Ordonnance N°617
N° RG 24/00647 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIOT
J.L.D. NIMES
14 juillet 2024
[J]
C/
LE PREFET DU TARN
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 16 JUILLET 2024
Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 11 juillet 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 11 juillet 2024, notifiée le même jour à 16h00 concernant :
M. [X] [J]
né le 31 Mai 1987 à [Localité 5]
de nationalité Italienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 13 juillet 2024 à 10h41, enregistrée sous le N°RG 24/3252 présentée par M. Le Préfet du Tarn ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 Juillet 2024 à 11h28 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Rejeté l' exception de nullité soulevée ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [X] [J] ;
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 13 juillet 2024 à 16h00,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [X] [J] le 15 Juillet 2024 à 10h36 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du Préfet du Tarn, régulièrement convoqué,
Vu la comparution de Monsieur [X] [J], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Wafae EZZAITAB, avocat de Monsieur [X] [J] qui a été entendue en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [X] [J] a reçu notification le 11 juillet 2024 d'un arrêté du Préfet du Tarn du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.
Monsieur [X] [J] a été placé en garde à vue, le 10 juillet 2024, à 16h55, à [Localité 3].
Par arrêté de la même préfecture en date du 11 juillet 2024 et qui lui a été notifié le jour même à 16h00, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 13 juillet 2024, le Préfet du Tarn a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 14 juillet 2024, à 11h28, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [X] [J] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [X] [J] a interjeté appel de cette ordonnance le 15 juillet 2024, à 10h36.
Sur l'audience, Monsieur déclare que :
- toute sa famille est en France, il ne veut pas repartir en Italie et il fera venir sa compagne s'il est éloigné,
- au centre de rétention, c'est difficile, il ne parle pas italien, il ne parle que français,
- il n'a fait que des délits mineurs, il est désormais expulsable mais il a un vécu très long en France,
- le retenu est italien et il a des garanties de représentation,
- il n'a commis que des délits mineurs, il avait un problème d'alcool, il a changé de vie, sa compagne est enceinte,
- Forum lui a conseillé de dire qu'il voulait partir et de se préparer au départ.
Son avocat soutient que :
- aucun moyen de nullité en première instance,
- il a été soulevé une absence de délégation de signature mais la Préfecture a régularisé,
- une absence de diligences suffisantes,
- la compagne du retenu est enceinte, il avait une adresse sur [Localité 6] mais il n'a pas de passeport.
Monsieur le Préfet du Tarn n'est pas représenté.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [X] [J] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [X] [J] soutient l'existence d'une carence de l'administration dans ses diligences et une demande d'assignation à résidence. Ces moyens et demandes sont recevables.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [X] [J] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ.
Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.
En l'espèce, l'administration a procédé à une demande de réadmission en Italie du retenu, le 11 juillet 2024.
Aucun élément du dossier ou du débat à l'audience ne permet d'affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l'état des diligences dont il est ainsi justifié.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations. En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [X] [J] :
Monsieur [X] [J], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, après avoir été éloigné une première fois en direction de l'Italie, le retenu est revenu irrégulièrement sur le territoire national. Il ne présente aucune volonté de respecter la mesure d'éloignement. En conséquence, il convient de rejeter sa demande d'assignation à résidence.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [X] [J] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1], [Localité 2].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 16 Juillet 2024 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [X] [J].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [X] [J], par le Directeur du CRA de [Localité 4],
- Me Wafae EZZAITAB, avocat
,
- M. Le Préfet du Tarn
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention.