COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT du 18 janvier 2007
Décision attaquée rendue
le : 19 Mai 2006
Juridiction
Tribunal du travail de NOUMEA
Date de la saisine :
1er Juin 2006
Ordonnance de fixation :
31 octobre 2006
RG : 06 / 276
Composition de la Cour
Présidente :
Michelle FONTAINE, Présidente de Chambre
Assesseurs :
-Roland POTEE, Conseiller
-Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller
magistrats qui ont participé aux
débats et au délibéré
Greffier lors des débats :
Cécile KNOCKAERT
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANT
M. Siléva X...
né le 13 Avril 1979 à PARIS (XVIII)
demeurant ... NOUMEA CEDEX
bénéficie d'une aide judiciaire totale no 2006 / 869 du 6 octobre 2006
représenté par Me LEGAL Alain de la SELARL TRISKELL PACIFIQUE, avocats
INTIMÉE
LA S. A GORO NICKEL,
prise en la personne de ses représentants légaux
7 bis, rue Suffren-Quartier Latin
BP. 218-98845 NOUMEA CEDEX
représentée par la SELARL REUTER-de RAISSAC, avocats
Débats : le 06 décembre 2006 en audience publique où Michelle
FONTAINE, Présidente de Chambre, a présenté son rapport
A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 18 janvier 2007 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier, présent lors de la remise au greffe.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par requête déposée le 5 juillet 2005, Siléva X... a sollicité du tribunal du travail de Nouméa l'annulation de la sanction disciplinaire prise à son encontre le 28 février 2005 et la condamnation de son employeur la SA GORO NICKEL à lui payer la somme de 7. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts et pour non respect des droits de l'homme et des " droits collectifs du peuple autochtone ".
Il exposait qu'ayant travaillé pour la SA GORO NICKEL à compter du 13 septembre 1999, il avait pris un congé sabbatique du 1er septembre 2004 au 1er mars 2005, que son employeur lui a infligé une mise à pied de 15 jours par courrier du 28 février 2005, pour avoir participé au blocage du site industriel du 1er au 4 février 2005.
Il estimait qu'étant en congé sabbatique, il était libre de ses actes qui relevaient de sa vie privée.
Il a fait valoir qu'étant le fils du principal responsable de mouvement à l'initiative duquel le blocage a été effectué, sa loyauté à l'égard de son clan l'obligeait à participer à cette action, au demeurant justifiée par la nécessaire sauvegarde du patrimoine naturel, et que la sanction était contraire à sa liberté d'expression et discriminatoire.
La SA GORO NICKEL s'est opposée à la demande, en estimant la sanction fondée, et elle a invoqué une obligation de loyauté à l'égard de l'employeur, qui a subi un trouble.
Subsidiairement, elle a réclamé une diminution des sommes réclamées.
Par jugement du 19 mai 2006, le tribunal du travail a dit n'y avoir lieu à annulation de la sanction et a débouté Siléva X... de toutes ses demandes.
PROCÉDURE D'APPEL
Par requête déposée le 1er juin 2006, Siléva X... a régulièrement interjeté appel de cette décision, notifiée le 19 mai 2006.
Dans son mémoire ampliatif, l'appelant demande à la cour de :
-constater la nullité de la sanction pour vice de forme, et condamner la SA GORO NICKEL à lui payer la somme de 300. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral,
-à titre subsidiaire,
-constater que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une faute disciplinaire imputable à Siléva X... et le condamner à la même somme,
-en tout état de cause, le condamner à une indemnité de procédure de 150 000 FCFP et aux dépens.
Siléva X... soutient en premier lieu que la SA GORO NICKEL ne pouvait engager la procédure alors qu'il se trouvait en congé sans solde, l'entretien préalable se déroulant pendant cette période de suspension du contrat de travail, ce qui doit entraîner la nullité de la sanction.
Au fond, Siléva X..., s'il reconnaît avoir participé à une manifestation collective contre le projet de l'usine, estime que la sanction constituait une mesure d'intimidation à l'égard des salariés qui seraient tentés de contester le projet dans sa dimension environnementale et pour lequel le tribunal administratif vient de reconnaître le bien fondé des arguments soulevés par l'association RHEEBU NUU en ce qui concerne l'impact néfaste au point de vue écologique.
Il ajoute qu'en congé sans solde un salarié n'est nullement astreint à un devoir de réserve assimilable à un fonctionnaire ou à un agent de l'Etat ou des collectivités publiques, qu'il a ainsi le droit d'exprimer ses opinions dans le cadre de son droit à la liberté d'expression, et est seulement tenu à une stricte obligation de loyauté.
L'appelant soutient que sa participation à un mouvement collectif pendant la période de suspension du contrat de travail ne peut justifier la sanction infligée.
Par écritures en réplique, la SA GORO NICKEL conclut à la confirmation du jugement, par les motifs des premiers juges, et subsidiairement, à la réduction des sommes réclamées.
L'intimée sollicite encore la somme de150 000 FCFP pour frais irrépétibles.
La SA GORO NICKEL fait valoir en premier lieu que :
-la suspension du contrat de travail n'entraîne pas la disparition du lien contractuel, mais suspension des effets du contrat de travail durant la période de suspension,
-les périodes de suspension du contrat de travail n'empêchent pas l'employeur de convoquer le salarié dans le cadre d'une procédure disciplinaire,
-Siléva X..., qui s'est présenté à la date prévue et a fait valoir ses observations, n'a subi aucun préjudice de cette convocation en période de suspension,
-les irrégularités de procédure n'entraînent pas la nullité de la procédure disciplinaire, mais l'allocation de dommages et intérêts.
Sur le fond, la SA GORO NICKEL expose que :
-Siléva X... n'a pas contesté avoir participé de manière personnelle et active au barrages entravant la libre circulation des personnes et des biens par blocage aux accès au site minier et au wharf servant de desserte maritime à l'usine,
-si aucun salarié ne peut être sanctionné pour l'exercice normal du droit de grève, la participation active et personnelle à un mouvement de grève illicite ne relève pas de l'exercice normal du droit de grève,
-que l'entrave à la liberté du travail constitue une faute lourde, même en l'absence de violences,
-que l'employeur a le choix de la sanction et peut décider d'une mise à pied disciplinaire de 15 jours plutôt que d'un licenciement pour faute lourde,
-que pendant la période de suspension, le salarié reste lié à l'employeur par une obligation de loyauté, et de réserve, duquel l'intéressé est sorti en participant à un blocage,
-que par ailleurs, la liberté individuelle du salarié quant à ses convictions morales ou politiques, trouve ses limites lorsque cette liberté entraîne un trouble caractérisé à l'entreprise.
L'ordonnance de fixation est intervenue le 31 octobre 2006.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation de la sanction :
Attendu que, contrairement à ce que soutient Siléva X..., la suspension du contrat de travail n'interdit nullement à l'employeur de mettre en oeuvre une procédure disciplinaire, pour des faits qu'il considère comme constituant une faute, le contrat de travail subsistant entre les parties pendant cette période.
Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont à bon droit énoncé que la suspension du contrat de travail ne met pas fin à l'obligation de loyauté à laquelle le salarié est tenu envers son employeur et qui lui interdit de commettre des actes préjudiciables à son intérêt, ce qui le cas de la participation à un blocage ayant duré plusieurs jours.
Attendu que Siléva X... a reconnu avoir participé à des actions de blocages pendant plusieurs jours au préjudice de la SA GORO NICKEL, que la sanction d'une mise à pied de 15 jours prononcée, n'était pas disproportionnée aux faits commis, et ne dénote aucune comportement discriminatoire à l'encontre du salarié.
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la sanction et a débouté Siléva X... de toutes ses demandes.
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que Siléva X... devra payer à la SA GORO NICKEL la somme de 50. 000 FCFP pour frais irrépétibles.
Attendu que Siléva X... sera débouté de sa demande au même titre.
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens en matière sociale, la procédure étant gratuite, en application de l'article 880-1 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la sanction et sur le débouté des demandes de Siléva X... ;
CONDAMNE Siléva X... à payer à la SA GORO NICKEL la somme de CINQUANTE (50. 000) FRANCS CFP pour frais irrépétibles ;
DEBOUTE Siléva X... de sa demande au même titre ;
FIXE à QUATRE (4) le nombre d'unités de valeur dues à Me LE GALL Alain, avocat désigné au titre de l'aide judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
ET signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Cécile KNOCKAERT, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.