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12/12/2007 | FRANCE | N°06/576

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 12 décembre 2007, 06/576


COUR D'APPEL DE NOUMÉA

ARRÊT du 12 décembre 2007

(ARRET SOCIAL)

Décision attaquée rendue

le : 27 Octobre 2006

Juridiction

Tribunal du travail de NOUMEA

Date de la saisine :

14 Novembre 2006

Ordonnance de fixation

08 août 2007

RG : 06/576

Composition de la Cour

Président :

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

Assesseurs:

- Roland POTEE, Conseiller

- Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller

magistrats qui ont participé aux

débats et au délibéré

Gref

fier lors des débats:

Cécile KNOCKAERT

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SOCIETE MINIERE DU SUD PACIFIQUE (SMSP)
prise en la personne de son représentant légal
Imm...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

ARRÊT du 12 décembre 2007

(ARRET SOCIAL)

Décision attaquée rendue

le : 27 Octobre 2006

Juridiction

Tribunal du travail de NOUMEA

Date de la saisine :

14 Novembre 2006

Ordonnance de fixation

08 août 2007

RG : 06/576

Composition de la Cour

Président :

Jean-Michel STOLTZ, Conseiller

Assesseurs:

- Roland POTEE, Conseiller

- Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller

magistrats qui ont participé aux

débats et au délibéré

Greffier lors des débats:

Cécile KNOCKAERT

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SOCIETE MINIERE DU SUD PACIFIQUE (SMSP)
prise en la personne de son représentant légal
Immeuble Carcopino 3000 - B.P. 66 NOUMEA - 98800 NOUMEA

représentée par la SELARL TEHIO, avocats et SCP ROUX-LANG-CHEYMOL- LE FRAPPER DU HELLEN

INTIMÉS

1 - Mme Claude-May Georgette Y... veuve Z...

née le 10 Mars 1956 à THIO (98829)

2 - M. Jérôme Z...

né le 30 Décembre 1983 à NOUMEA (98800)
...

Tous deux représentés par la SELARL REUTER-de RAISSAC, avocats

3 - LA CAFAT, représentée par son Directeur en exercice
4, rue du Général Mangin - BP L 5 - 98849 NOUMEA CEDEX

représentée par la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats

AVIATION UNDERWRITERS OF ASIA PACIFIC PTY LIMITED ACN en son nom personnel et qualité d'agent de :
- MERCANTILE MUTUAL INSURANCE (Australia)
- QBE INSURANCE (Intll)
- HIG CASUALTY AND GENERAL INSURANCE Ltd
- ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE AUSTRALIA Ltd
- ZURICH AUSTRALIAN INSURANCE Ltd
- MMI GENERAL INSURANCE Ltd
- LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY
- BHP MARINA & GENERAL INSURANCE PROPRIETARY Ltd
Level 5, 15 Queen Street - Melbourne Victoria - 40660 AUSTRALIA

représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-GHIANI- NANTY, avocats

AUSTRALIAN AVIATION INSURANCE GROUP pris en son nom personnel et en qualité d'agent de GERLING AUSTRALIA INSURANCE COMPANY Ltd et INDEMNITY INSURANCE COMPANY OF NORTH AMERICA
AMP Centre, 50 Bridge Street - Sydney NSW 2000 - 45008 AUSTRALIE

représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-GHIANI- NANTY, avocats

Débats : le 10 octobre 2007 en audience publique où Jean-Michel STOLTZ,
Conseiller, a présenté son rapport,

A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 28 novembre 2007 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. A cette date le délibéré a été prorogé au 12 décembre 2007.
Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Jean-Michel STOLTZ, Président, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier, présent lors de la remise au greffe.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 28 novembre 2000, vers 8 heures 49 un hélicoptère de type 44 Écureuil, appartenant à la société HELICOCEAN affrété par la Société Minière du Pacifique Sud (S.M.S.P.) et occupé par les membres de la direction de cette société, a percuté la chaîne centrale entre les communes de THIO et de BOULOUPARIS.

Les occupants de l'appareil :
- Monsieur Raphael B..., Président Directeur Général de la S.M.S.P.
- Monsieur Jean-Pierre C..., Directeur Général de la S.M.S.P.
- Monsieur Régis D..., Directeur Financier de la S.M.S.P.
- Monsieur Jean-Pierre Z..., Directeur des mines de la S.M.S.P.
- Monsieur Pierre E..., représentant de la société Canadienne Falconbridge
- Monsieur Robert F..., consultant de Falconbridge
- Monsieur Jean-Marc G..., pilote salarié de la S.M.S.P.,
ont péri dans l'accident.

Selon requête enregistrée le 26 juillet 2005, Mme Claude-May Y... Veuve Z... et son fils Jérôme Z... faisant valoir que l'instruction ouverte s'était achevée par un non-lieu confirmé par la Chambre de l'instruction au motif que l'accident était lié à des facteurs humains, que le pilote, préposé de la S.M.S.P., avait commis une faute inexcusable en maintenant le vol tel que prévu initialement, alors que les conditions atmosphériques étaient gravement dégradées, ce qui lui avait signalé par la tour de contrôle, et qu'il aurait dû avoir conscience du danger, ont fait convoquer la S.M.S.P. et la CAFAT devant le tribunal du travail de Nouméa aux fins de voir reconnaître l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 28 novembre 2000, au cours duquel Jean-Pierre Z... avait trouvé la mort et d'obtenir la fixation de la majoration de rente sollicitée au taux maximum, à compter des premiers versements de la rente.

Par jugement du 27 octobre 2006 auquel il est référé pour le rappel de la procédure ainsi que l'exposé des faits, moyens et demandes, le tribunal du travail de Nouméa a :

- dit que l'accident du travail survenu le 28 novembre 2000 au cours duquel M. Jean-Pierre Z... avait trouvé la mort, était dû à la faute inexcusable de M. Jean-Marc G..., pilote salarié, substitué à la S.M.S.P. dans son obligation de sécurité,

- dit que Mme Claude-May Y... Veuve Z... et son fils Jérôme Z... pouvaient prétendre pour la période du 29 novembre 2000 au 1er mars 2005, pour le second, au paiement d'une rente majorée au taux maximum,

- a renvoyé Mme Claude-May Y... Veuve Z..., Jérôme Z... , la S.M.S.P. et la CAFAT à procéder comme il est dit à l'article 34 du décret du 24 février 1957,

- condamné la S.M.S.P. à payer à Mme Claude-May Y... Veuve Z... et son fils Jérôme Z... une somme de 25.000 FRANCS CFP au titre des frais irrépétibles,

- a mis hors de cause les compagnies MERCANTILE MUTUAL INSURANCE, Q.B.E. INSURANCE INTERNATIONAL LTD, ROYAL AND SUN ALLIANCE INSURANCE LTD, LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY, BHP MARINE AND GENERAL INSURANCE PROPRIETARY LTD, GERLING AUSTRALIA INSURANCE COMPANY LTD, INDEMNITY INSURANCE OF NORTH AMERICA, HIH CASUALTY AND GENERAL INSURANCE LTD, ZURICH AUSTRALIAN INSURANCE LTD et MMI GENERAL INSURANCE LTD,

- les a déboutées de leur demande présentée au titre des frais irrépétibles,

- a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 14 novembre 2006, la S.M.S.P. a interjeté appel de cette décision signifiée le 8 novembre 2006.

Par mémoire ampliatif déposé le 15 février 2007 et conclusions complémentaires du 11 juin 2007, elle soutient qu'il y a lieu de réformer le jugement du 27 octobre 2006 en ce qu'il a retenu une faute inexcusable à la charge de la S.M.S.P..

Elle rappelle :
- que la faute inexcusable est une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause justificative,

- que, s'il est vrai que la jurisprudence a mis à la charge de I'employeur une obligation contractuelle de sécurité de résultat, il n'en reste pas moins que l'employeur doit avoir eu ou aurait dû avoir la conscience du danger auquel il exposait le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Elle soutient que la preuve permettant d'établir l'existence d'une faute inexcusable caractérisée à la charge du transporteur S.M.S.P. et de son préposé, cause nécessaire de l'accident, n'est pas rapportée pas plus qu'il n'est établi que la S.M.S.P. et son préposé avaient la conscience du danger auquel ont été exposées les victimes et qu'ils n'ont pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver.

La S.M.S.P. estime qu'elle ne pouvait avoir la conscience d'un quelconque danger eu égard aux compétences professionnelles et aux qualités reconnues de pilote de Monsieur G..., que celui-ci avait pris toutes les dispositions exigées par les circonstances, et n'a pas sciemment voulu provoquer l'accident par acte ou omission volontaire et n'a pas agi avec la conscience du danger.

La S.M.S.P. fait également valoir que plusieurs causes étrangères et extérieures à la personne du pilote ont contribué à provoquer l'accident.

Elle relève que Mme Claude-May Y... Veuve Z... et son fils Jérome Z... se prévalent des décisions de justice rendues dans le cadre de l'information judiciaire pour homicide involontaire en invoquant notamment le rapport d'expertise du BEA et les autres expertises judiciaires réalisées dans le cadre de cette information.

Elle soutient d'une part que le document du BEA qui n'est pas un rapport d'expertise judiciaire établi contradictoirement entre toutes les parties dans le cadre d'une mission confiée par l'autorité judiciaire, est par conséquent inopposable à la S.M.S.P. et doit être rejeté; que si par impossible la Cour n'écartait pas cette pièce des débats, il conviendrait de relever que ce rapport ne permet pas de conclure à une faute exclusive de son préposé.

D'autre part, elle fait valoir que les expertises judiciaires ont été contrecarrées par l'expertise de monsieur Robert H..., expert conseil de la S.M.S.P., qui n'est pas arrivé aux mêmes conclusions.

Elle considère :

- que les circonstances réelles de l'accident relèvent d'hypothèses diverses dont aucune n'est significative à elle seule d'une faute qualifiée,

- que le pilote professionnel a été parfaitement à même d'apprécier les décisions à prendre en fonction des informations météorologiques concernant le plan et la configuration de son vol.

La S.M.S.P. rappelle les conclusions du rapport d'expertise H..., expert en aéronautique, et observe que ce rapport, qui se fonde sur les faits objectifs sans entrer dans des considérations subjectives, renforce l'hypothèse selon laquelle une défaillance technique initiale a contribué à mettre en difficulté Ie pilote qui n'a pu éviter le pire par la suite, malgré ses compétences reconnues.

Reprenant les observations de l'expert tenant à l'analyse subjective des causes potentielles de l'accident, à l'analyse des pièces techniques (tête du rotor principal et des pales de ce rotor) et à l'analyse objective de l'accident limitée aux faits établis, la S.M.S.P. juge constant que l'ensemble des éléments de divergence entre les rapports des experts I... et H... démontre bien que les causes de l'accident n'ont pas été établies aussi clairement que le prétend la partie adverse et qu'il subsiste des incertitudes sur les causes réelles et déterminantes de l'accident et qu'aucune faute ne peut donc être mise à la charge de Ia S.M.S.P. dont le pilote avait pris les mesures nécessaires pour éviter le dommage.

A titre subsidiaire, si la faute inexcusable de la S.M.S.P. et de son préposé était retenue, la S.M.S.P. rappelle :

- que le jugement a cantonné la demande de M. Jérôme Z... au 1er mars 2005, celui-ci étant âgé de 21 ans au 30 décembre 2004,

- que le montant de la rente majorée ne peut excéder le montant du salaire annuel que percevait la victime,

- que la demande de rétroactivité de ladite majoration à compter du 30 novembre 2000 doit être rejetée comme étant infondée en droit et que la majoration devra prendre effet dans le délai d'un mois à compter de la signification de Ia décision devenue définitive.

Elle sollicite la condamnation des intimés :

- à payer la somme de 210.000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction.

**********************
Par conclusions déposées le 26 février 2007, la CAFAT fait valoir qu'elle ne dispose pas d'éléments objectifs permettant de retenir la faute inexcusable de l'employeur dont la preuve incombe dès lors à la partie demanderesse.

Elle considère que sont inconnues les circonstances réelles de cet accident qui relèvent d'hypothèses diverses dont aucune ne permet de retenir la responsabilité pour faute inexcusable de cet employeur.

Elle observe que la Direction générale de l'aviation civile n'a pas signalé de violation des règlements dans le cas de cet accident.

La CAFAT précise que si la Cour devait retenir la faute inexcusable de la S.M.S.P., elle offre d'étudier et de produire les calculs de majoration concernant les rentes déjà servies et la cotisation accident du travail.

**********************
Par conclusions déposées le 20 avril 2007, Mme Claude-May Y... Veuve Z... et son fils Jérôme Z... font valoir, s'agissant de la faute inexcusable de la S.M.S.P. et de son préposé, que la jurisprudence citée par la S.M.S.P. est périmée.

Ils rappellent que par une série d'arrêts du 28 février 2002, la cour de cassation a posé le principe que l'employeur était tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis-vis de ses salariés et que par conséquent, la responsabilité de l'employeur en matière d'accident du travail est engagée sans qu'il soit besoin pour la victime d'apporter la preuve d'une faute d'une exceptionnelle gravité de la part de l'employeur; que la simple constatation du manquement à une obligation de sécurité par l'employeur ou par l'un de ses préposés, suffit à engager sa responsabilité.

Ils rappellent ensuite que pour caractériser la faute inexcusable de l'employeur seuls deux éléments doivent exister :

- la conscience du danger, qu'avait ou qu'aurait dû avoir l'employeur ou son préposé substitué, auquel il exposait ses salariés,

- l'absence de mesure de prévention ou de protection.

Ils notent :

- que l'expert judiciaire mentionnait dans son rapport "que les services de la circulation aérienne avaient fonctionné conformément aux directives avec une mention toute particulière pour leur volonté de bien informer M. G... sur les problèmes météo existant ce jour là",

- qu'en l'espèce, les conditions météorologiques particulièrement dégradées ne pouvaient qu'attirer l'attention de Monsieur Jean-Marc G..., pilote expérimenté, sur le danger que représentait un vol dans ces conditions.

Ils relèvent qu'il est également démontré par l'enquête :
- que Monsieur G... a persisté à poursuivre le vol, tel qu'il était initialement prévu, au lieu de suivre un autre trajet où les conditions météorologique étaient meilleures et ce, alors même que les conditions dégradées avaient été signalées par la tour de contrôle de TONTOUTA et que le pilote de la S.M.S.P. avait été averti,

- une absence de respect des règles élémentaires de sécurité en matière de vol par hélicoptère, Monsieur G... ayant procédé à un dépassement de la charge maximale autorisée au décollage et en ne faisant pas une bonne appréciation du centrage longitudinal.

Ils rappellent que la responsabilité de l'employeur est engagée non seulement par sa propre faute, mais encore par celle des préposés auxquels il a pu confier par délégation la direction d'un travail.

Ils concluent donc que la faute inexcusable est établie conformément aux textes et qu'ils sont donc fondée à solliciter la majoration de la rente accident du travail servie par la CAFAT dont ils soutiennent qu'elle doit être fixée au maximum compte tenu de la jurisprudence.

Sur la preuve de la faute du pilote, de la conscience du danger et de l'absence de respect des mesures de protection et de prévention, ils observent :

- que le rapport réalisé par Monsieur H... ne peut en aucun cas être considéré comme un élément probant pouvant dédouaner la S.M.S.P. de sa responsabilité due à la faute de son préposé,

- qu'il résulte des conclusions de l'expertise judiciaire et des hautes autorités aéronautiques
- qu'"aucun élément mécanique de I'hélicoptère ne peut être retenu pour responsable"
+ que "des conditions météorologiques dégradées, associées à certaines caractéristiques de la personnalité du pilote ont été les deux éléments déterminants de l'accident",
+ que Monsieur G... en décollant à une masse supérieure à la masse maximale autorisée a commis un manquement caractéristique au règlement ou aux règles de l'art,
+ qu'il a sous estimé les difficultés météorologiques du lieu et du moment, et n'a pas adapté la vitesse horizontale de son aéronef à la visibilité vers l'avant, manoeuvre ultime de sécurité dans ce cas.

Ils demandent à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de condamner la S.M.S.P. à payer une somme de 150.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

**********************
Par conclusions déposées le 16 mai 2007, AUSTRALIAN UNDERWRITERS OF ASIA PACIFIC représentant les compagnies MERCANTILE MUTUAL INSURANCE, Q.B.E. INSURANCE INTERNATIONAL LTD, ROYAL AND SUN ALLIANCE INSURANCE LTD, LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY, BHP MARINE AND GENERAL INSURANCE PROPRIETARY LTD, GERLING AUSTRALIA INSURANCE COMPANY LTD, INDEMNITY INSURANCE OF NORTH AMERICA, demande à la cour de mettre les assureurs hors de cause et de condamner la S.M.S.P. à leur payer la somme de 150.000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

**********************
Par bordereau du 14 juin 2007, la S.M.S.P. a versé aux débats un DVD comportant une simulation de la trajectoire de l'hélicoptère.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rapport du BEA :

Attendu que l'intervention du Bureau d'enquête et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile s'impose à tous aux termes de la réglementation aéronautique ;

Que la S.M.S.P., dès lors qu'elle met un aéronef en vol, se soumet nécessairement à l'ensemble de cette réglementation et n'est donc pas fondée à demander le rejet du rapport de ce bureau au motif d'une absence de contradictoire ;

Sur la faute inexcusable :

Attendu que le tribunal du travail par une motivation complète et sans contradiction répondant aux arguments des parties et que la cour adopte a, à raison, retenu la faute inexcusable du pilote ;

Attendu que la S.M.S.P. fonde essentiellement son argumentation sur l'hypothèse d'une défaillance mécanique de l'appareil, en l'espèce la perte d'un morceau de pale, qui aurait entraîné un déséquilibre de l'appareil et sa chute ;

Attendu que l'ensemble des conclusions des différentes enquêtes officielles a conclu à l'absence de défaillance mécanique de l'appareil et que seul le rapport privé H... émet l'hypothèse qu'un morceau de la pale rouge dont l'extrémité n'a pas été retrouvée aurait pu se rompre avant l'accident entrainant dès lors la chute de l'hélicoptère ;

Mais attendu que l'affirmation de l'expert privé selon laquelle "l'extrémité a été arrachée pour une raison inconnue, le bord d'attaque métallique ne présentant pas de choc caractérisé" est en contradiction avec l'examen technique dont il résulte "ces faciès (de rupture) caractérisent une rupture statique du longeron de la pale favorisée par un effort de traînée excessif et significatif d'un impact du rotor en pleine rotation sur un obstacle dans sa trajectoire" .."ce faciès de rupture ...écarte de manière définitive toute interprétation d'une éventuelle rupture causée par un phénomène de fatigue" "Tous les endommagements observés ne résultent que des impacts avec les arbres" (rapport DGA page 10 et p.13);

Que par ailleurs, compte tenu de la nature particulièrement difficile du terrain, le fait qu'un morceau de pale n'ait pas été retrouvé n'est absolument pas significatif ; que l'on doit observer qu'un fragment de revêtement de la face inférieure de cette pale comportant les tabs de bord de fuite, a été retrouvé dans un arbre très en amont de l'épave au sol rendant hautement vraisemblable l'hypothèse d'une projection à grande distance des morceaux manquants ;

Qu'enfin l'expert judiciaire a précisé qu'à sa connaissance, aucune rupture inexpliquée de pale en vol n'avait jamais été déplorée sur les aéronefs de la famille Ecureuil ; que l'expertise de la DGA ne mentionne pas davantage une quelconque fragilité structurelle des pales de ce type d'appareil, fragilité que l'expertise technique aurait nécessairement relevée s'il s'agissait d'un problème récurent ;

Attendu que la thèse d'un accident mécanique doit donc être écartée ;

Que l'ensemble des données objectives du dossier conduit à considérer que l'accident ne peut être que la résultante d'un ensemble de fautes commises par le pilote ;

Qu'il suffit de rappeler :

- que le vol s'est effectué à vue,

- que le trajet prévu survolait une zone montagneuse,

- que le pilote emportait avec lui six passagers,

- que les conditions météo étaient très mauvaises, les bulletins faisant état d'une "zone pluvio-orageuse affectant toute la Nouvelle-Calédonie dans un flux sud-est de l'ordre de 15 noeuds",

- qu'un pilote d'un Ecureuil effectuant une Evasan passant une heure auparavant dans la zone de l'accident avait qualifié les conditions "d'exécrables",

- qu'un Fennec de la base de Tontouta qui devait sur rendre sur Ouvéa en passant par la même route avait, sur la même période de temps, après plusieurs essais, préféré faire demi-tour,

- que le pilote était informé de ces données météo et s'en était même entretenu avec les mécaniciens,

- qu'en dépit de ces conditions difficiles qui imposaient une plus grande prudence dans toutes les décisions de nature à influer sur la stabilité et la manoeuvrabilité de l'appareil, le pilote avait décollé avec un dépassement de la masse maximale autorisée et un dépassement de la limite avant du centrage longitudinal ;

Que le rapport du BEA conclut que l'accident est dû :

- à la décision initiale inappropriée du pilote de poursuivre le vol dans des conditions météorologiques trop dégradées pour assurer la sécurité, en dépit des indications qui lui avaient été fournies,

- à l'absence de décision ou à la décision trop tardive d'interruption volontaire de la mission quand il était encore temps ;

Que l'expert judiciaire conclut de même que des conditions météorologiques dégradées associées à certaines caractéristiques de la personnalité du pilote l'ayant conduit à sous-estimer les difficultés météorologiques et surestimer ses capacités à pouvoir franchir la zone montagneuse sont les deux éléments déterminants de l'accident ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le pilote qui se devait, en raison du transport de passagers, à travers une zone montagneuse, dans des conditions météorologiques très mauvaises, d'avoir une exigence accrue de sécurité, et qui ne pouvait ignorer que ces conditions de vol fortement dégradées impliquaient objectivement une augmentation de la probabilité d'un accident a, en poursuivant la traversée de la chaîne, adopté un comportement téméraire fautif, cause de l'accident, revêtant le caractère d'une faute inexcusable ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef ;

Sur l'application de la majoration ;

Attendu que les consorts Z... n'ont pas interjeté appel du jugement ;

Que la fixation au maximum de la majoration, à défaut de toute faute de la victime, de même que le cantonnement de la demande de M. Jérôme Z... au 1er mars 2005 ne sont pas discutés et seront confirmés ;

Attendu par contre que le capital représentatif de la rente majorée d'accident du travail doit être évalué au jour de la décision de la juridiction fixant la majoration (Cass. Soc 17 février 1994) ;

Qu'en l'espèce, la cour confirmant la décision de majoration du Tribunal du travail, c'est à la date du jugement de cette juridiction que le capital représentatif majoré doit être évalué et non au jour de l'arrêt de la cour ou même encore à compter de la signification de Ia décision devenue définitive, la victime ne pouvant voir sa situation aggravée par le seul appel de l'employeur et la durée d'une procédure sur laquelle elle n'a pas de pouvoir d'action ;

Que le jugement déféré sera donc réformé en ce sens ;

Sur l'appel en cause des compagnies d'assurance :

Attendu qu'aucune demande n'est formée contre les compagnies d'assurances ;

Que la décision les mettant hors de cause sera donc confirmée et qu'il leur sera alloué la somme de 150.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Dit l'appel recevable ,

INFIRME partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau ;

DIT que le capital représentatif de la rente majorée d'accident du travail due à Mme Claude-May Y... Veuve Z... et Jérôme Z... sera évalué au 27 octobre 2006, date de la décision du tribunal du travail fixant la majoration ;

CONFIRME pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la Société Minière du Pacifique Sud prise en la personne de son représentant légal, à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie :

- à Mme Claude-May Y... Veuve Z... et Jérôme Z..., ensemble, la somme de Cent cinquante mille (150.000) FCFP ;

- aux compagnies MERCANTILE MUTUAL INSURANCE, Q.B.E. INSURANCE INTERNATIONAL LTD, ROYAL AND SUN ALLIANCE INSURANCE LTD, LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY, BHP MARINE AND GENERAL INSURANCE PROPRIETARY LTD, GERLING AUSTRALIA INSURANCE COMPANY LTD, INDEMNITY INSURANCE OF NORTH AMERICA, HIH CASUALTY AND GENERAL INSURANCE LTD, ZURICH AUSTRALIAN INSURANCE LTD et MMI GENERAL INSURANCE LTD, ensemble, la somme de Cent cinquante mille (150.000) FCFP ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens par application de l'article 880-1 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

ET signé par Jean-Michel STOLTZ, Président, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 06/576
Date de la décision : 12/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal du Travail de Nouméa


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-12;06.576 ?
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