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04/07/2024 | FRANCE | N°23/01698

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 04 juillet 2024, 23/01698


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/01698 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2JZ



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE [Localité 6]

23 février 2023



RG :20/00498





[K]



C/



CPAM DU GARD



















Grosse délivrée le 04 JUILLET 2024 à :



- Me ROSENSTEIN

- CPAM GARD










r>COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de [Localité 6] en date du 23 Février 2023, N°20/00498



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01698 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2JZ

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE [Localité 6]

23 février 2023

RG :20/00498

[K]

C/

CPAM DU GARD

Grosse délivrée le 04 JUILLET 2024 à :

- Me ROSENSTEIN

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de [Localité 6] en date du 23 Février 2023, N°20/00498

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Mademoiselle [I] [K]

née le 29 Octobre 2000 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Lucile ROSENSTEIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CPAM DU GARD

Département des Affaires Juridiques

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par M. [J] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par courrier du 14 novembre 2019 reçu le 19 novembre 2019, Mme [I] [K] a adressé à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Gard une demande d'entente préalable concernant une intervention pour une lipo-décongestion à pratiquer en Allemagne.

Par courrier du 24 janvier 2020, la CPAM du Gard a notifié à Mme [I] [K] un refus de prise en charge de ces soins programmés en Allemagne au motif que cette demande porte sur des soins non remboursables par l'assurance maladie française.

Contestant cette décision, par courrier du 17 février 2020 reçu le 25 février 2020, Mme [I] [K] a saisi la Commission de recours amiable (CRA) de la CPAM du Gard, laquelle par décision du 12 mars 2020, a rejeté son recours.

Par requête en date du 10 août 2020, Mme [I] [K] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en contestation de la décision de la CRA, lequel, par jugement du 23 février 2023, a :

- déclaré recevable le refus de prise en charge de l'entente préalable de la maladie présentée par Mme [I] [K],

- dit que la maladie de Mme [I] [K] n'est pas prévue par la réglementation française,

- déclaré conforme à la législation française le refus de prise en charge des soins sollicités par la requérante,

- débouté Mme [I] [K] de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [I] [K] aux dépens.

Par acte du 22 mai 2023, Mme [I] [K] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par courrier recommandé dont l'accusé de réception correspondant mentionne 'destinataire inconnu à l'adresse'. Par courrier du 17 mars 2023, le greffe invitait la CPAM du Gard à procéder par voie de signification.

L'affaire a été fixée à l'audience du 14 mai 2024 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, Mme [I] [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré recevable le refus de prise en charge de l'entente préalable de la maladie qu'elle a présentée,

* dit que sa maladie n'est pas prévue par la règlementation française,

* déclaré conforme à la législation française le refus de prise en charge des soins sollicités par la requérante,

* l'a déboutée de ses demandes plus amples ou contraires,

* l'a condamnée aux entiers dépens,

* et plus généralement en toute disposition, même non visée au dispositif, mais faisant grief à l'appelante,

Statuant à nouveau :

In limine litis ,

- déclarer la notification de la CPAM en date du 29 janvier 2020 irrecevable,

- juger que la notification du refus de prise en charge de la Caisse d'Assurance Maladie a été réalisée hors délai,

- juger que l'accord de prise en charge des opérations sollicitée est réputée accordée, la notification du refus de la Caisse d'Assurance Maladie ayant été réalisée hors délai,

Sur le fond,

- juger que la notification du refus de prise en charge de la Caisse d'Assurance Maladie est dénuée de toute motivation et qu'elle est donc de nul effet,

- juger les articles L.162-1-7 et R.160-2 du code de la sécurité sociale non conformes à la CEDH et à ses protocoles, en ce qu'ils opèrent une discrimination prohibée par l'article 14 de la CEDH, - juger les articles L.162-1-7 et R.160-2 du code de la sécurité sociale non conformes à la CEDH et à ses protocoles, excluant, pour Mme [K] dont la pathologie nécessite une intervention non classée comme remboursable par la CCAM, toute possibilité de prise en charge des services de base (prestations), qui sont des biens au sens de l'article 1 du Protocole additionnel n°1 de la CEDH,

En conséquence :

- écarter l'application des articles L.162-1-7 et R.160-2 du code de la sécurité sociale au présent litige,

- juger l'accord de prise en charge des opérations des 12 mars et 10 juillet 2020 accordées.

Mme [I] [K] soutient que :

- son appel est recevable dans la mesure où elle n'a jamais reçu la notification du jugement puisqu'elle n'était plus domiciliée à l'adresse mentionnée sur la lettre de notification ; la CPAM du Gard n'a pas signifié le jugement, en sorte que la caisse est mal fondée à soulever l'irrecevabilité de son appel,

- le refus opposé par la Caisse d'assurance maladie est irrecevable dans la mesure où ce n'est que le 29 janvier 2020, soit plus de deux mois après avoir envoyé l'entente préalable, que la caisse lui a notifié son refus de prise en charge ; la notification est intervenue hors délai ; aucun texte ne prévoit une dispense de respect du délai de 15 jours prévu à l'article R160-2 II 3° du code de la sécurité sociale ; la question posée à la caisse est précisément de savoir si les soins sont remboursables ou ne le sont pas, le texte prévoyant que la décision de prise en charge ou de refus doit être notifiée 'dans un délai compatible avec le degré d'urgence et de disponibilité des soins envisagés et au plus tard deux semaines après la réception de la demande' ; les premiers juges n'ont pas recherché si la demande d'entente préalable qu'elle avait déposée n'avait pas pour objet la prise en charge d'un acte ne figurant pas sur la NGAP,

- la décision de refus est motivée de façon laconique,

- la décision de refus est mal fondée dans la mesure où l'intervention envisagée était une nécessité pour elle et que le traitement programmé en Allemagne est inaccessible en France,

- les articles L162-1-7 et R160-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas conformes à la convention européenne de sauvegarde de l'homme (CEDH): le droit de propriété, en ce compris les prestations de soins, est garanti par la convention et toute discrimination est également interdite.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la CPAM du Gard demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur,

- au principal, déclarer l'appel de Mme [I] [K] irrecevable au motif de forclusion,

- au subsidiaire, déclarer recevable la notification de refus émise par la CPAM du Gard le 24 janvier 2020,

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 23 février 2023 par le tribunal judiciaire, pôle social de Nîmes,

- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [I] [K].

La CPAM du Gard fait valoir que :

- l'appel de Mme [I] [K] est irrecevable en application de l'article 538 du code de procédure civile,

- les soins dont la prise en charge est demandée par Mme [I] [K], la lipo-décongestion, ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie française ; sa demande ne peut donc pas faire l'objet d'une autorisation ; la jurisprudence produite par l'assurée n'est pas transposable au cas d'espèce, puisque son refus porte sur un défaut d'inscription à la CCAM ( classification commune des actes médicaux) et non pas à la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) ; Mme [I] [K] était parfaitement informée de l'absence de prise en charge de cet acte par la législation française ;

- contrairement à ce que prétend Mme [I] [K], les soins dont la prise en charge est demandée par entente préalable du 19 novembre 2019 n'étant pas remboursable par l'assurance maladie, elle n'était pas soumise au délai de l'article R165-23 du code de la sécurité sociale ; cela résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel de Mme [I] [K] :

L'article 528 du code de procédure civile dispose que le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.

Le délai court même à l'encontre de celui qui notifie.

L'article 538 du même code prévoit que le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.

L'article 670 du même code stipule que la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire.

La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet.

L'article 670-1 du même code énonce que en cas de retour au greffe de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.

L'article 677 du même code prévoit que les jugement sont notifiés aux parties elles-mêmes.

En l'espèce, le jugement entrepris a été notifié à Mme [I] [K] par lettre recommandée avec accusé de réception qui a été retourné au greffe du tribunal judiciaire et qui mentionne : 'destinataire inconnu à l'adresse'.

Par ailleurs, il n'est donc pas établi que le jugement a été signifié à Mme [I] [K], de sorte que la date certaine à laquelle Mme [I] [K] a pris connaissance du jugement n'est pas connue.

Il s'en déduit que l'appel de Mme [I] [K] est recevable.

Sur le refus de prise en charge :

L'article 162-1-7 du code de la sécurité sociale dispose, dans sa version applicable au présent litige, que la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé, en maison de santé ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que, à compter du 1er janvier 2005, d'un exercice salarié dans un établissement de santé, à l'exception des prestations mentionnées à l'article L. 165-1, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. Lorsqu'il s'agit d'actes réalisés en série, ces conditions de prescription peuvent préciser le nombre d'actes au-delà duquel un accord préalable du service du contrôle médical est nécessaire en application de l'article L. 315-2 pour poursuivre à titre exceptionnel la prise en charge, sur le fondement d'un référentiel élaboré par la Haute Autorité de santé ou validé par celle-ci sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

La hiérarchisation des prestations et des actes est établie dans le respect des règles déterminées par des commissions créées pour chacune des professions dont les rapports avec les organismes d'assurance maladie sont régis par une convention mentionnée à l'article L. 162-14-1. Ces commissions, présidées par une personnalité désignée d'un commun accord par leurs membres, sont composées de représentants des syndicats représentatifs des professionnels de santé et de représentants de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Un représentant de l'Etat assiste à leurs travaux.

Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et après avis, le cas échéant, de la Haute Autorité de santé lorsque la décision porte sur l'évaluation du service attendu ou du service rendu d'un acte ou d'une prestation. A la demande du collège, l'avis de la Haute Autorité de santé peut être préparé par la commission spécialisée mentionnée à l'article L. 165-1.

Les décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Le ministre chargé de la santé peut procéder d'office à l'inscription ou à la radiation d'un acte ou d'une prestation pour des raisons de santé publique par arrêté pris après avis de la Haute Autorité de santé. Dans ce cas, il fixe la hiérarchisation de l'acte ou de la prestation dans le respect des règles mentionnées ci-dessus. Les tarifs de ces actes et prestations sont publiés au Journal officiel de la République française.

Tout acte ou prestation nouvellement inscrit fait l'objet d'un examen en vue d'une nouvelle hiérarchisation dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur de la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie mentionnée au troisième alinéa.

L'article R160-1 du même code prévoit que les soins dispensés aux personnes bénéficiaires de la prise en charge des frais de santé au titre des articles L. 160-1 et L. 160-2 et aux personnes qui leur sont rattachées au sens des règlements européens qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles R. 160-2, R. 160-3 et R. 160-3-1.

L'article R160-2 du même code énonce que :

I. - Les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder que sur autorisation préalable au remboursement des frais de soins dispensés aux personnes bénéficiaires de la prise en charge des frais de santé au titre des articles L. 160-1 et L 160-2 et aux personnes qui leur sont rattachées au sens des règlements européens dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, lorsque ces soins:

1° Impliquent le séjour du patient concerné dans un établissement de soins pour au moins une nuit ; ou

2° Nécessitent le recours aux infrastructures ou aux équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux, qui figurent sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.

II. - L'autorisation mentionnée au I ne peut être refusée lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° La prise en charge des soins envisagés est prévue par la réglementation française ;

2° Ces soins sont appropriés à l'état de santé du patient ;

3° Un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité ne peut pas être obtenu en France dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de l'état de santé actuel du patient et de l'évolution probable de son affection.

L'assuré social adresse la demande d'autorisation à sa caisse de rattachement. La décision est prise par le contrôle médical. Elle doit être notifiée dans un délai compatible avec le degré d'urgence et de disponibilité des soins envisagés et au plus tard deux semaines après la réception de la demande de l'intéressé ou, le cas échéant, de la demande de l'institution de l'Etat de résidence. En l'absence de réponse à l'expiration de ce dernier délai, l'autorisation est réputée accordée.

Les décisions de refus sont dûment motivées et susceptibles de recours devant le tribunal de grande instance spécialement désigné compétent. Toutefois, les contestations de ces décisions, lorsqu'elles portent sur l'appréciation faite par le médecin-conseil de l'état du malade, du caractère approprié à son état des soins envisagés ou du caractère identique ou d'un même degré d'efficacité du ou des traitements disponibles en France, sont soumises à expertise médicale dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du présent code.

III. - Ces soins sont soumis aux mêmes règles de remboursement que celles prévues par l'article R. 160-1.

Les soins autres que ceux mentionnés au I du présent article qui sont dispensés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne sont pas soumis à autorisation préalable et sont remboursés aux assurés sociaux dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France, sous réserve que leur prise en charge soit prévue par la réglementation française.

L'article R165-23 du même code énonce que l'arrêté d'inscription peut subordonner la prise en charge de certains produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 à une entente préalable de l'organisme de prise en charge, donnée après avis du médecin-conseil. L'accord de l'organisme est acquis à défaut de réponse dans le délai de quinze jours qui suit la réception de la demande d'entente préalable.

En l'espèce, il résulte des pièces produites au débat par les parties que Mme [I] [K] a déposé une demande d'entente préalable auprès de la CPAM du Gard réceptionnée le 19 novembre 2019 et que le service médical de la caisse a notifié à l'assurée le 29 janvier 2020 un refus de prise en charge de sa demande.

* Sur la recevabilité du refus :

Lorsqu'un acte n'entre pas dans le champ d'application de l'assurance maladie, la demande d'entente préalable est inopérante.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que la lipo-décongestion n'est pas mentionnée par la CCAM.

Mme [I] [K] en était informée dans la mesure où l' 'accord de paiement' qu'elle a signé le 06/09/2019 avec l'établissement qui devait l'accueillir pour son opération, la [5], mentionnait expressément que 'les remboursements des frais par les caisses d'assurance maladie ou toute autre caisse de remboursement sont généralement refusés' ; ce document précise par ailleurs que la tarification envisagée pour cet acte chirurgical se réfère à la griffe tarifaire allemande, le GOA (gebührenordnung für Artze).

La question qui se pose ne porte pas sur l'application de la Nomenclature NGAP qui constitue une classification des actes médicaux du secteur libéral et qui sont remboursés par la la sécurité sociale, mais sur le remboursement ou non d'un acte chirurgical, réalisé en France ou en Allemagne, en sorte que la jurisprudence produite par l'assurée qui se rapporte à la NGAP est inopérante en l'espèce.

Par contre, dans la mesure où l'acte chirurgical visé dans l'entente préalable envoyée par Mme [I] [K] n'entre pas dans le champ d'application de l'assurance maladie, sa demande est inopérante et le délai de quinze jours n'a pas à s'appliquer ; l'assurée ne peut donc pas se prévaloir d'une décision implicite d'accord à compter du 05 décembre 2019, soit dans le délai de quinze jours suivant la réception de sa demande par la CPAM du Gard.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

* Sur la motivation du refus :

L'article R160-2 du code de la sécurité sociale énonce que les décisions de refus doivent être spécialement motivées.

Force est de constater qu'en l'espèce dans sa notification du 29 janvier 2020, la motivation retenue par la caisse n'est ni laconique ni incompréhensible : 'votre demande portant sur des soins non remboursavbles par l'assurance maladie française, ceux-ci ne peuvent pas faire l'objet d'une autorisation et ne sont à ce titre pas soumis au délai de l'article R165-23 du code de la sécurité sociale. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation 'lorsqu'un acte n'entre pas dans le champ d'application de l'assurance maladie, la demande d'entente préalable est inopérante' de sorte que l'assuré ne peut pas se prévaloir d'une autorisation implicite de la Caisse...Par conséquent, même si le refus ci-joint intervient au-delà du délai de 15 jours, celui-ci vous est opposable, les soins demandés n'étant pas du ressort de l'assurance maladie'.

Par ailleurs, la décision de refus du recours gracieux de Mme [I] [K] porté devant la CRA est également motivée : elle mentionne les dispositions législatives et réglementaires applicables, et l'avis rendu par le médecin conseil: 'avis défavorable d'ordre administratif à des soins programmés à l'étranger dans le pays cité ci-dessous car les conditions d'accès et de mise en oeuvre des soins ne sont pas conformes à la législation française' avant de conclure que: 'au vu de l'ensemble des éléments constitutifs du dossier, c'est à juste titre que la commission de recours amiable entend maintenir la décision prise à l'encontre de mademoiselle [I] [K] en date du 29 janvier 2020". Cette motivation doit être mise en perspective avec la décision de refus du 29 janvier 2020 qui était motivée de façon précise.

Le moyen développé par Mme [I] [K] sur ce point est donc inopérant.

* Sur le bien fondé du refus :

Comme indiqué précédemment, l'acte chirurgical envisagé par Mme [I] [K] n'est pas mentionné dans la CCAM et ne pouvait donc pas faire l'objet d'une prise en charge par la CPAM du Gard, sans que soit pour autant remise en cause l'utilité pour l'assurée d'une telle opération ; le fait que sa pathologie soit reconnue par l'[Localité 7] n'a pas d'incidence sur la solution du litige.

Mme [I] [K] justifie que la question de la prise en charge des 'lipo décompressions' pour traiter le lipoedème a été évoquée lors de débats parlementaires et portée devant le Parlement européen.

Si l'article L1110-1 du code de la santé publique prévoit que les organismes d'assurance maladie contribuent à 'développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible', et l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels prévoit que 'les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre', et que l'article 11 de la charte sociale européenne stipule que 'toute personne a le droit de bénéficier de toutes les mesures lui permettant de jouir du meilleur état de santé qu'elle puisse atteindre', il n'en demeure pas moins qu'il n'appartient pas à la juridiction judiciaire d'appel de se substituer aux dits organismes pour apprécier l'opportunité ou non de prendre en charge une pathologie, étant rappelé que conformément à l'article 34 de la Constitution du 04 otobre 1958 'la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale' et que la législation de la sécurité sociale est d'ordre public, en sorte qu'il n'est pas possible d'y déroger.

Mme [I] [K] soutient que les articles L162-1-7 et R160-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas conformes à la CEDH et fait référence à l'article 1 du protocole additionnel n°1 de la dite convention qui porte sur la protection de la propriété.

Mme [I] [K] soutient également que la caisse n'est pas sans ignorer que les articles du titre 1 de la CEDH sont d'applicabilité directe pour les Etats qui y sont parties et rappelle que l'article 14 stipule l'interdiction de toute discrimination.

Sur ce point, il convient de relever que si les instances européennes tendent vers une harmonisation des systèmes de protection sociale de l'ensemble des pays composant l'Union, en direction d'un niveau élevé de protection de la santé humaine, cet objectif n'est pas encore atteint ce jour, malgré des avancées significatives en cette matière pour parvenir à une mise en oeuvre effective des principes repris dans la CEDH, étant rappelé que l'article 114 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne exige de façon expresse que lors de l'accomplissement de l'harmonisation, un niveau élevé de protection de la santé humaine soit garanti, compte tenu notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.

Parmi ces avancées, il convient de relever :

1/ les règlements de coordination(CE) n°883/04 et n°987/09 qui permettent aux personnes assurées de se faire soigner dans un autre pays européen ou de l'Espace Economique Européen (Islande, Liechtenstein et Norvège) ainsi qu'en Suisse, à la charge de leur régime d'affiliation selon des modalités particulières. Ils fixent des règles communes permettant de coordonner les régimes nationaux de sécurité sociale . Le Règlement 883/2004 dispose notamment que :

* une autorisation préalable (formulaire S2 « droit aux soins programmés ») est nécessaire pour la prise en charge de soins programmés dans un autre pays européen, un Etat de l'Espace Economique Européen (Islande, Liechtenstein et Norvège) ou en Suisse comportant au moins 1 nuit d'hospitalisation ou pour les soins lourds figurant sur une liste. Les autres soins programmés sont pris en charge sans autorisation préalable (sauf ceux effectués en Suisse).

* si elle est accordée, la prise en charge s'effectue sur la base des tarifs de l'Etat de séjour. Si l'assuré a fait l'avance des frais et n'a pas demandé le remboursement au pays de séjour, les dépenses engagées seront remboursées par le pays d'affiliation sur la base des tarifs applicables dans l'Etat de séjour ou, sur demande de l'assuré, sur la base des tarifs français de la sécurité sociale dans la limite des frais engagés

2/ la Directive 2011/24/UE du 09 mars 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé tranfrontiers du Parlement européen et Conseil européen, applicable dans les Etats membres depuis le 25 octobre 2013, prévoit notamment le remboursement du patient par l'Etat d'affiliation, au minimum à hauteur de ce qui lui serait remboursé pour des soins identiques pratiqués dans son pays de résidence et à condition qu'ils fassent partie des prestations couvertes dans cet Etat.

Au chapitre III relatif au remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers, il convient de noter plus particulièrement les articles suivants:

- 7 -1: sans préjudice du règlement (CE) n° 883/2004 et sous réserve des dispositions des articles 8 et 9, l'État membre d'affiliation veille à ce que les frais engagés par une personne assurée qui reçoit des soins de santé transfrontaliers soient remboursés, si les soins de santé en question font partie des prestations auxquelles la personne assurée a droit dans l'État membre d'affiliation,

- 7-2 : c'est à l'État membre d'affiliation qu'il revient de déterminer, que ce soit à un niveau local, régional ou national, les soins de santé pour lesquels une personne assurée a droit à la prise en charge correspondante des coûts et le niveau de prise en charge desdits coûts, indépendamment du lieu où les soins de santé sont dispensés.

- 7-4 : les coûts des soins de santé transfrontaliers sont remboursés ou payés directement par l'État membre d'affiliation à hauteur des coûts qu'il aurait pris en charge si ces soins de santé avaient été dispensés sur son territoire, sans que le remboursement excède les coûts réels des soins de santé reçus.

- 8 : 1.L'État membre d'affiliation peut mettre en place un régime d'autorisation préalable pour le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers, conformément au présent article et à l'article 9. Le régime d'autorisation préalable, y compris les critères, l'application de ceux-ci et les décisions individuelles de refus d'autorisation préalable, se limite à ce qui est nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi et ne peut constituer un moyen de discrimination arbitraire ni une entrave injustifiée à la libre circulation des patients.

2. Les soins de santé susceptibles d'être soumis à autorisation préalable sont limités aux soins de santé qui:

a) sont soumis à des impératifs de planification liés à l'objectif de garantir sur le territoire de l'État membre concerné un accès suffisant et permanent à une gamme équilibrée de soins de qualité élevée ou à la volonté d'assurer une maîtrise des coûts et d'éviter autant que possible tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines et:

i) impliquent le séjour du patient concerné à l'hôpital pour au moins une nuit; ou

ii) nécessitent un recours à des infrastructures ou à des équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux;

b) impliquent des traitements exposant le patient ou la popu lation à un risque particulier, ou

c) sont dispensés par un prestataire de soins de santé qui, au cas par cas, pourrait susciter des inquiétudes graves et spécifiques liées à la qualité ou à la sûreté des soins, à l'exception des soins de santé soumis à la législation de l'Union garan tissant un niveau minimal de sûreté et de qualité sur tout le territoire de l'Union.

Ces dispositions permettent ainsi à chaque pays d'affiliation de conserver ses spécificités concernant la prise en charge des soins de santé transfrontaliers, le Parlement et le Conseil rappelant, au titre des attendus, que 'la présente directive respecte et ne porte pas préjudice à la faculté dont dispose chaque État membre de décider quel type de soins de santé est approprié. Aucune de ses dispositions ne devrait être interprétée d'une manière telle qu'elle porte atteinte aux choix éthiques fondamentaux opérés par les États membres.'.

Il s'en déduit qu'il ne peut pas être reproché à la CPAM du Gard d'avoir refusé la demande d'entente préalable litigieuse en se fondant sur les principes et règles du système de protection sociale en vigueur en France, au moment de la demande de Mme [I] [K].

Il n'y a donc pas lieu d'écarter en l'espèce, l'application des articles L162-1-7 et R160-2 du code de la sécurité sociale.

Les moyens ainsi soulevés par Mme [I] [K] sont inopérants.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Juge l'appel interjeté par Mme [I] [K] à l'encontre du jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes le 23 février 2023 recevable,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes, le 23 février 2023,

Y ajoutant,

Déboute Mme [I] [K] de l'intégralité de ses prétentions,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [I] [K] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 23/01698
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.01698 ?
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