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22/05/2008 | FRANCE | N°06/128

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 22 mai 2008, 06/128


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

ARRÊT du 22 mai 2008

Décision attaquée rendue le : 22 Novembre 2006

Juridiction

Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Date de la saisine : 20 Décembre 2006

Ordonnance de clôture : 07 février 2008

RG : 06 / 128

Composition de la Cour

Présidente : Michelle FONTAINE, Présidente de Chambre

Assesseurs :

- Jean-Louis THIOLET, Président de Chambre

-Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré

Greffier lors des déba

ts : Mickaela NIUMELE

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SARL SOCIETE DE MANUTENTION CALEDONIENNE dite MANUCAL
Lot AC1- Lotissemen...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

ARRÊT du 22 mai 2008

Décision attaquée rendue le : 22 Novembre 2006

Juridiction

Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Date de la saisine : 20 Décembre 2006

Ordonnance de clôture : 07 février 2008

RG : 06 / 128

Composition de la Cour

Présidente : Michelle FONTAINE, Présidente de Chambre

Assesseurs :

- Jean-Louis THIOLET, Président de Chambre

-Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré

Greffier lors des débats : Mickaela NIUMELE

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SARL SOCIETE DE MANUTENTION CALEDONIENNE dite MANUCAL
Lot AC1- Lotissement Les Acconiers Avenue James Cook
BP. 4357-98847 NOUMEA CEDEX

représentée par Me Xavier LOMBARDO, avocat

INTIMÉE

LA SAS SOCIETE DE MANUTENTION ET DE TRANSPORT, dite MANUTRANS
représentée par son dirigeant en exercice

...- ...

98800 NOUMEA

représentée par la SELARL TEHIO, avocats

Débats : le 17 avril 2008 en audience publique où Jean-Louis THIOLET, Président de jChambre, a présenté son rapport,

A l'issue des débats, la Présidente a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 22 mai 2008 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier, présent lors de la remise au greffe.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Pendant 10 jours, soit du 24 juillet au 4 août 2004, le port de Nouméa a été bloqué par des dockers.

Imputant la responsabilité de ce blocage et du préjudice qui en serait résulté pour elle, au fondateur du syndicat USTKE, à savoir monsieur Kotra Z... dirigeant d'une société d'acconage qui lui est directement concurrente, la SARL SOCIETE DE MANUTENTION CALEDONIENNE, dite MANUCAL avait attrait sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil la SAS SOCIETE DE MANUTENTION ET DE TRANSPORT dite MANUTRANS devant le tribunal de première instance de Nouméa pour entendre cette société condamnée à lui payer des sommes de 4. 000. 000 F CFP et de 2. 000. 000 F CFP à titre de dommages et intérêts et la somme de 200. 000 F CFP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie ;

Par jugement en date du 22 novembre 2006, le tribunal de première instance de Nouméa a débouté la SARL SOCIETE DE MANUTENTION CALEDONIENNE, dite MANUCAL de toutes ses demandes en estimant que cette société ne rapportait pas la preuve de ses affirmations et l'a condamnée à payer à la société MANUTRANS la somme de 166. 400 F CFP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie et à supporter les dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 20 décembre 2007, la Société MANUCAL a relevé appel de ce jugement.

Elle a demandé à la cour dans ses premières conclusions :

- d'infirmer le jugement déféré,
- de condamner la société MANUTRANS à lui payer la somme de 4. 000. 000 F CFP en raison du préjudice qu'elle aurait subi du fait des actes d'entrave et de concurrence déloyale et la somme de 2. 000. 000 F CFP à titre de dommages et intérêts,
- de condamner la société MANUTRANS à lui payer la somme de 250. 000 F CFP au titre des frais non répétibles.

Dans un deuxième jeu de conclusion elle a demandé à ce que la condamnation de la société MANUTRANS soit portée à la somme globale de 12. 000. 000 F CFP, soit 8. 000. 000 F CFP au titre du préjudice qu'elle a subi du fait des charges fixes et 4. 000. 000 F CFP au titre du préjudice lié à la perte d'image et de confiance à l'égard de ses clients et ce que les faits reprochés à la société concurrente soient qualifiés de concurrence déloyale ou d'entrave à son activité.

Elle soutient :

- que le dirigeant de la société MANUTRANS a du mal à admettre le jeu de la libre concurrence entre les quatre sociétés d'acconage du port de Nouméa et qu'il n'hésite pas à user de méthodes totalement déloyales pour favoriser sa propre société au détriment des autres,

- qu'ainsi monsieur Z... dirigeant de la société MANUTRANS et président d'honneur et ancien fondateur du syndicat USTKE qui n'avait pas admis la perte d'un marché concernant le navire SOUTHERN D'URVILLE propriété de la compagnie maritime PACIFIC DIRECT LIGNE au profit de la société SOFRANA s'est plaint dans un courrier du 20 mai 2004 de cette perte de marché,

- que le 11 juin 2004, le syndicat USTKE déposait un préavis de grève sur le port autonome de Nouméa,

- que ce préavis était suspendu dans l'attente du résultat des négociations commerciales devant se dérouler en NOUVELLE ZELANDE en fin 2004 entre les sociétés PACIFIC DIRECT LIGNE, MANUTRANS et SOFRANA,

- que la société MANUTRANS n'ayant pas obtenu gain de cause, elle adressait un courrier daté du 16 juillet 2004 à la présidente du gouvernement en lui faisant connaître que la société SOFRANA porterait la responsabilité du conflit social qu'elle s'apprêtait à déclencher sur le port de Nouméa,

- que le blocage du port qui a eu lieu est directement imputable à la société MANUTRANS et à son dirigeant qui bénéficie d'une entente avec le syndicat USTKE dont les adhérents n'ont pas hésité à bloquer le port et à l'empêcher de procéder au déchargement du bateau LE TOUNDRA PRINCESS,

- que cela résulte notamment du constat d'huissier établi par Me B... et aux termes duquel des appareils de MANUTRANS avaient été positionnés pour interdire l'accès et le déchargement du cargo LE TOUNDRA PRINCESS,

- qu'ainsi les « agissements de l'USTKE téléguidés par monsieur Z... n'ont eu d'autre but que de détourner sa clientèle vers la société MANUTRANS, le message à destination des clients des concurrentes de MANUTRANS, dont fait partie MANUCAL, est on ne peut plus clair : l'exécution normale des opérations d'acconage et de transport des containers passe par l'attribution des marchés à la société MANUTRANS »,

- que cette réalité émane notamment des coupures de presse versées au dossier qui ne feraient qu'accréditer l'existence d'une collusion entre la société MANUTRANS et l'USTKE et notamment de messieurs Z... et C... dés « qu'il s'agit des intérêts économiques des entreprises KANAKS »,

- que son préjudice du fait des actes commis qu'il s'agit d'acte de concurrence déloyale ou d'acte d'entrave à la liberté du travail lui a occasionné un préjudice de 8. 000. 000 F CFP pour faire face à ses frais de fonctionnement et un préjudice en terme d'image et de perte de confiance de ses clients qui ne saurait être évalué à moins de 2. 000. 000 F CFP.

De son côté la SAS MANUTRANS a conclu à l'irrecevabilité des demandes formulées à son encontre par la SARL MANUCAL en affirmant que les actes à l'origine du blocage du port n'émanent nullement de sa part mais sont imputables au syndicat USTKE qui n'a nullement été manipulé par monsieur Z... mais qui a défendu les intérêts de ses adhérents dans les divers secteurs où l'emploi était menacé.

Elle ajoute qu'elle a pâti du blocage comme les autres acconiers.

Elle sollicite au fond la confirmation de la décision déférée, c'est-à-dire le débouté de toutes les demandes de le SARL MANUCAL et dans ses dernières conclusions la condamnation de cette dernière société à lui payer la somme de 210. 000 F CFP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie.

Elle soutient au fond que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitués, qu'il n'est pas rapporté la preuve que la SARL MANUCAL ait subi un préjudice de son fait, ni de l'existence d'un lien de cause à effet entre sa prétendue faute et le préjudice invoqué.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler en droit qu'il appartient à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

A ce titre il appartenait à la société MANUCAL qui est en situation de concurrence avec la société MANUTRANS et qui se plaint d'une concurrence déloyale de cette dernière société, de rapporter la preuve de la réalité des faits qu'elle a invoqués contre le dirigeant de la société MANUTRANS, à savoir une participation à une entente ayant débouché sur le blocage du port, et qui se serait traduit pour elle par l'existence d'un préjudice.

Si force est d'admettre au vu des pièces qui ont été régulièrement communiquées au dossier, que monsieur Z... dirigeant de la société MANUTRANS, a été le fondateur du syndicat USTKE et est encore président honoraire de ce syndicat, les affirmations de la société MANUCAL et les pièces produites par elle restent insuffisantes à établir la connivence dont fait état la société MANUCAL entre monsieur Z... et l'USTKE relativement au blocage du port de Nouméa qui a eu lieu entre le 24 juillet et le 4 août 2004, ainsi que le lien de causalité entre cette entente prétendue et le préjudice qui en serait résulté pour elle par suite du blocage du port par les adhérents de l'USTKE.

Il est certes constant que monsieur Z..., dont la société MANUTRANS venait de perdre un marché qui mettait en jeu ses capacités de survie au profit de la société SOFRANA, était parfaitement en droit d'entrer en négociation avec cette société qui venait de lui prendre un marché et avec la société PDL qui venait de lui retirer ce marché.

Les lettres de monsieur Z... du 20 mai 2004 et du 7 juin 2004 adressées notamment à la société SOFRANA et à la société PDL, ne contiennent aucune menace et ne constituent la preuve d'aucune entente entre monsieur Z... et le syndicat USTKE, contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante.

Certes dans la deuxième de ces lettres le président de la société MANUTRANS fait état de ce qu'il informera le personnel de sa société de « l'impasse dans laquelle elle se trouve ».

Toutefois il n'y a cependant rien de choquant à ce qu'un chef d'entreprise se soucie d'informer ses salariés des risques de liquidation de l'entreprise dans laquelle ils travaillent et il ne saurait être tiré implicitement de cette communication aux salariés, la preuve d'une entente entre le dirigeant de MANUTRANS et l'USTKE.

De même il ne peut être tiré de la lettre du président en exercice de l'USTKE, monsieur JODAR, la preuve de l'existence d'une entente entre monsieur Z... et ce syndicat dirigée notamment, par la mise en place du blocage du port de Nouméa, contre les intérêts de la société MANUCAL.

Certes la prise de position de monsieur JODAR président de l'USTKE, dans sa lettre adressée le 16 juillet 2004 à la présidente du gouvernement de Nouvelle Calédonie en faveur de la défense de la société MANUTRANS, aurait pu apparaître atypique, mais compte tenu des risques liés à la possible liquidation de cette société et aux pertes d'emplois de salariés liées à cette éventuelle liquidation, cette lettre reste tout de même dans le cadre de l'objet social d'un syndicat de salariés.

Ainsi il ne résulte de ces documents nullement la preuve que monsieur Z... et le syndicat USTKE, se soient mis d'accord sur la forme de l'action syndicale à tenir et notamment sur le blocage du port qui a eu pour effet de faire cesser ou du moins de ralentir les activités des sociétés et autres professionnels travaillant sur le port de Nouméa en leur occasionnant un manque à gagner.

De même il ne peut être établi au vu du procès verbal d'huissier rédigé le 28 juillet 2004 par Mo B..., la preuve que monsieur Z... ait volontairement remis aux adhérents du syndicat USTKE les matériels de levage et de transport appartenant à la société MANUTRANS ayant permis le blocage du port.

Il est à cet égard utile de relever que l'huissier a mentionné parmi les véhicules faisant barrage la présence de deux camions appartenant à la société STTR.

Quant aux coupures de presse elles n'apportent non plus aucune certitude sur l'organisation commune par le dirigeant de la société MANUTRANS et le dirigeant de l'USTKE du blocage du port, qui a été la cause unique du préjudice subi par la société MANUCAL du fait de l'arrêt ou du ralentissement de ses activités pendant la période considérée, et dont l'imputabilité ne peut être mise qu'à la charge du syndicat USTKE, non appelé dans la cause et dont les formes d'action semble n'avoir pas toujours respecter les conditions de légalité.

L'équité commande toutefois en l'état de la double casquette affichée par le président de la société MANUTRANS et tenant à sa qualité de président honoraire d'un syndicat de salariés et à sa qualité de chef d'entreprise et de l'image ambigüe qu'elle revêt pour les sociétés concurrentes de celle qu'il dirige, de ne pas faire application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie ;

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société MANUCAL qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Reçoit comme régulier en la forme l'appel interjeté par la société MANUCAL contre le jugement déféré ;

Le dit non fondé ;

Confirme en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie en cause d'appel ;

Condamne la société MANUCAL aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL TEHIO dans les conditions des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie ;

Et signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 06/128
Date de la décision : 22/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-22;06.128 ?
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