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28/06/2024 | FRANCE | N°23/03240

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 28 juin 2024, 23/03240


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 23/03240 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I7A2



AV



COUR D'APPEL DE NIMES

09 novembre 2022 RG :20/03468



S.A.R.L. GESDIFET



C/



S.C. MONKEUR







































Grosse délivrée

le 28 JUIN 2024

à

Me Romain FLOUTIER
r>Me Jean-pascal PELLEGRIN









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 28 JUIN 2024





Décision déférée à la Cour : Arrêt du Cour d'Appel de NIMES en date du 09 Novembre 2022, N°20/03468



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/03240 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I7A2

AV

COUR D'APPEL DE NIMES

09 novembre 2022 RG :20/03468

S.A.R.L. GESDIFET

C/

S.C. MONKEUR

Grosse délivrée

le 28 JUIN 2024

à

Me Romain FLOUTIER

Me Jean-pascal PELLEGRIN

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 28 JUIN 2024

Décision déférée à la Cour : Arrêt du Cour d'Appel de NIMES en date du 09 Novembre 2022, N°20/03468

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Christine CODOL, Présidente de Chambre

Claire OUGIER, Conseillère

Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Juin 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. GESDIFET SARL immatriculée au RCS N° 439.859.786 et prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social.

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.C. MONKEUR Société Civile immmobilière au capital de 1000 € immatriculée au RCS N° 507.472.546, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Mai 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 28 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 24 décembre 2020 par la SARL Gesdifet à l'encontre du jugement prononcé le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes, dans l'instance n°20/02184,

Vu l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de Nîmes qui a notamment réformé partiellement le jugement du 17 décembre 2020 et ordonné une mesure d'expertise judiciaire,

Vu le sursis à statuer ordonné le 2 février 2023 par le magistrat de la mise en état jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

Vu le dépôt du 5 juin 2023 de son rapport par l'expert judiciaire,

Vu la déclaration de saisine du 17 octobre 2023 effectuée par la S.A.R.L. Gesdifet ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 février 2024 par la S.A.R.L. Gesdifet, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 15 avril 2024 par la S.C. Monkeur, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l'ordonnance du 25 octobre 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 10 mai 2024,

La SARL Gesdifet (le preneur) vient aux droits de la société [...] dont elle a acquis le droit au bail, par acte notarié du 22 décembre 2016. Cette société cédante était titulaire d'un bail notarié à usage commercial du 24 décembre 2008, ayant pris effet le 1er janvier 2009, portant sur un local dans un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 1] (30).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 2017, le preneur a demandé au bailleur de procéder au remplacement de l'installation de chauffage et de climatisation défectueuse.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juin 2017, le bailleur a répondu que le remplacement de l'installation de chauffage était la charge du locataire.

Par acte d'huissier du 6 novembre 2017, le preneur a assigné le bailleur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de suspension du paiement des loyers, à titre principal, ou aux fins de leur consignation, à titre subsidiaire.

Suivant arrêt en date du 25 octobre 2018, la cour d'appel de Nîmes a infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes du 21 mars 2018 qui avait autorisé le preneur à consigner le montant des loyers pendant une durée d'une année.

Suivant ordonnance du 24 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes a débouté le preneur de sa demande d'expertise judiciaire afin, notamment, d'établir la réalité du non-fonctionnement du système chauffage et de climatisation.

Par acte d'huissier du 28 avril 2020, le preneur a assigné le bailleur devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins notamment, à titre principal, de le voir condamner à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation, sous astreinte, ainsi que les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, et, à titre subsidiaire, voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'établir si les travaux de réfection sont de nature à porter atteinte à la structure de l'immeuble et si les désordres sont imputables à la vétusté de l'immeuble et du système de chauffage et de climatisation.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes a notamment :

-rejeté la demande principale de condamnation à réaliser des travaux sous astreinte,

-ordonné une mesure d'expertise judiciaire,

-rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

-réservé les dépens de l'instance.

Le 24 décembre 2020, le preneur a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu'elle a rejeté sa demande principale de condamnation du bailleur à réaliser les travaux sous astreinte, ordonné une expertise, commis pour y procéder Monsieur [O] [M], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Nîmes, avec sa mission complète, rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens de l'instance.

Par arrêt du 9 novembre 2022, la cour d'appel a:

« Infirmé le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Gesdifet de sa demande principale de condamnation à réaliser des travaux de réfection du système de chauffage climatisation et des travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, sous astreinte,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamné la SCI Monkeur à réaliser les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une durée de trois mois,

Constatant la caducité de la mesure d'expertise judiciaire ordonnée,

Avant dire droit, sur la demande de condamnation de la SCI Monkeur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage climatisation

Ordonné une mesure d'expertise,

Commis pour y procéder Monsieur [M] [O] avec pour mission de:

- Convoquer les parties et leurs conseils

- Se rendre sur les lieux donnés à bail à la SARL Gesdifet situés [Adresse 3] à [Localité 1]

- Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres

- Examiner le système de chauffage et de climatisation

- Dans la mesure du possible, indiquer la date du système de chauffage et de climatisation et préciser notamment s'il a été mis en place, lors de la construction du bâtiment, ou à une époque ultérieure

- Décrire les désordres, en indiquer la nature, l'étendue, l'importance et en rechercher la cause,

- Préciser la date d'apparition des désordres dans toutes leurs composantes, leur ampleur et leurs conséquences ;

- Préciser de façon motivée si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropre à sa destination ; dans le cas où ces désordres constitueraient des dommages affectant l'ouvrage dans un de ses éléments d'équipement sans rendre l'immeuble impropre à sa destination, dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos ou couvert

- Dans l'affirmative, préciser si ces désordres affectent la solidité du système de chauffage et de climatisation ou son bon fonctionnement,

- Dire si les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation intégré à l'immeuble sont de nature à porter atteinte à la structure de l'immeuble,

- Donner tous éléments motivés sur les causes et origines des désordres dont il s'agit en précisant s'ils sont imputables au bailleur,

- Dire si l'origine des désordres est imputable à la vétusté de l'immeuble et du système de chauffage et de climatisation,

- Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer le coût des travaux à mettre en 'uvre

- Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres et non conformités contractuelles, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état

- Dire si des travaux urgents sont nécessaires, soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible

- Faire toutes observations utiles au règlement du litige

Sursis à statuer sur la demande de condamnation de la SCI Monkeur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage climatisation

Réservé les dépens et les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Suite au dépôt en date du 5 juin 2023 de son rapport par l'expert judiciaire, la S.A.R.L. Gesdifet a saisi la cour, par déclaration de saisine du 17 octobre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour,au visa des articles 606, 1719, 1720 et 1755 du code civil, de :

« Recevant l'appel interjeté par la SARL Gesdifet à l'encontre du jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes,

Le disant bienfondé,

Réformer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que les travaux de remise en état de l'installation de chauffage et de climatisation sont occasionnés par la vétusté ;

Dire et juger que les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation affectent la structure de l'immeuble dans la mesure où ils nécessiteront de lourdes interventions sur la toiture et le plafond ;

Dire et juger que les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation sont à la charge exclusive de la SCI Monkeur, bailleresse de la SARL Gesdifet, suivant acte authentique en date du 24 décembre 2008 ;

Condamner la SCI Monkeur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux pris à bail par la SARL Gesdifet suivant acte authentique en date du 24 décembre 2008, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire [M], suite au dépôt de son rapport du 31 mai 2023, et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à savoir notamment :

' Remplacement à l'identique de la pompe à chaleur Air/Air installée en toiture par une machine chargée en gaz frigorifique de type 410A ou plus récent, d'un poids total inférieur à 900 kg et à raccorder sur les gaines de traitement d'air de soufflage et de reprise du magasin ;

' Remplacement du disjoncteur de protection du câble d'alimentation, la finalisation de l'étanchéité en toiture au niveau de la souche de réception de la PAC, l'installation de l'interface de gestion de la régulation de la nouvelle machine en lieu et place de l'ancienne installation ;

En tout état de cause,

Condamner la SCI Monkeur à garantir le bon fonctionnement du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux donnés à bail à la SARL GESDIFET,

Débouter la SCI Monkeur de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la SCI Monkeur à porter et payer à la SARL Gesdifet la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire. ».

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que les trappes de sécurité ont été réparées par le bailleur et que seule subsiste la problématique relative à l'installation de chauffage et de climatisation qui ne fonctionne plus depuis l'été 2017. Bien que la mention figure dans l'acte notarié de cession du droit au bail du 22 décembre 2016, aucun état des lieux n'a été remis à l'appelante qui y est entrée le 1er janvier 2017. Les lieux n'étaient plus exploités par le précédent locataire en liquidation judiciaire. Elle n'a jamais accepté la vétusté, de même que la défaillance du système de chauffage et de climatisation qu'elle n'a pu constater avant son entrée dans les lieux. Le système est présent depuis l'origine de la création de l'immeuble et de la zone dite 'ville active', il y a plus de trente ans. L'expert judiciaire a confirmé que l'installation n'était pas en mesure de fonctionner en 2017. Le caractère irréparable de la pompe à chaleur rend le magasin impropre à sa destination. Aucune clause contractuelle ne saurait décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose louée définie au bail et de ses accessoires indispensables à une utilisation normale. La sanction est la remise en état à la charge du bailleur.

L'appelante indique que le prix de cession du droit au bail n'a rien à voir avec le système de chauffage et de climatisation. Les travaux de réfection atteindront la structure de l'immeuble dans la mesure où ils nécessiteront de lourdes interventions sur la toiture et le plafond. L'expert indique que, bien que dissociable, la pompe à chaleur est constitutive de la toiture dans la mesure où elle participe à son étanchéité. Les travaux préconisés par l'expert nécessiteront l'intervention d'une grue et la finalisation de l'étanchéité en toiture au niveau de la souche de réception de la pompe à chaleur. Il s'agit de grosses réparations qui affectent la toiture et donc le gros oeuvre. Le système de climatisation est inaccessible pour de la simple maintenance. Le bail renouvelé le 1er avril 2023 est soumis à la loi Pinel qui prévoit que le bail commercial ne peut plus faire peser sur le preneur les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil et ce, même si elles sont occasionnées par la vétusté ou la force majeure. De plus fort, les travaux de mise aux normes sont à la charge du bailleur. En l'occurrence, il faut remplacer la pompe à chaleur pour supprimer le gaz R22 et se mettre en conformité avec la réglementation. Le preneur n'est pas tenu des réparations locatives rendues nécessaires par la vétusté, en l'absence de stipulation expresse.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimée demande à la cour,au visa de l'article 606 du code civil, et de l'article R. 145-35 du code de commerce, de :

« - Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Gesdifet de sa demande aux fins de condamnation de la SCI Monkeur à exécuter des travaux ;

- Débouter la SARL Gesdifet de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer que la charge des travaux incombe à la SCI Monkeur,

Accorder à la SCI Monkeur un délai de huit mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, pour procéder aux travaux préconisés par l'expert,

Autoriser la SCI Monkeur à faire intervenir l'entreprise de son choix au coût qu'elle jugera le meilleur.

En tout état de cause :

- Prendre acte de la renonciation de la SARL Gesdifet à ses demandes au titre de la trappe de désenfumage,

- Condamner la SARL Gesdifet à payer à la SCI Monkeur la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SARL Gesdifet aux dépens de première instance et d'appel.»

L'intimée réplique que la réfection du système de chauffage et de climatisation ne rentre pas dans la catégorie des grosses réparations qui intéressent la structure et la solidité générale de l'immeuble. L'article R.145-35 du code de commerce n'impose au bailleur de prendre en charge le coût des travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation qu'à la condition que ces travaux relèvent des grosses réparations. Il ressort des conclusions de l'expert judiciaire que les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et que la pompe à chaleur est très facilement dissociable de la toiture en enlevant une douzaine de vis. Les travaux de réfection ne peuvent en aucune manière porter atteinte à la structure de l'immeuble. Il ne s'agit donc pas de grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil. L'aggravation de la vétusté est imputable aux preneurs ayant précédé la SARL Gesdifet qui n'ont pas réalisé d'entretien et de maintenance. Cette dernière ne pouvait ignorer l'état des installations lors de l'achat du droit au bail et c'est probablement la vétusté qui l'a conduite à faire accepter une proposition d'achat du droit au bail commercial de 30 000 euros. Les dispositions de l'article R.145-35 2° du code de commerce n'imposent au bailleur de prendre en charge le coût des travaux ayant pour objet de mettre en conformité avec la réglementation qu'à la condition qu'ils relèvent des grosses réparations. Ensuite, le bail prévoit, par dérogation à l'article 1719 du code civil, que le preneur aurait la charge exclusive des travaux prescrits par l'autorité administrative.

A titre subsidiaire, l'intimée indique que c'est sans mauvaise foi et sûre de son fait, notamment en raison des premières décisions judiciaires, qu'elle n'a pas effectué les travaux. Elle a besoin d'un délai raisonnable de huit mois pour y procéder.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la charge des travaux de remise en état

En l'espèce, l'expertise judiciaire ordonnée le 9 novembre 2022 a permis d'établir que la pompe à chaleur défaillante avait été posée en toiture de l'immeuble donné à bail, lors de la construction du bâtiment, et que l'installation de chauffage et de climatisation faisait donc bien partie des éléments équipant les lieux, dès l'origine.

Aux termes de l'article 606 du code civil les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Cette liste est limitative (3e Civ., 27 novembre 2002, pourvoi n° 01-12.816).

Le bail liant les parties met à la charge du bailleur les réparations afférentes aux gros murs et voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations grosses ou menues, seront à la seul charge du preneur, notamment les réfections et remplacements des devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture. Le preneur devra maintenir en parfait état de fraîcheur les peintures intérieures et extérieures.

L'expert judiciaire a constaté que la pompe à chaleur était constitutive de la toiture dans le sens où elle participait à son étanchéité mais qu'elle en était très facilement dissociable ; qu'en effet, il suffisait de désolidariser la pompe à chaleur des gaines de soufflage et de reprise en dévissant plusieurs vis (quelques dizaines environ) pour ensuite pouvoir la soulever avec une grue, sans pour cela intervenir sur la structure porteuse; qu'il suffisait ensuite de reposer une autre machine avec vraisemblablement quelques adaptations dimensionnelles du châssis de la machine, ou d'étancher la réservation de dimensions 175X190 cm. Ainsi, l'expert judiciaire a conclu que l'ouvrage constitué par la pompe à chaleur air/air installée en toiture terrasse collective mais ne desservant que les locaux de vente du preneur ne faisait pas indissociablement corps avec les ouvrages d'ossature, de clos ou de couvert, encore moins avec les ouvrages de viabilité et de fondation ; qu'en effet, la pompe à chaleur était posée sur un ouvrage étanché et relié par vissage au réseau de gaines de soufflage et de reprise installé en plafond du magasin ; qu'il suffisait de désolidariser les gaines de traitement d'air de la pompe à chaleur, de déboulonner les fixations qui la maintiennent à la structure du bâtiment pour la lever et la déposer à l'aide d'une grue; qu'il serait ensuite possible de la remplacer par une autre ou de refermer la trémie afin d'assurer son étanchéité et son isolation thermique.

Dès lors, il est établi que le système de chauffage/climatisation qui n'est qu'un élément d'équipement peut être réparé sans porter atteinte à la structure et à la solidité même de l'immeuble et, quand bien même cette réfection présente un coût élevé puisqu'elle implique l'utilisation d'une grue, elle ne constitue pas une grosse réparation au sens de l'article 606 du code civil.

Le bailleur a rempli son obligation de délivrance dans la mesure où, lors de la signature du bail litigieux du 24 décembre 2008, ayant pris effet le 1er janvier 2009, les locaux étaient équipés d'un système de chauffage et de climatisation en état de fonctionnement qui permettait leur utilisation conforme à leur destination.

L'article 1720 du code civil ne met à la charge du bailleur, pendant la durée du bail, que les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

Toutefois, l'article 1755 dispose qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

Le bailleur fait observer que l'article R.145-35 2° du code de commerce, issu du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, interdit d'imputer au locataire les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Ces dispositions visent à restreindre la liberté contractuelle et à mettre fin aux clauses d'exonération du bailleur lorsque les travaux dus à la vétusté relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil. Elles n'ont cependant pas vocation à s'appliquer en l'espèce, dès lors qu'aucune clause du bail concerné ne prévoit que le preneur supporte les travaux liés à la vétusté.

Par conséquent, le bailleur est tenu de procéder aux réparations locatives dès lors que la vétusté en est à l'origine.

Le fait que le preneur accepte de prendre les locaux dans l'état où ils se trouvent ne remet pas en cause l'obligation d'entretien qui pèse sur le bailleur en cours de bail (Civ 3, 17 décembre 2002 n 00-16.624).

Il n'est nullement démontré que le prix d'achat de 30 000 euros du droit au bail commercial auprès d'une société en liquidation judiciaire ait été négocié en considération des travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation alors que les locaux n'étaient plus occupés depuis la cessation d'activité du preneur antérieur, qu'il n'a pas été remis à la société Gesdifet d'état des lieux mentionnant la défaillance de la pompe à chaleur et qu'il n'est pas établi qu'elle en ait eu connaissance avant le démarrage de son activité en janvier 2017 dans les locaux donnés à bail.

La société Gesdifet n'a donc pas renoncé expressément à exercer tout recours à l'encontre du bailleur afin qu'il exécute ses obligations et n'a pas accepté sans équivoque de remédier en ses lieu et place à la défaillance du système de chauffage et de climatisation.

L'expert judiciaire a déterminé que l'incapacité de la pompe à chaleur à produire du chaud et du froid était d'abord directement imputable à l'ancienneté de l'appareil installé en 1989 et dont la durée de vie est habituellement comprise entre 20 et 25 années, avec une réduction significative de la puissance et donc du rendement à compter de la vingtième année par usure des pièces en rotation du compresseur.

Il s'en suit que le défaut d'entretien des preneurs ayant précédé la société Gedisfet n'est pas la cause de la défaillance de l'appareil qui aurait du, en tout état de cause, être remplacé dans les années 2010-2015, en raison de sa vétusté, quand bien même les utilisateurs en auraient assuré régulièrement la maintenance.

Par conséquence, il convient de condamner le bailleur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux donnés à bail par la SARL Gesdifet, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, à savoir notamment :

' Remplacement à l'identique de la pompe à chaleur Air/Air installée en toiture par une machine chargée en gaz frigorifique de type 410A ou plus récent, d'un poids total inférieur à 900 kg et à raccorder sur les gaines de traitement d'air de soufflage et de reprise du magasin ;

' Remplacement du disjoncteur de protection du câble d'alimentation, la finalisation de l'étanchéité en toiture au niveau de la souche de réception de la PAC, l'installation de l'interface de gestion de la régulation de la nouvelle machine en lieu et place de l'ancienne installation.

Eu égard à la nature et à l'ampleur des travaux à effectuer ainsi qu'à la nécessité d'obtenir plusieurs devis préalables, il convient d'accorder au bailleur un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt pour s'exécuter ; le prononcé d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard apparaît nécessaire pour assurer l'effectivité de l'injonction de faire.

Le bailleur sera autorisé à mandater l'entreprise de son choix au coût qu'il jugera le meilleur.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du preneur de garantie par le bailleur du bon fonctionnement du système de chauffage et de climatisation qui n'est pas fondée juridiquement, dans la mesure où le bailleur n'est pas lié par un contrat d'entreprise avec le preneur.

2) Sur les frais du procès

Le bailleur qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du preneur et de lui allouer une indemnité de 5 000 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant des chefs infirmés, par l'arrêt du 9 novembre 2022, du jugement du 17 décembre 2020 sur lesquels il a été sursis à statuer,

Condamne la SCI Monkeur à réaliser, à ses frais, les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux donnés à bail par la SARL Gesdifet, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire [M], suite au dépôt du 5 juin 2023 de son rapport daté du 31 mai 2023, à savoir notamment :

' Remplacement à l'identique de la pompe à chaleur Air/Air installée en toiture par une machine chargée en gaz frigorifique de type 410A ou plus récent, d'un poids total inférieur à 900 kg et à raccorder sur les gaines de traitement d'air de soufflage et de reprise du magasin ;

' Remplacement du disjoncteur de protection du câble d'alimentation, la finalisation de l'étanchéité en toiture au niveau de la souche de réception de la PAC, l'installation de l'interface de gestion de la régulation de la nouvelle machine en lieu et place de l'ancienne installation;

Dit que, passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, l'injonction de faire sera assortie d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard,

Autorise la SCI Monkeur à mandater l'entreprise de son choix au coût qu'elle jugera le meilleur,

Déboute la SARL Gesdifet de sa demande de garantie par le bailleur du bon fonctionnement du système de chauffage et de climatisation,

Donne acte à la SARL Gesdifet de sa renonciation à ses demandes au titre de la trappe de désenfumage,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Monkeur aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire,

Condamne la SCI Monkeur à payer à la SARL Gesdifet une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par le greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/03240
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;23.03240 ?
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