COUR D'APPEL DE NOUMÉA
ARRÊT du 18 avril 2005
Décision attaquée rendue
le : 15 Décembre 2004
Juridiction
LE FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES D'AMIANTE
Date de la saisine :
31 Mars 2004
Ordonnance de clôture :
14 février 2005
RG : 04/ 1
Composition de la Cour
Présidente :
Michelle FONTAINE, Présidente de Chambre
Assesseurs :
- Jean-Michel STOLTZ, Conseiller
-Roland POTEE, Conseiller
magistrats qui ont participé aux
débats et au délibéré
Greffier lors des débats :
M. J NICOLAS
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANTS
1- Mme Anne-Marie X...
demeurant ...
2- M. Jean-Luc X...
né le 02 Mars 1959 à BREST (29200)
demeurant ...
3- M. Christian X...
demeurant ...
4- M. Jacques X...
demeurant ...
5- M. Robert X...
...
6- M. Danièle X...
demeurant ...
TOUS assistés de la SELARL BENECH-BOITEAU, avocats
INTIMÉ
LE FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, " F. I. V. A. "
Tour Galliéni II, 36 Avenue du Général de Gaulle
93175 BAGNOLET CEDEX
assistée de la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats
Débats : le 21 mars 2005 en audience publique où Jean-Michel
STOLTZ, Conseiller, a présenté son rapport,
A l'issue des débats, la Présidente a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 18 avril 2005 en application de l'article 451 du code de procédure de la Nouvelle-Calédonie.
Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Mickaela NIUMELE, Greffier, présent lors de la remise au greffe.
PROCÉDURE INITIALE
Monsieur Jean X... est décédé des suites de son exposition à l'amiante le 07 novembre 2002.
Par lettre du 15 décembre 2003, le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (F. I. V. A.) a proposé à chaque héritier demandeur une indemnisation au titre du préjudice personnel et une offre globale de 24. 000 ¿ au titre de l'action successorale.
Conformément à l'article 23 du décret du 23 octobre 2001, les héritiers disposaient d'un délai de deux mois à compter de la réception de la proposition pour saisir d'un recours la Cour d'Appel.
PROCÉDURE DEVANT LA COUR D'APPEL
Par lettre avec accusé réception du 23 mars 2004, Anne-Marie X... veuve de Jean X... et ses cinq enfants Jean-Luc, Christian, Jacques, Robert et Danièle ont formé devant la Cour d'Appel de NOUMÉA, un recours au titre de l'action successorale.
* * *
Par conclusions déposées le 09 août 2004, le F. I. V. A. oppose une exception d'incompétence de la Cour d'Appel de NOUMÉA pour connaître de l'action successorale.
Il rappelle qu'au titre de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 portant création du F. I. V. A., l'action est intentée devant la Cour d'Appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur, or, en l'espèce, le demandeur était la victime de l'exposition à l'amiante, monsieur Jean X... domicilié à BREST.
La Cour d'Appel de NOUMÉA, lieu de domicile d'un seul des héritiers, n'est donc pas compétente territorialement.
Le F. I. V. A. fait valoir que l'action successorale obéit à des règles différentes de la réparation du préjudice personnel, qu'elle n'est que le prolongement de celle dont disposait Jean X... et qu'en application des articles 822 du code civil et 45 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, la juridiction compétente est celle du lieu d'ouverture de la succession.
Le F. I. V. A. offre de conclure au fond dans l'hypothèse où la Cour retiendrait sa compétence.
Il sollicite une somme de 150. 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
* * *
Les consorts X... observent en réplique que l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 n'envisage pas le cas d'une pluralité de demandeurs dans le même litige et qu'il convient de se référer aux règles de droit commun.
Ils font valoir que l'article 42 du code de procédure civile dispose qu'en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ; que l'alinéa 2 dudit article prévoit une prorogation de compétence lorsqu'il y a unité d'objet du litige.
Ils soutiennent que, par un raisonnement en analogie, la règle de prorogation de compétence doit trouver à s'appliquer en l'espèce et que les demandeurs peuvent saisir, à leur choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.
Ils indiquent que ce principe a été validé par la Cour d'Appel de PARIS.
* * *
Le F. I. V. A. soutient que l'article 42 du code de procédure civile est inapplicable car posant les règles de la compétence territoriale en fonction du domicile du défendeur alors qu'en l'espèce, monsieur X... était demandeur et le F. I. V. A. défendeur.
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2005 et l'affaire fixée à l'audience du 21 mars 2005.
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A l'audience, le conseil postulant des consort X... a fait valoir que le F. I. V. A. avait transmis des écritures à leur avocat métropolitain et a sollicité le rabat de l'ordonnance et le renvoi de l'affaire à une nouvelle audience.
La Cour n'ayant jamais été destinataire d'écritures de la F. I. V. A. et n'ayant pas eu connaissance à l'heure de l'audience d'une demande de renvoi, a retenu l'affaire qui a été plaidée en l'état des seules pièces au dossier.
Postérieurement, le 22 mars 2005, le fax émanant de Maître LEDOUX a été porté à la connaissance de la juridiction.
Par lettre du 24 mars 2005 reçue le 25 mars, le conseil postulant a transmis à la Cour des conclusions transmises directement par le F. I. V. A. à Maître LEDOUX. Il sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture au motif que les écritures du F. I. V. A. n'ayant pas été écartées des débats malgré leur tardiveté, le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rabat de clôture et de renvoi
Attendu que l'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2005 ;
Que les parties avaient largement échangé sur le problème de compétence ;
Que la Cour n'a, avant l'audience, été destinataire d'aucune conclusions du F. I. V. A. ; qu'elle n'a donc pas à écarter du débat des pièces inexistantes ;
Que le fait que le F. I. V. A., pourtant assisté d'un avocat postulant à NOUMÉA, ait cru opportun de transmettre directement à l'avocat plaidant des consorts X... des conclusions juste avant l'audience, ne saurait justifier ni rabat d'ordonnance de clôture ni renvoi ;
Que la Cour ne statuant qu'au vu des écritures antérieures à la clôture, aucune atteinte au respect du contradictoire ne peut en découler ;
Sur la compétence
Attendu qu'aux termes de l'article 53- V de la loi du 23 décembre 2000 et de l'article 24 du décret du 23 octobre 2001 pris pour son application, les actions contre les décisions du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante sont exercées devant la Cour d'Appel dans le ressort de laquelle est situé le domicile du " demandeur " ;
Que ces textes ne prévoient aucune disposition dérogatoire ;
Attendu en l'espèce, que les consorts X... n'ont fait appel que de la seule proposition au titre de l'action successorale ;
Que l'action initiale a donc été engagée par monsieur Jean X... qui demeurait à BREST et qui y est décédé le 07 novembre 2002 ;
Attendu que la transmission de l'action aux héritiers n'en a pas changé la nature au regard de la compétence territoriale de la juridiction de recours attachée à la domiciliation du demandeur initial ;
Qu'en conséquence, la Cour d'Appel de NOUMÉA ne saurait retenir sa compétence ;
Qu'elle renverra l'affaire devant la Cour d'Appel de RENNES ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie
Attendu qu'il convient de constater que l'imprimé par lequel le F. I. V. A. a notifié à monsieur Jean-Luc X... ses offres tant à titre personnel qu'au titre de l'action successorale, l'avise de sa possibilité de saisir d'un recours la Cour d'Appel de NOUMÉA et ne distingue donc pas selon la nature des actions ;
Qu'il en est de même pour la notification aux autres parties ;
Que les mentions erronées de cette notification ont pu légitimement induire les consorts X... en erreur ;
Qu'il n'apparaît donc pas inéquitable de laisser au F. I. V. A. la charge de ses frais irrépétibles ;
Sur les dépens
Attendu qu'au titre de l'article 31 du décret, les dépens de la procédure restent à la charge du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
SE DECLARE incompétente pour statuer sur le recours formé par Anne-Marie X..., Jean-Luc X..., Christian X..., Jacques X..., Robert X... et Danièle X..., contre l'offre émise par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ;
RENVOIE l'affaire devant la Cour d'Appel de RENNES ;
DEBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
LAISSE les dépens à la charge du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante.
ET signé par Michelle FONTAINE, Présidente, et par Mickaela NIUMELE, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT