Ordonnance n°600
N° RG 24/00629 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JIFS
J.L.D. NIMES
07 juillet 2024
[L]
C/
LE PREFET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE
COUR D'APPEL DE NÃŽMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 09 JUILLET 2024
Nous, Mme Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 06 juin 2024 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 06 juin 2024, notifiée le même jour à 15h10 concernant :
M. [F] [L]
né le 30 Octobre 1978 à [Localité 2]
de nationalité Tunisienne
Vu l'ordonnance en date du 09 juin 2024 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 06 juillet 2024 à 09h46, enregistrée sous le N°RG 24/3134 présentée par M. le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
Vu l'ordonnance rendue le 07 Juillet 2024 à 12h05 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [F] [L] ;
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 07 juillet 2024 à 15h10,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [F] [L] le 08 Juillet 2024 à 11h35 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du Préfet des Alpes-de-Haute-Provence, régulièrement convoqué,
Vu l'assistance de Monsieur [R] [J], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [F] [L], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Claire MASSARDIER, avocat de Monsieur [F] [L] qui a été entendue en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [F] [L] a fait l'objet d'un arrêté de Monsieur le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence en date du 6 juin 2024 emportant obligation de quitter le territoire national français avec interdiction de retour pendant cinq ans, arrêté qui lui a été notifié le même jour.
Le 6 juin 2024, il a été placé en rétention administrative par arrêté de la même Préfecture qui lui a été notifié le jour même, à 15h10.
Sur requête du Préfet, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [F] [L], le 9 juin 2024, ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.
Par requête en date du 6 juillet 2024, le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [F] [L] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 7 juillet 2024, à 12h31, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [F] [L] a interjeté appel de cette ordonnance le 8 juillet 2024, à 11h35.
Sur l'audience, Monsieur [F] [L] déclare que :
- il est venu en France depuis cinq jours alors qu'il vivait en Italie, et il s'apprêtait à rentrer et il parler d'ailleurs mieux l'italien, il travaille en Italie, il a tout dans ce pays, il a un titre de dix ans,
- il a fait exprès de ne pas avoir l'original sur lui car il a déjà perdu dans le passé des documents d'identité,
- ses vacances se sont terminées en garde à vue, et les voisins ont appelé la police, il a été placé au CRA en raison de son OQTF,
- il y a un problème entre l'Italie et la France, raison pour laquelle on ne le renvoie pas en Italie.
Son avocat soutient que:
- le retenu a une CNI italienne en cours de validité (photo sur téléphone), et s'en rapporte pour le surplus.
Monsieur le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence n'est pas représenté.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [F] [L] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, ne restent recevables que le moyen d'irrecevabilité de la requête en prolongation sur laquelle l'ordonnance dont appel a statué et les moyens de fond, même nouveaux en appel. Monsieur [F] [L] soutient que les diligences de l'administration sont insuffisantes et qu'il détient un titre de séjours italien. Ces moyens sont recevables.
SUR LE FOND :
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [F] [L] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus.
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce,le retenu indique être titulaire d'un droit au séjours en Italie. Il produit, via son téléphone, une photographie d'un document en langue italienne. Cette production est insuffisante à établir la réalité des dires du retenu en l'absence de document original remis aux autorités qui ont seules compétences pour en vérifier l'authenticité.
L'administration a saisi les autorités tunisiennes qui a organisé une audition consulaire le 20 juin 2024. Elle a relancé ces autorités le 2 juillet 2024.
La délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage ne peut être délivré que dès lors que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé a été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [F] [L] fondée en droit. En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] [L] :
Monsieur [F] [L], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, comme le rappelle le juge de première instance, le retenu a déjà fait l'objet précédemment de quatre obligations de quitter le territoire national dont il ne justifie pas de l'exécution.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [L] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 09 Juillet 2024 Ã
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à [F] [L], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, Ã :
Monsieur [F] [L], pour notification au CRA,
Me Claire MASSARDIER, avocat,
M. Le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence,
M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES,
M./Mme Le Juge des libertés et de la détention.