Ordonnance N°46
N° RG 24/00635 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JII5
Juge des libertés et de la détention de PRIVAS
1er juillet 2024
[Z]
[E]
C/
CENTRE HOSPITALIER [6]
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 18 JUILLET 2024
Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L.3211 et suivants du code de la santé publique, assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,
APPELANTE :
Madame [J] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
régulièrement avisée, comparante à l'audience,
assistée de Me David GUYON, avocat au Barreau de MONTPELLIER
PERSONNE HOSPITALISEE :
Monsieur [L] [E]
né le 24 février 1977 à [Localité 5] (69)
actuellement au Centre Hospitalier [6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
sous mesure de tutelle auprès de l'UDAF de l'Ardèche, non comparante
régulièrement avisé, non comparant à l'audience, placé à l'isolement
représenté par Me Perrine TEISSONNIERE, substituée par Me Marc ROUX, avocat au Barreau de NÎMES
ET :
CENTRE HOSPITALIER [6]
régulièrement avisé, non comparant à l'audience,
Vu l'ordonnance rendue le 1er Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de PRIVAS, qui a constaté que les conditions de l'hospitalisation complète de Monsieur [L] [E] sont réunies et que sa prise en charge actuelle est adaptée à son état de santé et maintenu en conséquence la mesure dont il fait l'objet,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Mme [J] [Z] le 05 juillet 2024 et reçu à la Cour d'Appel le 08 juillet 2024,
Vu la présence de Me David GUYON, avocat de Mme [J] [Z], qui a été entendu en sa plaidoirie,
Vu la communication du dossier au Ministère Public qui a communiqué ses conclusions en date du 10 juillet 2024.
RAPPEL DES ELEMENTS DE FAIT ET PROCEDURE :
Vu la décision portant admission en soins psychiatriques prise le 1er septembre 2014 en urgence prise par Monsieur le Directeur du centre hospitalier de [6], direction de la psychiatrie, pour péril imminent de Monsieur [L] [E] ;
La mesure a été maintenue par décisions successives jusqu'à celle rendue le 12 juin 2024 ;
Vu la saisine du juge des libertés et de la détention par Madame [J] [Z], en date du 21 juin 2024, aux fins de mainlevée de la mesure dont fait l'objet son fils, Monsieur [L] [E].
Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Privas en date du 1er juillet 2024 qui rejette la demande en mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Monsieur [L] [E] ;
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Madame [J] [Z] et reçu au greffe de la Cour d'appel le 08 juillet 2024 ;
Vu l'audience du 18 juillet 2024, à 14 heures à laquelle Madame [J] [Z] a comparu, assistée de son conseil ;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général qui s'en rapporte ;
Madame [J] [Z] explique que :
- elle a demandé le transfert de son fils dans un établissement plus adapté car les conditions de vie dans l'établissement actuel sont inhumaines, les relations sont compliquées avec les médecins (visite annulée, difficulté à joindre l'assistante sociale, '),
- son fils est traité par du Valium et on ne lui a pas expliqué ce choix thérapeutique,
- l'organisme de tutelle est absent depuis 2022, elle a écrit au juge des tutelles mais sans succès,
- le médecin psychiatre, le docteur [V] lui reproche de ne pas prendre son fils chez elle,
- elle est convaincue que la prise en charge de son fils se déroulerait mieux s'il était dans un autre établissement.
Son conseil soutient que :
- des moyens d'irrégularité, au titre de l'article L.3212-1 du code de la santé publique en ce que les conditions pour la prise en charge imposée à Monsieur [E] ne sont pas remplies : les troubles mentaux et la nécessité de prodiguer des soins sous contraintes, or, le JLD relève dans sa décision que Monsieur [E] n'a pas de pathologie psychiatrique,
- méconnaissance du code de la santé publique qui indique les documents à produire et que la décision de tutelle la plus récente soit versée au dossier concernant le patient ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- il manque la décision du directeur du centre hospitalier pour maintenir l'hospitalisation, après la décision rendue le 12 juin 2024 et on peut s'interroger là-dessus,
- il faut une délégation de signature pour les compétences du signataire dès maintien d'hospitalisation,
- l'absence de notifications des décisions et des droits,
- il y a un défaut d'information du tuteur ce qui est un moyen de nullité de la procédure,
- il faut pouvoir caractériser la pathologie du patient : en réalité le patient souffre d'une déficience mentale, non pas psychiatrique,
- sur le bienfondé de la décision, Monsieur [E] est en attente d'un placement dans un foyer qui serait adapté,
- on peut laisser un délai pour organiser un transfert ailleurs.
Le conseil de Monsieur [E] expose que le dossier présente de véritables difficultés procédurales : la notification des droits, la production du dernier jugement des tutelles' sont absents du dossier. En outre, le dernier certificat médical pose question quant aux préconisations proposées : Monsieur [E] présente un retard mental, et non pas un trouble psychiatrique. La procédure doit donc être annulée.
Monsieur le directeur du centre hospitalier de [6] n'a pas comparu.
MOTIFS:
Selon les dispositions de l'article R3211-18 du code de la santé publique, l'ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification.
En l'espèce, l'appel est recevable.
1/ Sur les irrégularités soulevées :
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
A l'appui de son recours contre la décision du juge des libertés et de la détention qui rejette sa demande en mainlevée de la mesure, Madame [J] [Z] relève de nombreux moyens de nullité, soulevés in limine litis devant le juge de première instance, relatives à la procédure d'hospitalisation sous contrainte dont fait l'objet son fils.
Lors de l'examen de la situation de Monsieur [E], à la demande du directeur du centre hospitalier de [6], aux fins de maintien de la mesure, aucun moyen de nullité n'a été soulevé sur la régularité de la procédure et le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de l'hospitalisation par une décision du 12 juin 2024. Il n'a pas été fait appel de cette décision qui est devenue définitive. Les éventuelles irrégularités de procédure ont donc été purgées à cette occasion, telle que celle visant l'absence de délégation de signature relative à une décision rendue antérieurement à celle du juge des libertés et de la détention en date du 12 juin 2024. Ces moyens sont donc irrecevables.
S'agissant d'une erreur de droit reprochée au juge des libertés et de la détention, il y a lieu de relever l'existence d'un pouvoir souverain d'appréciation par lequel il a apprécié l'application de la loi au cas d'espèce en motivant sa décision au regard des troubles du comportement observés chez Monsieur [E]. Le moyen n'étant pas fondé, il sera rejeté.
2/Au fond :
Madame [J] [Z] indique que son fils ne relève pas des soins sous contraintes car il ne présente pas de pathologie mentale mais une déficience mentale. Elle soutient que le juge de première instance a fait une erreur de droit sur ce point, en contrariété avec les termes de l'article ci-dessous.
L'article L.3212-1 du code de la santé publique dispose que I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.
Les différents certificats médicaux versés en procédure font état de graves troubles du comportement, associés à la déficience mentale de Monsieur [E], qui sont sources de danger pour autrui. Ainsi, le certificat médical du 06 mai 2024 fait état de son instabilité motrice, de son discours incohérent, d'un risque de passage à l'acte violent sur les soignants et sur les autres patients. Il est noté que Monsieur [E] n'a pas conscience de son état et qu'il n'est pas accessible à un sentiment d'empathie. Dernièrement, Monsieur [E] a été placé à l'isolement après une agression physique sur le médecin et les soignants, nécessitant un passage aux urgences. Si le docteur [V] indique, dans son certificat du 28 juin 2024 que Monsieur [E] ne relève pas de la psychiatrie, il n'en décrit pas moins des troubles du comportement, constants qui nécessitent une hospitalisation en secteur psychiatrie, sous le régime de la contrainte. Un retour au domicile de sa mère n'est pas envisageable ni même proposé par Madame [J] [Z]. Il n'y a pas, à ce jour, d'alternative possible à cette prise en charge attaquée.
Il est en conséquence nécessaire de maintenir la forme de la prise en charge par hospitalisation complète sans son consentement de Monsieur [L] [E]. L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est ainsi confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
DECLARONS recevable l'appel interjeté par Mme [J] [Z] à l'encontre de l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de PRIVAS en date du 1er juillet 2024 ;
CONFIRMONS la décision déférée ;
Rappelons qu'en application de l'article R 3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation, dans le délai de 2 mois à compter de la notification de l'ordonnance, par déclaration au greffe de la cour de cassation par l'intermédiaire d'un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de Cassation.
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 18 Juillet 2024
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Copie de cette ordonnance a été transmise, pour notification, à :
Le patient : M. [L] [E],
Son avocat : Me Perrine TEISSONNIERE,
Le tiers appelant : Mme [J] [Z],
Son avocat : Me David GUYON,
L'UDAF de l'Ardèche,
Le Ministère Public,
Le directeur du centre hospitalier [6],
Le Juge des Libertés et de la Détention de PRIVAS.
RECEPISSE A RENVOYER PAR COURRIEL AU GREFFE DE LA COUR D'APPEL DE NIMES
R.G : N° RG 24/00635 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JII5 /[Z]
[E]
Le pourvoi en cassation
Article 973 :
Les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de constituer un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Cette constitution emporte élection de domicile.
Article 974 :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation. Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification.
' NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE A LA PERSONNE HOSPITALISEE ........................................................................................
Reconnaît avoir reçu notification de l'ordonnance de la Cour rendue par le premier président dans l'affaire le concernant.
Le
Signature de la personne hospitalisée
' Notification d'ordonnance à M. Le Directeur de l'Etablissement de santé
M.......................................................................................................................,
Le
Signature
Reconnaît avoir été avisé de l'ordonnance rendue par le premier président dans l'affaire ci dessus référencé