COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 04 Août 2008
Chambre Civile
Numéro RG : 07 / 356
Décision déférée à la Cour :
rendue le 19 Février 2007
par le Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la Cour : 25 Juin 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
Mme Noëlle X...
née le 22 Avril 1956 à NOUMEA (98800)
élisant domicile chez la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES-98800 NOUMEA
Profession : Journaliste
représentée par la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats
INTIMÉS
M. Yves Y...
né le 10 Décembre 1950 à ALGER
demeurant ...
Mme Agnès Z...
née le 10 Décembre 1952 à AIX EN PROVENCE (13090)
demeurant ...
Profession : Journaliste
représentée par la SELARL AGUILA-MORESCO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
Michelle FONTAINE, Président de Chambre, Président,
Christian MESIERE, Conseiller,
Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Michelle FONTAINE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Christian MESIERE, Conseiller en l'absence du président empêchée et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par acte sous seing privé du 17 juillet 2003, Paul X... a donné à bail à Agnès Z... et à Yves Y... une maison sise à Nouméa, moyennant un loyer mensuel de 83 800 FCFP.
Par ordonnance du 2 novembre 2005, le juge des référés a constaté la résiliation du bail pour non-paiement de loyers à la date du 1er septembre 2005, ordonné l'expulsion des preneurs dans les trois mois de la signification de l'ordonnance, condamné ces derniers à payer au bailleur une provision de 142 000 FCFP au titre des loyers et charges impayés, et de la clause pénale, payable en cinq versements, les quatre premiers de 30 000 FCFP et le cinquième du solde, fixé une indemnité provisionnelle d'occupation à 85 220 FCFP par mois à compter du 1er septembre 2005.
L'ordonnance de référé a été signifiée aux défendeurs le 22 novembre 2005.
Les locataires ont quitté les lieux le 20 février 2006.
Divers versements sont intervenus jusqu'en mars 2006, pour un montant total de 637 632 FCFP.
Noëlle X..., héritière du bailleur, a sollicité du tribunal de première instance la condamnation de Agnès Z... et Yves Y... à lui payer la somme de 852 252 FCFP, au titre de la remise en état des lieux, indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 180 000 FCFP, et clause pénale de 142 042 FCFP.
Par jugement réputé contradictoire du 19 février 2007, auquel il est référé pour l'exposé plus ample des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, le tribunal a :
- condamné solidairement Yves Y... et Agnès Z... à payer à Noëlle X... :
- la somme de 58 610 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- 1 180 FCFP à titre d'indemnité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement Yves Y... et Agnès Z... aux dépens, dont distraction au profit de la selarl PELLETIER-FISSELIER-CASIES.
Le tribunal a notamment fixé à 100 000 FCFP l'indemnité d'occupation mensuelle, rejeté la demande au titre de remboursement d'une facture de 171 600 FCFP en remplacement d'éléments d'équipement de cuisine, et fait application de la clause pénale de 20 % prévue au contrat sur la somme restant due de 58 610 FCFP.
Par requête motivée déposée le 25 juin 2007, Noëlle X... a régulièrement interjeté appel de cette décision, sur le montant de l'indemnité d'occupation, et les frais de remise en état des meubles, et, reprenant ses demandes initiales, elle sollicite la condamnation solidaire des intimés à lui verser la somme de 852 252 FCFP, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, outre 105 000 FCFP pour frais irrépétibles et aux dépens, dont distraction au profit de la selarl PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats.
L'appelante soutient que les lieux ont été libérés à la sauvette, que le contrat de bail prévoyait une indemnité d'occupation mensuelle égale à deux mois de loyer, charges comprises, par mois achevé ou commencé, jusqu'à libération effective des lieux, soit 180 000 FCFP par mois pendant six mois, de septembre 2005 à février 2006.
Elle avance qu'en Nouvelle-Calédonie, le contrat de louage étant régi par des lois spécifiques, le juge n'a pas la possibilité d'en réduire la clause pénale, en application de l'article 1134 du code civil, seul applicable, alors que le bailleur, dans l'obligation d'avancer des frais de remise en état, peut connaître de réelles difficultés de trésorerie.
Noëlle X... expose encore que l'état des lieux réalisé le 21 février 2006 mentionne le mauvais entretien du jardin, l'état de saleté des locaux, et la dégradation des éléments de cuisine et de salle de bains, alors que le contrat prévoyait la restitution des lieux repeints, tous dommages réparés, les objets entretenus et le tout en parfait état de propreté.
Elle précise avoir divisé par deux la facture relative à la remise en état, soit 267 842 FCFP, qu'elle réclame.
Par écritures déposées le 5 octobre 2007, Agnès Z... et Yves Y... concluent à la confirmation du jugement, par les motifs du premier juge, et à la condamnation de l'appelante à leur payer une indemnité de procédure de 150 000 FCFP et aux entiers dépens, dont distraction au profit de selarl AGUILA-MORESCO, avocats.
Ils contestent avoir quitté les lieux " à la cloche de bois ", affirmant avoir averti l'huissier chargé de l'exécution de l'ordonnance de leur départ au 20 février 2006, dans le délai imparti par l'ordonnance, et indiquant que le déménagement a eu lieu le 17 février, qu'il a duré trois heures, à la vue de Noëlle X... qui habite une maison mitoyenne.
Ils expliquent que Agnès Z... a connu de graves difficultés financières à la suite d'un licenciement qu'elle a contesté, et qu'ils ont respecté les obligations de payer les loyers arriérés dans la limite de leurs possibilités.
Les intimés font valoir que l'indemnité d'occupation a été à bon droit réduite à 100 000 FCFP par mois, conformément aux énonciations d'un arrêt de la 3e chambre civile de la cour de cassation.
Ils rappellent qu'ils ont occupé les lieux pendant plus de deux ans et demi, que l'état des lieux initial démontre la qualité moyenne et déjà vétuste des éléments d'équipement de la cuisine, dont la partie basse du meuble mélaminée gonflée et décollée, les plateaux tournants gonflés, et des éclats importants au sol.
Ils indiquent que certaines parties du meuble de cuisine se sont tellement dégradées qu'ils ont dû les enlever.
Dans ses conclusions déposées le 5 décembre 2007, l'appelante maintient ses demandes et arguments, concernant tant l'application de l'article 1134 du code civil que les travaux de remise en état.
Elle insiste sur le parfait fonctionnement de l'ensemble des accessoires, qui n'ont fait l'objet d'aucune réclamation lors de la demande en paiement des loyers impayés en août 2005.
Elle avance les avantages de la villa, climatisée, et louée avec des peintures refaites, cuisine équipée, dont les accessoires étaient en bon état de fonctionnement.
Noëlle X... soutient que la durée de l'occupation ne justifie pas l'état de vétusté allégué, et qu'elle a dû remplacer la plaque de cuisson rouillée, alors qu'elle se trouvait en bon état lors de la conclusion du bail.
Par écritures déposées le 15 janvier 2008, les intimés, qui indiquent avoir gardé le même numéro de téléphone, maintiennent leur argumentation et rappellent qu'en Nouvelle-Calédonie comme en métropole, le juge a toujours la possibilité de diminuer l'indemnité d'occupation prévue aux termes d'un bail, ainsi qu'il a été jugé par le tribunal le 26 mars 2007.
Ils estiment que la diminution de l'indemnité d'occupation n'est pas excessive eu égard à leurs difficultés économiques et au préjudice subi par la propriétaire.
Ils ajoutent que le constat du 21 février 2006 mentionne la saleté du four et des plaques de cuisson, alors que Noëlle X... réclame le remplacement de ces éléments.
Ils font état en dernier lieu des inconvénients affectant la maison, bruyante, y compris en ce qui concerne la climatisation, mal aérée, ce qui entraînait les taches brunes au plafond de la cuisine.
Par conclusions déposées le 11 février 2008, l'appelante maintient son argumentation et énonce notamment que les locataires n'ont pas satisfait à leur obligation d'inviter le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à dresser un état contradictoire de sortie, la bailleresse n'étant pas tenue de leur téléphoner afin de leur rappeler leurs engagements.
Noëlle X... précise qu'elle a dû procéder au remplacement d'éléments par la faute des locataires, auxquels elle ne demande que la moitié du coût.
Par conclusions déposées le 16 avril 2008, pour les intimés, et le 13 mai 2008, pour l'appelante, les parties ont maintenu leurs arguments.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2008.
L'affaire a été fixée par ordonnance du même jour à l'audience du 26 juin 2008, reportée à l'audience du 27 juin 2008, en raison du caractère férié de ce jour en Nouvelle-Calédonie, ce dont les conseils des parties ont été avisés.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'indemnité d'occupation :
Attendu que l'indemnité d'occupation prévue au contrat de bail, égale au double du loyer, présente incontestablement le caractère d'une clause pénale, revendiqué par l'appelante qui en souligne sa fonction d'indemnisation et de contrainte des preneurs à s'exécuter ;
Attendu que si seul le premier alinéa de l'article 1152 du code civil, qui dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme d'argent à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ou moindre, est applicable en Nouvelle-Calédonie, à l'exclusion du second alinéa, qui autorise la modération ou l'augmentation de la peine, qui n'a pas été étendu sur le territoire, l'article 1231 du code civil, applicable en Nouvelle-Calédonie, dispose : " lorsque l'obligation primitive contractée a été exécutée en partie, la peine encourue peut être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite " ;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que Agnès Z... et Yves Y... ont réalisé des versements depuis l'acquisition de la clause résolutoire jusqu'à mars 2006, qu'ainsi, le premier juge a exactement réduit l'indemnité d'occupation à 100 000 FCFP, en application de l'article 1231 précité, que cette disposition sera confirmée ;
Sur les frais de remise en état :
Attendu que le premier juge a à bon droit condamné les preneurs à rembourser à la bailleresse les frais de peinture, nettoyage du jardin, du mobilier, la révision de la plomberie et le remplacement des accessoires à hauteur de 96 242 FCFP, dont le bien-fondé est attesté par le constat d'huissier du 21 février 2006, non contesté par les intimés ;
Attendu que le premier juge a exactement retenu l'état moyen du mobilier constaté lors de l'état des lieux d'entrée, qui mentionne pour la cuisine :
- une plaque de cuisson à gaz 4 feux, bon état, sauf 2 boutons brûleurs, 1 sans fixation-cache au niveau bouton usagé-un four et 2 boutons, 2 voyants, bon état, le tout oxydé,
- meuble bas 5 portes... bon état sauf côté gauche partie basse mélaminée gonflée décollée-intérieur " 3m (illisible) usagé-2 plateaux tournants gonflés ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient l'appelante, les plaques de cuisson étaient déjà oxydées lors de l'entrée dans les lieux des locataires, que l'état de sortie indique des plaques rouillées, qu'ainsi Noëlle X... n'est pas fondée à obtenir le remboursement des éléments de cuisine, même à hauteur de la moitié, eu égard à l'usure normale du temps, après 31 mois d'occupation, ainsi que l'a retenu le premier juge, que le rejet de cette demande sera confirmé ;
Attendu que, compte tenu des versements effectués par les locataires, la somme de 58 610 FCFP à laquelle ont été condamnés Agnès Z... et Yves Y..., et celle de 1 180 FCFP représentant le montant de la clause pénale de 20 % sur cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, sera confirmée ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que l'équité ne commande pas d'allouer aux parties une indemnité de procédure, que ces demandes seront rejetées ;
Sur les dépens :
Attendu que les dépens d'appel seront supportés par l'appelante, dont distraction au profit de la selarl AGUILA-MORESCO, avocats, ceux de première instance restant tels que fixés par le premier juge.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Déclare l'appel de Noëlle X... recevable et mal fondé ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leur demande de frais irrépétibles en appel ;
Condamne Noëlle X... aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la selarl AGUILA-MORESCO, avocat.