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04/07/2024 | FRANCE | N°21/04243

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 04 juillet 2024, 21/04243


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/04243 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IILA







POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

04 novembre 2021



RG :17/00239





[L]





C/



Société [10] STE EXPLOITATION

CPAM DE VAUCLUSE



















Grosse délivrée le 04 JUILLET 2024 à :



- Me LEMAIRE

- [10] STE EXPLOITATI

ON

- CPAM VAUCLUSE











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 04 Novembre 2021, N°17/00239



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Cathe...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04243 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IILA

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

04 novembre 2021

RG :17/00239

[L]

C/

Société [10] STE EXPLOITATION

CPAM DE VAUCLUSE

Grosse délivrée le 04 JUILLET 2024 à :

- Me LEMAIRE

- [10] STE EXPLOITATION

- CPAM VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 04 Novembre 2021, N°17/00239

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [O] [L]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Représentée par Me Louis-alain LEMAIRE, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉES :

Société [10] STE EXPLOITATION

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par M. [J] [S] (Gérant) en vertu d'un pouvoir général

CPAM DE VAUCLUSE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Dispensée de comparution

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [O] [L], employée polyvalente au sein de la S.A.R.L. société d'exploitation de [10], déclare avoir été victime d'un accident le 12 février 2016 alors qu'elle effectuait du rangement dans une remise de l'établissement.

Le certificat médical initial établi le même jour par docteur [M] fait état d'une "fracture L2".

Le 15 février 2016, la société d'exploitation de [10] a souscrit une déclaration d'accident du travail dans laquelle elle indique "lorsque la salariée a récupéré les produits d'entretien, elle a marché sur une plaque de plaquo qui obstruait un trou situé à droite de la pièce et donnant sur la cage d'escalier de secours. Cette dernière a cédé sous son poids".

Par décision du 6 septembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse a pris en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Une enquête sur place a également été diligentée par l'inspection du travail pour infraction à la réglementation sur la sécurité du travail, laquelle a été clôturée le 20 septembre 2016 et a conclu que "le fait de laissé sans protection une trappe située à plus de 4 mètre de hauteur et accessible, constitue une infraction à l'article R. 422-5 du code du travail réprimé par l'article L. 4741-1 du code du travail".

A la lecture du procès-verbal de synthèse établi le 20 septembre 2016 par l'inspection du travail, le ministère public a diligenté une enquête préliminaire pour des faits de mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence.

Par décision du 27 décembre 2017, la CPAM de Vaucluse a fixé à 8% le taux d'incapacité permanente partielle dont est atteinte Mme [O] [L] et a considéré que son état était consolidé au 31 octobre 2017.

Par jugement du 20 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a fixé le taux d'incapacité permanente partielle dont est atteinte Mme [O] [L] à 12%.

En outre, Mme [O] [L] a également sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et la mise en oeuvre, par la CPAM de Vaucluse, de la procédure de conciliation.

Après échec de cette procédure, Mme [O] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Avignon par requête du 7 février 2017.

Par jugement du 4 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :

- déclaré recevable mais non fondée l'action engagée par Mme [O] [L]

- débouté Mme [O] [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur suite à son accident du travail du 12 février 2016, ainsi que toutes ses autres demandes,

- l'a condamnée aux dépens (article 696 du code de procédure civile).

Par acte du 22 novembre 2021, Mme [O] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 17 janvier 2023, la chambre sociale de la cour d'appel de Nîmes a :

- dit que Mme [O] [L] a été victime le 12 février 2016 d'un accident du ,travail dû à la faute inexcusable de la S.A.R.L. exploitation de [10],

- fixé au maximum la majoration de la rente forfaitaire allouée à Mme [O] [L],

- dit que Mme [O] [L] peut prétendre à une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues aux articles L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale,

- ordonné, avant dire droit, une expertise médicale confiée au docteur [T] [Z] (...),

- fixé à la somme de 1 000 euros le montant de la provision à valoir sur la réparation des préjudices concernés par la mesure d'expertise,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse avancera les sommes allouées à Mme [O] [L] au titre de la majoration de la rente, de l'indemnité provisionnelle et de l'indemnisation de ses préjudices ainsi que des frais d'expertise,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 15 novembre 2023 à 14h00,

- dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience,

- débouté pour le surplus,

- déclaré le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse,

- sursis à statuer sur les demandes formées au titre de l'article au titre de l'article700 du code de procédure civile et sur les dépens.

Par avis du 15 novembre 2023, l'examen de l'affaire a été déplacé à l'audience du 13 mars 2024, puis par avis du 23 novembre 2023, à celle du 07 mai 2024.

Le Dr [Z] [T], médecin expert désigné, a déposé son rapport définitif le 08 février 2024, lequel est conclu en ces termes :

' . Accident du travail : 12.02.2016

. Hospitalisation du 12.02.2016 au 17.02.2016

. Souffrances endurées temporaires : 3,5/7

. Souffrances endurées définitives : 2/7

. Préjudice esthétique temporaire du 15.02.2016 au 03.03.2016 : 1/7

. Préjudice esthétique définitif : 0,5/7

. Préjudice d'agrément : néant

. La perte de chance de promotion professionnelle n'existe pas mais il existe une pénibilité pour certains emplois sollicitant trop le rachis lombaire

. Déficit fonctionnel temporaire total 100% du 12.02.2016 au 17.02.2016

. Déficit fonctionnel temporaire partiel 35% du 18.02.2016 au 18.03.2016

. Déficit fonctionnel temporaire partiel 25% du 19.03.2016 au 21.04.2016

. Déficit fonctionnel temporaire partiel 15% du 22.04.2016 au 31.10.2017

. Aide humaine : une heure et trente minutes par jour du 18.02.2016 au 18.03.2016 une heure par jour du 19.03.2016 au 21.04.2016

. Préjudices permanents exceptionnels : néant

. Préjudice d'établissement : néant.'

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, Mme [O] [L] demande à la cour de :

Avant dire droit sur son indemnisation,

- ordonner un complément d'expertise et désigner tel expert médical qu'il plaira à la Cour avec mission d'évaluer son déficit fonctionnel permanent,

- renvoyer l'affaire à une audience utile après dépôt du rapport d'expertise complémentaire,

- condamner la Société [10] à lui verser une provision d'un montant de 10.000,00 euros à valoir sur son indemnisation définitive, somme qui sera avancée par la Caisse Primaire d'assurance maladie.

Infiniment subsidiairement,

- condamner la Société [10] à lui payer, en denier ou quittance, la somme de 18.467,00 euros au titre de son indemnisation complémentaire, somme qui sera avancée par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse,

- condamner la Société [10] à lui payer la somme de 1.500,00 au tire de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Au soutien de ses demandes, Mme [O] [L] fait valoir que :

- suite aux décisions de la Cour de cassation en date du 20 janvier 2023 posant le principe que la rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, elle est fondée à solliciter avant dire droit un complément d'expertise afin de la déterminer,

- dans l'attente du complément d'expertise, elle est fondée à solliciter une provision de 10.000 euros,

- subsidiairement, il conviendra de fixer son indemnisation conformément à ses demandes.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la S.A.R.L. société d'exploitation de [10] demande à la cour de :

- débouter Mme [O] [L] de sa demande d'expertise complémentaire,

- débouter Mme [O] [L] de sa demande de provision complémentaire,

- fixer le montant de l'indemnisation de Mme [O] [L] à 3.504,07 euros et la débouter du surplus de ses demandes.

La S.A.R.L. société d'exploitation de [10] fait valoir que :

- Mme [O] [L] n'a jamais sollicité dans ses conclusions d'appel une demande au titre du déficit fonctionnel permanent et invoque au soutien de sa demande une décision du Conseil constitutionnel de 2010, donc bien antérieure à ses demandes,

- Mme [O] [L] ne peut se plaindre de la longueur de la procédure pour solliciter une provision et par ailleurs solliciter un complément d'expertise qu'elle pouvait présenter dès sa demande initiale,

- l'indemnisation de Mme [O] [L] doit se limiter au plafond de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale soit la majoration du montant de la rente qui lui a été allouée correspondant à 3.504,07 euros.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Vaucluse demande à la cour de :

A titre principal,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour concernant la demande d'expertise complémentaire visant à procéder à l'évaluation du déficit fonctionnel permanent de Mme [O] [L] ;

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour quant au montant de la provision complémentaire à accorder à la victime au titre de la faute inexcusable de l'employeur à laquelle il convient de déduire la somme de 1 000,00 euros déjà versée ;

- dire et juger qu'elle sera tenue de faire l'avance des sommes dues à la victime ;

- au visa de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de lui reverser l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui,

A titre infiniment subsidiaire,

- ramener les sommes réclamées à de justes et raisonnables proportions compte tenu du « référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel » habituellement retenu par les diverses cours d'appel ;

- dire et juger qu'une somme de 8 000,00 euros maximum sera déclarée satisfactoire concernant les souffrances endurées ;

- dire et juger qu'une somme totale de 2 300,00 euros sera déclarée satisfactoire concernant le préjudice esthétique temporaire et définitif ;

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la présente juridiction quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime au titre du déficit fonctionnel temporaire, et de la tierce personne (Aide humaine),

- déduire des sommes allouées l'indemnité provisionnelle de 1 000,00 euros déjà versée à Mme [O] [L] ;

- dire et juger qu'elle sera tenue de faire l'avance des sommes dues à la victime ;

- au visa de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de lui reverser l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui;

- en tout état de cause, elle rappelle toutefois qu'elle ne saurait être tenu à indemniser l'assuré au-delà des obligations mises à sa charge par l'article précité, notamment à lui verser une somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la liquidation des préjudices

Le salarié victime d'un accident du travail bénéficie d'un régime de réparation forfaitaire prévoyant, selon l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, la prise en charge des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime. Le salarié bénéficie également du versement d'indemnités journalières et d'une rente viagère destinée à compenser l'incapacité permanente de travail lorsque celle-ci est supérieure à 10 % (art. L. 434-2 du CSS).

En cas de faute inexcusable, la victime a droit à une indemnisation complémentaire (art. L. 452-1), laquelle prend la forme d'une majoration de la rente forfaitaire (art. L. 452-2), la majoration de la rente étant payée par la caisse qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire (art. L. 452-2 du CSS), ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (art. L. 452-3).

Depuis la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle résultant d'une faute inexcusable de l'employeur peut également demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Les différents postes de préjudices ont été évalués par une expertise judiciaire réalisée par le Dr [T]. Ce rapport d'expertise répond de manière précise, étayée, et dépourvue de toute ambiguïté à la mission confiée.

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice correspond pour la période antérieure à la consolidation, à l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation, et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

La date de consolidation a été fixée par la Caisse Primaire d'assurance maladie au 31 octobre 2017.

L'expert a défini les périodes de déficit fonctionnel ainsi :

- Déficit fonctionnel temporaire total (100%) : du 12.02.2016 au 17.02.2016 soit 6 jours,

- Déficit fonctionnel temporaire partiel :

* à 35 % du 18.02.2016 au 18.03.2016, soit 29 jours

* à 25% du 19.03.2016 au 21.04.2016, soit 34 jours,

* à 15% du 22.04.2016 au 31.10.2017, soit 558 jours

Mme [O] [L] sollicite une indemnisation sur l'ensemble de la période sur une base journalière à taux plein de 30 euros.

L'employeur n'a pas fait valoir d'observations spécifiques sur cette demande sauf à solliciter que l'indemnisation globale de Mme [O] [L] ne dépasse pas la somme de 3.504,07 euros, et la Caisse Primaire d'assurance maladie s'en remet à l'appréciation de la cour sur la somme à allouer à ce titre.

Par suite, Mme [O] [L] sera justement indemnisée de ce chef de préjudice sur une base journalière à taux plein de 25 euros, soit la somme totale de :

100% x (25€ x 6 jours ) + 35% x ( (25€ x 29 jours ) + 25% x (25€ x 34 jours) + 10% x ( 25€ x 558 jours) = 2.011,25 euros

Il sera en conséquence alloué à Mme [O] [L] la somme de 2.011,25 euros en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire.

- Déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent se définit ainsi : « Il s'agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d'indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation.

Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime [...]

Il s'agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime ».

En droit commun de l'indemnisation, le déficit fonctionnel permanent inclut l'ensemble des souffrances physiques et psychiques endurées ainsi que les troubles qui leur sont associées.

La Cour de cassation, par deux arrêts (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et n°21-23.673) a décidé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent en sorte que la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

Mme [O] [L] sollicite au visa de cette jurisprudence que soit ordonné un complément d'expertise afin de déterminer son taux de déficit fonctionnel permanent.

Ce poste de préjudice n'entrait pas dans la mission de l'expert car la décision le désignant a été rendue avant le revirement de jurisprudence.

La Caisse Primaire d'assurance maladie ne s'oppose pas à cette demande et la S.A.R.L. société d'exploitation de [10] la conteste au motif erroné qu'elle est fondée sur une décision du Conseil constitutionnel de 2010.

Il convient donc d'ordonner un complément d'expertise afin d'évaluer le déficit fonctionnel permanent étant précisé que dès lors que la rente servie à la victime indemnise tous les préjudices de nature professionnelle le déficit fonctionnel permanent ne devra concerner que les troubles subis par la victime dans sa sphère privée et personnelle.

- Souffrances physiques et morales

Ce préjudice correspond aux souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et son intimité, et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation, les souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation étant incluses dans le déficit fonctionnel permanent.

L'expert a évalué ce chef de préjudice à 3.5/7 pour les souffrances endurées temporaires en raison de la violence de l'accident, la chirurgie, les séances de kinésithérapie et d'ostéopathie et la composante psychologique et à 2/7 pour les souffrances endurées définitives.

Mme [O] [L] sollicite à ce titre une somme de 7.500 euros pour les souffrances endurées temporaires et de 5.000 pour les souffrances endurées définitives lesquelles seront examinées dans le cadre du complément d'expertise.

L'employeur n'a pas fait valoir d'observations spécifiques sur cette demande sauf à solliciter que l'indemnisation globale de Mme [O] [L] ne dépasse pas la somme de 3.504,07 euros, et la Caisse Primaire d'assurance maladie considère que l'indemnisation ne saurait dépasser 8.000 euros.

Mme [O] [L] sera déboutée de la demande présentée au titre des souffrances endurées postérieurement à la consolidation lesquelles seront examinées dans le cadre du complément d'expertise aux fins de déterminer le déficit fonctionnel permanent et il lui sera alloué la somme de 7.000 euros au titre des souffrances endurées jusqu'à sa consolidation.

- préjudice esthétique

Le préjudice esthétique correspond aux cicatrices, mutilations, boiterie, et autres conséquences de l'accident venant altérer l'apparence physique et l'expression.

L'expertise judiciaire a évalué à 1/7 pour le préjudice temporaire pendant la période du 15.02 au 03.03.2016 du fait du pansement post-opératoire et à 0.5/7 pour le préjudice définitif du fait des cicatrices post opératoires en regard de L2.

Mme [O] [L] sollicite la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice temporaire et 800 euros au titre de son préjudice définitif.

L'employeur n'a pas fait valoir d'observations spécifiques sur cette demande sauf à solliciter que l'indemnisation globale de Mme [O] [L] ne dépasse pas la somme de 3.504,07 euros, et la Caisse Primaire d'assurance maladie considère que l'indemnisation ne saurait dépasser 2.300 euros.

Il sera en conséquence alloué à Mme [O] [L] la somme de 500 euros pour son préjudice temporaire qui n'a duré qu'un mois, et 800 euros au titre de son préjudice définitif.

- Besoin d'assistance par une tierce personne

Ce poste de préjudice correspond à l'aide nécessaire pour accomplir les gestes du quotidien, en raison du handicap. A compter de la date de consolidation, ce préjudice est indemnisé dans les conditions définies par l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale et n'ouvre pas droit à indemnisation complémentaire. Ainsi seul le préjudice avant consolidation peut être indemnisé dans le cadre du présent litige.

L'expert a fixé ce besoin à 1h30 par jour du 18.02.2016 au 18.03.2016, soit pendant 29 jours ; et à 1h par jour du 19.03.2016 au 21.04.2016 soit pendant 33 jours, ce qui représente un total de 76,5 heures.

Mme [O] [L] sollicite une indemnisation sur une base horaire de 18 euros pendant 74,5 heures, soit la somme de 1.341 euros qui lui sera allouée étant rappelé que l'employeur n'a pas fait valoir d'observations spécifiques sur cette demande sauf à solliciter que l'indemnisation globale de Mme [O] [L] ne dépasse pas la somme de 3.504,07 euros, et que la Caisse Primaire d'assurance maladie s'en remet à l'appréciation de la cour sur la somme à allouer à ce titre.

Le préjudice étant partiellement liquidé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de provision présentée par Mme [O] [L].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Avant dire droit sur l'évaluation du déficit fonctionnel permanent,

Ordonne un complément d'expertise et désigne le Dr [Z] [T] - [Adresse 2] - Centre médical [11] - [Localité 7] - Tél: [XXXXXXXX01] - mèl : [Courriel 9] avec pour mission de :

- déterminer le déficit fonctionnel permanent de Mme [O] [L], étant précisé que le déficit fonctionnel permanent ne doit pas tenir compte de l'incidence professionnelle et étant rappelé que ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel de la victime résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales,

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions de l'article 232 et 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, qu'il pourra en particulier recueillir les déclarations de toutes personnes informées, en présence des parties ou elles dûment convoquées, en leurs observations et explications et y répondre,

Dit que l'expert se fera remettre tous documents, recueillera toutes informations et procédera à toutes constatations de nature à éclairer les questions à examiner,

Fixe à 400 euros le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée au plus tard le 1er octobre 2024, par la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et transmise par chèque libellé à l'ordre du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Nîmes 

Dit que l'expert déposera son rapport dans les quatre mois de sa saisine au greffe de la Cour d'appel de Nîmes et en transmettra copie à chacune des parties,

Désigne M. Rouquette-Dugaret président ou son délégataire en qualité de magistrat chargé du contrôle de l'expertise,

Sur le fond,

Vu l'arrêt en date du 17 janvier 2023,

Déboute Mme [O] [L] de sa demande de provision,

Fixe l'indemnisation des préjudices de Mme [O] [L] suite à son accident du travail en date du 12 février 2016 de la manière suivante :

* 2.011,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 7.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

* 800 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

Rappelle qu'il convient de déduire de ces sommes la provision de 1.000 euros allouée par l'arrêt du 17 janvier 2023,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse,

Condamne la S.A.R.L. société d'exploitation de [10] à rembourser à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse le coût de l'expertise judiciaire, soit la somme de 821,87 euros, ( ordonnance de taxe du 9 février 2024)

Rappelle que la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse procédera à l'avance des sommes ainsi allouées à Mme [O] [L] , et en récupérera le montant auprès de l'employeur

Sursoit à statuer sur la demande relative à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,

Renvoie l'affaire pour l'examen de ces demandes à l'audience du 14 janvier 2025 à 14h00,

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/04243
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.04243 ?
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