire, de sorte qu'il convient d'ordonner la sortie immédiate de Ferdinand
X...
. Par ordonnance du 21 août 2009 l'affaire avait été fixée à l'audience du 2 septembre 2009.
Monsieur l'avocat général avait développé ses conclusions.
Me Deswartes, avocat, avait soutenu son recours.
L'affaire avait été mise en délibéré à la date du 11 septembre 2009.
Le 9 septembre 2009, le haut-commissaire de la République a fait déposer au greffe de la cour des conclusions tendant au rejet de la requête d'appel, en faisant référence à une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 août 2009 qui avait accordé aux parties un délai jusqu'au 15 septembre 2009 pour déposer leurs conclusions.
Par arrêt rendu le 11 septembre 2009, la cour, avant dire droit, a ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à l'audience du 7 octobre 2009.

SUR QUOI, LA COUR :

Il a été porté à la connaissance de la cour que Ferdinand
X...
bénéficiait, de fait, de permissions de sorties quasi permanentes. Cependant, sa situation administrative demeure liée à la décision à intervenir. Les dispositions du titre I (modalités d'hospitalisation) du livre II (lutte contre les maladies mentales) du code de la santé publique (csp) sont applicables en Nouvelle-Calédonie selon les modalités prévues par l'article L. 3844-1 dudit code (ordonnance no 2008-858 du 28 août 2008. Art. 7).
Ainsi, selon l'article L. 3211-12 du csp, le juge des libertés et de la détention du « tribunal de première instance » du lieu de la situation de l'établissement, statuant en la forme des référés, peut être saisi, notamment par la personne hospitalisée sans son consentement, où se saisir d'office, à tout moment, pour ordonner, « après les vérifications nécessaires (...), s'il y a lieu, la sortie immédiate ».

Le juge des libertés et de la détention est également compétent sur le fondement de l'article 706-137 du code de procédure pénale pour ordonner la modification ou la levée d'une interdiction prononcée en application de l'article 706-136 dudit code. Lorsque, comme en l'espèce, l'hospitalisation d'office a été ordonnée par application de l'article 706-135 du code de procédure pénale « le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l'article L3213-1 du code de la santé publique (...). L'article L 3213-8 du même code est également applicable. » Selon l'article L3213-8 du code de la santé publique, tel qu'applicable en Nouvelle-Calédonie, « il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L3213-7- que sur les décisions conformes de deux psychiatres dont un n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le haut-commissaire de la République sur une liste établie par le procureur de la République, après avis de la direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie. Ces deux décisions résultant de deux examens séparés et concordants doivent établir que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui ». Ce texte spécial déroge expressément au régime de droit commun de l'hospitalisation d'office.
Il ne peut s'analyser, comme le fait plaider l'appelant, comme constituant une simple faculté supplémentaire à la disposition du haut-commissaire, qui peut, par ailleurs, maintenir l'hospitalisation d'office selon les modalités prévues par l'article L3213-4 du code de la santé publique. Il constitue également nécessairement une exception au principe de la compétence du juge des libertés de la détention, dont le rôle, comme garant des libertés, et le pouvoir, comme autorité indépendante, ne peuvent être subordonnés à la décision de tiers qui, au surplus, sont choisis par une autorité administrative. En outre, contrairement aux mesures de sûreté prise en application de l'article 706-136 du code de procédure pénale, qui demeurent naturellement sous le contrôle de l'autorité judiciaire, la décision de l'hospitalisation d'office prise en vertu de l'article 706-135 du même code, dessaisit cette autorité. En conséquence il convient de juger que le juge des libertés et de la détention n'était pas compétent pour mettre fin à l'hospitalisation d'office de Ferdinand
X...
, qui sera invité à saisir le haut-commissaire de la République pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L3213-8 du code de la santé publique.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en chambre du conseil et par arrêt contradictoire ;

Déclare l'appel recevable en la forme ;

Vu l'ordonnance rendue le 25 avril 2008 par la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie, sans l'assistance du jury, qui a ordonné l'hospitalisation d'office de Ferdinand
X...
au centre hospitalier spécialisé Albert Bousquet, après qu'il ait été déclaré pénalement irresponsable pour cause de trouble mental ;

Dit et juge qu'il ne peut être mis fin à cette hospitalisation d'office qu'en application des dispositions de l'article L 3213-8 du code de la santé publique ;

Dit et juge que le juge des libertés et de la détention n'a pas compétence pour statuer sur une demande de mainlevée de placement d'office ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale ;

Infirme en conséquence l'ordonnance rendue le 16 décembre 2008 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de première instance de Nouméa ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 08/711
Date de la décision : 29/10/2009

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-29;08.711 ?
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